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La mésosphère martienne peut être définie comme la couche de transition (∼40-120 km) entre la troposphère (en-dessous) où l’équilibre radiatif-convectif domine et la thermosphère (au-dessus) où la température augmente avec l’altitude. Dans la mésosphère le profil de température s’infléchit du fait de l’absorption par le CO2 gazeux, dans le proche infra-rouge, des photons solaires incidents (voir par ex. López-Valverde et al., 2011)).

C’est dans cette partie de l’atmosphère martienne que la première identification spectrale d’un nuage de CO2 a été faite (avec OMEGA/MEx) à l’aide du pic d’émission à 4,26 µm provoqué par la diffusion résonante de photons solaire sur les cristaux (Montmessin et al., 2007). Herr and Pimentel (1970) furent les premiers à avancer une détection avérée de tels nuages avec une détection spectroscopique à 4,3 µm des missions Mariner 6/7. Cette observation fut très certainement due à la fluorescence du CO2 déjà observée depuis à cette longueur d’onde (Lellouch et al., 2000; Drossart et al., 2006) et modélisée aujourd’hui (López-Valverde et al., 2005). En outre, l’altitude du pic d’émission (25 ± 7 km) était trop faible pour que la condensation du CO2 ait vraiment pu avoir lieu compte tenu des températures à ces altitudes. Clancy and Sandor (1998) combinèrent l’étude de Herr and Pimentel (1970), leurs mesures de températures en sub-millimétrique depuis la Terre et les observations du lander Mars Pathfinder (Smith et al., 1997) pour affirmer que la formation de nuages de CO2 dans la mésosphère devait être récurrente et qu’ainsi, la photographie avant le lever du soleil d’un nuage bleuté dans le ciel martien par le lander (Figure I.29) était sans doute celle d’un nuage mésosphérique de CO2 réfléchissant la lumière du soleil encore sous l’horizon. Une estimation de la taille des cristaux permettant d’expliquer l’opacité du nuage observé (∼0,1 à 480 nm), a donné une fourchette de rayons effectifs allant de 100 à 300 nm. Par la suite Clancy et al. (2003, 2007) entreprirent les premières détections systématiques de nuages mésosphériques en utilisant le spectro-imageur infrarouge TES (Thermal Emission Spectrometer) sur la mission MGS. Depuis lors certains nuages mésosphériques ont clairement été identifiés comme des nuages de CO2 par spectroscopie (Figure I.30) à l’aide des instruments OMEGA (Montmessin et al., 2007; Scholten et al., 2010; Määttänen et al., 2010; Vincendon et al., 2011) et CRISM (Vincendon et al., 2011), tandis que d’autres formations nuageuses demeurent ambigües quant à la nature de leurs cristaux (Clancy et al., 2003, 2007; McConnochie et al., 2010). En effet Vincendon et al. (2011) ont clairement identifié un nuages composé de cristaux d’eau à une altitude atteignant 70 km, avec OMEGA.

Les nuages de CO2 mésosphériques peuvent être divisés en deux catégories. Les nuages équa- toriaux (entre -20◦N et +20N) sont observés durant la journée dans les deux hémisphères à des altitudes ∼60-85 km avec une taille de particules (reff) 0,5-3 µm et des opacités allant jusqu’à 0,5

FigureI.29 – Photographie d’un nuage (de CO2?) dans le ciel martien par le lander Mars Pathfin- der (Smith et al., 1997). Observation réalisée le 18 août 1997 (MY23,Ls= 166◦

), peu avant le lever du Soleil (de 100 à 35 min avant). L’altitude est estimée entre 70 et 80 km (Clancy and Sandor, 1998). Source : NASA.

Figure I.30 – Nuages observés par HRSC (Mex) et identifiés comme étant des nuages de CO2 (Määttänen et al., 2010) à l’aide de OMEGA, grâce à une signature spectral à 4,26µm (Montmessin et al., 2007). On distingue principalement des structures cirriformes (voir aussi plus bas au sujet des morphologies de nuages, et notamment Figure I.34).

au maximum10(Figure I.31). Quelques nuages de CO2 ont été détectés aux moyennes latitudes également (Määttänen et al., 2010).

Un autre type de nuage concerne quatre détections effectuées durant la nuit à des altitudes ∼90- 100 km (Montmessin et al., 2006a) et à des latitudes de -30◦N et -15N. Les tailles des cristaux sont de l’ordre de 100 nm. La nature (CO2) de ces cristaux a été établie du fait des profils de température sursaturés en CO2 (Figure I.32). Ces couches détachées se trouvant en dessous des poches d’air sursaturées, Vincendon et al. (2011) ont suggéré que ces nuages pouvaient être tout 10. L’étude de McConnochie et al. (2010) montre par ailleurs des détections de nuages mésosphériques à des altitudes descendant jusqu’à 45 km aux moyennes latitudes nord pour des longitudes solaires Ls = 200 − 300◦

. La composition des cristaux demeure cependant indéterminée.

FigureI.31 – L’une des deux seules cartographies de nuage mésosphérique de CO2, à 80 km d’alti- tude, montrant selon la latitude et la longitude la variation spatiale (à gauche) du rayon effectif des cristaux (reff, en µm) dans le nuage et (à droite) de l’opacité à 1 µm (échelles de couleurs). (extrait de Määttänen et al., 2010)

aussi bien composés de cristaux d’eau. Etant donné le caractère singulier de ces formations nocturnes nous les considérerons de fait comme de potentiels nuages de CO2, pour nos simulations.

Figure I.32 – Profils de température obtenus par occultations stellaires en UV (SPICAM/MEx) et montrant des poches sursaturées en CO2 au dessus de couches d’aérosols dont l’altitude est reportée ici (Montmessin et al., 2006a). Les tirets indiquent le point de condensation du CO2.

Il existe des saisons privilégiées pour l’observation des nuages mésosphériques diurnes (Ls= 0−60◦ et Ls = 100 − 150◦) et les observations ne sont pas réparties de façon homogène en longitude (principalement entre -120◦E et 30E). Les nuages nocturnes ont quant à eux été observés à Ls=134- 137◦. La Figure I.33 résume l’état actuel des observations des nuages mésosphériques par différents instruments en orbite.

La morphologie des nuages de CO2 observés suggère une structure de type cirrus ou cumulus. Montmessin et al. (2007) a l’origine de la première identification spectrale observent des structures convectives. Määttänen et al. (2010) qui ont compilé une climatologie sur trois années martiennes de ces nuages ont observé des structures plus contrastées en combinant des observations OMEGA et HRSC. Dans ∼15% des cas observés par OMEGA des structures cumuliformes se dégagent,

Figure I.33 – Cartographies des nuages mésosphériques. Les symboles de couleur renvoient aux détections de nuages de CO2 par OMEGA (cercles), CRISM (carrés), et SPICAM (astérisques). Les observations THEMIS, MOC-TES et HRSC sont réunies sous un même symbole (croix noire), ne pouvant trancher quant à la nature des cristaux. L’observation du nuage bleuté depuis le sol du lander Mars Pathfinder (MPF) est également indiquée (croix bleue).

dans les autres cas il s’agit de structures filamentaires ou indéterminées (l’image ne permettant pas de conclure). Les structures vues par HRSC sont pour la plupart de type cirrus. Määttänen et al. (2010) se sont intéressés à la possible nature convective des nuages en estimant l’énergie potentielle convective ou CAPE (pour Convective Available Potential Energy). Celle-ci quantifie l’énergie cinétique maximale que peut acquérir une parcelle d’air plus chaude que son environnement (Holton, 1992). Des analyses en ordres de grandeur ont ainsi montré que les structures cumuliformes observées, si effectivement convectives, devraient être le résultat de plusieurs ascensions verticales d’échelles inférieures à l’extension horizontale de chaque nuage (avec des vitesses ∼10 m s−1).

Figure I.34 – Comment classer les nuages d’eau et de CO2 observés par CRISM ? Proposition de cinq catégories de morphologies apparentes par Vincendon et al. (2011) : filaments droits et nets (1), filaments estompés (2), filaments ondulés (3), filaments diffus et très étirés (4), et formations ronde et diffuse (5). Les nuages de CO2 appartiennent essentiellement aux catégories (1) et (2). Les nuages d’eau essentiellement aux catégories (4) et (5). Tous les nuages observés, notamment les nuages d’eau, ne sont pas nécessairement dans la mésosphère.

Vincendon et al. (2011) ont observé des structures essentiellement de type cirrus en bénéficiant de la meilleure résolution spatiale de l’instrument CRISM (20 mètres) par rapport à celle de l’ins- trument OMEGA (de 300 à 5000 mètres). Une classification des morphologies apparentes de nuages observés par CRISM a été proposée par Vincendon et al. (2011) ; elle est résumée par la figure I.34. La modélisation des nuages de CO2 mésosphériques demeure incomplète après les tout premiers travaux en la matière présentés par Colaprete et al. (2008) qui ont couplé un schéma de microphy- sique à un GCM martien (de NASA Ames, Haberle et al., 1993) et modélisé ces nuages comme des formation de type convectives, utilisant le CAPE défini précédemment. Les répartitions saisonnières et spatiales ne correspondent pas aux observations (González-Galindo et al., 2011), malgré des opaci- tés concordantes toutefois (∼0.02−0.1). Les tailles de cristaux de 1 à 10 µm demeurent proches mais plus élevées que les valeurs observées (Montmessin et al., 2007; Määttänen et al., 2010; Vincendon et al., 2011). En outre les résultats de modélisation situent bien ces nuages entre 0.03 mbar (∼60 km) et 0.01 mbar (∼70 km) mais le modèle, plafonné à 80 km, ne permet pas de s’intéresser aux nuages plus élevés (∼ 80−100 km). Les nuages mésosphériques présentant des contraintes observationnelles beaucoup plus fortes que les nuages polaires (observations directes avec tailles précises de cristaux et opacités), la microphysique des nuages de CO2 sur Mars doit s’employer à expliquer ces formations nuageuses, afin de mieux contraindre la formation des nuages polaires de CO2dans un second temps. Pour finir, nous rappellerons que l’on prête aux nuages mésosphériques martiens des analogues terrestres (voir Määttänen et al., 2012; Määttänen et al., 2013) : les nuages mésosphériques polaires composés de cristaux d’eau, souvent désignés par l’acronyme PMC (Polar Mesospheric Clouds en anglais). Ils ont été abondamment observés et caractérisés (Pérot et al., 2010; Chandran et al., 2012), ainsi que modélisés (Rapp and Thomas, 2006; Chandran et al., 2012). Ces nuages, aussi connus sous le nom de nuages noctulescents (voir exemple sur la Figure I.35 à gauche), sont composés de cristaux de tailles 50-80 nm, et leur formation s’observe au niveau des pôles en été (et de façon exceptionnelle aux moyennes latitudes).

Figure I.35 – Nuage noctulescent vu depuis la station spatiale ISS (à gauche – crédit : NASA) et nuage mésospheric martien photographié par MOC (à droite, Clancy et al., 2007) en Ls∼ 30◦

vers 5◦

La mission spatiale AIM (Aeronomy of Ice in the Mesosphere, Russell et al., 2009) a apporté de nouvelles images nadir des PMCs. On peut remarquer que la structure de ces fins nuages n’est pas sans rappeler les observations HRSC (Figure I.30) de nuages mésosphériques martiens cirriformes, avec quelques aspects cumuliformes diffus par endroits (Figure I.36).

Figure I.36 – Nuages mésosphériques polaires terrestres observés en UV (nadir), par la mission AIM (La zone cerclée de rouge est identifiée comme étant une zone de sublimation.) Source : (Chan- dran et al., 2012).

I.B.3

Focus sur la mésosphère martienne, ses températures et sursaturations