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III. Relation entre structure, viscosité et comportement au feu des matériaux

III.2. Influence du type de charges

Comme nous avons pu le constater dans l’étude de l’ignifugation du PP et du PBT, le type de charge utilisé peut avoir une influence sur le comportement au feu des matériaux. Tabuani et

al. [113] ont mis en évidence les différences de comportement au feu du PP contenant les

différentes nanocharges présentées Tableau I- 10.

Tableau I- 10 : Caractéristiques des nanocharges utilisées dans l’étude de Tabuani et al. [113].

L’étude montre que globalement, ce sont les charges lamellaires qui confèrent le meilleur comportement au feu et la meilleure stabilité thermique sous atmosphère oxydante. Entre les deux charges lamellaires C20A (dans un composite PP contenant 5%m de PP-g-MA et 7,7%m de C20A) et F100 (dans le composite PP + 10%m de F100), la première est la plus

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efficace car elle favorise la formation d’un char plus important, et apporte ainsi un meilleur effet barrière. De plus, cette étude montre que la charge possédant le plus faible rapport de forme (Disperal), est également la charge qui est la moins bien dispersée au sein de la matrice de PP, ce qui ne paraît pas surprenant étant donné qu’elle est incluse sans traitement dans un PP vierge à hauteur de 5%m. Ainsi, aucune amélioration n’est observée sur la stabilité thermique, ni sur le comportement au feu au cône calorimètre en dépit d’un mode d’action additionnel potentiel (libération d’eau), mais il est difficile de conclure ici sur l’influence du facteur de forme, la charge n’étant pas traitée. Il est à noter que dans cette étude, les composites préparés ne contiennent pas les mêmes taux de charges. On peut donc se demander quels auraient été les effets pour des taux de charges et des traitements équivalents (réel effet du facteur de forme et/ou de la dispersion des charges ?).

Une autre étude a démontré l’importance de la structure lamellaire sur le comportement au feu des matériaux. En effet, en substituant l’hydroxyde de magnésium (MH) par différents talcs ou par des MMT organomodifiées dans de l’EVA (avec 40%m d’EVA et 60%m du mélange MH/charges), Clerc et al. [112] ont montré que les meilleurs résultats au cône calorimètre étaient obtenus avec les charges ayant l’indice de lamellarité le plus élevé. Ces systèmes favoriseraient l’intumescence des matériaux en augmentant leur viscosité, induisant le charbonnement et permettant une nucléation hétérogène. Pour ces études, un optimum de 5%m de MMT modifiées est obtenu, c'est-à-dire que pour 3%m le pHRR est de 230 kW/m² et pour 10%m d’argiles le pic de débit calorifique est de 335 kW/m², alors qu’avec 5%m de charges le pic est de 220 kW/m². Les auteurs expliquent cet optimum par deux effets antagonistes : avec une viscosité trop élevée (pour 5 et 10%m de OMMT), l’épaisseur du résidu formé est plus faible de minimum 2 mm ; avec 3%m de charges, la mousse formée est plus fragile et présente des fissures.

Kashiwagi et al. [114] ont par ailleurs montré que l’ajout de nanotubes de carbone (SWNT) permettait d’atteindre, à plus faible taux de charges, un meilleur comportement au feu qu’avec des argiles (Cloisite 30B), comme le montre la Figure I- 24. Par exemple, avec seulement 0,5%m de SWNT dans le PMMA, la vitesse de perte de masse mesurée lors des essais de gasification (c'est-à-dire, lors de l’évaluation des propriétés au feu sous atmosphère inerte) est stabilisé à environ 10g/m²s, contre 15g/m²s pour les composites PMMA contenant 15%m d’argiles. Les modules élastiques de ces deux composites sont identiques, avec un plateau secondaire caractéristique de la présence d’un réseau à environ 105 Pa. Les auteurs ont alors expliqué les différences de comportement au feu par le fait que le réseau formé avec les nanotubes de carbone est plus stable que celui formé par les argiles, ce dernier présentant des fissurations à haute température. Ces fissurations,

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associées à un bullage vigoureux, ont un effet négatif sur les transferts de chaleur et donc le comportement au feu du matériau.

Figure I- 24 : Effet de la concentration en argile (Cloisite 30B) ou en nanotube de carbone (SWNT) sur le comportement au feu du PMMA [114].

Dans le PP, Kashiwagi et al. [26] montrent également que l’introduction de 1%m de nanotube de carbone (MWNT) est plus efficace que l’ajout de 1%m de noir de carbone, ce dernier ne formant pas de réseau. 1%m de MWNT correspond en fait à un optimum : c'est-à-dire qu’avec 0,5%m et 2%m de ces charges dans le PP, le pHRR est d’environ 700kW/m² à une irradiance de 50 kW/m², contre environ 550 kW/m² avec 1%m de MWNT. En outre, avec des taux inférieurs ou égaux à 1%m de charges, le temps d’ignition diminue comparé au PP et aux composites contenant plus de 2%m de MWNT. Les auteurs expliquent ces résultats par le fait qu’une augmentation du taux de charges augmente la conductivité thermique des échantillons. De ce fait, lorsque le taux de charges est supérieur à 2%m, la chaleur absorbée en surface du matériau sera transmise en profondeur de l’échantillon, retardant l’ignition. Au contraire, l’ajout d’un faible taux de charges (≤ 1%m de MWNT) semble permettre une absorption du flux de chaleur radiatif en surface de l’échantillon, provoquant son échauffement rapide et ainsi son inflammation précoce. Par ailleurs, le HRR augmente avec l’augmentation du taux de charges, l’accumulation de chaleur au sein du polymère vierge par conductivité étant plus importante.

Comme nous avons pu le voir dans la partie II.2.1, dans le cas de l’ajout de silice au sein du PP, les caractéristiques de ce type de charges peuvent avoir une influence sur le comportement au feu. La porosité de la silice semble jouer un rôle important dans le mécanisme d’ignifugation du PP. En effet, l’ajout de 10%m de gel de silice de volume poreux 3cm3/g, permet de diminuer le pHRR d’environ 45% par rapport au mélange contenant

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10%m de gel de silice de volume poreux de 1cm3/g [70]. Gilman et al. [70] ont également montré que la taille des particules du gel de silice n’a pas d’influence sur le pHRR alors que l’utilisation de silices de natures différentes (pyrogénée ou vitreuse, avec des surfaces spécifiques différentes) peut en avoir une, puisque, comme nous l’avions vu dans la Figure I- 15 et la Figure I- 23, le pHRR du composite PP + 10%m de gel de silice permet d’obtenir un pHRR de 700 kW/m² (sous une irradiance de 35kW/m²) alors qu’avec les autres silices celui-ci est de minimum 900kW/m². Nous rappelons que ces différences sont expliquées par Kashiwagi et al. [68] par le fait que selon le type de silice, la viscosité du composite à base de PP ne sera pas la même, ce qui aura une influence sur l’accumulation des charges en surfaces des échantillons. Il est à noter que les silices semblent tout de même moins efficaces que les nanotubes de carbone, probablement par le fait que ces derniers forment des réseaux de charges plus importants.

En outre, l’état de dispersion d’une même charge peut également avoir un impact sur le comportement au feu des matériaux [115].