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Les questions qui se posent au début de ce travail de thèse et qui résument les motivations et ob- jectifs de cette étude sont énumérées ci-dessous. Elles permettront de guider la conclusion générale qui constitue le dernier chapitre de la thèse.

- Quels sont les paramètres microphysiques déterminants dans la formation des cristaux de CO2? - Quel modèle utiliser pour calculer le taux de croissance des cristaux de CO2?

- Les rapports de saturation observés dans la mésosphère martienne permettent-ils de former des tailles de cristaux en accord avec les observations ?

- La formation de nuages de CO2peut-elle être simulée à l’aide d’ondes de gravité ? (Clancy and Sandor , 1998; Spiga et al., 2012)

- Peut-on expliquer les rayons effectifs observés (∼100 nm de nuit et ∼1 µm de jour) ? (Mont- messin et al., 2007; Määttänen et al., 2010; Vincendon et al., 2011)

- Est-il possible d’expliquer simultanément tailles et opacités observées, de jour comme de nuit ? - Si oui selon quel(s) scénario(s) ?

- Peut-on privilégier certains scénarios plutôt que d’autres au regard des observations ?

- Pourquoi la plupart des profils sursaturés dans la haute mésosphère ne s’accompagnent pas constamment d’une formation de nuages ? (Montmessin et al., 2006a; Forget et al., 2009; Mont- messin et al., 2011)

- Comment expliquer le décalage en altitude entre nuage et poche froide observé par Montmessin et al. (2006a) ?

- Peut-on trancher sur la nature convective des nuages de CO2? (Montmessin et al., 2007; Määttä- nen et al., 2010)

- Que conclure sur le mode de formation des nuages de CO2 mésosphériques ?

Comme présenté en introduction générale, pour répondre à ces questions il a été nécessaire d’éta- blir un modèle de croissance de cristaux valable aux hautes sursaturations martiennes mésosphé- riques, pour une vapeur majoritaire se condensant dans une atmosphère raréfiée (chapitre II). Ce modèle de croissance a ensuite été intégré à un modèle de microphysique 1D permettant une représentation simplifiée des processus intervenant dans la formation d’un nuage, avec leur échelle de temps respective, menant ainsi à de premières simulations de nuages idéalisées (chapitre III). Des profils de températures perturbés par la propagation d’ondes de gravité, et extraits de champs de température 3D simulés par un modèle méso-échelle tridimensionnel, sont utilisés pour tenter de reproduire et d’expliquer au mieux les observations (rayons et opacités) à partir de scénarios simples prescrivant l’apport de noyaux de condensation (chapitre IV).

Théorie de la nucléation et de la condensation

Ce chapitre présente les étapes de naissance (nucléation) et de croissance (condensation/évaporation) d’un cristal de CO2, qui seront inclus dans le modèle de microphysique 1D de nuages, présenté dans le chapitre suivant. Plusieurs processus de nucléation sont présentés et discutés, afin de déterminer lequel d’entre eux est pertinent pour l’atmosphère martienne. Les parties liées à la condensation sont consacrées au développement d’un modèle théorique du taux de croissance des cristaux de CO2 dans l’atmosphère de Mars. Les nuages mésosphériques que nous avons pour objectif de simuler pour la première fois dans un modèle de microphysique 1D évoluent dans un environnement très sursaturé en CO2 (chapitre I). Ainsi, le modèle de croissance doit convenir à la condensation du composant majoritaire dans une atmosphère raréfiée, avec des rapports de saturation S & 1.

Nous faisons principalement référence à deux études de modélisation des nuages troposphériques ou de la Mars primitive (respectivement Wood, 1999; Colaprete and Toon, 2003). Ces études ont utilisé des taux de croissance distincts, ignorant l’importance relative de différents processus pouvant intervenir dans la condensation du gaz majoritaire. Nous montrons dans quelle mesure des équations similaires à celles utilisées pour la croissance des nuages d’eau sur Terre peuvent être utilisées, tout en tenant compte des grands rapports de saturation. L’objectif est de déterminer l’approche pertinente la plus simple permettant de calculer le taux de croissance des cristaux de CO2. Une grande partie de ce chapitre a fait l’objet d’un article (Listowski et al., 2013).

Sommaire

II.A Nucléations homogène et hétérogène . . . 69 II.A.1 Nucléation homogène et barrière énergétique . . . 69 II.A.1.a Le rapport de saturation . . . 69 II.A.1.b Energie de nucléation : création d’une nouvelle interface . . . . 70 II.A.1.c Le rayon critique . . . 71 II.A.2 Nucléation hétérogène : abaissement de la barrière énergétique . . . 72 II.A.2.a Nucléation sur un aérosol insoluble . . . 72 II.A.2.b Nature des substrats et affinité structurelle . . . 75 II.A.3 Taux de nucléation J et saturation critique Sc . . . 77 II.A.3.a Unités . . . 77 II.A.3.b Expressions de Jhomet Jhet . . . 78 II.A.3.c Rapport de saturation critique Sc . . . 80 II.A.3.d Probabilité de nucléation hétérogène . . . 82 II.A.3.e Coefficient d’écart à l’isothermie . . . 83 II.A.4 La nucléation ionique . . . 84 II.B Modèle de croissance par condensation pour les cristaux de CO2 . . 87 II.B.1 Deux modèles de croissance . . . 87 II.B.2 L’approche de type Maxwell dans le cas d’une vapeur quasi-pure . . . . 91 II.B.2.a Les équations de base pour une vapeur à l’état de traces . . . . 92 II.B.2.b Le Stefan Flow : un terme de transfert de masse additionnel . . 92 II.B.2.c La thermodiffusion et l’effet Dufour : deux processus croisés . . 93 II.B.2.c.i La thermodiffusion : frein à la croissance . . . 94 II.B.2.c.ii L’effet Dufour : aide à la croissance . . . 96 II.B.2.c.iii Approche au premier ordre . . . 97 II.B.3 Bilan énergétique : couplage des transferts de masse et de chaleur . . . 99 II.C Propriétés de la vapeur de CO2 et de N2 . . . 101 II.C.1 Le traitement en gaz parfait . . . 101 II.C.2 La pression de vapeur saturante du CO2, psat. . . 102 II.C.3 Le coefficient de diffusion moléculaire D pour CO2/N2. . . 102 II.C.4 La conductivité thermique du mélange CO2/N2 . . . 103 II.D Résultats et choix du modèle CLASSIC de croissance . . . 106 II.E De la Terre à Mars : s’adapter aux grandes sursaturations de CO2 . 109 II.E.1 Croissance des cristaux pour les nuages terrestres : des modèles linéarisés109 II.E.2 Ecarts entre notre modèle CLASSIC et le modèle linéarisé (LIN) . . . . 111 II.E.3 Comparaison au taux de croissance de C2003 . . . 115 II.E.4 L’expérience de Glandorf et al. (2002) . . . 116 II.E.5 Comparaison aux taux de croissance de W1999 (approche de Langmuir) 117 II.E.5.a Concordance entre le modèle CLASSIC et W1999 . . . 117 II.E.5.b Linéarisations dans les modèles CLASSIC/Y93 . . . 120 II.E.5.c La correction de Fuchs and Sutugin (1971) . . . 120 II.E.6 Limitations dans le cadre d’une application à une Mars primitive . . . . 120 II.F Effets non pris en compte dans la croissance du cristal . . . 122 II.F.1 Le coefficient de ventilation (sédimentation) . . . 122 II.F.2 Forme du cristal . . . 122 II.F.3 Cinétique de surface . . . 123 II.F.4 Transfer radiatif . . . 124 II.G Conclusions du chapitre . . . 126

II.A

Nucléations homogène et hétérogène

La théorie de la nucléation permet de décrire la première étape d’un changement de phase : nous l’appliquons ici à la formation des cristaux de CO2, à partir du mélange de gaz que constitue l’air martien. D’une certaine façon la nucléation est à l’apparition d’une nouvelle phase ce qu’une étincelle est au déclenchement et à la propagation d’un incendie. Cette étincelle consiste dans notre cas à la formation d’embryons (agrégats de molécules) de la phase de glace dans la phase vapeur.

La nucléation abordée dans le cadre de cette partie suit les principes de la théorie classique de nucléation (souvent désignée par l’acronyme CNT, pour Classical Nucleation Theory en anglais) ap- pliquée à un composé. Un abondant développement de ces principes peut être trouvé dans plusieurs ouvrages (Vehkamäki, 2006; Seinfeld and Pandis, 2006; Pruppacher and Klett, 2010). Les parties ci-dessous reprennent les points importants nécessaires à la compréhension de notre étude.

Nous rappellerons simplement que l’hypothèse majeure de la CNT consiste en l’approximation de capillarité. Cette approximation consiste à supposer que les propriétés de la phase condensée à l’échelle macroscopique se retrouvent à l’échelle microscopique. Ainsi l’énergie de surface de la phase condensée (σ) est bien définie quel que soit le nombre de molécules considérées. Il en va de même pour d’autres grandeurs, comme par exemple la masse volumique de la phase condensée (ρi).