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91/676 CEE DITE DIRECTIVE « NITRATES »

2 E TAT DES LIEUX DES DIFFERENTS COMPARTIMENTS ENVIRONNEMENTAUX L’état des lieux vise d’abord à caractériser l’état des milieux concernant les compartiments

2.3 P OLLUTION PAR LES NUTRIMENTS , EUTROPHISATION ET CONSEQUENCES SUR LA SANTE HUMAINE

Les enjeux pour les usages et la santé humaine vis-à-vis de la qualité de l’eau concernent :

 la qualité de l’eau pour l’alimentation en eau potable (norme de potabilité fixée à 50 mg/L pour les nitrates et norme de potabilisation fixée à 50 mg/l pour les eaux superficielles et 100 mg/L pour les eaux souterraines);

 l’eutrophisation* en lien avec la consommation de coquillages et la baignade.

24 Agreste – GraphAgri 2010

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2.3.1 Normes de potabilité

Les eaux destinées à la consommation humaine doivent respecter les limites de qualité de 50 mg/L pour les nitrates et de 0,5 mg/L pour les nitrites comme indiqué dans l’annexe I de l’arrêté du 11 janvier 2007 relatifs aux limites et aux références des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine25.

En 2006, 99,5% des débits mis en distribution sont conformes en valeur moyenne à la norme de potabilité pour les nitrates. Pour plus de 99% des débits d’eau non-conformes, la concentration moyenne observée est comprise entre 50 et 75 mg/L26. Devant le coût parfois prohibitif d’une dénitrification des eaux brutes pour la distribution, certains captages ont dû être fermés, mais il n’existe pas d’inventaire national sur le nombre de captages concernés. A titre d’exemple, en Bretagne, un tiers des 37 captages en contentieux ont été fermés suite aux dépassements des concentrations en nitrates.

Selon un avis du 11 juillet 2008 de l’actuelle Agence Nationale chargée de la Sécurité sanitère de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES, issu de la fusion de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) et de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET)), le risque de méthémoglobinémie chez le nourrisson peut être considérée comme négligeable pour une eau dont la concentration en nitrates respecte la limite de qualité de 50 mg/L. La méthémoglobinémie27 est caractérisée par une capacité réduite du sang à transporter l'oxygène avec diminution des niveaux d'hémoglobine normale et la formation de

méthémoglobine au contact des nitrites (issus de la conversion des nitrates dans l’organisme)

. Il s'agit d'une maladie rare. Ce sont le plus souvent les nouveau-nés qui sont affectés lorsqu’ils sont nourris au biberon, car leur hémoglobine est plus sensible. La maladie se manifeste par un bleuissement autour de la bouche, sur les mains et les pieds, d’où le nom courant de « syndrome du bébé bleu ». Ces enfants peuvent avoir des troubles respiratoires ainsi que des vomissements et des diarrhées. Dans les cas extrêmes, on observe une léthargie marquée, une augmentation de la production de salive, une perte de conscience et des crises convulsives. Certains cas peuvent être mortels. Il existe des incertitudes scientifiques sur le rôle seul des nitrates dans la survenue de la méthémoglobinémie chez le nourrisson : des mécanismes d’inflammation du tractus gastro-intestinal peuvent notamment intervenir26.

Concernant les risques de cancer : les connaissances scientifiques ne permettent pas de quantifier, en 2008, la formation endogène de composés N-nitrosés à partir d’un apport de nitrates et de nitrites et, en conséquence, d’évaluer le risque cancérogène lié à un tel apport.

2.3.2 Eutrophisation des cours d’eau et des eaux estuariennes et marines

Les mers côtières reçoivent d’importantes quantités de matières (dont des nutriments) par les fleuves, mais aussi par le ruissellement, les apports d’eaux souterraines et l’atmosphère.

Les flux de nutriments, évacués de la terre vers l’Atlantique, la Manche et la mer du Nord, sont mesurés depuis près de vingt ans dans le cadre de la convention Ospar.

Les flux d’azote véhiculés par les cours d’eau, très dépendants des conditions hydrologiques (débit des cours d’eau, précipitations), étaient estimés en 2007 à près de

25 Mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique.

26 Avis de l’AFSSA relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés au situation de dépassement de la limite de qualité des nitrates et des nitrites dans les eaux destinées à la consommation humaine, juillet 2008, données issues de la base SISE-Eaux.

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600 000 tonnes dont 80 % sous forme de nitrates. Les apports des grands fleuves (près de 50 % du flux total de nitrates en 2007) ne diminuent pas depuis 1989, voire augmentent dans certains cas comme la Seine (+30 % de 1989 à 2007). Les apports phosphorés ont quant à eux diminué de près de moitié depuis 2000 grâce à la réduction des usages de lessives, du programme de rénovation engagé sur les stations d’épuration françaises et de l’amélioration des pratiques agricoles.

Les excès d’apports de nutriments (nitrates et phosphates) sont à la base de modifications de la production primaire de phytoplancton* et conduisent à l'eutrophisation des cours d’eau et des eaux estuariennes et marines. L’eutrophisation est également due à la segmentation et à la canalisation des cours d’eau. Le ralentissement des courants et le réchauffement des eaux qui s’en suivent favorisent la photosynthèse des couches superficielles et donc le développement du phytoplancton*, des algues et de certains végétaux supérieurs. Peu à peu, la lumière atteint difficilement les strates d’eau inférieure par fermeture de la surface, la photosynthèse de ces couches d’eau est ralentie, la concentration en oxygène diminue d’autant que celui-ci est réquisitionné pour la décomposition de la matière organique produite par le système. Cela conduit alors à une diminution de la biodiversité floristique et faunistique et peut même mener à terme à la mort de l'écosystème.

Figure 11 : Effet des proliférations végétales dans les cours d’eau (2003) Source : Agences de l’Eau – traitement : IFEN

La qualité des eaux s’est dégradée de façon régulière depuis 1971. Depuis le milieu des années 1990, la dégradation se stabilise, avec une qualité globale plutôt bonne pour plus de 80% des points mesurés (figure 12). Le phosphore est le principal facteur limitant gouvernant l'eutrophisation des eaux superficielles continentales. Concernant les eaux littorales, si l'influence des apports excessifs de nutriments dans les estuaires ne peut être contestée, les facteurs gouvernant les proliférations algales sont plus difficiles à établir avec certitude. L'azote constituerait toutefois un levier pour améliorer la situation.

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Figure 12 : Répartition des points de suivi par classe de qualité pour la prolifération végétale de 1971 à 2003 – Source : Agences de l’Eau – Traitement : IFEN

2.3.3 Consommation de coquillages filtreurs

Le phytoplancton* est le premier maillon de la chaîne alimentaire dans l’écosystème marin, dont se nourrissent, entre-autres, les coquillages filtreurs. Leurs besoins nutritifs imposent des critères de qualité pour l'eau dans les zones conchylicoles pour satisfaire des enjeux sanitaires. Du fait de la sensibilité des coquillages filtreurs à la qualité de l’eau, il existe actuellement des conflits d’usage entre conchyliculture et agriculture due à plusieurs facteurs comme la contamination microbiologique par les élevages et les apports excessifs de nutriment28.

La qualité des eaux des zones de production conchylicole (gisement naturel, parcs d’exploitation) est classée sur une échelle allant de A (salubre, vente directe des coquillages) à D (interdit à l’exploitation des coquillages). Certaines années, des efflorescences ou blooms algaux29 engendrent des interdictions de ramassage et de vente des coquillages, lorsqu’ils concernent une ou plusieurs des quelques dizaines de micro-algues produisant des toxines ou phycotoxines. En effet, celles-ci, en s’accumulant dans les coquillages, sont dangereuses pour le consommateur. Ces phénomènes sont suivis par le Rephy, réseau de surveillance du phytoplancton* et des phycotoxines mis en œuvre par l’Ifremer.

Les toxines amnésiantes (toxines ASP), sont produites par quelques espèces de Pseudo-nitzschia. Elles peuvent provoquer des troubles digestifs (nausées, vomissements, crampes abdominales), suivis de troubles neurologiques (céphalées, troubles de la mémoire) et, dans les cas graves, convulsions et coma. La présence de toxines amnésiantes en quantité dangereuse a été observée en France pour la 1ère fois en mai 2000 dans l’Ouest-Finistère, puis en avril 2002 sur plusieurs zones du littoral méditerranéen. Les toxines diarrhéiques (toxines DSP) sont produites par des espèces de Dinophysis. Elles peuvent provoquer des troubles digestifs avec parfois des conséquences graves pour les personnes souffrant du cœur. La présence de ces toxines affecte régulièrement les espèces de bivalves (et plus particulièrement les moules) d’une partie importante du littoral français. Les toxines paralysantes (toxines PSP) sont produites par des espèces d’Alexandrium (Alexandrium catenella dans l’étang de Thau en Languedoc Roussillon par exemple). Elles peuvent provoquer un engourdissement des extrémités avec des conséquences parfois fatales.

28 Données DDASS76, http://haute-normandie.sante.gouv.fr, rapport « Pêche à pied de loisir » – suivi 2004 à 2006 – DDASS76 – mars 2007, et « Rapport l’évolution de la qualité de l’eau d’ici 2015 » – AESN, 2005.

29 Augmentation rapide de la concentration en phytoplancton. Sur les quelques milliers d’espèces de phytoplancton recensés au niveau mondial, quelques centaines peuvent proliférer de façon importante suite aux apports de nutriments par les rivières et faire

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2.3.4 Baignade

La plupart des pollutions impliquant une non-conformité des eaux de baignade sont dues aux contaminations bactériologiques30. Ces pollutions résultent principalement de l’insuffisance structurelle de l’assainissement (33 %) des dysfonctionnements ponctuels de l’assainissement (16 %) et des apports diffus des zones agricoles et urbaines (12 %)31, et varient avec les conditions climatiques. La qualité microbiologique des eaux de baignade s’améliore entre 2001 (87,6% des stations sont conformes) et 2004 (95,3 % des stations sont conformes)31, de façon plus marquée en mer qu’en eaux douces.

L’eutrophisation* des eaux estuariennes peut être à l’origine du développement sur les plages de macro-algues ou ulves, plus connu sous le nom d’« algues vertes ». Outre leur nuisance visuelle et olfactive qu’elles présentent si elles ne sont pas ramassées, ces algues émettent lors de leur décomposition des gaz toxiques par inhalation, notamment de l’hydrogène sulfuré (mortel pour des concentrations de l’ordre de 500 ppm). Les algues vertes peuvent donc constituer un danger pour la santé de l’homme (différents de celui des micro-algues) mais aussi pour l’ensemble de l’écosystème aquatique32.

La présence de cyanobactéries dans les eaux calmes, favorisée également par l’eutrophisation* mais aussi par des températures élevées, constitue un enjeu émergent de sécurité sanitaire (potabilisation des eaux de surface et baignade). En 2004, une quinzaine de départements a signalé des proliférations de cyanobactéries sur une soixantaine de sites de baignade et de loisirs nautiques, en raison de la présence de toxines et d’un dépassement du niveau II de gestion du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (100 000 cellules par mL)31.

A retenir

Les enjeux, économique et sanitaire, liés à la qualité de l’eau vis-à-vis des nitrates et de l’eutrophisation* sont liés au coût de traitement des eaux destinées à la consommation humaine et, en zone littorale, aux conséquences la qualité des eaux de baignade et des coquillages. Seule une approche préventive à long terme permettra de diminuer des risques chroniques et ponctuels pour la santé humaine.