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II. Ignifugation des polymères

II.4. Nouvelles voies d’ignifugation : modification des charges

Comme nous avons pu le constater, généralement pour ignifuger le PP ou le PBT avec des composés phosphorés, un minimum d’une vingtaine de pourcent massique d’additifs doit être ajouté aux matrices. En outre, nous avons vu que les composés phosphorés utilisés dans les études recensées, faisaient souvent partie de systèmes synergétiques, et/ou étaient associés à des charges, ces dernières pouvant permettre la cohésion du char et une amélioration des effets barrières. Nous nous sommes donc demandés s’il pouvait être envisageable de combiner tous ces effets en modifiant une charge par des composés ignifugeants, ce qui permettrait d’atteindre des propriétés au feu convenables avec des taux d’additifs plus faibles. Cette alternative a effectivement déjà été proposée dans la littérature [94-104]. Il s’agit d’introduire le retardateur de flamme phosphoré, azoté, voire les deux, via imprégnation ou greffage sur des tissus ou des charges, comme par exemple des fibres naturelles, de la silice ou encore des nano-éponges [105], des nanotubes de carbone [104] ou des fullerènes [106].

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Cette technique est souvent utilisée dans le domaine de l’ignifugation des fibres pour le textile. Par exemple, la modification de la surface du coton par voix sol-gel a été étudiée par Alongi et al. [94-99]. Différents précurseurs ont été étudiés comme par exemple le tétraméthoxysilane (TMOS) [94-96] ou encore le diéthylphosphatoéthyltriéthoxysilane (SiP) [97, 98]. La formation d’une couche de silice sur les fibres de coton joue le rôle de couche barrière permettant à la fois de diminuer la combustion du coton et d’augmenter son charbonnement. La voie sol-gel permet également d’introduire des composés phosphorés ou azotés, par simple ajout lors de l’étape d’hydrolyse, pouvant ainsi parfois créer des effets de synergie et favoriser l’augmentation du taux de char (c’est par exemple le cas pour le coton traité avec du TMOS contenant 15%m d’aluminium phosphinate, ou traité avec du SiP/bisphosphonate comme le montre la Figure I- 20). Un tel traitement se révèle de plus être résistant au lavage.

Figure I- 20 : Schéma représentatif de la structure du coton après traitement par le SiP/bisphosphonate [98]

Une autre technique d’ignifugation dans le domaine du textile a été proposée dans l’étude de Punyacharoennon et al. [100]. Leur stratégie d’ignifugation consiste à traiter le coton avec une silice (aérosil 200) greffée par un polyamidoamine (PAMAM) comme le présente la Figure I- 21. Ici, le taux relatif de greffage par rapport à la masse de silice initiale est de minimum 74%m.

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Figure I- 21 : Silice greffée PAMAM phosphorylé [100].

Cette méthode permet, tout comme celle d’Alongi et al., d’améliorer le comportement au feu du tissu en créant une couche charbonnée protectrice à sa surface, limitant ainsi les transferts d’oxygène et la propagation de la flamme, lors du test standard à 45°.

La modification de la silice a également été envisagée par Dong et al. pour l’ignifugation du PP [102]. Dans une précédente étude [101], les auteurs avaient montré que l’incorporation de seulement 5%m de silice greffée DOPO (3,2%m de DOPO immobilisé sur la silice), permettait d’augmenter la température à la vitesse maximum de perte de masse de 90°C, alors que la voie additive (5%m de silice + DOPO) ne permet une amélioration de la stabilité thermique que de 51°C. Les auteurs attribuent cette stabilisation à un effet de synergie de la silice greffée DOPO, qui permet la formation d’un char stable, réduisant ainsi la vitesse de libération des produits volatils de décomposition. Ils ont par la suite montré que l’incorporation de seulement 1%m de cette silice greffée DOPO (ici 9%m de DOPO sur silice), dans un PP contenant 25%m du mélange intumescent IFR=APP/PER (soit plus de 5%m de phosphore), permettait d’atteindre une classification V-0, ainsi qu’un LOI de 32,1%v (Cf. Tableau I- 8). L’étude XPS des résidus de LOI révélait alors qu’il y avait environ 2% de moins de phosphore dans le résidu PP/IFR/SiO2-DOPO, que dans le mélange PP/IFR qui contient 8,26% de phosphore. En revanche, ils ont observé une augmentation du taux de carbone de plus de 9% (avec 57,46% de carbone dans PP/IFR). D’après leurs précédents résultats, les auteurs attribuent ces observations à une augmentation de la stabilité thermique et la formation d’un char stable, dues à la synergie entre silice et DOPO. En outre, ils ajoutent que l’incorporation de cette silice modifiée DOPO permet une augmentation de la viscosité du mélange ce qui peut s’avérer être important pour l’amélioration du comportement au feu des matériaux (Cf. III.1).

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Tableau I- 8 : Résultats des tests d’inflammabilité des composites PP/IFR contenant des nanoparticules [102].

Enfin, il a été montré que le comportement au feu du PP, pouvait également être amélioré en incorporant des fibres naturelles modifiées par du phosphate de diammonium [107]. La modification de ces fibres se fait ici par immersion dans des solutions de DAP de concentrations différentes (allant de 1 à 5%m), afin qu’elles puissent elles-mêmes charbonner. Ici le taux de fibres est fixé à 35% en volume dans le PP. Les résultats ont démontré que l’augmentation du taux de phosphore provoquait une diminution de la température de début de dégradation en ATG, mais aussi une augmentation du taux de résidu. Par exemple, pour le PP contenant des fibres de jute non traitées (UJ), le taux de char à 500°C sous atmosphère inerte est estimé à 5,35%m. Il est de 11,28%m, 13,51%m et 16,43%m lorsque sont ajoutés au PP les fibres de jute traitées avec 1%m (JD1), 2,5%m (JD2,5) et 5%m (JD5) de DAP. En outre, l’introduction de ces fibres modifiées permet une diminution de la vitesse de combustion des composites comme le montre la Figure I- 22.

Figure I- 22 : Vitesse de combustion des différents biocomposites à base de PP et de fibres de jute [107].

Ces résultats montrent que les études menées sur la modification de charges ou de fibres par des composés phosphorés restent limitées. Il semble que la modification de la silice par le DOPO, ait une action favorable sur l’amélioration du comportement au feu du PP. Cependant, le PP contenant cette silice n’a visiblement pas été testé au feu sans association

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avec un mélange intumescent APP/PER. Il est donc difficile de conclure sur les taux de greffage ou taux de charges minimum à incorporer dans la matrice. Le fait d’introduire une fibre ignifugée dans le PP semble être une voie encourageante pour obtenir des propriétés au feu convenables à faible taux d’additifs et même de phosphore (que l’on estime ici à moins de 1,5%m).

III. Relation entre structure, viscosité et comportement au feu des