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l’évolution des aléas

2. L’enregistrement d’avalanches de printemps dans le lac du Lauvitel au cours des derniers 3500 ans

2.1. Les facteurs favorisant l’occurrence d’avalanches

Ce paragraphe a pour objectif de comparer l’enregistrement d’avalanches au lac de Lauvitel avec les forçages les plus probables sur la période d’enregistrement du lac afin de comprendre les périodes susceptibles d’être favorable au déclanchement d’avalanches.

Une comparaison entre les enregistrements liés aux événements extrêmes d’avalanches retrouvés dans le lac du Lauvitel et la production de matériel détritique lié à l’activité glaciaire de la Muzelle est présenté (Figure 6-4). Les deux enregistrements étant très proches spatialement, nous portons un intérêt particulier à leur comparaison dont on peut supposer qu’ils aient subi des forçages similaires aux mêmes périodes de temps. Les deux lacs possèdent des modèles d’âges robustes principalement basés sur de multiples dates 14C, les radioéléments de courtes périodes et du paléo-magnétisme pour le lac de Muzelle.

La fréquence d’avalanches du lac du Lauvitel peut être divisée en deux parties distinctes : -1400 à 1100 ans Cal. AD où l’occurrence des avalanches est limitée à 4 événements maximum par 31 ans ; et la période 1100 à 2011 ans Cal. AD qui regroupent la grande majorité des dépôts dont le maximum de fréquence atteint 14 événements en 31 ans. Cette dernière période correspond également aux plus importantes extensions glaciaires de la Muzelle, dont nous pouvons distinguer quatre périodes 1230-1325; 1460-1500; 1615-1790; 1820-1900 ans Cal. AD. Les périodes de temps surlignées en bleu (Figure 6-5) correspondent à des fréquences d’avalanches plus importantes dans le lac de Lauvitel. Les événements datés entre -1000 et 720 ans Cal. AD ont aussi été surlignés malgré qu’ils soient isolés du fait qu’ils représentent probablement des conditions spécifiques. La comparaison avec les fluctuations du glacier d’Aletsch en Suisse montre que les périodes d’avalanches au Lauvitel correspondent à des extensions glaciaires

réduites lors de la période -1400 à 1100 ans Cal. AD (Holzhauser et al., 2005) et notamment les avalanches de grandes ampleurs (Figure 6- volume en rouge).

Figure 6-5 : Comparaison de la chronique d’avalanches au Lauvitel, la courbe des fluctuations glaciaires de Muzelle et la présence de drop-stones dans le sédiment du lac de la Muzelle, l’enregistrement d’avalanches dans le massif du Queyras basé sur la dendrochronologie (Corona et al., 2013) et les fluctuations du glacier d’Altesch (Holzhauser et al., 2005)

Sur la période 1100-2012 ans Cal. AD, nous pouvons observer cinq périodes d’occurrences plus importantes d’avalanches (1340-1440, 1540-1660, 1720-1820 et 1910-2000 ans Cal. AD). Elles correspondent toutes à des périodes où la sédimentation du lac de la Muzelle est relativement plus organique, donc à des périodes d’activités glaciaires réduites. La fréquence la plus importante d’avalanches s’est produite entre les deux maximums glaciaires à la fin du PAG. A cette période, le glacier de la Muzelle occupait approximativement 30% de la surface du bassin versant, mais la courte et nette période de retrait glaciaire à la Muzelle a été visiblement favorable à l’occurrence des avalanches au Lauvitel. La période de la dernière extension glaciaire entre

1760-1830 ans Cal. AD entrecoupée d’une période de bref retrait glaciaire (Holzhauser et al., 2005; Le Roy et al., 2015; Nussbaumer et al., 2011) a été considérée comme ayant été causée par une augmentation des précipitations hivernales de 25 % selon les modèles basés sur des observations historiques notamment au glacier de St-Sorlin dans le massif adjacent des grandes Rousses (Vincent, 2005). En revanche, la température estivale n’a pas connu de variations notables (Böhm et al., 2001). Ceci est en accord avec l’augmentation des avalanches dans le lac de Lauvitel, où la quantité de neige déposée pendant l’hiver ferait augmenter l’épaisseur du manteau neigeux et donc la possibilité d’obtenir des avalanches au printemps. Toutefois, l’occurrence d’avalanches dans le massif du Queyras identifié à partir de la dendrochronologie atteint son maximum pour la période 1800-1870 ans Cal. AD (Corona et al., 2013). Cette période est légèrement décalée par rapport au maximum de fréquence d’avalanches du lac de Lauvitel. Cependant, le couvert neigeux se dépose différemment d’un massif à l’autre (McCollister et al., 2003), et la présence d’un couvert végétal différent peut influencer ou non l’occurrence d’avalanches (Reardon et al., 2006).

Les autres périodes de fréquences accrues d’avalanches sont toutes synchrones à des périodes de retrait glaciaires et non pendant les extensions maximums. L’épaisseur du manteau neigeux ne peut donc pas expliquer à lui seul l’occurrence de ces évènements. La température estivale est l’autre facteur prépondérant influençant les retraits glaciaires.

L’accumulation sédimentaire de la Muzelle regroupe aussi des éléments détritiques grossiers (>2 mm) et de forme angulaires, suggérant un transport de courte distance. Cependant, le nombre de ces éléments est moindre comparativement au lac de Lauvitel (Figure 6-5). Ils se situent dans la sédimentation fine laminée et possèdent des tailles différentes pouvant aller jusqu’à plusieurs centimètres de diamètre. Ces caractéristiques permettent d’associer ces éléments à des drop-stones généralement identifiés dans des environnements glaciaires (Bennett et al., 1996; Thomas and Connell, 1985; Cofaigh and Dowdeswell, 2001). Nous avons identifié en fonction de la profondeur, les dates pour lesquelles ces éléments ont été retrouvés dans le sédiment soit par groupe de quelques éléments ou de manière isolée (Figure 6-). L’identification de ces graviers en continu sur la séquence ne résulte pas d’un comptage spécifique qui aurait nécessité un tamisage complet de la séquence sédimentaire et ne sont donc pas à considérer comme exhaustifs. Pour ces raisons nous avons reporté uniquement les dates pour lesquelles les drop-stones sont présents et non leur nombre. Les périodes de présence accrues sont : 1030-1120 ; 1510-1560, 1765-1810 et 1900-1975 ans Cal. AD. Ces dates correspondent à des périodes pour lesquelles l’extension du glacier de la Muzelle est moindre, excepté lors du 11e siècle qui connait une extension modérée.

L’intégration de ces éléments dans la sédimentation est liée à la glace qui a une capacité de transport suffisante pour déplacer ces éléments jusqu’à la zone de dépocentre (Gilbert, 1990; Hallet et al., 1996; Dowdeswell and Cofaigh, 2002). A notre connaissance, le glacier de la Muzelle n’a pas vêlé lors des 1700 dernières années même lors de son extension maximum du PAG, il ne peut donc pas s’agir de graviers apportés directement par le glacier. Une autre cause possible serait le prélèvement d’éléments grossiers par la glace sur les bords du lac en hiver, mais rarement rencontrée dans la littérature. Nous n’avons pas clairement identifié de couloirs d’avalanches aux abords du lac de la Muzelle. De plus, la zone de dépocentre est très éloignée du bord du lac (100 m du delta et 250 m de la rive Est). Seule la zone Est du lac est assez raide pour être susceptible de fournir des éléments grossiers de type Gneiss (Chapitre 3§1.1). Au vu de la distance de la rive, la présence de glace sur la surface du lac est la seule possibilité de transporter des graviers de cette taille au niveau du dépocentre. Le processus serait donc une avalanche de fond (Luckman, 1975, 1977; Jomelli and Bertran, 2001) ou un éboulement rocheux lié à la fonte du permafrost (Bodin et al., 2015), permettant de transporter les graviers jusqu’au lac. Ces événements se produisant quand le lac est toujours englacé, au printemps ou début de l’été, dont les sédiments sont ensuite répartis aléatoirement dans le bassin lacustre par le biais de la glace flottante, produisant ainsi des drop-stones.

La présence des drop-stones dans le lac de la Muzelle, correspond à chaque période d’occurrence accrue d’avalanches du lac du Lauvitel excepté lors du 12e siècle (Figure 6-5). Elles correspondent également en majorité à des périodes de faible extension glaciaire à la Muzelle. Les conditions climatiques nécessaires à l’apport et au dépôt de ces éléments grossiers sont donc probablement liées à des conditions climatiques favorisant le retrait glaciaire. Le 20e siècle est la période pour laquelle le plus de drop-stones ont été identifiées. Il s’agit aussi d’une période qui a connu les températures les plus chaudes de ces 2500 dernières années (Büntgen et al., 2011) et des retraits glaciaires généralisés (Oerlemans, 2005).

2.2. Probables forçages climatiques sur l’occurrence des