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E.5 Comparaison aux taux de croissance de W1999 (approche de Langmuir)

II.E.5.a Concordance entre le modèle CLASSIC et W1999

Dans cette section nous comparons le modèle CLASSIC, d’approche de type Maxwell (schéma de gauche sur la Figure II.14), à un modèle de croissance utilisant une approche de type Langmuir (schéma de droite sur la Figure II.14). A cette fin nous nous référons à l’étude de Wood (1999) – W1999 – sur la condensation dans la nuit polaire, mais qui a également évalué des taux de crois- sance pour d’autres conditions atmosphériques martiennes (mésosphère et Mars primitive). L’auteur a utilisé un modèle de condensation développé par Young (1993) – noté Y93 – théoriquement va- lable pour toute vapeur condensable : de la vapeur à l’état de traces, à la vapeur totalement pure, et ce quel que soit le régime de condensation (continu, transitoire, ou cinétique). C’est à notre connaissance le modèle de croissance publié le plus avancé en la matière (voir présentation dans l’Annexe E). Y93 utilise les équations de régime cinétique avec des distributions de vitesses ap- propriées dans la couche de Knudsen et, au-delà de celle-ci, applique les équations de conservation du régime continu pour le mélange de vapeur condensable et gaz inerte. Les flux de matière et de chaleur sont égalisés à l’interface entre les deux zones – interface dite de Knudsen – avec une loi de distribution des vitesses qui tient compte de l’état hors-équilibre qui existe à cette interface. Les

équations phénoménologiques obtenues tiennent par ailleurs compte des effets croisés de la différence de température sur le flux de masse, et de la différence de pression partielle de la vapeur sur le flux de chaleur (cf. thermodiffusion et effet Dufour). Par ailleurs, le Stefan flow est également pris en compte dans les équations de Y93.

Le tableau II.7 résume les dépendances des transferts de masse et de chaleur (avec ou sans « effets croisés ») dans chaque modèle utilisé ou présenté dans ce manuscrit.

Modèles Schéma de condensation

Y93sf;W1999sf; SFTHDUFsf Im= f (∆pv, ∆Ta) et Ih= g(∆Ta, ∆pv)

CLASSIC ; SFsf; LIN Im= f (∆pv) et Ih= g(∆Ta)

Table II.7 – Les modèles de condensation, avec (haut) ou sans (bas) effets croisés. L’exposant sf signale l’inclusion ou non du Stefan flow dans le transfert de masse. W1999 renvoie à Wood (1999) et Y93 à Young (1993). Pour le modèle LIN voir le tableau II.6 donnant des références.

W1999 présente dans son travail plusieurs taux de croissance en fonction de la sursaturation s = S − 1 pour des conditions mésosphériques et polaires. Dans ces taux de croissance ne sont pas inclus le transfert radiatif et les effets cinétiques de surface. Nous utilisons comme condition à la surface du cristal la même que W1999, à savoir que la pression partielle de la vapeur est égale à la vapeur saturante. Nous pouvons ainsi comparer nos taux de croissance du modèle CLASSIC avec ceux de W1999 qui sont ceux du modèle de condensation de Y93. Les Figures II.34 and II.35

Figure II.34 – Taux de croissance d’un cristal de r = 100 nm à une pression mésosphérique de p = 0.02 Pa, avec le modèle CLASSIC (trait continu), le modèle LIN (tirets), avec la formule telle qu’extraite de Toon et al. (1989) (trait mixte) et donnée par l’équation II.54. Les croix rouges indiquent les valeurs de W1999.

montrent les taux de croissance respectivement pour des conditions mésosphériques caractérisées par p = 0.02 Pa, r = 100 nm, Kn ∼ 105, et des conditions polaires caractérisées par p = 80 Pa, r = 100 nm, Kn ∼ 1 et p = 80 Pa, r = 10 µm, Kn ∼ 100. Nous montrons également les taux de croissance pour le modèle LIN et pour le modèle de croissance évalué avec la formule de Toon et al. (1989) (équation II.54). Dans la mésosphère (Figure II.34), pour un rapport de saturation de 10 et un cristal de 100 nm, le taux de croissance prédit par le modèle linéarisé est de 4 µm h−1 alors que notre modèle CLASSIC donne 1 µm h−1 et l’équation de Toon et al. (1989) (II.54) donne 0.3 µm h−1 12. Le modèle CLASSIC donne les mêmes taux de croissance que ceux obtenus par W1999, aussi bien dans des conditions mésosphériques que polaires (Figure II.35) où les taux de croissance y sont plutôt de l’ordre de 1 µm s−1. Le modèle LIN donne des valeurs plus grandes que le modèle CLASSIC (et que celui de Y93) quelles que soient les conditions atmosphériques, pour la condensation de la vapeur majoritaire. La concordance entre le modèle complet de Y93

FigureII.35 – Idem que la figure II.34 dans des conditions caractéristiques de la troposphère (nuit polaire).

et notre modèle CLASSIC renforce l’idée que les processus additionnels comme le Stefan flow, la thermodiffusion et l’effet Dufour sont négligeables (section II.D). En effet ces processus sont présents dans le modèle de Y93. Un précision néanmoins : nous avons pu dire que la thermodiffusion était négligeable en comparant nos modèles CLASSIC et SFTHDUF. En revanche, Y93 affirme négliger la thermodiffusion (voir le texte se rapportant à son équation 9). Ainsi nous ne pouvons pas dire que la concordance entre modèle CLASSIC et Y93 est une preuve supplémentaire que la thermodiffusion est négligeable. Nous pouvons par contre dire que toute influence du gradient de température sur le flux de masse, quelle qu’elle soit, est négligeable. En effet dans le cas contraire une différence apparaîtrait entre modèle CLASSIC et W1999, ou entre modèle CLASSIC et SFTHDUF.

II.E.5.b Linéarisations dans les modèles CLASSIC/Y93

Dans notre modèle CLASSIC, comme dans le modèle de W1999, la linéarisation de la pression partielle de surface (pression de vapeur saturante) que nous avons pointée du doigt auparavant n’est pas faite. Nous avons montré que la raison en était les grandes valeurs prises par ∆Ta. Ceci explique que nos modèles concordent, en plus du fait que les processus additionnels (comme le Stefan flow) sont négligeables.

Cependant, W1999 souligne de son côté que les équations phénoménologiques de Y93 sont aussi obtenues après des approximations nécessitant que ∆Ta/T∞ soit suffisamment petit devant 1, ce que W1999 montre comme étant équivalent dans son étude à S ! 10. Si l’on se réfère à la figure II.29, nous voyons que ∆Ta ∼ 6K pour S ∼ 10, mais comme alors T∞ ∼ 80 K, ∆Ta/T∞ ∼ 0.08 ce qui est encore acceptable pour pouvoir se comparer à l’étude de Y93. Rigoureusement donc, la comparaison entre notre modèle et celui de W1999 (Y93) ne peut se faire que jusqu’à S ∼ 10. II.E.5.c La correction de Fuchs and Sutugin (1971)

Pour rendre compte du régime transitoire ou cinétique nous utilisons une correction effective des coefficients de transport D et K (Fuchs and Sutugin, 1971). W1999 n’utilise pas une telle correction car l’approche de Langmuir l’en dispense (pour rappel voir le schéma de la Figure II.14). Le modèle CLASSIC concordant avec W1999, nous pouvons donc conclure que la correction de type Fuchs and Sutugin (1971) est validée pour notre étude, ce qui n’était pas évident a priori.

En effet, cette correction a été adaptée d’une étude de Sahni (1966) sur le transfert de neutrons dans un réacteur, et était initialement destinée à des mélanges où Mv/Mg * 1 (voir Seinfeld and Pandis (2006), section 12, ou Fuchs and Sutugin (1971) section 3.2, formule 3.27). Cependant nous observons ici que la correction marche pour Mv/Mg = MCO2/MN 2 ∼ 1, 5. Cela va dans le sens de l’étude de Monchick and Blackmore (1988) qui ont montré que la correction de Fuchs et Sutugin était une approximation quasi-universelle pour des rapports de masse Mv/Mg ∼ 10 malgré son domaine d’applicabilité initialement restreint. Notre étude conforte l’idée que la correction de Fuchs and Sutugin (1971) est valable pour Mv/Mg ∼ 1, 5. Néanmoins la conclusion de Monchick and Blackmore (1988) ne vaut que pour des conditions où le condensable (quel que soit sa masse molaire) est dilué. Ainsi, sans pour autant démontrer que les conclusions de Monchick and Blackmore (1988) sont applicables à des régimes où le condensable est majoritaire, nous montrons donc que la correction de Fuchs and Sutugin (1971) peut toujours s’appliquer pour une vapeur quasi-pure telle que le CO2 sur Mars.