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S’il n’existe pas de droit à délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France, une décision de refus de visa ne doit pas, sous

Dans le document Les rapports du Conseil d’État (Page 91-94)

Aide sociale à l’enfance

2.1.14. Protection du domaine public contre les occupations irrégulières

2.1.16.2. S’il n’existe pas de droit à délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France, une décision de refus de visa ne doit pas, sous

peine d’annulation, être entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du demandeur. Dans une série de décisions rendues le 16 octobre 2017, le Conseil d’État était saisi en cassation contre des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif qui avait rejeté les demandes de suspension de l’exécution de refus de visas, présentées par des ressortissants afghans ayant servi en qualité d’interprète auprès des forces françaises en Afghanistan. (CE, 16 octobre 2017, M. K et Mme A précitée ; M. S., n° 408344, Rec.). Le Conseil d’État relève que la situation en Afghanistan s’est dégradée avec une recrudescence des violences qui exposent à des risques élevés les ressortissants afghans qui ont accordé leur concours à des forces armées étrangères, sans que cette circonstance ne suffise, à elle seule, à caractériser une erreur manifeste d’appréciation des conséquences des refus de visas sur la situation personnelle des intéressés.

Dans la première affaire le requérant, qui avait servi en qualité d’interprète auprès des forces françaises dans la province de Kapisa pendant environ cinq mois en 2011, indiquait notamment avoir participé à des patrouilles et opérations à l’extérieur du camp, guidant les forces françaises et les mettant en contact avec la population locale, et il affirmait avoir fait l’objet, ainsi que ses proches, de menaces de la part des talibans depuis la fin de son contrat. Toutefois, le ministre contestait tout à la fois la participation de l’intéressé à des opérations sur le terrain et l’existence et la gravité des menaces dont le requérant affirmait faire l’objet. Le Conseil d’État a donc estimé que le juge des référés avait à bon droit considéré que les allégations de l’intéressé n’étaient pas suffisantes pour créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Dans la seconde affaire, le Conseil d’État censure en revanche le juge des référés en retenant une erreur manifeste d’appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant. Il se fonde pour ce faire sur la dégradation de la situation en Afghanistan et sur les circonstances que le requérant avait servi en qualité d’interprète auprès des forces françaises au sein du quartier général de la Force internationale d’aide et d’assistance, ainsi que dans un camp de formation de l’armée afghane à Kaboul, affirmait avoir été en contact direct avec

des informateurs afghans infiltrés parmi les talibans et faisait valoir qu’au terme de son contrat, il était retourné dans la province dont il est originaire, qu’il y avait été menacé par les talibans et l’avait quittée pour venir s’installer à Kaboul.

2.1.16.3. Dans ses décisions Ministre de l’intérieur c/ M. et Mme G. et Ministre de l’intérieur c/ Mme M., le Conseil d’État s’est prononcé sur la compétence du juge administratif et les conditions requises pour prononcer l’expulsion d’un demandeur d’asile, dont la demande a été définitivement rejetée, d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile listé à l’article L. 744-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CE, 21 avril 2017, n° 405164, Rec. ; CE, 21 avril 2017, n° 406065, T.). Était en cause le recours, prévu à l’article L. 744-5 de ce code et ouvert devant le juge du référé mesures utiles, pour permettre à l’administration d’expulser les déboutés du droit d’asile des centres d’hébergement destinés aux demandeurs d’asile.

D’une part, le Conseil d’État a reconnu la compétence du juge administratif pour ordonner en référé cette expulsion, alors même que l’immeuble où est hébergé le demandeur d’asile débouté serait une propriété privée appartenant à une association.

Le Conseil d’État a, d’autre part, précisé les conditions du prononcé par le juge des référés d’une expulsion d’un lieu d’hébergement pour demandeurs d’asile d’un demandeur d’asile dont la demande a été définitivement rejetée. Ainsi, le juge des référés fait droit à la demande du préfet dès lors que la demande d’expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d’urgence et d’utilité. S’agissant de la première condition, d’une part, dès lors que leur demande d’asile a été définitivement rejetée, la mesure d’expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse à l’égard du droit d’asile. S’agissant de la condition d’urgence à la libération des lieux, d’autre part, elle doit en principe être appréciée eu égard aux besoins d’accueil des demandeurs d’asile et aux places disponibles, sauf circonstances exceptionnelles. À cet égard, en l’absence de disposition législative expresse, l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit l’existence d’une trêve hivernale n’est pas applicable à une telle procédure d’expulsion.

Si, dans la première espèce, le Conseil d’État estime que la circonstance que les intéressés soient parents de deux enfants de trois et onze ans ne remet pas en cause le caractère d’urgence et d’utilité de la libération des lieux au regard des besoins d’accueil des demandeurs d’asile et du nombre de places disponibles dans les lieux d’hébergement qui leurs sont destinés dans le département, il considère que dans la seconde, la circonstance que l’intéressée soit atteinte de la tuberculose, doive subir une intervention chirurgicale à brève échéance et soit mère d’un enfant de moins de deux ans constitue une situation de vulnérabilité eu égard à laquelle la demande d’expulsion ne présente pas de caractère d’urgence et ne peut par suite être accordée.

2.1.16.4. Dans sa décision Préfet du Pas-de-Calais c/ M. J., le Conseil d’État indique les conditions de légalité d’une décision de transfert d’un demandeur d’asile vers

demande d’asile au titre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit Dublin III, et leurs conséquences sur la possibilité de placer en rétention un demandeur d’asile faisant l’objet d’une décision de transfert (CE, 19 juillet 2017, n° 408919, Rec.).

Se posaient les questions de savoir, d’une part, si les dispositions du règlement dit Dublin III permettent à l’autorité administrative de prendre et notifier à l’intéressé une mesure de transfert avant que l’État membre requis aux fins de prise en charge ait répondu à cette demande et, d’autre part, si cette autorité peut placer l’intéressé en rétention administrative à tout moment de la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile, lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite.

Le Conseil d’État répond négativement à ces deux questions. D’une part, il juge que pour pouvoir décider du transfert d’un demandeur d’asile vers un autre État membre et y procéder, l’autorité administrative doit, en l’absence de dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) organisant une procédure différente, obtenir l’accord de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile. Une décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori notifiée à l’intéressé, qu’après l’acceptation de la prise en charge par l’État requis.

Lorsqu’il statue sur une demande dirigée contre la décision de transfert et qu’il est saisi d’un moyen en ce sens, le juge administratif prononce l’annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu’ait été obtenue, au préalable, l’acceptation par l’État requis de la prise ou de la reprise en charge de l’intéressé.

D’autre part, il considère qu’il résulte de l’article L. 742-2 du CESEDA que le législateur n’a pas entendu permettre à l’administration de placer en rétention administrative un demandeur d’asile faisant l’objet d’une demande de transfert tant qu’une décision de transfert n’est pas intervenue. À ce stade de la procédure, la loi n’ouvre que la possibilité de l’assignation à résidence de l’intéressé, un placement en rétention ne pouvant intervenir qu’à compter de la notification de la décision de transfert.

2.1.16.5. Le Conseil d’État s’est également prononcé sur l’obligation d’information des demandeurs d’asile prévue à l’article 29 du règlement 603/2013 du 26 juin 2013 quant à l’utilisation de leurs données personnelles dans le système d’information dit Eurodac, destiné à comparer les empreintes digitales déposées par les demandeurs d’asile pour l’application du règlement Dublin, dans une décision Préfet de l’Essonne c/ M. J. (CE, 10 mai 2017, n° 406122, Rec.).

Saisi d’une demande d’avis, le Conseil d’État juge que l’obligation d’information au bénéfice de la personne dont les empreintes ont été relevées, qui porte notamment sur l’identité de la personne responsable du traitement, de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac, et l’existence d’un droit d’accès aux données la concernant et d’un droit de rectification, a uniquement pour objet de permettre d’assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d’asile, cette protection étant garantie par les Etats membres relevant du régime d’asile européen commun. Le droit d’information des demandeurs d’asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d’effacement de ces données, à cette protection.

Il en déduit que le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation d’information est inopérant à l’encontre des décisions par lesquelles l’État français refuse l’admission provisoire au séjour à un demandeur d’asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

Ce faisant, le Conseil d’État adopte une solution distincte de celle qu’il avait élaborée s’agissant de l’obligation d’information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d’information sur les droits et obligations des demandeurs d’asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d’examen des demandes d’asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes. Dans ce cas, la méconnaissance de cette obligation d’information peut être invoquée à l’encontre de la décision portant un refus d’admission au séjour au titre de l’asile (CE, 30 décembre 2013, Mme O., n° 367615, Rec.).

Dans le document Les rapports du Conseil d’État (Page 91-94)