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D’une façon générale, trois régimes de croissance peuvent être invoqués pour caractériser la for- mation d’un cristal, selon la valeur du libre parcours moyen λ de l’atmosphère par rapport au rayon a du cristal. On introduit le nombre de Knudsen :

Kn = λ

a (II.20)

– Si Kn & 1, le régime est dit cinétique (ou moléculaire), et les molécules suivent des trajectoires ballistiques.

– Si Kn * 1, le régime est dit continu, et les molécules suivent des trajectoires aléatoires qui à l’échelle mésoscopique sont modélisées par les lois de la diffusion.

– Si 0,01 ! Kn ! 100 , le régime est dit transitoire et aucune des descriptions, cinétique ou continue, ne convient.

Sur Mars, les faibles densités atmosphériques impliquent que λ " 10 µm (valeur en surface). A 20 km d’altitude, λ ∼ 30 µm, à 50 km λ ∼ 0, 1 cm, à 70 km λ ∼ 1 cm et à 90 km λ ∼ 10 cm. Les tailles de cristaux les plus grandes attendues pour les nuages polaires sont de l’ordre de ∼ 100 µm et ainsi a ! 100 µm. Cela se traduit (avec λ " 10 µm) par des nombres de Knudsen qui seront toujours tels que : Kn " 0,1. Ainsi un cristal évoluera soit en régime transitoire, soit en régime cinétique.

Pour pouvoir tenir compte de ces deux régimes en un seul modèle de croissance, deux approches sont possibles : une description dite « de Maxwell » ou « de Langmuir ». La figure II.14 résume les deux approches.

L’approche de Maxwell (1890) (à gauche sur la figure II.14) consiste a supposer qu’un régime continu s’applique partout (Kn * 1) et ainsi la loi de Fick pour la diffusion moléculaire et la loi de Fourier pour la diffusion de la chaleur peuvent être utilisées (voir leur expression section II.B.2.a). Cette approche nécessite donc une correction du coefficient de diffusion moléculaire D et de la conductivité thermique K pour rendre compte d’un régime possiblement transitoire ou cinétique qui limite l’efficacité des processus de diffusion (du fait d’un nombre de collisions moindre entre molécules). C’est l’approche qu’ont utilisé C2003 et Colaprete et al. (2003, 2008) pour modé- liser les nuages de CO2. Ces études héritent du modèle de Toon et al. (1989) sur les nuages polaires stratosphériques sur Terre (voir section II.E.3).

L’approche de Langmuir (1915) (à droite sur la figure II.14) consiste à séparer l’espace environnant le cristal sphérique en deux régions : une région où le régime est supposé cinétique (appelée couche de Knudsen, d’une épaisseur de l’ordre de λ), et au delà une région s’étendant à l’infini où le régime continu prévaut. Cette seconde approche permet de prendre en compte tout type de régime. C’est cette approche que W1999 a utilisé pour évaluer les taux de croissance des cristaux de CO2. Par exemple, dans un régime purement cinétique (Kn & 1), la région adjacente au cristal (zone blanche dans la Figure II.14) occupera tout l’espace.

Pour la première approche nous utilisons la même correction des coefficients de transports que C2003. Elle provient du travail de Fuchs and Sutugin (1971), et s’exprime de la façon suivante :

D# = D

1 + f (Kn) and K

#

= K

1 + f (Kn) (II.21)

où D et K sont le coefficient de diffusion moléculaire et la conductivité thermique respectivement, définis en régime continu, et D#

et K#

sont les coefficients corrigés. f (Kn) est défini de la façon suivante :

f (Kn) = Kn1.333 + 0.71Kn −1

1 + Kn−1 (II.22)

où le nombre de Knudsen peut prendre deux valeurs (en pratique sensiblement égales) telles que données par Toon et al. (1989), et relatives à la diffusion moléculaire (Kn,d) et à la conduction de la chaleur (Kn,h) : Kn,d= λd a = 3Dvth CO2 a et Kn,h= λh a = 3K

‘Maxwell-type’ (Colaprete and Toon, 2003)

‘Langmuir-type’ (Wood, 1999) Growing ice crystal

Two descriptions Flux matching heat transfer mass transfer

+

‘Maxwell-type’

(Colaprete and Toon, 2003) TT

‘Langmuir-type’ (Wood, 1999) Growing ice crystal

Twooo descriptions

Flux matching

heat transsferr

mass transfer

Fuchs and Sutugin correction

Figure II.14 – Schéma représentant les deux façons principales de décrire la croissance d’un cris- tal. A gauche : l’approche de Maxwell qui suppose un régime continu environnant et corrige les coefficients de transport pour rendre compte d’un éventuel régime transitoire ou cinétique. C2003 a opté pour cette approche en utilisant le modèle de croissance de Toon et al. (1989). A droite : l’approche de type Langmuir où deux régions sont considérées autour du cristal : une zone ou le régime cinétique prévaut, et une zone, plus éloignée du cristal, ou le régime est considéré comme étant continu (W1999 a utilisé cette approche). Ce deuxième mode de représentation est valable pour n’importe quel type de régime, et ne nécessite pas de correction des coefficients de transports. Source : Listowski et al. (2013)

où a est le rayon du cristal, vth

CO2 est la vitesse d’agitation thermique (m s

−1) d’une molécule de CO2, ρatm est la densité de l’atmosphère ou air (kg m−3), Cp,atm la capacité calorifique massique de l’air (J kg−1 K−1) évaluée comme la moyenne pondérée de de celle du CO2 pur (∼ 0.7 × 103 J kg−1 K−1) et du N

2 pur (∼ 1.0 × 103 J kg−1 K−1). Rair est la constante spécifique des gaz parfaits R/Matm, où Matm est la masse molaire moyenne de l’air.

La Figure II.15 donne l’allure de 1/ [1 + f (Kn)] (apparaissant dans l’équation II.21) pour la correction de Fuchs and Sutugin (1971), et aussi pour une autre correction. Typiquement pour un cristal de 10 nm à ∼90 km, le nombre de Knudsen Kn est de ∼107. La correction de Fuchs and Sutugin (1971) est utilisée dans un grand nombre d’études sur la formation des nuages : notamment Toon et al. (1989) pour les nuages stratosphériques polaires terrestres, abondamment cité et repris, par exemple pour les nuages mésosphériques polaires terrestres (Rapp and Thomas, 2006), et sur Mars pour les nuages de glace d’eau (par ex. Michelangeli et al., 1993; Montmessin et al., 2002, 2004). Nous revenons sur le choix de cette correction dans la section II.E.6.

Figure II.15 – Facteur correctif du coefficient de diffusion et de la conductivité thermique (échelle log), représenté par le rapport D#/D ou K#/K, en fonction du nombre de Knudsen Kn. Trois régimes peuvent être distingués. Pour des nombres de Knudsen croissants, l’efficacité du transport est amoindrie, ce qui se traduit par une diminution des coefficients de diffusion. Le trait continu vaut pour la correction de Fuchs and Sutugin (1971) et le trait mixte pour celle de Dahneke (1983). Les traits verticaux sont tracés à titre indicatif pour rappeler la distinction entre régime continu, transitoire, et cinétique.