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Une assistance régulière à huit séances des travaux du Collège du CNAPS nous fut accordée par son président avec l’approbation de son directeur, durant l’année 2012, année de rodage du CNAPS53. Nos prises de notes et d’observations systématiques se sont accompagnées d’un accès aux PV et documents d’aide aux décisions arrêtées au sein du Collège54.

Nous avons couvert deux autres événements majeurs durant la même année : l’assistance et des prises de notes intensives lors de la première « Journée (historique) des CIAC » du 18 octobre 2012, et lors des « Assises de la Formation de la sécurité privée », à l’École Militaire, le 21 octobre

52 OCQUETEAU, 2011a et 2011b.

53 Les 14 février, 17 avril, 24 mai, 12 juillet, 27 septembre, 25 octobre, 13 décembre 2012, et 24 janvier 2013. Le PV

du 14 février 2012, p. 2, précise ceci : À titre préliminaire, Alain Bauer présente M. Frédéric Ocqueteau, directeur de recherche au

CNRS, auteur de plusieurs ouvrages, dont « la sécurité privée en France – PUF », qui a bien voulu accéder à son invitation de constituer une histoire immédiate du CNAPS, au fil de sa construction. Il demande aux membres du Collège s’ils ne voient pas d’objections à la présence à ce titre aux réunions du Collège de M. Ocqueteau, qui se tiendra à la table technique, n’interviendra en aucune manière et respectera, bien évidemment, le secret des délibérations. Aucune objection n’est émise à l’encontre de cette invitation, le directeur J.-Y. Latournerie ayant par ailleurs donné son accord au président.

54 Cf. sur son site, le bilan tiré de sa propre activité 2012 : http://www.cnaps-securite.fr/wp-content/uploads/2013/04/

suivant. D’autres journées d’observations et d’entretiens directs auprès de DT et de « CIAC disciplinaires » ont eu lieu en février et mars 2013 (à Rennes et à Paris).

Nous nous efforcerons de croiser ces multiples matériaux et de les faire parler en essayant d’en décrypter le jargon et les sigles (cf. le glossaire en Annexe) autant qu’il sera possible, pour aboutir à la construction d’un faisceau d’éléments capables d’étayer l’hypothèse de départ. Nous n’hésiterons pas à citer de larges extraits d’entretiens pour rendre la lecture du rapport plus vivante, faire sentir les émotions des acteurs sans la langue de bois des déclarations habituelles réécrites à l’agence AEF Sécurité Globale55.

IV–JUSTIFICATIONS DU PLAN D’ARGUMENTATION

Le premier chapitre retrace l’archéologie et les différents linéaments d’une prise de conscience cristallisée en acte politique, dès la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, au sujet d’une nouvelle manière de penser la sécurité privée comme complémentaire à la sécurité publique jusqu’au moment de la naissance officielle du CNAPS en décembre 2011. Il montre les lieux, le milieu et les raisons qui ont conduit à l’élaboration d’une expertise nouvelle à ce sujet. Il décrit l’implication des hauts fonctionnaires « convertis » en tant qu’agents influents dans les cercles de la décision pour convertir eux-mêmes les élites à la nécessité de changer les pratiques traditionnelles de régulation du champ, quand il fallut s’aviser des échecs antérieurs de l’État. Il insiste sur le caractère révolutionnaire de l’opération du ‘pacte d’achat’ d’un établissement public par le patronat de la sécurité et de ses clients, pour créer un guichet unique, grâce à la rétribution d’une taxe ad hoc acquittée pour pouvoir entrer dans le jeu.

Le second chapitre retrace la coulisse des négociations qui eurent lieu lors de la phase de préfiguration du collège du CNAPS, son conseil d’administration. La sélection des membres qui y siègent désormais a fait l’objet d’une reconstitution minutieuse : pourquoi et comment incarnent-ils la légitimité des acteurs de la sécurité privée du moment, reconnus par les pouvoirs publics comme ayant vocation à participer à la gouvernance du nouvel édifice ? La délimitation du périmètre est décrite et expliquée dans le même chapitre qui examine ensuite la nature des principaux dossiers ayant été affrontés par le Collège au cours de l’année 2012.

55 Ex-AISG.info. Cette agence d’information spécialisée fait un travail remarquable pour rendre – entre autres – plus transparentes les activités de sécurité privée en France. Bien évidemment, la lecture quotidienne de ses dépêches depuis deux ans a constitué, pour nous, une source incontournable pour la rédaction de ce rapport. On doit évidemment déplorer le coût prohibitif de son accès qui peut dissuader le lecteur d’aller vérifier les sources. C’est pourquoi on ne les utilisera que de manière limitative.

- Le troisième chapitre fait un sort particulier à la Délégation interministérielle à la Sécurité Privée qui a joué, antérieurement et parallèlement au CNAPS, un rôle de concepteur de premier plan dans son édification. Il montre comment cette administration de mission très souple joue un rôle d’aiguillon et d’éveil essentiel pour casser les blocages culturels traditionnels entre administration de l’Intérieur et entreprises privées. Il montre comment elle s’efforce à une pédagogie systématique pour édifier et faire accepter des normes déontologiques et des guides de bonnes pratiques entre prestataires de services et clients plongés dans un modèle économique imparfait.

Le quatrième chapitre montre comment, à l’échelon central et au niveau des sept délégations territoriales du CNAPS, s’est effectuée durant l’année 2012 du rodage, la mise en œuvre du nouveau dispositif. Il observe la phase de transition où les Préfets ont dû lâcher du lest au profit d’agents hybrides ayant désormais à exercer sans trop de filets le travail de contrôle, d’agrément et d’autorisation à leur place, en mobilisant de nombreuses normes procédurales endogènes soucieuses de respecter les formes et canons du droit administratif traditionnel. Il montre empiriquement comment ces nouveaux corps de contrôle se mobilisent et apprennent leur nouveau métier d’aide à la décision de l’assainissement et du conseil au secteur privé.

Le dernier chapitre examine, par le biais de deux immersions d’allure ethnographique au sein du fonctionnement des séances de deux CIAC, comment se prennent concrètement les décisions d’autorisation des demandes, les décisions disciplinaires contradictoires ou par défaut, et les activités de conseil.

C

H A P I T RE

1.

G

E NÈ SE POLI T IQ UE D

UN N OU VE AU D IS P OSI T I F

DE R ÉG UL A TI ON D E L A SÉC U R IT É P R IVÉ E

Les étapes sinueuses de la naissance de l’établissement public CNAPS demandent à être minutieusement reconstituées comme ayant été celles de la gestation difficile d’un animal particulier

ou d’un drôle d’oiseau, tant sur le plan législatif que réglementaire. L’embryon aurait pu avorter, si de

puissantes forces de vie ne s’étaient liguées contre les forces maléfiques pour l’aider à naître au forceps. On trouvera certainement la métaphore controuvée, s’agissant de reconstituer avec aussi peu de recul du temps et au risque du travers inévitable de la téléologie, un « objet constituant » qui fait désormais partie du paysage institutionnel, comme nous le palperons infra aux chapitres 4 et 5. Nous comprendrons néanmoins pourquoi cette métaphore serait partagée par un assez grand nombre d’acteurs aux premières loges qui prirent des décisions utiles56, à la DLPAJ notamment, après bien des réticences, et dont la solidarité pour nous aider à reconstituer les décisions arrêtées lors de ces deux années fondatrices57 nous a été précieuse. Il s’agissait de nous prémunir contre d’éventuels anachronismes interprétatifs, faute d’avoir été placés nous-mêmes

56 Un satisfecit apparemment général apparaît dès le mois d’avril 2011 dans les Cahiers de l’Administration, un

hors-série de la revue de l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, numéro

entièrement dédié à la « Sécurité Privée », inAdministration, HS, 2011. Il n’est pas indifférent de montrer comment,

alors que le CNAPS n’est pas encore officiellement créé, ce numéro ad hoc met déjà en scène les acteurs poids lourds

qui « comptent » aux yeux des préfets, et présentent la plus grande des légitimités pour partager dans une doctrine

commune raisonnable, les apports de partenariat de la sécurité privée à la sécurité publique. Par ordre d’apparition à l’image

sur papier glacé : Jean-Louis Blanchou (DISP), Hélène Martini (ENSP), Jacques Mignaux (DGGN), Alain Bauer (professeur de criminologie), Benoît Kandel (Mairie de Nice), Guillaume Drago (Université Paris II), Éric Chalumeau (dans un article volontairement non signé faisant l’éloge des bureaux d’audit et de conseil en sûreté-sécurité), Claude Tarlet (USP), Jean-Marc Cruciani (SNCF), Michel Ferrero (SNES), Laurent Touvet (DLPAJ – le seul à aborder directement l’outil CNAPS en gésine), Xavier Latour (Université Paris V), Jean-Claude Delage (Alliance Police Nationale). Enfin, Alain Juillet (CDSE), Claude Kupfer (ADP), Edwige Bonnevie (CEA), Bernard Frahi (Sanofi), Patrick Thouverez (SESA), Patrick Lagarde (FEDESFI), Michel Mathieu (Securitas France), Christophe Courtois (PDG). Sur les 21 contributions de ce numéro, neuf plumes se retrouveront membres du CNAPS six mois plus tard, dont cinq au titre de leurs appartenances syndicales patronales.

57 Je tiens particulièrement à remercier les services de M. Laurent Touvet, à la DLPAJ, qui m’ont aidé à reconstituer,

grâce au prêt d’une documentation difficile d’accès, les méandres temporels des circuits de décision (avec une synthèse établie dans un courrier personnel du 9 octobre 2012), en mettant à ma disposition leurs agendas et documentations respectives. Cette initiative a fait suite à de longs entretiens recueillis auprès du DLPAJ lui-même et de M. Philippe Leblanc, le 2 octobre précédent.

aux premières loges de la décision, anachronismes tels qu’ils sont volontairement entretenus par quelque syndicat de détectives privés particulièrement hostile au dispositif58.

Le compte rendu préliminaire ne vise pas à arbitrer entre une histoire officielle qui dirait la vérité et une histoire critique visant à la démystifier, mais plutôt à rétablir une chronologie complexe de faits, de décisions, de temporalités enchevêtrées, tièdes (aux enjeux plus distants), chaudes (accélérant), froides (décélérant) chez des acteurs aux manettes ; des acteurs en concertation et en concurrence permanente pour infléchir le cours des choses au mieux de leurs intérêts respectifs.

Politistes et socio-historiens trieront plus tard dans le poids des influences respectives des uns et des autres pour expliquer ce qui s’est passé durant les deux dernières années du quinquennat Sarkozy (avril 2010-mai 2012), années que nous prétendons inaugurales et annonciatrices d’un grand basculement dans l’histoire de la sécurité privée à la française. Pour le moment, nous cherchons à identifier les acteurs les plus pertinents du jeu et à reconstruire à chaud, avec eux, la logique des intérêts défendus.

Après avoir rappelé – dans le cadre descriptif d’une classique sociologie réglementaire linéaire – ce qui fut un vrai parcours de combattant contre la montre pour faire exister le dispositif imaginé, nous le rééclairons par le bais de quatre dimensions explicatives décisives. Nous montrerons comment l’Élysée, en 2008, sut saisir une opportunité politique pour reprendre la main sur un dossier qui n’avait jamais été pensé à l’échelon européen, en faisant passer la France pour l’inventeur d’une doctrine d’emploi européenne commune de la sécurité privée (I). Nous verrons pourquoi et comment Jean-Marc Berlioz, un fonctionnaire de conviction s’est toujours trouvé aux bons endroits et au bon moment de sa carrière professionnelle pour impulser, voire infléchir les doctrines face à des pratiques condamnées par les échecs itératifs de l’administration dans son mandat de réguler la sécurité privée (II). Nous serons alors mieux à même de comprendre non seulement les arcanes du téléguidage de l’IGA dans la « mission Blot » (au premier semestre 2010), ses tâtonnements personnels et la nature de recommandations finales en grande partie dictées par d’autres acteurs (III). Enfin nous expliquerons comment la potion de la levée de la taxe CNAPS fut avalée, étant entendu qu’elle constitue le nerf de la guerre du nouveau dispositif de co-régulation qui, de notre point de vue, fait basculer l’enjeu dans une ère politico-administrative totalement nouvelle et inédite, au moins dans le champ de la sécurisation générale du pays (IV).

58 Sur le site Wikipedia, dans une fiche rendant compte fort partialement de la création du CNAPS :

I–NAISSANCE DU CNAPS : UNE COURSE LÉGALE CONTRE LA MONTRE

Passons d’abord au crible d’une lecture chronologique serrée les principales étapes de cet accouchement. Nous rencontrerons en chemin le nom des acteurs de l’Administration qui jouèrent un rôle essentiel, ce qui nous amènera à mieux comprendre la nature des intérêts institutionnels prioritaires défendus au sein du Collège du CNAPS.