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4.4 Synthèse des résultats

5.1.2 Contextes favorables et prédispositions des participants

Le portrait brossé précédemment dans le cadre de la présentation des résultats expose une vision à nuancer de la façon dont les parties prenantes perçoivent l’évaluation crédible. Les expériences évaluatives auxquelles ont pris part les participants interrogés semblent essentiellement être de nature positive. Il s’avère difficile d’effectuer une comparaison avec des expériences évaluatives qui ont pu être plus problématiques, négatives, tel qu’envisagé préalablement au niveau méthodologique. Il est compréhensible que les parties prenantes sollicitées ayant vécu des démarches d’évaluation à caractère plus négatif n’aient pas éprouvé l’envie de prendre part à une entrevue visant à recueillir leur perception quant à l’évaluation, activité qu’elles peuvent associer à un souvenir peu heureux.

Il faut aussi convenir que les participants ayant répondu à l’appel peuvent, de par leur nature ou personnalité, avoir un intérêt plus marqué envers l’évaluation et être possiblement plus enclins à adhérer à un exercice évaluatif. Avec ce type de prédisposition à participer à une démarche évaluative, il peut s’avérer plus aisé de mettre en place le processus, écartant les résistances observées chez certaines parties prenantes plus réfractaires à l’évaluation.

Plusieurs gestionnaires interrogés ont aussi mentionné avoir assisté à différentes formations ou séminaires afin de développer leurs connaissances en matière d’évaluation. Cette volonté d’acquérir des outils en lien avec l’évaluation peut-elle être l’indicateur d’un intérêt plus marqué envers la pratique évaluative, ce qui laisserait présager une certaine prédisposition favorable à l’évaluation chez ces derniers? Peut-être se sentaient-ils plus confiants de prendre part à un entretien traitant de la question évaluative étant donné leurs connaissances en la matière

bonifiées? Au passage, il importe de reconnaitre ici que la nature de ces formations, de par l’approche qu’elles empruntaient et de par le contenu qu’elles dispensaient, peut aussi avoir une influence sur la définition de l’évaluation crédible qui émerge des résultats de recherche (par exemple, si un nombre considérable de participants interrogés ont pris part aux mêmes séances de formation).

Quoi qu’il en soi, dans l’interprétation des résultats, il importe de considérer le fait que la définition de l’évaluation crédible proposée demeure teintée de l’aura d’expériences évaluatives plutôt positives et de certaines prédispositions favorables à l’évaluation. Cette définition met ainsi en exergue des facteurs d’influence de la crédibilité en évaluation qui sont susceptibles d’être présents dans certains contextes spécifiques, plus propices à la conduite d’une évaluation. Cela comporte inévitablement des implications au niveau de la portée des résultats.

Comme le soulignent Chouinard et Milley (2016), le contexte demeure un phénomène complexe, mettant en scène différents aspects relationnels et sociaux et obtenant une incidence importante sur la définition des paramètres du processus évaluatif. L’évaluation se déploie dans un contexte déterminé et, à son tour, le contexte en question se module au travers l’évaluation déployée. Il s’agit là de deux aspects intimement liés (Chouinard et Milley, 2016); le processus évaluatif et le contexte évoluent en se coconstruisant mutuellement (Dahler-Larsen et Schwandt, 2012). Pour Chouinard et Milley (2016), la notion de contexte va au-delà de la considération des caractéristiques locales propres au milieu et au programme évalué; elle fait également référence à la présence d’un espace dynamique et politisé, construit de relations et d’interconnexions entre l’évaluateur et les parties prenantes, lequel influence et module le processus participatif de l’évaluation. Les auteurs mettent en exergue cinq dimensions afin de définir cet espace contextuel : 1) la dimension épistémique, selon laquelle la connaissance émerge d’une construction

sociale conjointe entre l’évaluateur et les parties prenantes et demeure le reflet du positionnement des acteurs; 2) la dimension temporelle, qui met de l’avant l’idée d’un processus de construction continuel et fluide, où les acteurs sont en mouvance; 3) la dimension culturelle, qui comprend notamment l’historique du programme et du milieu ainsi que l’influence de l’évaluateur et de l’approche méthodologique; 4) la dimension économique et organisationnelle qui fait référence aux exigences imposées par les bailleurs de fonds relativement au programme et à son évaluation, et finalement; 5) la dimension politique, mettant en évidence l’omniprésence des connexions qui unissent le volet politique et l’évaluation, entre autres en termes de prises de décisions et de relations entre les acteurs (Chouinard et Milley, 2016). Ces dimensions contextuelles trouvent un grand écho au sein des résultats de la recherche. Elles permettent entre autres de corroborer la nature dynamique du processus, tout en reconnaissant l’incidence des enjeux relationnels et organisationnels. Cela entre également en cohérence avec les résultats de Taut et Alkin (2003), stipulant que certains facteurs contextuels, incluant notamment les structures politiques, décisionnelles et organisationnelles, ont une influence sur l’implantation adéquate d’une démarche évaluative.

Théoriciens et praticiens reconnaissent unanimement l’influence du contexte en évaluation; celle-ci n’est plus à prouver et va bien au-delà des paramètres de l’évaluation. Les présents résultats mettent en évidence la présence de certaines dimensions essentielles à l’évaluation crédible, notamment en lien avec l’approche de coconstruction attendue par les parties prenantes, rendue possible grâce aux interactions entre les divers acteurs en présence. Ces interactions se réalisent dans la quête d’un consensus, de l’atteinte d’une zone où les acteurs consentent à leur positionnement et aux décisions prises. Nombreux sont les évaluateurs qui ont toutefois à jongler avec des contextes évaluatifs au sein desquels le climat déjà en

place ne permet pas le déploiement d’un tel dialogue entre les acteurs, comme dans le cas d’évaluations touchant des sujets très politiques, par exemple. En présence de tels contextes, l’évaluation peut alors alimenter les tensions déjà présentes et se dérouler dans un environnement plutôt hostile, parfois caractérisé par une opposition claire de certains groupes. Quelles sont les conséquences d’un refus des parties prenantes à participer à l’évaluation en début de processus? Qu’en est-il lorsqu’une évaluation s’inscrit dans un contexte déjà fortement politisé et où les interactions entre les parties prenantes ne peuvent être au rendez-vous, où elles sont court-circuitées? Dans pareilles situations, les parties prenantes n’apparaissent pas favorables à l’évaluation et prédisposées à engranger un dialogue. Entretiennent-elles les mêmes attentes relativement à l’évaluation, notamment en lien avec son utilité, tel qu’il a été le cas pour les participants interrogés? Est-il possible que ces parties prenantes perçoivent d’emblée l’utilité de l’évaluation comme étant vaine, voire comme étant potentiellement nuisible? Comment est accueilli le rôle de l’évaluateur et quelles sont leurs attentes face à son travail? Ont-elles un regard plus critique quant à la méthodologie évaluative? Qui plus est, la crédibilité aux yeux de certaines parties prenantes est-elle un état possible à atteindre dans ce genre de contextes où l’espace participatif, tel que le nomment Chouinard et Milley (2016), ne peut être créé et où une approche collaborative et dialogique n’est tout simplement pas une option?

Ces questionnements trouvent indubitablement leur pertinence pour la communauté évaluative amenée à pratiquer au sein de contextes caractérisés par leur diversité et par leur hétérogénéité au niveau des parties prenantes. Il est fort probable que les dimensions d’influence de la crédibilité perçues par les parties prenantes issues de contextes plus hostiles seraient marquées par une grande disparité avec celles des participants à l’étude. Les présents résultats trouvent une application dans les

contextes où la présence de prédispositions favorables à l’évaluation peut être observée; le lecteur doit en être bien conscient dans son interprétation des résultats.