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Office du juge et régularisation

Dans le document Les rapports du Conseil d’État (Page 114-118)

Plans de sauvegarde de l’emploi

2.1.37. Office du juge et régularisation

Quatre décisions viennent apporter des précisions sur l’office du juge administratif statuant en matière d’urbanisme, lorsque des régularisations des actes contestés, qu’il s’agisse de documents d’urbanisme ou d’autorisations de construire, interviennent en cours d’instance.

2.1.37.1. La section du contentieux a défini les conditions de maniement des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme qui prévoient la possibilité pour le juge administratif de surseoir à statuer, dans le délai qu’il fixe, sur un recours dirigé contre un document d’urbanisme – schéma de cohérence territorial, plan local d’urbanisme ou carte communale – s’il estime qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision du document est susceptible d’être régularisée et à les articuler avec la jurisprudence de sa décision d’assemblée M. D. du 23 décembre 2011 (n° 335033, Rec.).

Était contestée la délibération du conseil municipal de la commune de Sempy portant approbation de la carte communale, qui était intervenue alors que ni la chambre d’agriculture ni la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n’avaient été consultées sur le projet, en méconnaissance de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur.

Toutefois, la commune avait informé la cour administrative d’appel devant laquelle

des espaces agricoles avait, postérieurement, émis un avis favorable au projet, tandis que la chambre d’agriculture s’était également prononcée, rendant quant à elle un avis défavorable.

Le Conseil d’État juge tout d’abord que ces dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme s’appliquent immédiatement aux instances en cours, y compris lorsque les actes attaqués ont été adoptés avant leur entrée en vigueur. Il indique que lorsque le juge estime qu’une telle régularisation est possible, il peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater, par une décision avant-dire droit, que les autres moyens ne sont pas fondés et surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour permettre, selon les modalités qu’il détermine, la régularisation du vice qu’il a relevé. Ce pouvoir peut être mis en œuvre pour la première fois en appel, alors même que le document d’urbanisme en cause a été annulé par les premiers juges.

La section du contentieux fixe ensuite le mode opératoire pour le juge lorsque l’administration transmet spontanément des éléments visant à la régularisation d’un vice de forme ou de procédure de nature à entraîner l’annulation de l’acte attaqué. Celui-ci peut se fonder sur ces éléments sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu’il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la possibilité que ces éléments permettent une régularisation en application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. Toutefois, si les éléments spontanément transmis ne sont pas suffisants pour permettre au juge de regarder le vice comme ayant été régularisé, il peut, notamment après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le principe de l’application de ces dispositions, surseoir à statuer en vue d’obtenir l’ensemble des éléments permettant la régularisation.

Le Conseil d’État indique ensuite que les vices de forme ou de procédure qui ne peuvent être neutralisés en application de la jurisprudence M. D., c’est-à-dire ceux qui ont été susceptibles d’exercer une influence sur son sens ou qui ont privé les intéressés d’une garantie, peuvent faire l’objet d’une régularisation devant le juge, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme et que cette régularisation doit être opérée au regard du droit en vigueur à la date de la décision attaquée. En l’espèce, le Conseil d’État considère que l’intervention du premier avis, alors que cette consultation ne constituait pas une garantie, n’avait pu, compte tenu de son caractère favorable, avoir été de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération litigieuse. En revanche, telle n’était pas le cas de l’omission du second avis, défavorable, alors que la carte communale emportait des réductions d’espaces agricoles et naturels au profit de l’urbanisation du bourg. Ainsi, seule une nouvelle délibération, confirmant cette approbation en dépit de cet avis, est susceptible de régulariser le vice tiré de son omission. Par conséquent, le Conseil d’État sursoit à statuer afin de permettre à la commune de Sempy d’adopter une nouvelle délibération sur le projet de carte communal tel qu’il avait été arrêté par la délibération attaquée (CE, Sect., 22 décembre 2017, Commune de Sempy, n° 395963, Rec.).

2.1.37.2. Le mécanisme du sursis à statuer peut également être mis en œuvre par le juge administratif saisi de conclusions aux fins d’annulation d’une autorisation d’occupation des sols, sur le fondement des dispositions de l’article L 600-5-1 du code de l’urbanisme. Il permet au juge de laisser un délai à l’administration pour régulariser le vice dont il estime le permis de construire entaché et lorsque le vice entraînant l’illégalité de ce permis est susceptible d’être régularisé par un nouveau permis. Par une décision du 22 janvier 2017, Mme B. (n° 392998, Rec.), le Conseil d’État devait répondre à la question de savoir si l’achèvement des travaux faisait obstacle au prononcé d’un sursis à statuer en vue de la délivrance d’un permis modificatif.

S’écartant en cela de la solution qu’il avait dégagée s’agissant des annulations conditionnelles de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme (CE, 1er octobre 2015, Commune de Toulouse, n° 374338, Rec.), le Conseil d’État y répond par la négative, estimant que dès lors que la régularisation du permis initial attaqué par un nouveau permis est légalement possible, aucune condition d’absence d’achèvement des travaux ne subordonne la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

2.1.37.3. Par une décision du 19 juin 2017, Syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres (nos 394677 et 397149, T.), le Conseil d’État a apporté plusieurs précisions sur l’office du juge administratif saisi d’une requête d’appel ou d’un pourvoi en cassation, d’une part, contre un jugement ayant fait usage du sursis à statuer en vue de permettre la régularisation d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme prévu par l’article L. 600-1-5 du code de l’urbanisme et, d’autre part, contre le jugement qui, statuant à l’issue du délai imparti pour que soit le cas échéant délivré un permis de construire modificatif, a mis fin au litige porté devant lui.

S’agissant en premier lieu du jugement par lequel le juge administratif a sursis à statuer pour inviter l’administration à régulariser le vice dont il a retenu l’existence, le Conseil d’État précise qu’un recours contre ce jugement avant-dire droit peut être introduit en tant, d’une part, qu’il a écarté comme non fondés les autres moyens dirigés contre l’autorisation initiale d’urbanisme et, d’autre part, en tant qu’il a fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1. En revanche, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu’il a sursis à statuer deviennent sans objet à compter de la délivrance du permis de construire modificatif.

D’autre part, lorsque qu’un permis modificatif a été délivré par suite du sursis à statuer prononcé par le jugement avant-dire-droit et que le juge a mis fin à l’instance par un second jugement, l’auteur d’un recours contre ce jugement peut contester la légalité du permis de construire modificatif par des moyens propres et au motif que le permis initial n’était pas régularisable. Sont donc inopérants à l’encontre du jugement mettant fin à l’instance les moyens écartés par le jugement avant-dire-droit et qui étaient dirigés contre le permis de construire initial et non contre le permis de construire modificatif.

Par ailleurs, le Conseil d’État précise que le jugement avant-dire-droit est suffisant pour que l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme procède à l’instruction d’un dossier en vue de la délivrance d’un permis modificatif, sans que cet examen soit soumis à la nécessité d’une demande du pétitionnaire.

2.1.37.4. Enfin, la décision du 28 avril 2017, Commune de Bayonne et société ICB Investimmo Côte Basque (nos 395867, 396238, T.) a permis au Conseil d’État de délimiter l’obligation, pour le juge administratif saisi d’un recours dirigé contre un permis de construire, de réouvrir l’instruction lorsqu’un permis modificatif est délivré après la clôture de l’instruction. Il devait pour ce faire trancher la question de savoir si, dans cette hypothèse, la réouverture s’impose au juge dès lors qu’un permis modificatif est délivré ou si le juge n’y est tenu que lorsque le permis modificatif a non seulement pour objet de régulariser le permis initial contesté mais pouvait, compte tenu des irrégularités entachant le permis initial, emporter régularisation de celles-ci.

Le Conseil d’État opte pour la première solution, renvoyant ce faisant la question du caractère régularisable à l’examen au fond, après soumission de ces éléments au contradictoire, sous réserve toutefois que le nouveau permis ne consiste pas, en réalité, en un nouveau permis de construire. Ainsi, précisant sa décision Eole Res du 30 mars 2015 (nos 369431, 369637, T.), il juge que lorsque le juge est saisi d’un recours dirigé contre un permis de construire et qu’est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l’instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l’instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d’en tenir compte et de rouvrir en conséquence l’instruction.

2.2. Analyse d’une sélection de décisions

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