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l’évolution des aléas

1. Les événements de crues torrentielles

1.1. Les dépôts de crues du dernier siècle

1.1.5. Les apports du suivi instrumental du lac et de la pluviométrie

Dans la période instrumentale de suivi du lac de la Muzelle (2011 à 2014), les données récoltées montrent qu’un seul panache turbide s’est produit, le 7 août 2013. La pluie à l’origine de cet événement a été mesurée à 99,4 mm entre le 7 août 4:00 GMT et le 8 août 22:00 GMT. Malheureusement, à cette période la sonde RBR multi-paramètres n’était pas en fonctionnement dans le lac de Lauvitel, mais la station météo a enregistrée un total de précipitations de 97.4 mm entre le 7 août 14:00 et le 8 août 10:00.

Dans le lac du Lauvitel, le 25 août 2012 un courant de turbidité a été enregistré. La pluie correspondante a été mesurée à 17 mm au total sur une période de 5h, avec une intensité maximum de 14.2 mm/1h. Le même jour, la station météo du lac de Muzelle a enregistré une pluie de 13.8 mm avec une intensité maximum de 11.4mm/1h, mais aucun courant de turbidité n’a été enregistré dans ce dernier.

Il semble que dans ce dernier cas, les conditions n’étaient pas étés suffisantes pour provoquer une crue dans le lac de Muzelle. Deux autres courants de turbidité se sont produits dans le lac du Lauvitel en 2015, mais ne sont pas comparables avec les données du lac de Muzelle car le matériel de mesure était en réparation chez le constructeur à ce moment-là.

Dans les faits, une pluie courte et intense était suffisante pour engendrer une crue dans le lac de Lauvitel, qui possède un plus grand bassin versant et se situe à une altitude plus basse. Au lac Muzelle, il a fallu une pluie de 99.4 mm (7 août 2013) pour engendrer un courant de turbidité remplissant la trappe avec 8.5 cm de sédiment (cf. Chapitre 3§1). Ce jour-là au lac du Lauvitel, la pluie enregistrée était de 97.4 mm et de 70.2 mm à St-Christophe-en-Oisans, plus bas dans la vallée. A cette date la trappe à sédiment n’était pas en place au lac de Lauvitel, mais sachant que de plus faibles précipitations ont provoqué un courant turbide, il est probable qu’un dépôt de crue se soit formé.

1.1.5.1. Les différences au niveau des bassins versants

La glace recouvrant le lac en hiver et le couvert nival du bassin versant du lac de la Muzelle persiste plus longtemps qu’à Lauvitel, rendant plus difficile la formation d’un dépôt de crue à la fin du printemps et lors de premières neiges à la fin de l’automne. La période propice pour produire un dépôt de crue est donc plus courte à la Muzelle. Cependant, le nombre de crues enregistrées dans le lac de la Muzelle est supérieur à celui de Lauvitel sur les 100 dernières années.

Les précipitations dans un bassin versant de montagne sont souvent supposées plus importantes avec l’altitude (Grebner, 1996) spécialement en été (Henne et al., 2005). Cependant, des facteurs comme le vent ou l’orientation de la pente influencent grandement les précipitations à l’échelle d’un massif (Sevruk et al., 1998). Les Alpes suisse ont montré une grande diversité des précipitations en fonction des différentes vallées, le sud du pays plus haut en altitude, possède un régime de précipitation différent de celui des basses vallées du nord du pays (Sevruk, 1997).

Les conditions intrinsèques au bassin versant doivent contribuer à la génération d’un courant de turbidité. La particularité du bassin versant de la Muzelle est la présence d’un manteau neigeux sur toute sa surface gorgeant les sols d’eau lors de la fonte ce qui facilite

l’augmentation du débit d’un torrent de montagne (Carey and Woo, 2001; Penna et al., 2011). L’indice de Melton (Melton, 1965) est le rapport entre le dénivelé total du bassin versant et sa surface au carré. Il permet de quantifier simplement, l’énergie potentielle pour créer un événement torrentiel dans un bassin versant. Il est de 54.6 pour le lac de la Muzelle et de 7.32 pour le lac du Lauvitel. Le lac de Muzelle est donc plus sensible à la torrentialité en tenant compte seulement de ces deux facteurs. De plus, le couvert végétal est aussi moins important dans le bassin versant de Muzelle ce qui en fait un bassin plus enclin à la torrentialité (García-Ruiz et al., 2008). Enfin, la grande quantité de dépôts d’origine glaciaire à la Muzelle peut aussi être favorable à l’occurrence de dépôts de crues dans le lac (cf Chapitre 3§2).

1.1.5.2. Les conditions atmosphériques

Différentes conditions atmosphériques sont susceptibles d’apporter des précipitations extrêmes dans la région alpine. (Garavaglia et al., 2010) s’est basé sur les données instrumentales de pluviométrie françaises (entre 1953-2005) pour définir les deux grands types de conditions synoptiques pouvant apporter des précipitations au printemps et en automne. Les précipitations les plus fortes sont favorisées par des apports d’ouest provenant de l’Atlantique. Le régime de précipitation Méditerranéen, provoque des précipitations intenses autour du sud des Alpes. Toutefois, la majeure partie de l’été est régie par des conditions anticycloniques, favorisant les précipitations localisées de type orage convectif (Durand et al., 2009; Gottardi et al., 2012). Des configurations similaires d’apports ont été identifiées dans les Alpes suisses à partir de données instrumentales (Schmocker-Fackel and Naef, 2010). Par exemple, la période 1950-1960 à la Muzelle présente une augmentation des crues non perceptible dans les fréquences de crues au lac du Lauvitel ou dans les archives historiques. Elle est toutefois synchrone avec l’occurrence de crues en Suisse, dont les régimes sont dominés par des flux de sud-ouest. La fréquence de crues des deux lacs augmente entre 1970- 1980 et 2000-2010, qui dans les Alpes suisses se traduisent par des flux d’humidité provenant majoritairement du nord-ouest (Schmocker-Fackel and Naef, 2010). De plus, la crue de 1928 a été identifiée comme un flux de sud provenant de la méditerranée (Pardé, 1929).

Les événements de crues enregistrés dans les lacs au nord des Alpes françaises se sont révélés plus sensibles aux apports d’humidité provenant de l’ouest et aux événement convectifs locaux (Wilhelm et al., 2012a, 2013). Au contraire, les lacs au sud des Alpes sont plus influencés par les flux provenant du sud (Wilhelm et al., 2012b). Il semble donc que les deux types de flux influencent la région de l’Oisans, située à l’interface entre les Alpes du nord et du sud françaises. Les événements de pluies convectives plus localisées contribuent aussi à l’occurrence des

précipitations extrêmes (Frei et al., 2000). Sur la période de temps du dernier siècle, il est donc difficile d’en dégager une tendance pour les deux lacs de la Muzelle et de Lauvitel.