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1.2.1. Où en sommes-nous dans la compréhension des ondes régionales ?

De nombreuses études ont aujourd’hui été réalisées dans le but de comprendre et d’interpréter l’ensemble des phases présentes sur les sismogrammes régionaux. Les phases classiquement enregistrées sont les phases Pn, Pg, Sn, Sg, et Lg.. Ces phases constituent ce que nous appellerons le champ d’onde primaire. Elles sont diffractées et réfractées par les différentes hétérogénéités qu’elles rencontrent le long de leurs chemins de propagation et forment ainsi les phases secondaires ou la coda du sismogramme. La figure Fig. 1-12 représente l’enregistrement du séisme de Vendée (08/06/2001) enregistré à un peu plus de 300 kilomètres de l’épicentre. On distingue les différentes phases citées précédemment et on observe également que chacune de ces phases sont suivies de nombreuses arrivées, qui véhiculent à elles seules, une part importante de l’énergie du sismogramme. Deux minutes après l’arrivée du train d’onde Pn, le signal n’a toujours pas atteint son niveau de bruit de fond initial, témoignant du fait que la capteur sismologique continue à enregistrer de l’énergie liée à la perturbation induite par le séisme.

Fig. 1-12 : Enregistrement du séisme de Vendée (08/06/2001) par un des capteur du réseau LDG situé à 300 kilomètres de l’épicentre.

La connaissance qu’ont aujourd’hui les sismologues de la structure interne de la Terre leurs permet de construire des modèles de propagation de plus en plus complexes et ainsi de calculer des sismogrammes synthétiques que l’on peut alors directement comparer aux sismogrammes réels. Alors que les trains d’ondes classiques sont souvent bien reproduits, les phases secondaires qui doivent leur existence à l’hétérogénéité du milieu de propagation sont généralement plus difficile à modéliser (Bouchon, 1982). Cette difficulté vient d’une part de la connaissance limitée que nous avons du milieu de propagation et d’autre part, de l’incompréhension que nous avons des interactions entre le champ d’onde et les différentes hétérogénéités du milieu. En effet, si on connaît aujourd’hui de façon relativement précise l’évolution de la vitesse en fonction de la profondeur, les variations latérales de vitesse sont plus difficiles à évaluer et ne peuvent donc pas systématiquement être introduites dans le calcul des sismogrammes synthétiques. A ceci s’ajoute la difficulté de mise en œuvre des techniques numériques capables de prendre en compte les effets de propagation tridimensionnels du champ d’onde (Olsen et al., 1996)

Pour les grandes distances de propagation, l’hypothèse d’un milieu sphérique est généralement vérifiée, du moins pour les couches les plus profondes de la Terre. A distances régionales, et pour les ondes courtes-periode, cette hypothèse n’est plus valide puisque le champ d’onde se propage alors essentiellement dans la croûte qui est un milieu contenant de fortes zones hétérogènes, de tailles caractéristiques comparables à la longueur d’onde des phases sismiques régionales. Il en résulte alors des déformations importantes du champ d’onde qui participent à la formation de la coda des sismogrammes. Cependant, s’il est aujourd’hui généralement admis que la coda doit son origine à l’hétérogénéité du milieu de propagation, les différents mécanismes qui la génère ne sont pas encore entièrement compris. Herraiz et Espinosa (1986) donnent une synthèse complète des différentes théories proposées pour expliquer la coda. Nous nous contenterons ici de rappeler les principaux travaux qui ont contribué à avancer dans sa compréhension.

Les premières observations concernant les propriétés des ondes contenues dans la coda furent faites par Aki en 1969. Pour une région donnée, Aki fit remarquer que contrairement au champ d’onde primaire, l’amplitude, le contenu spectral et la durée du champ d’onde liés à la coda des ondes S des séismes locaux

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sont insensibles à la distance qui sépare la source du site d’enregistrement. Ces différentes observations lui permirent d’interpréter le champ d’onde coda comme la superposition de phases multiples, statistiquement indépendantes, diffractées par les différentes hétérogénéités qui composent le milieu de propagation. L’auteur insiste alors sur les possibilités qu’offrent les ondes de coda dans la détermination des paramètres liés à la source des tremblements de terre. En particulier, il propose une façon d’estimer le moment sismique des séismes locaux. D’autre part, des paramètres liés au degré d’hétérogénéité moyen caractérisant le milieu de propagation peuvent être déduits des ondes coda. Dans ce premier modèle, Aki suppose que seules des ondes de surface composent la coda et suppose également que la source et le récepteur sont confondus, ce qui veut dire qu’il ne considère que la retro-propagation des ondes de surface. En 1975, sur la base de nouvelles observations, ce modèle

fut amélioré en ne considérant non plus la diffraction simple en ondes de surface, mais également celle en ondes de volume et essentiellement en ondes S (Aki and Chouet, 1975). Ce modèle est en partie validé par la très bonne adéquation des facteurs de qualité des ondes contenues dans la coda et celles qui composent le champ d’onde S (Aki, 1980). Sato (1977) a étendu le modèle de diffraction simple au cas où la source et le point d’enregistrement ne sont plus confondus, ce qui lui permet de prendre en compte non seulement les phases rétro-propagées, mais également celles diffractées dans la même direction que la direction de propagation du champ d’onde incident. De plus, il proposa également un modèle de coda qui permet de considérer les conversions P-S et S-P.

Un problème conceptuel lié à l’estimation du facteur de qualité est cependant présent dans la théorie de la diffraction simple. Le facteur de qualité constitue une mesure de la décroissance de l’énergie composant le signal, en fonction du temps. Cette décroissance est le résultat de deux processus d’atténuation différents qui sont d’une part l’atténuation intrinsèque et d’autre part, l’atténuation due à la diffraction du champ d’onde par les différentes hétérogénéités qui composent le milieu de propagation. Dans la théorie de la diffraction simple, c’est une atténuation apparente qui est évaluée et la séparation en atténuation intrinsèque et atténuation par diffraction ne peut donc pas être faite. Avec les modèles de diffractions multiples, cette séparation va devenir possible. Les modèles de diffractions multiples doivent être introduits dès lors que la distance qui sépare les différents diffracteurs est inférieure à celle qui sépare la source du point d’enregistrement . Cette condition étant souvent vérifiée, il devient plus réaliste de prendre en compte les diffractions multiples du champ d’onde. Un tel modèle fut d’abord proposé par Kopnichev (1977) qui prit en compte les doubles et triples diffractions du champ d’onde. Gao et al. (1983) étendirent ce modèle et prirent en compte les diffractions multiples du champ d’onde jusqu’à l’ordre sept. Ils montrèrent que pour des temps courts de propagation, le modèle de diffraction multiple est équivalent à celui de la diffraction simple. Pour des temps de propagation plus long, le mécanisme dominant est la diffraction multiple. Ces derniers auteurs montrèrent alors qu’en supposant l’absorption intrinsèque négligeable, le facteur de qualité issu d’un modèle de diffraction simple est surestimé d’un facteur 1.4 par rapport à celui issu d’un modèle de diffraction multiple. Cependant, l’une des hypothèses de leur modèle est que la source et le point d’enregistrement des ondes admettent la même localisation. Un tel modèle de diffraction multiple avait déjà été proposé par Aki et Chouet (1975).

Un nouvel élan fut donné à l’étude des phénomènes de diffractions multiples par Wu (1985) qui introduit pour la première fois en sismologie la théorie du transfert radiatif. Les signaux ne sont plus décrit par l’équation d’onde mais directement par l’énergie qu’ils véhiculent. L’auteur introduit également la notion d’albedo sismique du milieu de propagation qui permet de mesurer le rapport entre l’atténuation de l’énergie du signal due à la diffraction et celle due à l’absorption anélastique. La quantification de l’importance relative de chacun des deux mécanismes devient donc possible. Une forte valeur d’albedo signifiera par exemple que le mécanisme d’atténuation dominant est celui de la diffraction. Wu et Aki (1988) appliquent cette théorie à la région d’Hindu Kush et montrent qu’entre

2 et 20Hz, la diffraction n’est pas le principal phénomène responsable de l’atténuation des ondes S. Depuis, ce modèle a été appliqué à divers jeux de données et la part d’atténuation intrinsèque et d’atténuation par diffraction a pu être quantifiée dans différentes régions du globe. Toksöz et al. (1988) mesurèrent l’albedo sismique au Canada et dans le nord-est des Etats-Unis et trouvèrent que la diffraction est le mécanisme dominant. Cependant, comme il a déjà été rapporté précédemment, le modèle du demi-espace homogène proposé par Wu (1985) n’est pas réaliste. Des modèles plus complexes ont alors été introduits, permettant de prendre en compte des milieux de propagation plus proches de la réalité qu’un demi-espace. Margerin et al. (1998) propose un nouveau modèle composé d’une croûte hétérogène et d’un manteau homogène. A partir de ce modèle, la coda est expliquée par la diffusion multiple des ondes dans la croûte et la décroissance d’énergie de la coda est expliquée par la fuite des ondes dans le manteau et par une faible atténuation intrinsèque.

Weaver (1990) et Ryzhik et al. (1996) ont montré que dans l’approximation de diffusion, l’évolution temporelle du rapport de la densité d’énergie d’onde P et la densité d’énergie d’onde S devient constant : c’est le phénomène d’équipartition de l’énergie. Une première observation de ce phénomène a été faite sur des séismes locaux enregistrés au Mexique (l’équipartition est atteinte environ 25 sec. après l’arrivée du train d’onde S) (Shapiro et al., 2000). Cette observation prouve que, pour des temps suffisamment longs, la coda peut être expliquée par un processus de diffusion multiple.

Si l’ensemble des modèles exposés précédemment permettent d’expliquer d’un point de vue macroscopique l’énergie qui constitue la coda des sismogrammes régionaux, ils ne permettent pas d’expliquer la coda enregistrée directement après l’arrivée des ondes P ou S et qui semble résulter d’une combinaison de différents mécanismes.

Dans ce travail, l’un des objectifs fondamentaux est de montrer qu’au moins une partie de l’énergie de la coda peut être expliquée en invoquant un processus déterministe. Nous chercherons donc à caractériser le maximum de l’énergie qui peut être expliquée par une propagation en ondes planes à travers l’antenne. Ces phases déterministes de la coda contiennent toute l’information relative aux hétérogénéités ponctuelles du milieu de propagation et sont donc intéressantes à étudier. Dans le prochain paragraphe, nous présentons le modèle que nous avons adopté pour décrire les phases déterministes présentes dans la coda des sismogrammes régionaux.