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Nature et environnement

Dans le document Les rapports du Conseil d’État (Page 130-134)

Plans de sauvegarde de l’emploi

2.2. Analyse d’une sélection de décisions du Conseil d’État

2.2.14. Nature et environnement

Qualité de l’air

La directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur en Europe, transposée dans le code de l’environnement, impose à la France de surveiller la qualité de l’air ambiant et fixe des valeurs limites à ne pas dépasser en matière de concentration de polluants, notamment de dioxyde d’azote et de particules fines dites « PM10 ».

Cette même directive prévoit qu’en cas de dépassement de ces valeurs limites dans une zone donnée, des plans relatifs à la qualité de l’air déterminent les mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. En France, ces plans relatifs à la qualité de l’air prennent notamment la forme de plans de protection de l’atmosphère (PPA) élaborés par les préfets concernés. D’autres mesures, telles que des mesures fiscales ou des normes d’émissions peuvent également être mises en œuvre.

L’association « Les amis de la Terre » a saisi, à l’été 2015, le Président de la République, le Premier ministre et les ministres chargés de l’environnement et de la santé afin que soit prise toute mesure utile pour ramener, sur l’ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d’azote et en PM10 en dessous des valeurs limites et que soient élaborés des plans relatifs à la qualité de l’air permettant d’atteindre cet objectif. Ces demandes ont été rejetées. L’association a alors demandé au Conseil d’État d’annuler ces refus et d’enjoindre au Gouvernement de réviser les PPA existants et, plus largement, de prendre toute mesure utile afin d’assurer le respect des valeurs limites fixées par la directive.

Saisie par la Cour suprême britannique dans une configuration similaire, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait, dans un arrêt du 19 novembre 2014, ClientEarth C-404/13, précisé, d’une part, que la directive du 21 mai 2008 ne fixe pas une simple obligation de moyens mais une obligation de résultat qui s’impose aux Etats membres. La CJUE avait, d’autre part, indiqué que lorsqu’un État membre n’a pas assuré le respect de ces valeurs limites, il appartient à la juridiction nationale compétente, éventuellement saisie, de prendre à l’égard de l’autorité nationale toute mesure nécessaire, telle une injonction, afin que cette autorité établisse le plan exigé par ladite directive dans les conditions que celle-ci prévoit.

Par sa décision n° 394254, le Conseil d’État, constatant des dépassements persistants des valeurs limites de concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote dans plusieurs zones, s’est appuyé sur ce raisonnement pour faire droit à la demande de l’association « Les amis de la Terre ». La seule existence de plans relatifs à la qualité de l’air adoptés en application de la directive ne pouvant par elle-même valoir respect des obligations que celle-ci impose, le Conseil d’État a annulé le refus de prendre les mesures utiles et d’adopter de nouveaux plans et a enjoint au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires d’ici au 31 mars 2018 (CE, 12 juillet 2017, Association Les amis de la Terre, n° 394254, Rec.).

2.2.15. Procédure

Aide juridictionnelle

La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique organise un système permettant aux personnes disposant de faibles ressources de recevoir une aide accordée par l’État afin de faire valoir leurs droits en justice. L’avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle perçoit ainsi une rétribution versée par le barreau avec une contribution de l’État, dont le montant est déterminé en fonction du type de procédure. Afin d’obtenir le versement de cette rétribution, l’avocat se voit délivrer, lorsque le juge rend sa décision, une attestation de mission qui précise le montant de la rétribution. En application de l’article 37 de la loi, l’avocat peut toutefois renoncer à percevoir cette rétribution et demander au juge que soit mise à la charge de la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle une somme correspondant aux émoluments qu’il aurait pu demander à son client s’il n’avait pas été bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, cette somme devant être supérieure à la rétribution due au titre de l’aide juridictionnelle.

Par deux décisions du 18 janvier répondant à des demandes d’avis, le Conseil d’État a précisé les modalités selon lesquelles un avocat peut contester, selon le cas, l’attestation de mission s’il a accepté la rétribution versée au titre de l’aide juridictionnelle ou la décision de justice s’il a demandé l’application de l’article 37.

Dans sa décision n° 398918, le Conseil d’État a rappelé que, dans le premier cas, l’avocat peut former un recours administratif auprès du président de la juridiction, dont les décisions ont le caractère de décisions administratives. Il juge alors que les recours contre ces décisions sont des recours de plein contentieux, dans lesquels le juge administratif fixe lui-même la part contributive de l’État à la rétribution de l’aide juridictionnelle assurée par l’avocat. Dans cette même décision, le Conseil d’État précise en outre les modalités de la rétribution dans deux cas spécifiques : en premier lieu, il précise que lorsque le même avocat représente plusieurs bénéficiaires de l’aide juridictionnelle et que les conclusions de ses clients sont identiques et conduisent le juge à trancher les mêmes questions, il ne réalise qu’une seule mission, que ces conclusions soient présentées dans une seule instance ou dans plusieurs. Cette solution permet d’éviter un découpage artificiel des requêtes aux seules fins d’obtenir plusieurs attestations de mission.

En second lieu, le Conseil d’État précise le champ d’application de la réduction de la part contributive de l’État à la rétribution des missions d’aide juridictionnelle dans les séries : ainsi, la rétribution de l’avocat représentant plusieurs bénéficiaires de l’aide juridictionnelle est diminuée à compter de la deuxième affaire lorsque les conclusions présentées sont similaires et que le juge est amené à trancher des questions semblables (cas par exemple de plusieurs agents publics qui présentent une demande en vue d’obtenir le bénéfice d’une prime spécifique).

Dans sa décision n° 399894, le Conseil d’État a jugé que, dans le second cas, par dérogation à la règle selon laquelle un avocat ne peut se représenter lui-même dans une instance à laquelle il est personnellement partie, l’avocat d’un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle peut assurer sa propre représentation lorsqu’il conteste une

décision juridictionnelle en tant qu’elle statue sur sa demande de rétribution. Le Conseil d’État a en outre précisé les modalités de calcul de la somme minimale mise à la charge de la partie perdante, notamment en cas de non-lieu (CE, 18 janvier 2017, Mme L., n° 398918, T. et CE, 18 janvier 2017, Mme P., n° 399893, Rec.).

Délai de recours

Par sa décision du 31 mars 2017, Ministre des finances et des comptes publics c/

A., la section du contentieux du Conseil d’État devait déterminer si un contribuable auquel est notifiée une décision d’imposition dépourvue de la mention des voies et délais de recours ou pour lequel l’administration n’est pas en mesure d’établir qu’il l’a reçue peut contester indéfiniment la décision prise à son encontre.

La section du contentieux rappelle d’abord que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que des situations consolidées par l’effet du temps soient remises en cause sans condition de délai. Puis, transposant la solution retenue par la décision d’assemblée C. pour le recours juridictionnel (CE, Ass., 13 juillet 2016, C., n° 387763, Rec.) au cas spécifique du recours administratif préalable obligatoire, elle juge que, dans les cas où le recours juridictionnel est subordonné à l’exercice d’un tel recours administratif, ce dernier ne peut, lui non plus, être exercé au-delà d’un délai raisonnable.

En l’espèce, il revenait à la section du contentieux de déterminer le délai raisonnable au terme duquel, sauf circonstances exceptionnelles, une réclamation ne peut plus être introduite en vue de contester une imposition ou son recouvrement. Dans le premier cas, ce recours administratif préalable obligatoire ne peut être introduit que dans le délai d’un an à compter de l’année au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance de l’existence de l’imposition. Dans le second, le contribuable dispose, pour adresser sa réclamation, d’un délai également fixé à un an, courant à compter de la date à laquelle l’acte de poursuite lui a été notifié ou de celle à laquelle il en a eu connaissance (CE, Sect., 31 mars 2017, Ministre des finances et des comptes publics c/ A., n° 389842, Rec.).

Non lieu

Lorsque le juge administratif statue sur une demande, il ne peut prononcer un non-lieu que lorsque son intervention est devenue inutile. C’est le cas notamment lorsque la décision administrative dont l’annulation est demandée a disparu de l’ordonnancement juridique. Il en est ainsi lorsqu’elle a été retirée et que ce retrait est devenu définitif ou qu’elle a été annulée par une décision juridictionnelle irrévocable, c’est-à-dire qui ne peut plus être contestée ni en appel, ni en cassation.

Le Conseil d’État était amené à se prononcer sur ce principe dans l’hypothèse particulière où le juge administratif décide de joindre deux requêtes pour statuer par une même décision. En effet, si le juge a toujours la faculté de joindre plusieurs requêtes ayant un objet proche pour statuer par une seule décision, il reste tenu, en principe, de répondre aux conclusions de chacune des requêtes comme s’il les examinait séparément.

Dérogeant au principe de « neutralité de la jonction », la décision M. F. a introduit

plusieurs affaires, le juge administratif peut opposer à une demande un non lieu qui serait la conséquence logique de la réponse faite à une autre demande, alors même que cette réponse juridictionnelle n’est, par construction, pas irrévocable.

Cette solution permet au juge de se dispenser d’examiner les arguments formulés au soutien du deuxième recours, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Il lui revient même, dans le cas d’une jonction d’un recours contre une décision et d’un recours contre le retrait de cette décision, d’examiner au préalable ce dernier, afin, le cas échéant, de prononcer un non-lieu en réponse à la première requête.

La configuration particulière de la jonction permet de parer au risque résultant du prononcé du non-lieu en l’absence de décision irrévocable. En effet, la nécessité de principe d’attendre que la décision juridictionnelle soit irrévocable permet d’éviter que l’annulation d’un jugement ou d’un arrêt ne fasse revivre la décision litigieuse à l’insu du requérant à qui avait été opposé un non-lieu. Cependant, en cas de jonction, toutes les parties concernées par les affaires jointes seront mises en cause en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision juridictionnelle. De plus, dans un tel cas, le requérant à qui un non-lieu a été opposé aura la possibilité de former un recours incident contre ce non-lieu. Le droit au recours est donc préservé (CE, Sect., 5 mai 2017, M. F., n° 391925, Rec.).

Recours en interprétation

Par cette décision, le Conseil d’État s’est prononcé sur la question, quasiment inédite dans sa jurisprudence, de l’articulation entre la procédure des questions préjudicielles posées par l’autorité judiciaire et le recours en interprétation d’une décision juridictionnelle. Le Conseil d’État se trouvait, en l’espèce, juge de cassation d’un jugement par lequel un tribunal administratif avait interprété, sur renvoi de l’autorité judiciaire, l’un de ses précédents jugements, rendu en matière fiscale.

Le Conseil d’État a tout d’abord admis, en principe, qu’un recours en interprétation d’une décision juridictionnelle pouvait être exercé sur renvoi de l’autorité judiciaire.

Ce faisant, il a réaffirmé une jurisprudence ancienne (CE, 12 avril 1855, Grellet et Affre ; CE, 26 décembre 1879, Commission administrative de l’hospice de Belley).

Restait alors à définir le régime de ce recours particulier.

Le Conseil d’État a tout d’abord considéré que le jugement rendu sur question préjudicielle par un tribunal en interprétation de l’un de ses précédents jugements était rendu en premier et dernier ressort et qu’il était donc directement compétent pour en connaître en cassation. S’agissant de la recevabilité de ce recours, le Conseil d’État précise que les parties ne sont pas recevables à faire trancher, à l’occasion d’un recours sur renvoi de l’autorité judiciaire, des questions autres que celles qui ont été renvoyées par cette autorité. Par exception aux règles qui régissent normalement le recours en interprétation d’une décision juridictionnelle, que ce dernier était ouvert quand bien même le jugement à interpréter serait dénué d’ambiguïté (CE, Ass., 7 juillet 1950, Secrétaire d’État à la présidence du Conseil). En revanche, le premier juge ne peut pas, « sous couleur d’interprétation », remettre en cause un point qui a été définitivement tranché par le jugement à interpréter.

Enfin, précisant le degré et la nature de son contrôle de cassation, le Conseil d’État indique qu’il contrôle l’exactitude de l’interprétation qui a été donnée par le tribunal de son propre jugement (CE, 9/10 CHR, 11 octobre 2017, Me R., n° 397604, Rec.).

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