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Occurrences de crues en Oisans et comparaisons régionales dans les Alpes françaises

l’évolution des aléas

1. Les événements de crues torrentielles

1.2 Les dépôts de crues lors des derniers 3500 ans

1.2.2 Occurrences de crues en Oisans et comparaisons régionales dans les Alpes françaises

Sur la période de temps couverte par les lacs du Lauvitel et de la Muzelle, nous comparons la fréquence de crues que nous avons identifiée pour ces deux lacs aux autres enregistrements représentatifs de l’hydrologie régionale passée comme le lac du Bourget (Arnaud et al., 2012) et des événements de précipitations extrêmes des Alpes du nord identifiés dans les lacs d’Anterne (Giguet-Covex et al., 2012) et le lac Blanc des Aiguilles Rouges (Wilhelm et al., 2013) ainsi que dans les Alpes du sud françaises, identifiés dans le lac d’Allos (Wilhelm et al., 2012b)(Figure 6-3). Le lac de Lauvitel présente une fréquence de crues quasiment nulle du début jusqu’au milieu de l’Age du Fer. Toutefois, il est peu probable qu’aucune crue n’ait été déposée dans le lac durant une période si longue. La création du lac du Lauvitel fut causée par un brusque éboulement. Cette absence peut s’expliquer par le temps de la formation du delta moderne et/ou la présence d’un piège sédimentaire en amont du bassin actuel (Seybold et al., 2007; Caldwell and Edmonds, 2014). A cette période, les lacs d’Anterne et du Bourget, situés dans les Alpes du nord, ne présentent pas de grandes variations d’activité hydrologique. Ces enregistrements suggèrent une configuration hydrologique avec de faibles occurrences de crues dans les Alpes française du nord et centrale.

Quelques centaines d’années avant la fin de l’Age de Fer et le début de l’Epoque romaine (-600/150 ans Cal. AD) les premières crues sont enregistrées dans les sédiments du lac de Lauvitel. L’hydrologie dans les Alpes du nord ne montre que de sensibles variations (-350/-250

relativement chaude et humide (Büntgen et al., 2011) a pu favoriser l’occurrence des crues dans les Alpes du nord.

Figure 6-3 : Fréquences de crues des enregistrements lacustres français pour a) le nord des Alpes (Anterne (Giguet-Covex et al., 2012), Blanc Aiguilles Rouges (Wilhelm et al., 2013) ainsi que les apports terrigènes du lac du Bourget (Arnaud et al., 2012) b) les Alpes centrales en bleu (Lauvitel et Muzelle) et c) les alpes du Sud (Allos (Wilhelm et al., 2012b). Toutes les fréquences sont moyennées sur une période de 31 ans.

La période de migration qui vient ensuite est le théâtre d’une augmentation drastique d’occurrence de crues dans le lac de Lauvitel. Cette augmentation de l’occurrence des crues correspond à une augmentation des apports terrigènes dans le lac du Bourget. Ce dernier reçoit des apports accrus des haut-bassins avec une érosion physique relativement plus importante (Arnaud et al., 2005, 2012) et un niveau lacustre plus important (Magny and Richard, 1985). L’augmentation de la pluviométrie en Europe centrale (Büntgen et al., 2011) suggère une activité

Lauvitel. Au vu de contrainte chronologique, le pic majeur observé dans la chronique du Lauvitel autour de 600 ans Cal. AD, ne peut pas être associé au pic majeur observé dans le lac d’Allos autour de 700 ans Cal. AD, durant cette période l’hydrologie observée dans les Alpes françaises du nord semble donc dominante dans la région d’étude.

L’Optimum Climatique Médiéval dans sa première moitié montre une activité torrentielle limitée dans le nord des Alpes françaises mais plus soutenue au sud du sillon alpin (Figure 6-4). Dans le sud durant cette époque, les flux d’humidité proviennent de la zone méditerranéenne en majorité (Wilhelm et al., 2012b). L’influence de ces mouvements de masses d’air semble se faire sentir jusque dans la partie centrale des Alpes françaises avec des fréquences soutenues dans le lac du Lauvitel, contrairement au Nord dont l’hydrologie torrentielle est faible. La seconde partie de l’Optimum Médiéval montre des fréquences de crues qui augmentent dans toutes les Alpes françaises. Le 11e siècle a été reconnu comme chaud et humide dans les Alpes du Nord (Kress et al., 2014). Le lac du Bourget et le lac Blanc des Aiguilles Rouges (BAR) présentent à cette époque un pic de crues visible aussi au lac du Lauvitel laissant supposer une prédominance des flux de nord. Un changement s’opère lors du 12e siècle particulièrement chaud dans les Alpes françaises centrales et du sud (Corona et al., 2011), qui voit la fréquence de crues des Alpes du sud augmenter et qui laisse supposer une prévalence des événements de meso-échelle ou méditerranéens (Wilhelm et al., 2012b).

La période du Petit Age Glaciaire (PAG) est caractérisée par une humidité plus importante traduite par des niveaux lacustres généralement plus importants (Holzhauser et al., 2005), des avancées glaciaires généralisées (Vincent, 2005; Nussbaumer et al., 2011b; Le Roy et al., 2015) et des apports terrigènes accrus dans le lac du Bourget (Arnaud et al., 2012), qui démontrent une augmentation régionale des précipitations dans la région alpine (Figure 6-4). De fortes fréquences de crues se manifestent dans les lacs d’altitude français au nord comme au sud (Giguet-Covex et al., 2012; Wilhelm et al., 2012b, 2013). L’hydrologie torrentielle dans les Alpes françaises centrales est aussi plus importante, mais étonnamment, l’enregistrement de crues du lac du Lauvitel montre une période de faible occurrence (1450 à 1750 ans Cal. AD). Ce défaut d’occurrence de crues n’est probablement pas lié à des conditions atmosphériques car le lac de Muzelle enregistre de fortes fréquences de crues, mais plutôt lié à des conditions intrinsèques au bassin versant. A cette période de nombreuses avalanches se déposent dans le lac du Lauvitel. La présence de graviers entrainés par ces avalanches a pu perturber la préservation des dépôts de crues dans le sédiment lacustre ou encore perturber la préservation des lamines lors du carottage. Toutefois, nous ne pouvons pas exclure des changements liés aux températures plus froides (Büntgen et al., 2011; Kress et al., 2014) ou encore aux conditions de NAO négatives (Ortega et al., 2015), pouvant engendrer la présence de permafrost sur une partie du bassin versant et/ou la

présence d’un couvert nival plus important (Wilhelm et al., 2012a). La baisse des fréquences de crues à la fin du PAG et au 20e siècle sont généralisées, elles restent toutefois assez importantes dans les Alpes françaises centrales, ce qui peut s’expliquer par une influence des précipitations extrêmes à la fois du nord et du sud.

Au final, l’enregistrement des évènements de pluies extrêmes dans les Alpes françaises centrales est représentatif des variations régionales principalement à l’échelle du lac du Lauvitel. Il est malgré tout difficile de distinguer l’influence des précipitations provenant d’apports atlantiques et des orages convectifs influençant la partie nord des Alpes françaises des processus méditerranéens influençant le sud des Alpes françaises. La période plus froide du PAG est généralement plus humide, nous observons cependant peu de crues dans le lac du Lauvitel contrairement au lac de la Muzelle. Cette observation suggère une occurrence soutenue des précipitations extrêmes, mais aussi des processus internes au bassin versant du Lauvitel perturbant l’enregistrement de crues dans la séquence sédimentaire. Il faut toutefois noter que la chronique de précipitations extrêmes reconstituée au lac de la Muzelle est également biaisée durant cette période en lien avec l’augmentation de l’activité glaciaire.

1.2.3. Les conditions climatiques favorisant l’occurrence des crues