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Comme annoncé en introduction, l’objectif de cette étude expérimentale de la représentation de l’ordre des mots chez l’enfant est de répliquer la recherche de Matthews et al. (2007) en la modifiant quelque peu et de confronter l’hypothèse lexicale avec l’hypothèse grammaticale concernant l’acquisition de l’ordre des mots chez l’enfant francophone. A l’aune des critiques relevées dans le point 2.3, nous modifions la recherche de Matthews et al.

(2007) au niveau des points suivants :

- Nous choisissons d’inclure une condition ordre grammatical des mots car la comparaison entre la condition grammaticale avec pseudo-verbe et la condition agrammaticale avec pseudo-verbe est cruciale. Un nombre plus important de réponses reproduisant un ordre correct des mots procurerait un indicateur indéniable de la présence d’une grammaire. L’ajout d’une condition grammaticale apporte également à l’enfant une information concernant le langage de celui qui parle : l’enfant pourrait faire des inférences différentes selon que l’expérimentateur parle systématiquement de manière incorrecte ou qu’il parle seulement occasionnellement de manière incorrecte.

- Notre analyse des données tiendra compte des réponses et non-réponses, ces dernières étant, dans la recherche de Matthews et al. (2007), majoritaires, systématiques et non distribuées aléatoirement.

- Plutôt que des verbes de basse fréquence, nous choisissons d’utiliser des

pseudo-verbes, comme utilisés par Akhtar (1999), de façon à être certains qu’ils ne soient pas connus des enfants.

- Tous les pseudo-verbes et verbes seront présentés à tous les enfants, de façon à ce que l’effet ou l’absence d’effet de lexicalité puisse être mis en évidence dans un paradigme intra-sujets.

- Nous choisissons d’enregistrer les amorces grammaticales et agrammaticales au préalable, de façon à ce que tous les enfants les entendent dites de la même manière.

- Nous choisissons d’autres marionnettes, selon les critères définis dans la rubrique matériel de ce travail, de façon à être sûr que les non-réponses ne soient pas dues à une non-connaissance des noms d’animaux ou une difficulté de prononciation de ces derniers.

Nous rajoutons également la passation du test des cubes extraite du WPPSI-III. Dans ce test, l’enfant doit reproduire une construction à l’aide de cubes d’une seule couleur ou bicolores, à partir d’un modèle construit devant lui ou présenté dans le livre de stimuli prévu à cet effet. Le tout en un temps déterminé. Comme inscrit dans le manuel d’utilisation de ce test, le test des cubes « est conçu pour évaluer la capacité à analyser et à synthétiser des stimuli visuels abstraits » (Cooper, 1995 ; Grothz-Marnat, 1999 ; Kaufman, 1994 ; Sattler, 2001). Nous utilisons ce test comme un moyen d’évaluer si la capacité à reproduire un ordre incorrect des mots est fonction d’une capacité d’abstraction plus générale. Cela étant, nous espérons trouver une corrélation entre le résultat au test des cubes et la capacité de l’enfant à se construire une représentation syntaxique abstraite de l’ordre des mots. En effet, pour pouvoir reproduire l’ordre incorrect des mots, l’enfant doit abstraire cet ordre de la phrase qu’il entend.

Notre hypothèse théorique est que le jeune enfant dispose d’une représentation abstraite initiale de l’ordre des mots de sa langue. Conformément à l’hypothèse grammaticale, nous nous attendons (hypothèse empirique) à ce que les petits comme les grands réutilisent plus souvent l’ordre grammatical des mots que l’ordre agrammatical des mots, tous deux entendus en amorce, et cela même s’ils ne reconnaissent pas les verbes.

Pour Matthews et al. (2007), la comparaison cruciale pour départager les 2 hypothèses est la comparaison entre la condition agrammaticale avec verbe inconnu (i.e. avec pseudo-verbe dans notre cas) et la condition agrammaticale avec verbe connu (i.e. avec verbe dans notre

cas). Leur question de recherche le prouve : « le jeune enfant a-t-il plus tendance à utiliser un ordre des mots incorrect avec un verbe inconnu qu’avec un verbe connu ? ». La mise en évidence d’un tel effet de fréquence est considérée par ces auteurs comme une preuve de l’absence de grammaire chez le jeune enfant.

Or, ce qui est crucial pour départager les deux hypothèses, c’est la comparaison entre la condition grammaticale avec pseudo-verbe et la condition agrammaticale avec pseudo-verbe car les deux hypothèses font des prédictions opposées concernant cette comparaison :

- selon l’hypothèse lexicale les enfants réutiliseront l’ordre incorrect des mots comprenant un pseudo-verbe aussi souvent que l’ordre correct des mots comprenant un pseudo-verbe ;

- selon l’hypothèse grammaticale les enfants réutiliseront l’ordre correct des mots comprenant un pseudo-verbe plus souvent que l’ordre incorrect des mots comprenant un pseudo-verbe.

La relation logique est la suivante : si les jeunes enfants réutilisent plus souvent l’ordre correct des mots comprenant un pseudo-verbe que l’ordre incorrect des mots comprenant un pseudo-verbe, alors ils ont une grammaire. Autrement dit, la prédiction est que si les jeunes enfants n’ont pas de grammaire, alors ils ne pourront pas corriger.

Le simple fait que les jeunes enfants réutilisent un ordre agrammatical comprenant ou non un pseudo-verbe ne permet pas de conclure à une absence de représentation abstraite de l’ordre des mots chez ces derniers. Seul un effet de grammaticalité (plus de réponses réutilisant l’ordre grammatical des mots comprenant un pseudo-verbe que de réponses réutilisant l’ordre agrammatical des mots comprenant un pseudo-verbe) nous permettra de conclure à la présence ou à l’absence d’une représentation abstraite de l’ordre des mots chez le jeune enfant.

Partie expérimentale

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