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Le cas de l’anglais, de l’espagnol et de l’allemand

Présentation de la première partie

2. Langues et dénominations

3.5. Le cas de l’anglais, de l’espagnol et de l’allemand

Si l‟on doit aborder le cas de l‟enseignement de l‟anglais en Algérie d‟un point de vue sociolinguistique, l‟on ne peut faire l‟économie d‟un commentaire du rôle qui lui a échu dès 1993, c'est-à-dire à un moment où le pays était fragilisé par la décennie rouge dont il n‟était pas encore sorti. En effet, l‟enseignement de l‟anglais en quatrième année primaire a été proposé en remplacement du français. Quoiqu‟à titre optionnel, cette langue ne devait pas moins se substituer à une langue dont l‟enseignement était jusqu‟alors obligatoire, et quoique fort de sa réputation de première langue internationale, celle de la première puissance économique mondiale, celle de la modernité, « des sciences et des techniques »429, le modèle ayant séduit au début, a fini par céder aux contraintes liées au réel et à l‟environnement sociolinguistique qui prévaut en Algérie, ceci s‟est traduit par un réalisme dont ont fait preuve les parents d‟élèves , la raison invoquée et soutenue par eux est l‟absence d‟un ancrage socioculturel de l‟anglais en Algérie. En ce sens « leur choix est diamétralement opposé aux

discours politiciens mais en concordance avec la situation linguistique et culturelle du pays »430. D‟après la même source, la régression qui a suivi l‟engouement pour l‟‟apprentissage de cette langue est, en partie, le fait de certains parents d‟élèves qui après avoir opté pour l‟anglais ont regretté leur choix premier.

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Derradji Y., « Vous avez dit langue étrangère, le français en Algérie? » in, http://www.unice.fr/IF-CNRS/ofcaf/15/derradji.html/ , (Consulté le 03/09/2009).

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Les statistiques réalisées par le Ministère de l‟Education Nationale431

ont toutes montré que sur une période s‟étalant sur deux ans, l‟effectif des élèves désireux d‟apprendre l‟anglais comme première langue étrangère a nettement baissé, en même temps qu‟il en est ressorti des résultats d‟une enquête menée par le CNEAP432, et rapportés par Yacine Derradji , que le français est la « première langue étrangère dans la société, les entreprises et les

institutions »433. L‟anglais continue d‟être enseigné en première année du cycle de l‟enseignement moyen en tant que seconde langue étrangère, et ce jusqu‟au lycée.

Quant à l‟espagnol, il est surtout présent à l‟Ouest du pays en raison de la longue présence des Espagnols qui ont occupé la ville d‟Oran durant trois siècles, de 1504 à 1792. Les traces de cette présence sont toujours visibles. Ils consistent en des forteresses dont le rôle était de s‟assurer la surveillance et la protection de la ville des attaques ennemies. Des mots comme « calentica »434 sont l‟héritage de cette époque. Mais la plupart des hispanismes qui particularisent le parler algérien parlé à l‟Ouest sont dus à la coexistence dans les quartiers populaires de populations pieds-noirs d‟origine espagnole et dont certaines s‟adonnaient aux activités de pêche et d‟agriculture. Ce passé n‟a pas été sans conforter les relations hispano-algériennes qui se concrétisent par des échanges et des activités culturelles que se charge d‟organiser, en Algérie, l‟institut Cervantès pour l‟enseignement de la langue espagnole.

Notons qu‟un hispanisme a intégré l‟usage des langues des médias par le biais de l‟opérateur téléphonique public « Mobilis ». Ce dernier propose un service nommé [gosto]. Le terme en espagnol a pour équivalent en français le mot « goût ». Le sens diffère en arabe algérien où il est utilisé dans des expressions idiomatiques avec des pronoms affixes comme dans [ndirlah gostoh], qui veut dire « J‟accède à sa volonté ». Une volonté qui tient plus de l‟humeur et de la fantaisie que d‟un choix réfléchi, ce qui sous entend que c‟est soit pour faire plaisir à la personne indiquée dans l‟énoncé ou pour coopérer avec elle de manière diplomatique.

Mis à part le cadre institutionnel que motivent ces aspects historiques, l‟autre raison qui dynamise le phénomène de l‟emprunt à la langue espagnole est celle de la proximité

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Données statistiques 1995/1996, Ministère de l'Education Nationale, Direction de la Planification, Sous Direction des Statistiques, n° 34, ONPS. Données statistiques 1997/1998, Ministère de l'Education Nationale, Direction de la Planification, Sous Direction des Statistiques, n° 36, ONPS

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Centre National d‟Études et d‟Analyse pour la planification.

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Idem.

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Le terme est issu de l‟espagnol « caliente » qui veut dire chaud. Aujourd‟hui, il signifie en arabe algérien un plat culinaire à base de poids chiche qui du reste est très prisé.

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géographique de l‟Algérie avec l‟Espagne, et plus particulièrement celle de la région Ouest du pays. Yacine Derradji énumère plusieurs raisons dont « les fréquents séjours et déplacements

vers l’Espagne qu’ils (les jeunes chômeurs) pour s’approvisionner en denrées alimentaires et produits manufacturés »435 . Les jeunes apprennent ainsi in vivo cette langue pour les besoins de l‟échange communicationnel, nombre d‟entre eux se sont installés en Espagne, un nombre qui va croissant eu égard à la migration et à l‟immigration clandestine des Algériens, le phénomène de la Harga, qui se poursuit depuis quelques années pour diverses raisons , mais dont la principale demeure le chômage endémique qui sévit en Algérie, ainsi « les divers

brassages de populations induits par les conquêtes, les migrations et les exodes de populations du pays du pourtour méditerranéen ont permis les phénomènes d’emprunts linguistiques réciproques et ont développé l’engouement des oranais pour la connaissance et l’apprentissage de l’espagnol »436

. Pour ce qui est de l‟apprentissage, au sein des institutions

scolaires, il est dispensé pour les élèves inscrits dans les filières de lettres et de langues étrangères en deuxième année de l‟enseignement secondaire. Il se présente comme optionnel aux côtés de la langue allemande, cette dernière draine un nombre moins élevé d‟élèves si l‟on venait à le comparer à celui de l‟espagnol en raison de son degré d‟étrangéité par rapport aux réalités socioculturelles du pays.

435

Queffélec A., op.cit, p.39.

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4. Conclusion partielle

Ce chapitre ne prétend pas à l‟exhaustivité. Il avait pour but de mettre l‟accent sur des questions qui m‟ont semblé peu abordées en matière de sociolinguistique, sinon abordées très sommairement. Les aspects qui m‟interpellent particulièrement se rapportent ici à des ambigüités au niveau de la dénomination des langues et celui de la désignation des phénomènes issus du contact des langues en présence.

Il m‟est apparu important dans ce sens de rappeler les enjeux de la désignation des langues, notamment en milieu universitaire algérien. J‟ai limité ma réflexion au contexte francophone où un foisonnement de concepts se donne à constater. Ces concepts ne font que rarement l‟objet de reconsidérations pouvant déboucher sur leur déconstruction critique. Le milieu universitaire en tant que foyer de diffusion et de reproduction de certains glottonymes mérite réflexion.

Se pose dans cette suite d‟idées, la pratique des disciplines comme la sociolinguistique. Cette dernière semble confrontée au problème de l‟irréflexivité en ce sens que l‟élaboration d‟une réflexion ontologique et épistémologique autour de la description des faits de langue, se heurte à des positionnements théoriques parfois réifiés et élitistes, comme c‟est le cas de la désignation glottophage de « sabir ». Il est nécessaire de penser à doter la sociolinguistique algérienne de fonction critique et épistémologique à même d‟en conditionner l‟efficacité, notamment dans les pays maghrébins où ces questions continuent d‟être innervées du poids de l‟idéologie, à telle enseigne que se risquer à les aborder expose le chercheur, aussi objectif se garde-t-il à l‟être, à se voir taxé de partial. Mais là aussi, l‟irréflexion ne va pas sans favoriser des catégorisations par trop faciles.

Il en est ainsi de l‟arabe institutionnel et de « tamazight ». Elles sont dites « langues nationales », alors qu‟en réalité ce sont des langues qui n‟ont pas de locuteurs natifs. Elles ne sont, de surcroît, pas toutes pratiquées sur l‟ensemble du territoire national. Le qualificatif de « national », remis en cause par certains linguistes en ce qui concerne l‟arabe institutionnel, semble tout aussi important d‟être discuté pour le cas de « tamazight », notamment quand il s‟agit de tenir compte des implications de cette dénomination dans le domaine de l‟enseignement, où une triglossie guette l‟apprenant berbérophone.

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Cette « tamazighisation » se calque sur le modèle de l‟arabisation où l‟unicité de la langue s‟apparente à une obsession qui n‟est pas sans charrier son lot de préjudices sur les plans psycho-cognitif et affectif. Je les ai évoqués an abordant le cas des langues algériennes dévalorisées au détriment d‟une langue jugée supérieure. Mais quels que soient les résultats de cet enseignement qui visent à l‟intercompréhension entre berbérophones, il est probable que cette « langue » sera difficilement adoptée pour les fonctions auxquelles elle est destinée, et ce, en dépit du statut valorisant dont elle jouit dans la mesure où elle demeurera en déphasage par rapport aux faits réels et dynamiques qui animent la société.

Au même titre que les langues berbères, l‟arabe algérien pâti de cette dévalorisation sur divers plans. J‟ai choisi d‟insister sur le statut du concept en matière de sciences du langage, et des préjugés qui l‟entourent. J‟ai tenté, dans ce sens, de récuser l‟appellation de « dialecte » et de « sabir » qui entérine l‟opposition langue vs dialecte, et ce qui en résulte comme conséquences. En remplacement à ces termes, du moins dans notre travail, j‟ai proposé celui de « langues algériennes » que caractérisent non plus une « sabirisation », mais qui s‟inscrivent dans un continuum d‟usages, qui à son tour s‟inscrit dans le cadre d‟un « multilinguisme intégré », un concept emprunté à Ahmed Moatassim, et qui a le mérite de ne pas reproduire des schémas hiérarchisants et classificateurs.

Concernant la langue française, le problème qui se pose est celui de l‟ambivalence qui caractérise les attitudes à son égard. L‟attraction/répulsion qu‟elle suscite trouve ses origines dans des considérations idéologiques que sont le contentieux historique avec la France coloniale voire même postcoloniale. Quant à la deuxième raison, elle aurait trait au projet démocratique que certaines tendances de la société algérienne propose, car la langue institutionnelle dont on a fait une langue de bois est « creuse » dans certains emplois, notamment politiques, et sert surtout à véhiculer les idées maîtresses de l‟idéologie en place.

L‟autre question qui se pose est relative à l‟enseignement du français au niveau universitaire, et qui se chiffre en coûts dont l‟Algérie aurait pu faire l‟économie si l‟enseignement bilingue était maintenu dans le cursus scolaire, car aujourd‟hui, c‟est aux particuliers qu‟il revient de pallier la non-maîtrise du français en recourant à des formations dans le secteur privé, il en est de même pour l‟Etat qui fait appel à des formateurs en langue pour former le personnel des entreprises aux langues étrangères. Dans les universités, c‟est la

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création de centres d‟enseignement intensif des langues qui visent à mettre à niveau les étudiants désireux d‟améliorer leurs compétences en langue, les (C.E.I.L).

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1. Introduction partielle

Ce chapitre intitulé « Langues, médias et communication publicitaire en Algérie » a pour objectif de passer en revue les statuts qu‟ont les langues pratiquées en Algérie dans le domaine des médias. Après avoir évoqué les statuts sociolinguistiques et idéologiques des langues en contextes ordinaire et institutionnel, je m‟intéresse aux statuts médiatiques du français, des langues algériennes et de l‟arabe institutionnel, à la forte ou à la faible présence de certaines langues et à la prédominance de certaines autres dans les médias que sont les journaux, les sites internet, la radio, la télévision…etc.

Pour ce qui est de la communication publicitaire dans la presse écrite, je fais remarquer qu‟elle est produite dans plusieurs langues et ce, depuis le début des années 2000. Le développement du genre publicitaire dans les médias algériens semble induire un changement ergonomique que l‟on constate au niveau des pratiques qui y ont cours, notamment en ce qui concerne l‟utilisation des langues premières. En effet, il importe de mentionner l‟usage de plus en plus fréquent des langues premières, lesquelles concurrencent, dans le domaine publicitaire, les langues traditionnellement utilisées comme l‟arabe institutionnel et le français. Leur présence sur la scène médiatique leur confèrerait une plus value auprès de leurs usagers si l‟on venait à les considérer en tant qu‟énoncés diatopiques.

Le deuxième point abordé dans ce chapitre est le champ de la publicité dans le domaine des médias, et plus particulièrement dans celui de la presse écrite francophone. La question qui se pose, à ce niveau d‟exploration, est de savoir comment s‟opèrent les choix linguistiques et culturels dans la conception des textes de la publicité. Ces choix sont parfois contraints car ils obéissent au cadre communicationnel de la presse écrite et aux lois du marché publicitaire.

Il est à noter ici que la communication publicitaire souscrit à une stratégie qui relève du cadre communicationnel de la presse écrite, en ce sens que cette dernière se conforme à son rôle intégrateur et authentificateur qui est de tenir compte de l‟horizon d‟attente de ses lecteurs, de leurs profils, de leurs attitudes ainsi que de leurs représentations. C‟est ainsi qu‟on peut avancer que, sur le plan linguistique, du moins, les textes collectés intègrent , en termes bourdieusiens, les deux marchés, franc et officiel, de par , d‟une part, leurs recours aux langues posées comme légitimes par les institutions et par les locuteurs qui les identifient en

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tant que langues de grande diffusion, et d‟autre part, le recours aux langues effectives et premières qui sont pratiquées au quotidien par les locuteurs dans le but d‟opérer une connivence et une proximité avec la cible.