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S’agissant en troisième lieu de la protection du domaine public, le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur la possibilité pour le juge de moduler le

Dans le document Les rapports du Conseil d’État (Page 87-91)

Aide sociale à l’enfance

2.1.14. Protection du domaine public contre les occupations irrégulières

2.1.14.1. S’agissant en troisième lieu de la protection du domaine public, le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur la possibilité pour le juge de moduler le

montant d’une amende infligée au titre d’une contravention de grande voirie (CE, 25 octobre 2017, M. M., n° 392578, Rec.)

Dans cette affaire était en cause une contravention de grande voirie constituée par l’amarrage d’un bateau sur un emplacement réservé à un autre et un refus d’obtempérer aux ordres de l’officier de port. Le tribunal administratif avait infligé une amende correspondant au montant maximal applicable à la catégorie de bateaux à laquelle appartenait l’embarcation, ce que contestait le contrevenant.

Le Conseil d’État devait trancher la question de savoir si, alors qu’aucune disposition du code des transports n’ouvrait expressément au juge la faculté de moduler le montant des amendes infligées au titre des contraventions de grande voirie relevant de ce code, une telle possibilité pouvait lui être reconnue.

Le Conseil d’État répond par l’affirmative en reconnaissant au juge administratif la faculté de moduler le montant de l’amende prononcée en répression d’une contravention de grande voirie, dans la limite du plafond que constitue le montant de l’amende prévu par les textes et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences.

2.1.14.2. Le Conseil d’État a également complété sa jurisprudence concernant les actes d’instruction ou de poursuite de nature à interrompre la prescription en matière de contraventions de grande voirie dans sa décision Société APS c/ Ministre de la transitoire écologique et solidaire précitée.

En vertu d’une jurisprudence constante, constituent des actes interruptifs en matière de contravention de grande voirie les jugements rendus par les juridictions et les mesures d’instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l’infraction, d’en connaître ou d’en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l’exercice par le ministre de sa faculté de faire appel ou de se pourvoir en cassation (CE, 22 juillet 1994, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, n° 157813, Rec.).

Le Conseil d’État juge à l’occasion de l’affaire Société APS que la communication des mémoires aux parties en application de l’article R. 611-1 du code de justice administrative et les avis d’audience adressés aux parties en application de l’article R. 711-2 du même code sont au nombre des actes qui interrompent la prescription.

2.1.14.3. Dans l’affaire Ministre de l’intérieur c/Mme P., le Conseil d’État s’est penché sur la compétence du juge administratif et l’office du juge d’appel saisi d’une demande tendant à l’expulsion d’occupants sans titre du domaine public lorsque l’appartenance au domaine public du bien irrégulièrement occupé est modifiée après que le tribunal administratif s’est prononcé (CE, 28 juillet 2017, n° 395911, T.)

Était en cause la contestation en appel d’une expulsion d’occupants sans titre, dont des enfants, d’une dépendance du domaine public, cet immeuble ayant fait l’objet d’un déclassement entre le jugement ordonnant l’expulsion et l’arrêt d’appel. Se posaient les questions de savoir, d’une part, si le changement de statut de l’immeuble entraînait l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître de cet appel et, d’autre part, si le moyen tiré de la violation de la convention internationale des droits de l’enfant était opérant devant le juge administratif saisi d’une demande d’expulsion du domaine public.

Le Conseil d’État juge que si le tribunal a rejeté la demande, il appartient au juge d’appel de rejeter la requête dont il est saisi comme portée devant une juridiction

dirigée contre un jugement ayant fait droit à une demande d’expulsion. Si le jugement du tribunal ayant ordonné l’expulsion n’a pas été exécuté, le juge d’appel constate qu’il n’est plus susceptible de l’être en conséquence du déclassement de la dépendance de sorte que la requête est dépourvue d’objet. En revanche, si le jugement a été exécuté, le juge d’appel doit statuer sur la requête en appréciant le bien-fondé du jugement au regard de la situation de droit et de fait qui existait à la date à laquelle il a été rendu.

À cette occasion le Conseil d’État juge opérant le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3§1 de la Convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990. Ainsi, l’intérêt supérieur des enfants qui occupent irrégulièrement le domaine public doit être pris en compte pour fixer le délai que le juge impartit aux occupants afin de quitter les lieux. Le Conseil d’État précise à cette occasion que ce délai doit être fixé en fonction, notamment, d’une part, des diligences mises en œuvre par les services de l’État aux fins de procurer aux personnes concernées, après leur expulsion, un hébergement d’urgence et, d’autre part, de l’existence éventuelle d’un danger grave et imminent pour les occupants de l’immeuble du fait de leur maintien dans les lieux, de l’existence d’un projet d’affectation de l’immeuble à une activité d’intérêt général, dont l’occupation a pour effet de retarder la réalisation, ainsi que de la possibilité qui a été donnée à l’autorité administrative de procéder au recensement et à la définition des besoins des personnes concernées.

Étrangers

En 2017, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions importantes en matière d’extradition, de droit à l’entrée et au séjour des étrangers et de droit d’asile.

2.1.15. Extradition

2.1.15.1. S’agissant, en premier lieu, du droit de l’extradition, le Conseil d’État a précisé la portée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme et leurs conséquences sur la procédure d’extradition dans sa décision de section M. R. (CE, 22 décembre 2017, n° 408811, Rec.). Était en cause le décret accordant l’extradition de M. R. aux autorités marocaines, dont la Cour européenne avait jugé que la mise à exécution emporterait violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La question se posait de savoir si un nouveau décret pouvait, sans méconnaître l’autorité particulière qui s’attache à un arrêt de la Cour européenne, accorder cette extradition et dans quelles conditions. Le Conseil d’État juge que lorsqu’un arrêt de la Cour européenne constate que la mise à exécution d’un décret accordant l’extradition d’une personne à l’État qui la réclame emporterait violation de l’une des stipulations de la convention, il ne peut être procédé à l’extradition de la personne sur le fondement de ce décret. Il considère en revanche qu’un tel arrêt ne fait pas obstacle à ce que soit ultérieurement reprise une décision d’extradition à l’égard de la personne réclamée, au vu d’éléments nouveaux de nature à satisfaire

aux exigences de la convention et, en particulier, de garanties apportées par l’État requérant. S’agissant de la procédure d’extradition, le Conseil d’État juge qu’une telle décision doit prendre la forme d’un nouveau décret et qu’elle suppose que la chambre de l’instruction, préalablement saisie de ces éléments nouveaux, ait de nouveau été consultée et ait formé un avis favorable à la demande d’extradition.

2.1.15.2 Dans une décision M. B. (CE, 30 janvier 2017, n° 394173, Rec.), le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur deux questions en matière d’extradition : d’une part, est-ce que le fait que la personne dont l’extradition a été requise aux fins de poursuite ait fait l’objet, après cette demande, d’une condamnation dans l’État requérant à raison des mêmes faits implique qu’une nouvelle demande d’extradition aurait dû être formulée aux fins d’exécution d’une peine ? Et, d’autre part, est-ce que le bénéfice de la protection subsidiaire fait obstacle à l’adoption d’un décret d’extradition ? Sur le premier point, le Conseil d’État considère qu’une extradition présentée en vue de permettre la poursuite d’infractions pénales ne peut être légalement accordée, lorsqu’une condamnation est intervenue à raison de ces infractions, qu’au vu d’une nouvelle demande de l’État requérant tendant cette fois à l’exécution de la peine et après examen de cette nouvelle demande par la chambre de l’instruction de la cour d’appel compétente. Dans la lignée de sa jurisprudence (CE, 30 mai 2005, P., n° 256357, Rec. ; CE, 26 octobre 2007, P., n° 297163, T. ; CE, 12 décembre 2012, K., n° 360887, Rec.), le Conseil d’État considère que cette règle ne s’applique toutefois que lorsque la condamnation prononcée est exécutoire, bien que non définitive. Sur le second point, le Conseil d’État juge que les principes généraux du droit de l’extradition font obstacle à ce qu’une personne bénéficiant de la protection subsidiaire puisse faire l’objet, aussi longtemps qu’il n’a pas été mis fin à cette protection, d’une extradition vers son pays d’origine. Ce faisant, le Conseil d’État rapproche le régime du bénéficiaire de la protection subsidiaire de celui de réfugié au regard du droit de l’extradition (CE, 1er avril 1988, Berreciartua-Echarri, n° 85234, Rec.). Il considère également qu’un étranger faisant l’objet d’un décret d’extradition et qui ne bénéficie pas encore d’une telle protection, peut faire valoir devant le juge de l’extradition que les risques qu’il encourt en cas de retour dans son pays sont de nature à lui accorder le bénéfice de cette protection et à faire obstacle à sa remise aux autorités de ce pays.

2.1.16. Asile

2.1.16.1. S’agissant, en deuxième lieu, du droit d’asile, par sa décision M. K. et Mme A., le Conseil d’État a apporté des précisions sur le droit à la délivrance d’un visa en vue de présenter une demande de protection (CE, 16 octobre 2017, n° 408374, Rec.). Était en cause le refus opposé aux demandes de visa formées par une personne ayant exercé les fonctions de personnel civil de recrutement local en Afghanistan et de son épouse, dans le but de déposer une demande d’asile en France. Le Conseil d’État confirme sa jurisprudence (JRCE, 9 juillet 2015, Ministre de l’intérieur c/ Mme A, n° 391392, T.) en jugeant que les garanties attachées au droit d’asile reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République

Il rappelle ensuite le principe issu de sa décision de section du 4 février 2015, Ministre de l’intérieur c/ M. C. (nos 383267, 383268), en vertu duquel dans les cas où l’administration dispose légalement d’un large pouvoir d’appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit, l’autorité compétente peut définir des orientations générales pour l’octroi de ce type de mesures, sans que l’intéressé puisse se prévaloir de ces orientations devant le juge administratif. Ainsi, compte tenu du pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration en vue de la délivrance d’un visa, le Conseil d’État en déduit que les orientations générales arrêtées par les autorités françaises en vue de l’accueil en France de certains personnels civils recrutés localement pour servir auprès des forces françaises en Afghanistan ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours contre un refus de visa devant le juge administratif.

2.1.16.2. S’il n’existe pas de droit à délivrance d’un visa en vue de déposer

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