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Etude expérimentale de la représentation de l'ordre des mots chez le jeune enfant

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Etude expérimentale de la représentation de l'ordre des mots chez le jeune enfant

RICHOZ, Pierre-Yves

Abstract

Le présent mémoire consiste en une étude expérimentale de la représentation de l'ordre des mots chez le jeune enfant francophone. De nombreux auteurs défendant l'hypothèse lexicale de l'acquisition de l'ordre des mots affirment que ce n'est que progressivement, par généralisation à partir d'items lexicaux spécifiques, qu'une représentation abstraite de l'ordre des mots peut se construire, entre 3 et 4 ans. D'autres soutiennent l'hypothèse grammaticale, hypothèse selon laquelle une représentation abstraite initiale de l'ordre des mots est possible, sitôt le paramètre de la direction de la tête fixé. Vingt-quatre enfants francophones âgés entre 2;4 ans et 4;4 ans ont été testés dans une tâche de production construite selon le paradigme d'amorçage syntaxique. Les 12 enfants qui ont constitué le groupe des petits étaient âgés en moyenne de 2;11 ans et les 12 enfants qui ont constitué le groupe des grands étaient âgés en moyenne de 3;11 ans. Chaque enfant a visionné en tout 64 vidéos, chacune illustrant un agent effectuant une action sur un patient. Ces vidéos étaient, pour 40 d'entre [...]

RICHOZ, Pierre-Yves. Etude expérimentale de la représentation de l'ordre des mots chez le jeune enfant. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:1841

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SECTION DE PSYCHOLOGIE

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPEDIE

ETUDE EXPERIMENTALE DE LA

REPRESENTATION DE L’ORDRE DES MOTS CHEZ LE JEUNE ENFANT

TRAVAIL DE RECHERCHE REALISE PAR : PIERRE-YVES RICHOZ

Sous la direction de Dr. J. Franck Jury : Prof. U.H. Frauenfelder, Dr. S. Millotte

AVRIL 2009

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont tout d’abord à Julie Franck (directrice de ce mémoire de recherche) et Séverine Millotte, qui ont vraiment pris peine de nous (Romy Lassotta et moi- même) expliquer et réexpliquer maintes fois les enjeux de cette recherche, qui nous ont accordé beaucoup de leur temps et qui ont su nous guider pas à pas, et avec passion, jusqu’au bout. Merci !

Je remercie ensuite Romy, ma collègue de mémoire, toujours partante pour une réunion de travail, même un lendemain d’examen ! Merci !

Je remercie également tous les enfants, leurs parents, le personnel et les responsables des trois institutions (Le Jardin d’enfants « Le Cheval à Bascule », L’Espace de Vie Enfantine « Les Allobroges », La « Crèche des Boudines ») qui nous ont permis de mener à bien cette recherche. Merci !

Merci à l’équipe Multimédia de l’Université de Genève qui nous a aidés dans les montages des vidéos.

Merci à toutes les personnes du laboratoire de psycholinguistique expérimental qui nous ont fait part de leur avis et expérience, nous aidant ainsi dans la réalisation de notre matériel expérimental.

Merci à mon professeur de français du gymnase, Olivier Reber, qui m’a donné confiance en mes capacités de rédaction !

Merci à mes parents qui m’ont toujours soutenu dans ma reconversion professionnelle impliquant une reprise d’études universitaires.

Merci à mon amie Audrey de s’être intéressée à mon travail et de m’avoir soutenu durant les week-ends de corrections !

Et merci à vous, courageux lecteur !

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TABLE DES MATIERES

Résumé ... 4

Introduction ... 6

Partie théorique ... 8

1. Cadre théorique ...8

1.1. Hypothèse lexicale ...8

1.2. Hypothèse grammaticale ...8

2. Revue de la littérature ...9

2.1. En faveur de l’hypothèse grammaticale...9

2.2. En faveur de l’hypothèse lexicale ...12

2.3. Analyse critique des travaux soutenant l’hypothèse lexicale..17

2.3.1. Résumé des résultats de Matthews et al. (2007) selon la méthode de calcul ...22

3. Objectifs de l’expérience...25

Partie expérimentale ... 28

1. Hypothèses opérationnelles ...28

2. Méthode...31

2.1. Participants ...31

2.2. Matériel ...32

2.2.1. Test de langage ...32

2.2.2. Test des cubes ...34

2.3. Variables...34

2.4. Plan d’expérience ...34

2.5. Procédure ...36

2.6. Encodage...38

2.7. Analyse des données ...41

3. Résultats ...42

3.1. Réponses match ...42

3.2. Réponses réversion ...44

3.3. Non-réponses...47

3.4. Productivité morphologique au niveau du verbe ...48

3.5. Pronominalisation ...50

3.6. Test des cubes...51

3.7. Comparaison de nos résultats selon la méthode d’analyse ....52

3.7.1. Comparaison des résultats réponses match ...52

3.7.2. Comparaison des résultats réponses réversion ...54

4. Discussion ...56

4.1. Résumé de nos résultats ...56

4.2. Nos résultats confrontés aux deux hypothèses...57

4.3. Les résultats au test des cubes ...62

4.4. Nos résultats selon la méthode de calcul ...62

4.5. Différences entre Matthews et al. (2007) et nous ...65

4.5.1. Analyse en termes de proportions ...65

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4.5.2. Analyse en termes de fréquences ...65

4.6. Au sujet de toutes ces différences ...67

Discussion générale et conclusion ... 70

Bibliographie ... 71

Abréviations ... 73

Annexes ... 74

I. Consignes de l’expérience production ...74

II. Consignes du test des Cubes (tiré du WPPSI-III) ...76

III. Participants ...77

IV. Couples agent-patient ...78

V. Les données brutes...79

VI. Protocole expérimental (condition G1, pour un enfant) ...91

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Résumé

Le présent mémoire consiste en une étude expérimentale de la représentation de l’ordre des mots chez le jeune enfant francophone. De nombreux auteurs défendant l’hypothèse lexicale de l’acquisition de l’ordre des mots affirment que ce n’est que progressivement, par généralisation à partir d’items lexicaux spécifiques, qu’une représentation abstraite de l’ordre des mots peut se construire, entre 3 et 4 ans. D’autres soutiennent l’hypothèse grammaticale, hypothèse selon laquelle une représentation abstraite initiale de l’ordre des mots est possible, sitôt le paramètre de la direction de la tête1 fixé.

Vingt-quatre enfants francophones âgés entre 2;4 ans et 4;4 ans ont été testés dans une tâche de production construite selon le paradigme d’amorçage syntaxique. Les 12 enfants qui ont constitué le groupe des petits étaient âgés en moyenne de 2;11 ans et les 12 enfants qui ont constitué le groupe des grands étaient âgés en moyenne de 3;11 ans. Chaque enfant a visionné en tout 64 vidéos, chacune illustrant un agent effectuant une action sur un patient.

Ces vidéos étaient, pour 40 d’entre elles, accompagnées d’une description préenregistrée. La description pouvait consister en une phrase dont l’ordre des mots était grammatical (p.ex. le chien pousse le cheval) ou dont l’ordre des mots était agrammatical (p.ex. le chien le cheval pousse ou pousse le chien le cheval) et contenir un verbe (p.ex. pousse) ou un pseudo-verbe (p.ex. poune). Vingt-quatre vidéos n’étaient pas décrites. L’enfant était alors amené, dans ces cas-là, à les décrire de vive voix, répondant ainsi à la question qui lui était posée : « et là qu’est-ce qu’il se passe ? ».

Nous trouvons, dans notre étude expérimentale, que tant les enfants appartenant au groupe des petits que ceux appartenant au groupe des grands réutilisent plus souvent l’ordre grammatical des mots entendu en amorce que l’ordre agrammatical des mots, y compris dans les conditions avec pseudo-verbe. Ainsi, ont-ils plus tendance à dire le mouton pousse le chien après avoir entendu juste avant le lion pousse le cheval, qu’à dire le mouton le lion pousse après avoir entendu juste avant le chien le cheval pousse.

Nous trouvons également que les petits réutilisent plus souvent l’ordre grammatical des mots comprenant un pseudo-verbe que l’ordre agrammatical des mots comprenant un pseudo-

1 Ce concept est explicité dans la partie introduction de ce travail.

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verbe.

Nous trouvons encore que seul l’ordre agrammatical des mots entendu en amorce est parfois modifié dans le sens d’une correction (et ce autant par les petits que par les grands) et que jamais une production dans un ordre agrammatical des mots ne fait suite à une amorce constituée d’un ordre grammatical des mots.

Nous trouvons enfin que toutes les productions des enfants faisant état d’une productivité morphologique (morphologie verbale et/ou pronominalisation) sont des productions dont l’ordre des mots est grammatical.

Cette étude expérimentale de la représentation de l’ordre des mots chez le jeune enfant francophone soutient donc l’hypothèse grammaticale selon laquelle une représentation abstraite de l’ordre des mots est possible à 2;11 ans déjà.

Critiquant entre autres les travaux de Matthews et al. (2007) nous démontrons également, dans ce travail que, pour interpréter des phrases agrammaticales, des processus extra-grammaticaux sont nécessaires et que la présence de productions dont l’ordre des mots est agrammatical ne permet pas de conclure à une absence de grammaire.

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Introduction

Ce mémoire de recherche consiste en une étude expérimentale de la représentation de l’ordre des mots chez le jeune enfant. Nous nous demanderons, plus précisément, quand l’enfant apprend l’ordre des mots de sa langue, en particulier l’ordre du verbe et du complément, c’est-à-dire quand le paramètre de la direction de la tête2 est fixé.

En effet, s’il est largement admis que les productions initiales des jeunes enfants respectent l’ordre des mots de leur langue (p.ex., Bloom, 1991 ; Brown, 1973 ; Lust &

Wakayama, 1981 ; Tomasello, 1992 ; cités par Franck & Frauenfelder, en préparation), le format de la représentation initiale de cet ordre des mots ainsi que le mécanisme par lequel les jeunes enfants acquièrent cet ordre des mots restent sujets à controverses.

Deux hypothèses concernant l’acquisition de l’ordre des mots chez le jeune enfant font débats : l’hypothèse lexicale et l’hypothèse grammaticale.

- Selon l’hypothèse lexicale, l’acquisition de l’ordre des mots par l’enfant se fait par généralisation progressive à partir d’items lexicaux spécifiques. Le format initial de cette représentation de l’ordre des mots est donc lexical et spécifique à chaque verbe.

Ce n’est que progressivement, selon cette hypothèse, qu’une représentation abstraite de l’ordre des mots peut se construire (entre 3 et 4 ans).

- Selon l’hypothèse grammaticale, l’acquisition de l’ordre des mots par l’enfant se fait par fixation du paramètre de la direction de la tête (tête-complément). Le format initial de cette représentation de l’ordre des mots est donc grammatical et abstrait.

Une représentation abstraite initiale de l’ordre des mots est possible, selon cette hypothèse, une fois le paramètre de la direction de la tête fixé.

Cinq travaux (Abbot-Smith, Lieven & Tomasello, 2001 ; Akhtar, 1999 ; Akhtar &

Tomasello, 1997 ; Matthews, Lieven, Theakston & Tomasello, 2005 ; 2007) s’inscrivent dans la veine lexicale. Leurs données sont toutefois contradictoires et d’importants problèmes au niveau des hypothèses (des prédictions formulées par les auteurs), de la méthode (du traitement des données manquantes) et de l’interprétation des données (des données

2 L’ordre des mots varie à travers les langues. Plus précisément, l’ordre de la tête (verbe) et de son complément (objet) varie. Les langues adoptent soit l’ordre tête-complément, i.e. la tête en initiale comme en français, ou l’ordre complément-tête, i.e. la tête en finale comme en turc.

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permettant de conclure en faveur de l’hypothèse lexicale) sont à relever. Une critique exhaustive de ces travaux dépassant le cadre de notre travail, nous nous centrerons, dans la partie de ce travail intitulée analyse critique des travaux lexicalistes, sur les travaux de Matthews, Lieven, Theakston & Tomasello (2007) et Akhtar (1999). Tous ces travaux étant par ailleurs critiqués dans l’article de Franck et Frauenfelder (en préparation).

Nous nous proposons, dans le cadre de ce mémoire de recherche, de conduire une expérience selon le paradigme expérimental utilisé par Matthews et al. (2007) tout en l’adaptant quelque peu. Nous rajoutons une condition grammaticale (absente dans la recherche de Matthews et al. (2007)) et tiendrons compte, dans nos analyses, des non- réponses. Ce faisant, nous pourrons confronter, en nous appuyant sur de nouvelles données, l’hypothèse lexicale avec l’hypothèse grammaticale sur la question de l’acquisition de l’ordre des mots chez l’enfant francophone.

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Partie théorique

1. Cadre théorique

Pour interpréter correctement un message, entre autres dans des langues comme l’anglais et le français, il est nécessaire de tenir compte de l’ordre des mots. Cette nécessité de prendre en compte l’ordre des mots est particulièrement manifeste lorsque le message à interpréter consiste en une action réversible mettant en scène un agent et un patient. Pour interpréter correctement la phrase « la fille pousse le garçon », c’est-à-dire pour savoir qui pousse qui, il convient d’assigner les rôles thématiques d’agent et de patient aux bons arguments du verbe.

Dans une langue dans laquelle l’ordre canonique des mots est sujet-verbe-objet (SVO), le locuteur sait que le rôle d’agent revient à l’argument qui se trouve à gauche du verbe (soit le sujet) et que le rôle de patient revient à l’argument qui se trouve à droite du verbe (soit l’objet).

Mais comment et quand l’enfant apprend-il l’ordre des mots de sa langue ? Deux grandes hypothèses théoriques, dans le domaine de la psycholinguistique développementale, sont généralement avancées en guise de réponse à cette question.

1.1. Hypothèse lexicale

Selon l’hypothèse lexicale, l’acquisition de l’ordre des mots se ferait comme une propriété lexicale de chaque verbe (Braine, 1988 ; Tomasello, 2000 ; cités par Franck &

Frauenfelder, en préparation). Une représentation abstraite de l’ordre des mots serait obtenue par généralisation progressive à travers les verbes. L’enfant apprendrait par exemple que, après avoir entendu une phrase du type « la fille pousse le garçon », le verbe pousser est accompagné de deux arguments, un agent à sa gauche et un patient à sa droite. Il ferait de même avec toute une série de verbes avant d’acquérir enfin une représentation abstraite de l’ordre des mots.

1.2. Hypothèse grammaticale

Selon l’hypothèse grammaticale, appelée parfois générative, l’acquisition de l’ordre des mots se ferait par fixation du paramètre tête-complément (p.ex., Gibson & Wexler, 1994 ; Pinker, 1994 ; Radford, 1997 ; cités par Franck & Frauenfelder, en préparation). Une

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représentation abstraite initiale de l’ordre des mots, indépendante des verbes, serait possible. L’enfant apprendrait par exemple que, après avoir entendu une phrase du type « la fille pousse la garçon », le verbe pousser est accompagné d’un complément qui se trouve à sa droite, que ce complément est le patient et qu’il en va de même pour d’autres verbes. Une règle en serait extraite. Une représentation abstraite de l’ordre des mots est ainsi possible, selon cette théorie, très tôt dans le développement.

2. Revue de la littérature

2.1. En faveur de l’hypothèse grammaticale

Plusieurs travaux soutiennent l’hypothèse grammaticale.

Hirsh-Pasek et Golinkoff (1996), dans une expérience étudiant la compréhension de phrases d’enfants anglophones de 14 mois testés selon la procédure du regard préférentiel intermodal (deux vidéos sont présentées simultanément aux bébés alors qu’ils entendent une phrase test décrivant l’une des deux vidéos), trouvent que les bébés anglophones interprètent à 14 mois déjà le complément suivant le verbe comme son objet. Ces enfants fixent plus longtemps la vidéo correspondant à la phrase entendue (p.ex. « she is kissing the keys »), alors même que les deux vidéos présentées simultanément illustrent tous les mots de la phrase entendue. Une analyse lexicale, une analyse des mots de manière isolée, n’est dès lors pas suffisante. Ils interprètent donc la phrase sur la base de sa structure en constituants.

La recherche de Gertner, Fisher et Eisengart (2006), sur la capacité de l’enfant à généraliser sa connaissance de l’ordre des constituants à des nouveaux verbes, soutient également l’hypothèse grammaticale. Ils testent des bébés de 21 et 25 mois selon la procédure de regard préférentiel intermodal. Deux vidéos sont présentées simultanément aux bébés alors qu’ils entendent une phrase test contenant un pseudo-verbe et censée décrire l’une des deux vidéos, comme par exemple « look, the bunny is gorping the duck ». L’une des vidéos montre un lapin en train de pousser un canard couché sur un wagonnet et l’autre montre un canard en train de pousser un lapin assis sur une chaise. Les temps de regard des bébés pour chacune des vidéos sont mesurés. Ils trouvent que les enfants regardent plus longuement les vidéos décrites par la phrase test présentée, i.e. les vidéos dans lesquelles l’agent de la nouvelle action vue est le sujet de la phrase test entendue. Si l’enfant est capable d’interpréter le syntagme nominal précédant le pseudo-verbe comme l’agent de l’action et le

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syntagme nominal suivant le pseudo-verbe comme le patient de l’action c’est qu’il dispose déjà d’une représentation abstraite, non spécifique au verbe, de la relation entre l’ordre des constituants et leur rôle thématique. L’enfant âgé d’environ 2 ans a donc déjà une représentation abstraite des rôles thématiques des constituants en fonction de leur position dans la phrase, concluent les auteurs.

Christophe, Nespor, Guasti et Van Ooyen (2003) concluent également à une possible constitution d’une représentation abstraite de l’ordre tête-complément mais à 2-3 mois déjà, le paramètre de la direction de la tête corrélant avec des marqueurs prosodiques (le complément est toujours plus proéminant que la tête) utilisés par les bébés de cet âge pour discriminer les langues. La question posée dans cette recherche est la suivante : le bébé perçoit-il les proéminences prosodiques sur le complément au sein des constituants ? Pour répondre à cette question, ils testent 16 bébés francophones de 6-12 semaines dans une technique de succion non nutritive. Durant la phase de familiarisation, le bébé entend des phrases en français ou en turc, selon la condition, puis durant la phase test, d’autres phrases dans la même langue (pour le groupe contrôle) ou dans l’autre langue (pour le groupe expérimental). Ces 2 langues ont été choisies car elles sont similaires sur les aspects prosodiques (l’accent lexical est final, les structures syllabiques les plus fréquentes sont consonne-voyelle ou consonne-voyelle-consonne, la proéminence est sur le complément…) mais diffèrent sur la position de l’élément proéminent, i.e. le complément. En français la proéminence est à droite (langue tête-complément) et en turc elle est à gauche (langue complément-tête). Un score de déshabituation est mesuré, i.e. le taux de succion moyen 2 minutes après le changement moins le taux de succion moyen 2 minutes avant le changement.

Les résultats des analyses montrent que les bébés ont plus augmenté leur taux de succion lorsque le changement a consisté en la présentation de phrases dans l’autre langue (groupe expérimental) que lorsque le changement a consisté en la présentation d’autres phrases dans la même langue. Christophe et al. (2003) concluent donc en disant que le bébé perçoit la différence de position de la proéminence prosodique dans le constituant sur base de la prosodie, soit proéminence droite pour le français et gauche pour le turc. Le paramètre tête- complément peut être fixé pré-lexicalement, sur base d’un bootstrap prosodique.

La recherche de Gervain, Nespor, Mazuka, Horie et Mehler (2008) appuie encore l’hypothèse générative mais l’explique en posant l’hypothèse d’un bootsrap fréquentiel, contrairement à celle exposée ci-dessus. Gervain et al. (2008) se sont demandés sur base de

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quels mécanismes de jeunes enfants n’ayant pas encore acquis le langage peuvent déjà disposer de connaissances générales sur l’ordre des mots de leur langue maternelle. Pour ce faire, ils ont comparé, dans une expérience utilisant la technique de l’orientation du regard, les préférences respectives de jeunes enfants japonais versus italiens âgés de 8 mois pour un ordre des mots plutôt qu’un autre. Ces deux langues sont choisies car l’ordre des mots est opposé. Ils trouvent que les enfants japonais et italiens âgés de 8 mois montrent des préférences opposées pour les patterns langagiers artificiels présentés dans l’expérience et reflétant tel ou tel ordre des mots. Une représentation abstraite de l’ordre des mots serait donc possible pré lexicalement et elle serait construite sur base d’un bootstrap fréquentiel. En effet, les mots foncteurs comme les déterminants, prépositions, etc. étant plus fréquents que les mots à contenu, ils seraient distinguables de ces derniers grâce à leur fréquence justement élevée. De plus, l’ordre relatif des mots foncteurs et mots à contenu d’une langue reflétant l’ordre des mots spécifique à cette même langue, une représentation abstraite de l’ordre des mots pourrait être construite sur cette base. En effet, les mots foncteurs tendent à apparaître aux extrémités des unités syntaxiques (Morgan et al., 1996, cité dans Gervain, 2008). Et, selon les langues, les mots foncteurs ont tendance à se trouver aux extrémités droites (japonais) ou gauches (italien) des unités syntaxiques. Cet ordre relatif des mots foncteurs et mots à contenu corrèle avec l’ordre relatif du verbe et de l’objet ou celui des adpositions, i.e.

prépositions versus postpositions (Dryer, 1992 ; Greenberg, 1963 ; Mehler, Sebastian Gallés

& Nespor, 2004, cités dans Gervain, 2008). La préférence opposée de ces jeunes japonais et italiens âgés de 8 mois pour la grammaire artificielle reflétant l’ordre des mots de leur langue maternelle respective démontre selon ces auteurs une possible acquisition, pré lexicale, de la représentation de l’ordre des mots, sur base d’un bootstrap fréquentiel.

Ce bootstrap fréquentiel n’exclut pas également un bootstrap prosodique ou phonologique (Nespor, Guasti & Christophe, 1996, cité par Gervain, 2008). Ces auteurs évoquent en effet un possible bootstrap prosodique des mots foncteurs qui en anglais tendraient à contenir une voyelle réduite, à être plus courts, monosyllabiques et non accentués, donc aisément repérables. L’identification de ces mots foncteurs contribuerait à l’initialisation du lexique, car leur identification permettrait indirectement l’identification des mots à contenus. Des bébés de 10-11 mois anglophones réagissent en tous cas différemment lorsqu’on leur lit des histoires contenant des mots foncteurs normaux ou lorsqu’on leur lit des histoires contenant des mots foncteurs remplacés par des mots monosyllabiques anormaux (Shafer, Gerken, Shucard & Shucard, 1992, cité dans Christophe et al., 1997). De plus,

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comme ces mots foncteurs tendent à se situer aux extrémités des unités prosodiques, ils pourraient également contribuer à l’initialisation de la syntaxe (cf. l’hypothèse d’un bootstrap fréquentiel développée plus haut).

2.2. En faveur de l’hypothèse lexicale

Plusieurs travaux soutiennent l’hypothèse lexicale, hypothèse selon laquelle l’enfant acquerrait l’ordre des mots de sa langue par généralisation lente et progressive, verbe après verbe. Ce serait sur base de mécanismes inférentiels (association, analogie) qu’une représentation abstraite de l’ordre des mots serait obtenue entre 3 et 4 ans (Braine, 1988 ; Tomasello, 1992 ; 2000 ; 2003 ; cités par Franck & Frauenfelder, en préparation).

La recherche de Tomasello, Akhtar, Dodson et Rekau (1997) ne parle pas directement de l’acquisition de l’ordre des mots chez l’enfant mais soutient toutefois, selon les auteurs, l’hypothèse lexcaliste. S’intéressant à l’usage productif ou créatif du langage, ils enseignent 4 nouveaux mots (2 noms et 2 verbes) à 10 enfants âgés de 1 an 6 mois à 1 an 11 mois, avant de leur donner de nombreuses opportunités de produire ces mots (production de ces mots avec d’autres mots ou production de ces noms au pluriel et de ces verbes au passé). Ils trouvent que les enfants combinent plus volontiers les noms que les verbes, qu’ils en font donc un usage plus productif. Neuf enfants sur 10 combinent les nouveaux noms avec des mots connus et 4 les emploient même au pluriel. Quant aux verbes, seuls 4 enfants produisent des combinaisons avec les nouveaux verbes et aucun ne les produit au passé. Ils expliquent cette asymétrie comme suit. Eu égard à la morphologie, il est selon eux possible que les enfants soient capables de productivité plus tôt pour les noms car ils seraient plus tôt capables de les catégoriser (Tomasello & Olguin, 1993, cité dans Tomasello et al., 1997). La formation d’une catégorie requérant un nombre minimal d’items, il est possible qu’entre 1 an 6 mois et 2 ans les enfants disposent de suffisamment de noms pour être en mesure des les catégoriser comme tels alors que pour les verbes cela ne serait pas encore possible. Eu égard aux combinaisons de mots, il est selon eux possible que l’asymétrie nom-verbe soit due à la nature du matériau linguistique à catégoriser. Si les noms qu’ils entendent font souvent référence à des classes d’objets concrets (et pourraient donc être insérés plus facilement dans les structures maîtrisées), les verbes sont quant à eux souvent entendus et utilisés en combinaison avec d’autres mots, dans des structures plus complexes et variables (transitives, intransitives). Les enfants construiraient donc des schémas différents, selon les verbes. Une

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représentation abstraite ne serait obtenue qu’au terme d’une lente et progressive généralisation.

Les 4 études de Akhtar et Tomasello (1997) portent également sur la productivité langagière de jeunes enfants. Les auteurs examinent la productivité langagière (au niveau de l’ordre des mots et de la morphologie) de jeunes enfants anglophones âgés entre 2 et 3 ans, testés selon le paradigme d’amorçage syntaxique. Ils concluent, à quelques nuances près, semblablement à la recherche de Tomasello et al. (1997) relatée ci-dessus. Les plus jeunes ne semblent ni faire usage ni comprendre les structures (verbe, agent-verbe, verbe-patient, agent- verbe-patient) dans lesquelles ces nouveaux verbes ont été présentés. Les plus âgés, par contre, en sont capables. Au niveau de la morphologie, les enfants de 2 ans 1 mois sont par contre déjà capables d’une certaine productivité, ajoutant la terminaison -ing (mais pas -ed) aux nouveaux verbes. Ils relèvent donc une double asymétrie dans le développement : une asymétrie entre une productivité possible très tôt au niveau de la morphologie mais pas au niveau de l’ordre des mots, et une asymétrie à l’intérieur même du niveau morphologique (productivité possible avec -ing mais pas avec -ed). Ces asymétries suggérant une productivité au niveau de l’ordre des mots indépendante d’une productivité au niveau de la morphologie verbale. Cela étant, l’hypothèse d’une acquisition structurale verbe après verbe serait, selon eux, renforcée. Une représentation abstraite tant au niveau de l’ordre des mots que des marques morphologiques ne pouvant être obtenue qu’au terme d’une généralisation progressive et indépendante des autres généralisations. On pourrait donc parler, avec Rispoli (1991, cité dans Akhtar & Tomasello, 1997) d’une acquisition en mosaïque des relations grammaticales.

Akhtar (1999) part des résultats obtenus par Akhtar & Tomasello (1997), à savoir que le jeune enfant anglophone ne dispose pas d’une représentation abstraite de l’ordre des mots.

Cela étant, les plus jeunes enfants devraient avoir tendance à produire des structures ne respectant pas l’ordre correct des mots (SVO, soit sujet-verbe-objet) lorsqu’elles comportent de nouveaux verbes transitifs. Douze enfants âgés en moyenne respectivement de 2 ans 8 mois, 3 ans 6 mois et 4 ans 4 mois sont testés selon le paradigme d’amorçage syntaxique. Ils sont familiarisés avec 3 nouvelles actions décrites par 3 pseudo-verbes (dacking, tamming et gopping). Le pseudo-verbe est soit présenté dans la structure sujet-verbe-objet (SVO) comme dans « Elmo dacking the car », soit selon la structure sujet-objet-verbe (SOV) comme dans

« Elmo the car gopping » ou soit selon la structure verbe-sujet-objet (VSO) comme dans

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« Tamming Elmo the car ». Les enfants ont-ils tendance à utiliser les structures SOV et VSO amorcées lorsqu’ils sont amenés à décrire eux-mêmes les nouvelles actions vues, répondant ainsi à la question « que se passe-t-il » ? Ils trouvent que les enfants âgés en moyenne de 2 ans 8 mois utilisent les structures non-SVO dans un petit peu plus de la moitié des cas, que les enfants âgés en moyenne de 4 ans 4 mois corrigent les structures non-SVO en SVO la plupart du temps et que la structure SVO est reproduite par tous les enfants. Le fait que les plus jeunes enfants hésitent entre corriger ou reproduire l’ordre agrammatical et que les plus âgés appliquent leur connaissance de l’ordre des mots aux pseudo-verbes entendus, est confirmé, selon les auteurs, par la condition contrôle dans laquelle le verbe push, verbe familier est présenté dans un ordre agrammatical. En effet, mêmes les enfants qui ont utilisé un pseudo-verbe dans un ordre agrammatical préfèrent utiliser le verbe connu push, pourtant présenté dans un ordre agrammatical, dans un ordre grammatical. S’agissant d’un verbe connu, les jeunes enfants préfèrent donc utiliser l’ordre des mots dans lequel ils l’ont appris, c’est-à-dire l’ordre SVO. Akhtar (1999) trouve encore que les enfants utilisent des pronoms dans 50% des cas lorsqu’ils corrigent l’ordre agrammatical et produisent une réponse grammaticale alors qu’ils ne pronominalisent jamais un argument lorsqu’ils utilisent un ordre agrammatical. Et lui de conclure que ces résultats suggèrent une acquisition progressive de l’ordre des mots, selon un processus de généralisation progressive, à partir d’exemples.

La recherche de Abbot-Smith, Lieven et Tomasello (2001), qui soutient aussi l’hypothèse lexicale, consiste en une adaptation de la recherche de Akhtar (1999), relatée ci- dessus. Les enfants sont âgés en moyenne entre 2 ans 4 mois et 3 ans 9 mois et les amorces syntaxiques sont des constructions intransitives (c’est-à-dire avec seulement un argument) car à 2 ans 4 mois les enfants sont plus enclins à produire des énoncés de 2 mots que de 3 mots.

Dans la condition expérimentale, les enfants entendent un nouveau verbe dans un ordre agrammatical de type verbe-sujet (VS). Comme les enfants de 2 ans 4 mois n’ont pas encore, selon les auteurs, de représentation abstraite de l’ordre canonique des mots (SV), ils s’attendent à ce que ces enfants ne corrigent pas souvent l’ordre agrammatical amorcé. Dans la première condition contrôle, les enfants entendent un nouveau verbe dans un ordre grammatical de type sujet-verbe (SV). Les auteurs s’attendent ici à ce que les enfants utilisent les nouveaux verbes dans l’ordre grammatical amorcé. Dans la seconde condition contrôle, les enfants entendent un verbe familier (jump) dans un ordre agrammatical de type VS. Les auteurs s’attendent ici à ce que les enfants corrigent l’ordre agrammatical amorcé car ils connaissent le verbe familier amorcé. Ils trouvent comme dans la recherche de Akhtar (1999)

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que les enfants plus âgés, c’est-à-dire âgés en moyenne de 3 ans 9 mois corrigent l’amorce VS dans plus de 66% des cas. Ils trouvent aussi que les enfants âgés de 2 ans 4 mois ne corrigent la structure agrammaticale que dans 21% des cas (encore moins que les enfants de 2 ans 8 mois de l’étude de Akhtar (1999)), chiffre qu’ils comparent au 96% de correction obtenu par Akthar (1999) pour les enfants âgés de 4 ans 4 mois, preuve selon eux qu’une représentation abstraite de l’ordre des mots s’acquiert bel et bien progressivement. Ils insistent encore sur le fait que ces résultats ne signifient pas que les enfants âgés de 2 ans n’aient aucune idée de l’ordre canonique des mots. En effet, ces enfants corrigent l’amorce agrammaticale contenant le verbe familier dans 72% des cas. Ils ont aussi tendance à reproduire beaucoup plus souvent l’amorce grammaticale comprenant un nouveau verbe que l’amorce agrammaticale comprenant un nouveau verbe. En outre, quand les enfants produisent une phrase avec un pronom ou l’auxiliaire is, ils le font de manière appropriée, c’est-à-dire en respectant l’ordre canonique des mots. Ils concluent toutefois en disant que ces données vont dans le sens d’une émergence progressive des représentations abstraites, qu’elles concernent les catégories ou l’ordre des mots.

Matthews, Lieven, Theakston et Tomasello (2005) ont également repris, tout en l’adaptant, la méthodologie adoptée par Akhtar (1999). Ils optent pour des amorces syntaxiques comprenant des verbes de différentes fréquences (haute, moyenne, basse), plutôt que pour des amorces comprenant des verbes versus des pseudo-verbes mais conservent la méthodologie de l’ordre des mots bizarre adoptée par Akhtar (1999). L’intérêt pour la fréquence des verbes n’est pas nouveau. Brooks et al. (1999, cités dans Matthews et al., 2005) ont en effet déjà trouvé que plus un verbe est fréquent et plus tôt il est appris, moins les enfants seront enclins à violer sa structure argumentale, c’est-à-dire à transformer par exemple un verbe intransitif en verbe transitif. Matthews et al. (2005) s’attendent à ce que les jeunes enfants anglophones adoptent plus facilement l’ordre agrammatical amorcé lorsqu’il contient un verbe de basse fréquence que lorsqu’il contient un verbe de haute fréquence. Par contre, concernant les enfants plus âgés, ils s’attendent à ce qu’ils fassent usage de leurs connaissances générales concernant l’ordre des mots et qu’ils corrigent donc l’amorce agrammaticale entendue. Des enfants âgés en moyenne de 2 ans 9 mois et 3 ans 9 mois ont été testés dans des paradigmes faisant usage de verbes de différentes fréquences présentés dans un ordre agrammatical de type SOV. Ces enfants entendent des verbes de haute fréquence, des verbes de moyenne fréquence et de basse fréquence. Ils prédisent que le nombre de réponses reproduisant l’ordre agrammatical des mots sera inversement

(18)

proportionnel à la fréquence des verbes entendus et que cet effet de fréquence aura tendance à diminuer avec l’âge. C’est ce qu’ils trouvent. Les enfants âgés de 2 ans 9 mois sont plus enclins à utiliser un verbe de basse fréquence que de haute fréquence lorsqu’ils reproduisent l’ordre agrammatical des mots entendu. Les enfants âgés de 3 ans 9 mois, quant à eux, tendent plutôt à corriger l’ordre agrammatical, tant pour les verbes de haute fréquence que de basse fréquence. En outre, les jeunes enfants tendent également à produire plus d’arguments et à utiliser plus de pronoms lorsqu’ils produisent des phrases grammaticales que lorsqu’ils reproduisent l’ordre agrammatical entendu.

La recherche de Matthews, Lieven, Theakston et Tomasello (2007) est le pendant de la recherche de Matthews et al. (2005) mais réalisée avec des enfants francophones. La méthodologie est semblable. Nous l’explicitons quand même en détail car c’est cette recherche, ainsi que celle d’Akhtar (1999), que nous critiquerons plus précisément dans la rubrique 2.3. Matthews et al. (2007) examinent la compréhension de l’ordre des mots d’enfants francophones. Leur principale question de recherche pourrait être formulée comme suit. Le jeune enfant a-t-il plus tendance à utiliser un ordre des mots incorrect avec un verbe inconnu qu’avec un verbe connu ? Ils testent 112 enfants âgés entre 2 ans 10 mois et 3 ans 9 mois (56 enfants par groupe d’âge) selon un paradigme d’amorçage syntaxique. Les enfants sont amenés à décrire des actions (montrées sous forme de vidéos) après un amorçage syntaxique comprenant un verbe d’action de haute fréquence (verbe connu) ou de basse fréquence (verbe inconnu) entourés de différents syntagmes nominaux (Renard, Eléphant, Canard, Girafe, Ours et Phoque), dans une structure syntaxique de type SOV ou VSO. Les enfants entendent soit 4 verbes de haute fréquence (pousser, tirer, frapper, embrasser) soit 4 verbes de basse fréquence (percuter, haler, tapoter, enlacer). Ces verbes ont été sélectionnés sur base de différents critères : ils devaient être transitifs, appariables sémantiquement, être utilisés avec des sujets et objets animés, faire référence à des actions également complexes, et être plus fréquemment utilisés en tant que verbe qu’en tant que nom. La moitié des enfants entend des phrases adoptant la structure SOV et l’autre moitié des phrases adoptant la structure VSO. Chaque condition comprend donc 14 enfants (56/4).

Prenons le cas d’un enfant du sous-groupe des enfants de 2 ans 10 mois, qui entend les 4 verbes de haute fréquence selon la structure SOV. Il visionnera 12 vidéos construites autour de chacun des 4 verbes de haute fréquence (par exemple « Renard Phoque pousse ». Parmi ces séries de 12 vidéos, seules 5 ne seront pas amorcées syntaxiquement. Cet enfant donnera

(19)

donc 5 réponses par verbes, soit 20 réponses en tout. Ce qui donne, par condition, 280 observations (20 x 14 enfants). Si on regroupe ensuite les conditions SOV et VSO, on arrive à 560 observations dans la condition verbe de haute fréquence et 560 dans la condition verbe de basse fréquence, et ce tant dans le groupe des petits que des grands.

Conformément à l’hypothèse lexicale, les auteurs prédisent que les enfants plus jeunes (âgés d’environ 2 ans) adopteront plus souvent un ordre agrammatical avec un verbe de basse fréquence qu’avec un verbe de haute fréquence et qu’ils corrigeront plus souvent l’ordre agrammatical avec un verbe de haute fréquence qu’avec un verbe de basse fréquence. Ils prédisent également que les enfants plus âgés (environ 3 ans) corrigeront plus souvent que les plus jeunes l’ordre agrammatical, tant avec un verbe de haute fréquence que de basse fréquence. Matthews et al. (2007) trouvent que les enfants reproduisent plus souvent un ordre agrammatical lorsque le verbe est de basse fréquence (inconnu) que lorsque le verbe est de haute fréquence (connu) et que les enfants corrigent plus souvent un ordre agrammatical lorsque le verbe est de haute fréquence (connu) que lorsqu’il est de basse fréquence (inconnu). Aucun effet de l’âge n’est obtenu.

2.3. Analyse critique des travaux soutenant l’hypothèse lexicale

Ce sont les recherches de Matthews et al. (2007) et d’Akhtar (1999) que nous critiquons ici plus en détails. Une critique détaillée de tous ces travaux dépassant le cadre de ce mémoire. Pour des critiques détaillées concernant l’ensemble des travaux lexicalistes, il est possible de se référer au travail de Franck et Frauenfelder (en préparation).

Concernant les aspects théoriques de ces deux recherches, nous nous devons de soulever deux problématiques importantes :

- Un premier problème d’interprétation des réponses de l’enfant est à relever. En effet, selon ces auteurs, la non-correction de l’ordre agrammatical est le reflet d’une absence de grammaire et la correction de l’ordre agrammatical est le reflet de la présence d’une grammaire.

o La première prémisse à ce raisonnement (la non-correction de l’ordre agrammatical est le reflet d’une absence de grammaire) est insuffisante. En effet, la présence de non-corrections ne signifie pas qu’il y a nécessairement absence de grammaire. Il peut y avoir d’autres raisons pour lesquelles l’enfant

(20)

n’a pas corrigé. L’enfant pourrait avoir imité l’ordre agrammatical entendu par complaisance vis-à-vis de l’expérimentateur. L’enfant pourrait tout aussi bien ne pas avoir donné de réponse (et donc ainsi ne pas avoir corrigé), ne sachant que faire d’un ordre bizarre des mots. La présence de non-corrections ne permet de conclure ni à la présence ni à l’absence de grammaire.

o La deuxième prémisse à ce raisonnement (la correction de l’ordre agrammatical est le reflet de la présence d’une grammaire) est vraie dans le sens qu’il est nécessaire de disposer d’une grammaire pour produire des phrases grammaticales mais insuffisante également parce qu’une phrase agrammaticale ne peut pas être traitée par un processus grammatical ni être transformée en phrase grammaticale par application de règles ou grâce à des représentations grammaticales. Des processus extra-grammaticaux comme la prise en compte du contexte ou l’adoption d’une stratégie lexicale sont nécessaires pour comprendre l’ordre agrammatical et donc ensuite éventuellement le corriger.

Nous proposons donc plutôt la logique suivante. En l’absence de processus d’interprétation extra-grammaticaux, il n’est pas possible de corriger l’amorce non- SVO. En présence de processus d’interprétation extra-grammaticaux, il est possible de corriger l’amorce SVO.

- Un deuxième problème concernant les hypothèses et prédictions est à relever. En effet, selon ces auteurs, la correction versus non-correction de l’ordre agrammatical, dans le cas d’amorces comprenant un verbe non-familier, est le fait le plus important à observer car il permet de départager l’hypothèse grammaticale (qui prédit, selon ces auteurs, que tant les petits que les grands corrigeront les amorces agrammaticales comprenant un verbe non-familier) de l’hypothèse lexicale (qui prédit, selon ces auteurs, que seuls les grands corrigeront les amorces agrammaticales comprenant un verbe non-familier) et donc de conclure à une absence de grammaire chez les petits et une présence de grammaire chez les grands (effet d’âge). Ceci n’est toutefois pas vrai car les deux théories prédisent en fait que les jeunes enfants corrigent rarement les phrases agrammaticales mais pour des raisons différentes. Selon l’hypothèse lexicale, l’absence de grammaire chez le jeune enfant explique la non-correction des amorces agrammaticales. Selon l’hypothèse grammaticale, l’absence de processus extra- grammaticaux chez le jeune enfant (comme par exemple un défaut d’intégration du contexte lors du visionnement de la vidéo, ou des raisons socio-pragmatiques [par

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complaisance]) explique la non-correction des amorces agrammaticales, la grammaire ne permettant pas de traiter les phrases agrammaticales.

Concernant la méthodologie et l’analyse des résultats de la recherche de Matthews et al.

(2007), nous nous devons de relever les points critiques suivants :

- Aucune condition contrôle comprenant des phrases amorcées de type SVO n’est présente. Les auteurs prédisant que dans le cas d’amorces comprenant des nouveaux verbes, les petits répondront de manière semblable, que l’amorce soit grammaticale ou agrammaticale. L’hypothèse lexicale ne prédit pas d’effet de grammaticalité chez les petits. Pourtant, la comparaison structure grammaticale avec pseudo-verbe versus agrammaticale avec pseudo-verbe, en tant qu’amorce, est cruciale. En effet, il serait tout à fait envisageable de trouver, chez les petits, plus de réponses reproduisant l’ordre correct des mots amorcé (et comprenant un pseudo-verbe) que de réponses reproduisant l’ordre incorrect des mots amorcé (et comprenant un pseudo-verbe), signe que les petits ont aussi une grammaire.

- Les non-réponses des enfants ne sont pas prises en compte dans les calculs. La figure 1 illustre leur pourcentage, calculé sur base des informations récoltées dans l’article de Matthews et al. (2007) et relevées dans le tableau I ci-après. En effet, comme le montrent ces données, les non-réponses ne peuvent être ignorées car elles sont majoritaires, systématiques (c’est-à-dire dans chaque condition) et non distribuées aléatoirement. Il y a plus de non-réponses chez les plus petits (effet d’âge ?) et dans les conditions basse fréquence (effet de lexicalité ?). Les non-réponses sont donc liées aux variables indépendantes et doivent être prises en compte.

Tableau I :Données brutes obtenues par Matthews et al. (2007)

Age Fréquence None** Match Reversion

Nbre total de données*

2;9 BF 513 12 35 560

HF 362 21 177 560

3;10 BF 471 49 40 560

HF 292 48 220 560

*560 observations par tranche d'âge et par fréquence = 2 structures (SOV et VSO) x 14 enfants x 20 observations par enfant (5 réponses x 4 verbes)

**Absence de réponse, phrases avec un autre V, etc.

(22)

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

BF HF BF HF

2;9 3;10

Conditions expérimentales

Pourcentages de non-réponses

None

Figure 1 : Pourcentages de non-réponses, en fonction de l’âge et de la fréquence

- En outre, ignorer les non-réponses crée l’illusion d’un effet de lexicalité (cf. figure 2, ci-dessous). En effet, selon les calculs de Matthews et al. (2007), moins de non- corrections dans la condition haute fréquence que basse fréquence et ce dans les deux groupes d’âges sont obtenues. Et plus de non-corrections chez les grands que chez les petits, aussi bien dans la condition basse fréquence que haute fréquence sont encore obtenues. Ce résultat n’est toutefois pas interprété par les auteurs et va à l’encontre de l’hypothèse lexicale qui, rappelons-le, prédit un plus grand nombre de non-corrections chez les petits. Remarquons encore que l’effet de fréquence obtenu chez les plus grands indique que cet effet ne peut être considéré comme indicateur de l’absence de grammaire ! En effet, cet effet de fréquence est attendu normalement, selon l’hypothèse lexicale, seulement chez les petits (plus de réponses reproduisant l’ordre agrammatical attendues chez les petits dans la condition basse fréquence que haute fréquence et plus de réponses corrigeant l’ordre agrammatical attendues chez les petits dans la condition haute fréquence que basse fréquence) et non ou très peu chez les grands.

(23)

26%

11%

55%

18%

2% 4%

9% 9%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

BF HF BF HF

2;9 3;10

Conditions expérimentales

Pourcentages de non-corrections

Matthews et al. (2007) En tenant compte des non- réponses

Figure 2 : Pourcentages de non-corrections, en fonction de l’âge et de la fréquence, selon Matthews et al.

(2007) versus en tenant compte des non-réponses

Concernant la méthodologie et l’analyse des résultats de la recherche d’Akhtar (1999), nous nous devons de relever les points critiques suivants :

- L’interprétation du taux de corrections et non-corrections peut être remise en question. En effet, les auteurs arguent que les grands corrigent plus souvent l’ordre agrammatical que les petits. Cette assertion est vraie. Mais ce qui est crucial de regarder (et même selon les auteurs !) ce sont les non-corrections qui reflètent, selon ces auteurs, l’absence d’une grammaire. La figure fictive 3 ci-dessous, illustre cette problématique. Les grands peuvent corriger l’ordre agrammatical à la fois plus souvent que les petits tout en faisant autant de non-corrections que les petits. La question d’une présence versus absence de grammaire chez l’un ou l’autre des deux groupes d’enfants ne peut être résolue. Les petits font moins de corrections de l’ordre des mots que les grands, certes, mais ils produisent simplement moins de réponses. Si les grands font plus de corrections de l’ordre des mots que les jeunes c’est parce qu’ils corrigent plus et non parce que les jeunes corrigent moins.

(24)

2 ans 4 ans Conditions expérimentales Taux de corrections et de non- corrections

Corrections Non-corrections

Figure 3 : Taux de corrections et non-corrections en fonction de l’âge

- Dans cette recherche, les enfants n’ont aucune difficulté à traiter les phrases grammaticales (SVO). Or, s’agissant d’une recherche construite avec des pseudo- mots, les enfants les plus jeunes ne devraient pas montrer de préférence pour la structure SVO, si l’on se réfère strictement à l’hypothèse lexicale, défendue dans cette recherche.

- Un autre résultat obtenu dans cette recherche va également à l’encontre de l’hypothèse lexicale. Il n’y a pas plus de non-corrections à la fin qu’au début de l’expérience, donc pas d’effet d’apprentissage de l’ordre agrammatical avec les verbes auparavant inconnus. Si l’acquisition de l’ordre des mots se fait comme une propriété lexicale, verbe après verbe, un tel effet aurait dû être trouvé.

2.3.1. Résumé des résultats de Matthews et al. (2007) selon la méthode de calcul

Nous reprenons dans cette rubrique, de manière plus systématique, les résultats trouvés par Matthews et al. (2007). Nous comparons les résultats obtenus par une analyse des proportions (i.e. en ne tenant pas compte des non-réponses), méthode utilisée par ces auteurs, avec ceux obtenus par une analyse des fréquences (i.e. en tenant compte des non-réponses).

Le tableau II illustre les résultats d’une analyse en termes de proportions.

(25)

Tableau II : Non prise en compte des non-réponses ; match = reproduction de l’ordre incorrect amorcé ; mismatch = correction de l’ordre incorrect amorcé ; WWO = ordre incorrect des mots

Match Mismatch

Effet d’âge NON OUI

mismatch petits < mismatch grands

Effet de fréquence OUI

match WWO basse > match WWO haute

OUI

mismatch WWO haute >

mismatch WWO basse

Lorsque les non-réponses ne sont pas prises en compte, les effets suivants sont trouvés : - parlant des réponses match :

o aucun effet d’âge ;

o un effet de fréquence : le pourcentage de réponses match est plus élevé dans la condition basse fréquence que haute fréquence, et ce chez les deux groupes d’enfants ;

- parlant des réponses réversion :

o un effet d’âge : les petits corrigent moins que les grands ;

o un effet de fréquence : le pourcentage de réponses réversion est plus élevé dans la condition haute fréquence que basse fréquence ;

Le tableau III illustre les résultats semblant être trouvés lorsque les non-réponses sont prises en compte.

(26)

Tableau III : Prise en compte des non-réponses

Match Mismatch

Effet d’âge OUI ?

match petits (5.8%) < match grands (17%)

OUI ?

mismatch petits (37%) <

mismatch grands (46%) Effet de fréquence NON ?

match WWO basse (10%) = mach WWO haute (12%) petits match WWO basse (2.1%) = petits match WWO haute (3.8%)

grands match WWO basse (8.8%) = haute (8.6%)

OUI ?

mismatch WWO haute (70%) > mismatch WWO basse (13%)

Lorsque les non-réponses sont prises en compte, les résultats suivants semblent être trouvés :

- parlant des réponses match :

o les grands réutilisent plus que les petits l’ordre agrammatical des mots ;

o les pourcentages de réponses match dans les conditions basse fréquence sont presque égaux à ceux dans les conditions haute fréquence ;

- parlant des réponses réversion :

o les petits corrigent moins que les grands ;

o les pourcentages de réponses réversion sont plus élevés dans les conditions haute fréquence que basse fréquence ;

En résumé, lorsque les non-réponses sont prises en compte, deux résultats semblent changer (et vont tous deux à l’encontre de l’hypothèse lexicale) :

- les petits semblent réutiliser l’ordre agrammatical des mots moins souvent que les grands (alors que lorsque les non-réponses ne sont pas prises en compte, les petits réutilisent autant que les grands l’ordre agrammatical des mots) ;

- les pourcentages de réponses match dans les conditions basse fréquence semblent être sensiblement les mêmes que ceux pour les réponses match dans les conditions haute fréquence (alors que lorsque les non-réponses ne sont pas prises en compte, le

(27)

pourcentage de réponses match est plus élevé dans la condition basse fréquence que haute fréquence).

Lorsque les non-réponses sont prises en compte, le pourcentage de réponses match diminue de manière telle qu’un effet d’âge qui va à l’encontre des prédictions de l’hypothèse lexicale semble être trouvé. Rappelons encore que l’absence d’effet de fréquence semblant être observée lorsque les non-réponses sont prises en compte va également à l’encontre des prédictions de l’hypothèse lexicale. Force est donc de constater que lorsque les non-réponses sont prises en compte, l’hypothèse grammaticale est suffisante pour rendre compte de leurs données concernant les réponses match.

Un résultat reste stable chez Matthews et al. (2007), quelle que soit la méthode de calcul utilisée : les petits corrigent moins que les grands.

3. Objectifs de l’expérience

Comme annoncé en introduction, l’objectif de cette étude expérimentale de la représentation de l’ordre des mots chez l’enfant est de répliquer la recherche de Matthews et al. (2007) en la modifiant quelque peu et de confronter l’hypothèse lexicale avec l’hypothèse grammaticale concernant l’acquisition de l’ordre des mots chez l’enfant francophone. A l’aune des critiques relevées dans le point 2.3, nous modifions la recherche de Matthews et al.

(2007) au niveau des points suivants :

- Nous choisissons d’inclure une condition ordre grammatical des mots car la comparaison entre la condition grammaticale avec pseudo-verbe et la condition agrammaticale avec pseudo-verbe est cruciale. Un nombre plus important de réponses reproduisant un ordre correct des mots procurerait un indicateur indéniable de la présence d’une grammaire. L’ajout d’une condition grammaticale apporte également à l’enfant une information concernant le langage de celui qui parle : l’enfant pourrait faire des inférences différentes selon que l’expérimentateur parle systématiquement de manière incorrecte ou qu’il parle seulement occasionnellement de manière incorrecte.

- Notre analyse des données tiendra compte des réponses et non-réponses, ces dernières étant, dans la recherche de Matthews et al. (2007), majoritaires, systématiques et non distribuées aléatoirement.

- Plutôt que des verbes de basse fréquence, nous choisissons d’utiliser des pseudo-

(28)

verbes, comme utilisés par Akhtar (1999), de façon à être certains qu’ils ne soient pas connus des enfants.

- Tous les pseudo-verbes et verbes seront présentés à tous les enfants, de façon à ce que l’effet ou l’absence d’effet de lexicalité puisse être mis en évidence dans un paradigme intra-sujets.

- Nous choisissons d’enregistrer les amorces grammaticales et agrammaticales au préalable, de façon à ce que tous les enfants les entendent dites de la même manière.

- Nous choisissons d’autres marionnettes, selon les critères définis dans la rubrique matériel de ce travail, de façon à être sûr que les non-réponses ne soient pas dues à une non-connaissance des noms d’animaux ou une difficulté de prononciation de ces derniers.

Nous rajoutons également la passation du test des cubes extraite du WPPSI-III. Dans ce test, l’enfant doit reproduire une construction à l’aide de cubes d’une seule couleur ou bicolores, à partir d’un modèle construit devant lui ou présenté dans le livre de stimuli prévu à cet effet. Le tout en un temps déterminé. Comme inscrit dans le manuel d’utilisation de ce test, le test des cubes « est conçu pour évaluer la capacité à analyser et à synthétiser des stimuli visuels abstraits » (Cooper, 1995 ; Grothz-Marnat, 1999 ; Kaufman, 1994 ; Sattler, 2001). Nous utilisons ce test comme un moyen d’évaluer si la capacité à reproduire un ordre incorrect des mots est fonction d’une capacité d’abstraction plus générale. Cela étant, nous espérons trouver une corrélation entre le résultat au test des cubes et la capacité de l’enfant à se construire une représentation syntaxique abstraite de l’ordre des mots. En effet, pour pouvoir reproduire l’ordre incorrect des mots, l’enfant doit abstraire cet ordre de la phrase qu’il entend.

Notre hypothèse théorique est que le jeune enfant dispose d’une représentation abstraite initiale de l’ordre des mots de sa langue. Conformément à l’hypothèse grammaticale, nous nous attendons (hypothèse empirique) à ce que les petits comme les grands réutilisent plus souvent l’ordre grammatical des mots que l’ordre agrammatical des mots, tous deux entendus en amorce, et cela même s’ils ne reconnaissent pas les verbes.

Pour Matthews et al. (2007), la comparaison cruciale pour départager les 2 hypothèses est la comparaison entre la condition agrammaticale avec verbe inconnu (i.e. avec pseudo-verbe dans notre cas) et la condition agrammaticale avec verbe connu (i.e. avec verbe dans notre

(29)

cas). Leur question de recherche le prouve : « le jeune enfant a-t-il plus tendance à utiliser un ordre des mots incorrect avec un verbe inconnu qu’avec un verbe connu ? ». La mise en évidence d’un tel effet de fréquence est considérée par ces auteurs comme une preuve de l’absence de grammaire chez le jeune enfant.

Or, ce qui est crucial pour départager les deux hypothèses, c’est la comparaison entre la condition grammaticale avec pseudo-verbe et la condition agrammaticale avec pseudo-verbe car les deux hypothèses font des prédictions opposées concernant cette comparaison :

- selon l’hypothèse lexicale les enfants réutiliseront l’ordre incorrect des mots comprenant un pseudo-verbe aussi souvent que l’ordre correct des mots comprenant un pseudo-verbe ;

- selon l’hypothèse grammaticale les enfants réutiliseront l’ordre correct des mots comprenant un pseudo-verbe plus souvent que l’ordre incorrect des mots comprenant un pseudo-verbe.

La relation logique est la suivante : si les jeunes enfants réutilisent plus souvent l’ordre correct des mots comprenant un pseudo-verbe que l’ordre incorrect des mots comprenant un pseudo-verbe, alors ils ont une grammaire. Autrement dit, la prédiction est que si les jeunes enfants n’ont pas de grammaire, alors ils ne pourront pas corriger.

Le simple fait que les jeunes enfants réutilisent un ordre agrammatical comprenant ou non un pseudo-verbe ne permet pas de conclure à une absence de représentation abstraite de l’ordre des mots chez ces derniers. Seul un effet de grammaticalité (plus de réponses réutilisant l’ordre grammatical des mots comprenant un pseudo-verbe que de réponses réutilisant l’ordre agrammatical des mots comprenant un pseudo-verbe) nous permettra de conclure à la présence ou à l’absence d’une représentation abstraite de l’ordre des mots chez le jeune enfant.

(30)

Partie expérimentale

1. Hypothèses opérationnelles

Nous exposons, dans cette rubrique, les prédictions selon l’hypothèse lexicale puis selon l’hypothèse grammaticale pour chacun des deux groupes d’enfants.

Le tableau IV (adapté de Franck & Frauenfelder, en préparation) résume les prédictions selon l’hypothèse lexicale.

Tableau IV : Prédictions de l’hypothèse lexicale pour chacun des deux groupes d’enfants. Rappelons que seul le groupe des petits est supposé avoir une représentation lexicale de l’ordre des mots, et que seul le groupe des

grands est supposé avoir une représentation abstraite de l’ordre des mots.

OAM = ordre agrammatical des mots ; OGM = ordre grammatical des mots ; match = réutilisation de l’ordre des mots amorcé ; réversion = correction de l’OAM

L’hypothèse lexicale prédit : - un effet d’âge :

o les petits réutiliseront l’ordre agrammatical des mots (match OAM), les grands ne le feront pas (ou moins souvent que les petits) (pas match OAM) ;

o les petits ne corrigeront pas (ou moins souvent que les grands) l’ordre agrammatical des mots (pas réversion OAM), les grands le feront (réversion OAM) ;

- un effet de lexicalité :

Petits (2;11) : représentation lexicale de l’ordre des mots

Grands (3;11) : représentation abstraite de l’ordre des mots Effet de répétition match OAM

pas réversion OAM

pas match OAM réversion OAM Effet de lexicalité match OAM verbe < pseudo-verbe

réversion OAM verbe > pseudo-verbe

pas d’effet

Effet de grammaticalité pas d’effet match OAM < OGM

réversion OAM > OGM

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