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Présentation de la première partie

3.1. Cadre de la recherche : Objectifs et questions de recherche

3.2.2. Présentation du corpus de presse

3.2.2.1. Objectifs et questions de recherche

Le corpus de presse qui m‟occupera dans la deuxième partie de ce travail fait partie de ce qui est appelé le corpus préexistant à la recherche. Le questionnement le concernant a muri dans mon esprit durant une longue période, car en tant que lectrice assidue des quotidiens nationaux, j‟ai été confrontée à ces textes publicitaires, d‟un genre nouveau, ajouterai-je. Mon intérêt pour ces textes s‟est accru à partir de l‟année 2002 où j‟ai commencé à recevoir une formation en sociolinguistique, mais je n‟ai pas tout de suite travaillé sur ce thème, car un autre thème m‟occupait en ce moment-là23

.

C‟est la manifestation de cette polémicité des faits qui a été à l‟origine de mon questionnement auquel présidait également mon intérêt particulier pour la question des langues en Algérie et ma formation universitaire. Suggérées par ces faits que l‟on observait, des hypothèses ont commencé à se former et à être formulées suite aux questions posées.

23

La préparation d‟un mémoire de magistère intitulé « Les parlers urbains de Mostaganem. Essai d‟analyse sociolinguistique. », 2007, s/d Pr Dourari Abderrezak.

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C‟étaient autant d‟éléments de réponse que je m‟étais attelée à canaliser, à sérier, à trier et à en tester la pertinence par rapport à mon objet d‟étude.

C‟est à partir de cette confrontation que s‟était établi le caractère polémique des faits linguistiques que j‟observais. En effet, les langues employées et l‟usage qu‟on en faisait dans ces textes contrastait avec l‟usage qu‟on en faisait dans la communication officielle, et l‟habitus culturel que l‟on interpellait habituellement n‟était plus le même. Ce n‟était guère plus le résultat d‟une construction institutionnelle, mais le fait d‟une dynamique réelle qui animait la société et qui opérait par le biais d‟un langage travaillé au quotidien par l‟usage divers et varié qu‟en faisaient les locuteurs réels et les acteurs du champ médiatique.

Ce corpus se compose d‟environ deux cent textes publicitaires. Ils ont été recueillis dans la presse écrite francophone diffusée en Algérie entre les années 2006 et 2009 et ce, dès que le projet a commencé à s‟ébaucher dans mon esprit, mais il existe d‟autres textes dont les dates sont moins récentes et qui remontent aux années 2002, 2003 et 2004, des journaux que j‟ai gardé pour d‟autres motifs, notamment pour leur valeur documentaire.

Les journaux où ont été publiés ces textes ont été choisis du fait du nombre important de pages qui y est consacré à la publicité. Pour certains, on pourrait compter en moyenne 12 sur 24 pages. Ce sont en outre des journaux à grand tirage, j‟en cite celui du journal Le Quotidien d‟Oran, dont les le nombre d‟exemplaires tirés atteint les 168.705. Quant à El Watan, il n‟en mentionne pas le nombre. Ils sont de ce fait plus sollicités que d‟autres par les publicitaires qui aspirent à faire non plus à une diffusion locale ou régionale, mais à une diffusion nationale, cette dernière est utilisée surtout par les grandes marques et entreprises.

Ils sont conçus dans plusieurs langues dont le français. Ce dernier fait néanmoins l‟objet d‟un usage particulier impliquant son alternance avec d‟autres langues telles que l‟arabe algérien, l‟arabe institutionnel et l‟anglais. Les autres langues sont l‟arabe égyptien, l‟anglais, l‟italien. Certains textes sont écrits dans l‟une ou l‟autre des langues citées ci-dessus. En ce qui concerne la transcription des textes en arabe algérien, les deux systèmes sont adoptés, arabe et latin.

Vu la complexité du sujet abordé, j‟ai délimité deux types de question. Des questions que j‟ai posées au début de ma recherche, et auxquelles j‟ai tenté de répondre, et des questions

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qui ont surgi ex abrupto au cours de mon travail, et que j‟ai esquissées non sans les problématiser.

La collecte du corpus de textes publicitaires ainsi que son tri ont été fait en fonction des questions posées. Elles correspondent à deux critères, celui de la pluralité des langues et de leurs usages et celui de la présence dans ces textes de marques transcodiques, de marqueurs culturels et linguistico-culturels. En évoquant la pratique publicitaire, Jean Michel Adam parle essentiellement d‟« une langue dans une langue »24, tant la créativité lexicale y est grande et primordiale. Outre les spécificités rythmiques, poétiques et intonatives, ce sont les entorses faites aux normes rigides de la langue qui sont à la base de la conception des textes publicitaires. En attestent, en effet, les néologismes, les phénomènes de dé-sémentisation/re-sémentisation, les manipulations sémantico-syntaxiques, graphiques et lexicales, les procédés stylistiques, les stratégies communicatives et les choix linguistiques qui les singularisent.

Les choix linguistiques se font d‟ailleurs en fonction des récepteurs visés. Je pose de ce fait que l‟hétérogénéité du public implique la prise en compte des variables sociologiques dans la conception du texte. Elles s‟y traduisent en variations linguistiques que sont l‟origine sociale ou socioculturelle, l‟origine géographique, l‟âge, les circonstances de l‟acte de la communication et le sexe. On pourrait aussi percevoir le texte publicitaire comme étant une forme d‟interaction différée dans le sens où ce dernier peut emprunter sa forme et son schéma discursif ou typologique aux habitudes linguistiques de la société cible.

Ajoutés aux procédés cités ci-dessus, il serait difficile de poser que le recours aux langues non-officielles, ou à certains de leurs registres autres que soutenus, ou encore le non respect des normes académiques seraient uniquement dus à un quelconque déficit lexical ou langagier. N‟y aurait-il pas là une volonté délibérée et du reste bien réfléchie d‟adopter ce que nombre de linguistes, de sociologues algériens, maghrébins et autres appellent les langues de « l’affectivité »25, « les véritables langues maternelles »26, « les langages nationaux »27

24

Adam M et Bonhomme M., 2003, L’argumentaire publicitaire, Rhétorique de l’éloge et de la persuasion, Paris, Nathan, p.158.

25 Sebaa R., 2002, L’Algérie et la langue française. L’altérité partagée, Oran, Dar El Gharb, p.43.

26

Granguillaume G., 1999, « Arabisation et langues maternelles dans le contexte national au Maghreb » in International journal of sociology of language, n° 87, p.54.

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relevant du « domaine des rapports personnels et intime »28 . Celles qu‟appellent Mostefa Lacheraf « les langues majeurs du Maghreb »29 ? Ces langues algériennes ne se limitent pas à l‟arabe algérien et aux langues berbères de l‟usage quotidien et de la création collective, elles recouvrent aussi la langue française où dans certains cas, certes sporadiques, elle peut faire figure de langue première et/ou être apprise en même temps que l‟une des langues citées précédemment. Je reprends à mon compte l‟exemple30 cité par Dourari Abderrezak, sur l‟acquisition de la langue française chez de jeunes enfants algériens par le biais des médias.

La diffusion des slogans publicitaires conférerait donc une certaine légitimité voire une reconnaissance qui va dans le sens d‟une valorisation des pratiques des locuteurs. Ces derniers ayant intégré le schéma prosodique de certains textes, ont procédé eux-mêmes à la création de brèves formules j‟en cite:

[mobilis ahdar w qis]

Traduction: Mobilis, parle puis jette.

[mestġalim v3tset lmakla w sket]

Traduction: Mostaganem vint sept (l‟indicatif de la ville), on y mange et on se tait.

[gilizen ezin bel mizen]

Traduction: à Relizane, la beauté physique y est symétrique

[bejmut elli jedxulha jmut]

Traduction: Celui qui entre à Beymout y meurt.

[luk w hab lmlouk]

Traduction: Le look et les cerises. (Jeu sur les allitérations, la rime).

[El muludia naxla elli jtušiha jaxla]

Traduction: Le club Mouloudia d‟Oran est un palmier, celui qui y touche se ruine.

Ces exemples, du moins pour le premier énoncé montre l‟influence qu‟a le slogan publicitaire sur les pratiques langagières des locuteurs algériens, ceci n‟est pas sans s‟inscrire dans une tradition parémiologique du reste très ancrée dans le discours des Maghrébins de manière générale. D‟ailleurs la frontière entre les deux est parfois si imperceptible que l‟on tendrait à confondre les deux genres31 parémiologique et publicitaire. Pour ce qui est de la forme, il s‟agit « des symétries syllabiques, syntaxiques et lexicales »32

qui relèvent d‟« une

28

Dourari A., 2003, Les malaises de la société algérienne, crise de langues et crise d’identité, Alger, Casbah, p.16.

29

Lacheraf M., op.cit, p.69.

30

Il s‟agit d‟un enfant qui a appris le français en regardant l‟émission pour enfants Club Dorothée sur la chaîne de télévision française TF1.

31

Tamba I., 2000, « Formules et dire proverbial », in Revue Langage, Septembre n° 139, pp.110-111.

32

Maingueneau D., 2007, Analyser les textes de la communication, Paris, Armand Colin (2ème édition entièrement revue et augmentée), p.150.

31

structure rimique et rythmique »33 qui sont communes aux deux genres, quant au fond, le slogan s‟apparente au proverbe dans la mesure où il ambitionne de faire acte d‟une énonciation sous le mode de la vérité générale, celle-là même qui caractérise les maximes, proverbes ainsi que d‟autres expressions idiomatiques, c‟est ce que j‟appelle, en usant d‟un néologisme, des phrases sloganoïdes.

En ce qui concerne le deuxième aspect qui est relatif à l‟exploitation des représentations collectives et des pratiques linguistiques circulantes, j‟ai relevé un certain nombre de slogans qui s‟inscrivent dans cette logique.

En effet, « la publicité étant condamnée à fonctionner en phase avec les

représentations collectives dominantes et dans la mesure où sa lisibilité doit être parfaite, elle doit puiser dans le stock bien fourni des stéréotypes éprouvés, c'est-à-dire des représentations les plus simplificatrices et les plus stables »34. Comme je l‟ai souligné plus haut, L‟énoncé publicitaire se trouve le plus souvent ancré dans le préconstruit socioculturel supposé du récepteur. L‟objectif de l‟émetteur étant d‟évaluer pour exploiter de la façon la plus efficiente, non seulement son patrimoine de connaissance, mais aussi les systèmes symboliques et/ou de valeurs identitaires qui nourrissent son univers référentiel et celui de la communauté qui le partage. Cette démarche du publicitaire a pour finalité d‟orienter l‟interprétation du destinataire vers le sens qu‟il souhaite voir actualisé, et pouvoir ipso facto atteindre à la visée escomptée à savoir la production d‟un effet qui, du moins pour les publicités qui m‟occupent, va l‟amener en dernier lieu à adopter un comportement d‟achat du produit.

La sémiotisation valorisante de certains repères comme les repères géographiques, linguistiques, religieux et culturels qui figurent dans mon corpus, participe de la démarche citée ci-dessus. Le produit de la publicité est valorisé parce qu‟il est inscrit dans un rapport symbolique et métonymique avec des repères constitutifs des référents identitaires des récepteurs/interprétants, autrement dit la valorisation du produit repose sur celle du repère. Dans ce sens Olivier Bruno écrit que, d‟une manière globale, « la communication médiatisée

(…)a pour but de transmettre non des contenus mais des matrices de représentation de la réalité »35) qui sont celles propres au public ou celles attendues par lui, le public visé par les

publicitaires en fait partie .

33

Anscombre J C., 2000, « Parole proverbiale et structures métriques », in Revue langage, op.cit, p.23.

34

Boyer H et Prieur J.M., « variation (socio)linguistique », in Boyer H., 1996, (éd.) op.cit, p.64.

35

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J‟‟ai d‟abord abordé, les pratiques linguistiques circulantes qui y sont exploitées, elle concerne l‟exploitation de toutes les formes linguistiques consacrées par l‟usage quotidien, notamment celles qui sont ancrées dans l‟imaginaire collectif, d‟où l‟intérêt soutenu manifesté par les publicitaires à l‟égard du canal de transmission, le plaisir procuré ainsi par le texte y est important.

Il s‟agit « du jeu intéressé que joue la publicité avec les représentations collectives et

plus précisément de l’exploitation des représentations en circulation sur le marché linguistique »36, j‟en cite le parler jeune voire adolescent dit « ado », le parler algérien, le parler égyptien…etc., et dont l‟usage n‟est pas sans produire d‟importants effets de sens. Elle impliquerait des implicites et des marqueurs culturels proprement algériens d‟où le rôle authentificateur et intégrateur des médias visant à réussir une « parfaite empathie avec la

cible »37.

J‟ai examiné par la suite les autres constituants du texte publicitaire qui contribuent à réussir « la réception, en d’autres termes l’imaginaire (supposé) »38 de la cible car « son

efficacité dépend de la reproduction d’un ensemble de normes et de valeurs partagées par le public auquel elle s’adresse »39

. Outre les éléments lexématiques ayant une fonction d‟ancrage, je me suis intéressée à des éléments extralinguistiques non moins signifiants. Il s‟agit d‟un type de publicité suggestif où il est essentiellement fait appel à la connotation.

36 Ibid. p.60. 37 Ibid. 38 Ibid. 39

Quillard G., 1998, « relations intersubjectives et marqueurs culturels dans les publicités anglaises et françaises » in http:/www.erudit.org/revue/ttr/1998/v11/n11037319ar.pdf. (Consulté le 22/01/2008).

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