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nouvelles saisines du Tribunal des conflits

La première saisine, dite de l’article 34

236

, est venue accélérer le traitement des conflits

négatifs. La partie devait auparavant attendre que les juges administratif et judicaire aient

chacun décliné leur compétence pour saisir le Tribunal d’un conflit négatif. Avec la réforme,

le juge saisi après qu’un juge de l’ordre opposé a décliné sa compétence par une décision

insusceptible de recours, peut surseoir à statuer et renvoyer le règlement de cette question

devant le Tribunal des conflits. En d’autres termes, au lieu d’attendre que deux jugements

d’incompétence soient rendus, en abandonnant aux parties la responsabilité de la saisine du

Tribunal des conflits, le juge saisi en second lieu doit désormais le questionner directement.

La technique préjudicielle permet de gagner un temps précieux, puisque la résolution du

conflit négatif peut être sollicitée avant que le second juge ne décline sa compétence.

La deuxième saisine instituée, dite de l’article 35

237

, est ouverte aux seules juridictions

suprêmes. Elle leur permet de surseoir à statuer et de saisir le Tribunal des conflits par la voie

préjudicielle lorsqu’elles sont confrontées à « une question de compétence soulevant une

difficulté sérieuse »

238

.

236 L’article 34 du décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du tribunal des conflits tel que modifié par le décret n° 60-728 du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d’attribution dispose que : « lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridictions primitivement saisi, doit, par un jugement motivé qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au tribunal des conflits le soins de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ». Cet article 34 a été repris au mot près à l’occasion de la réforme du Tribunal des conflits et se trouve dorénavant à l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

237 Signalons que, depuis la réforme du Tribunal des conflits opérée par la loi du 16 février 2015, cette compétence se trouve inscrite à l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 févier 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

238 L’article 35 du décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du tribunal des conflits tel que modifié par le décret n° 60-728 du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d’attribution dispose que : « lorsque le Conseil d'État statuant au contentieux, la Cour de cassation ou toute autre juridiction statuant souverainement et échappant ainsi au contrôle tant du Conseil d'État que de la Cour de cassation, est saisi d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction saisie peut, par décision ou arrêt motivé qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. Il est alors sursis à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ».

99. La saisine de l’article 34

239

. Ces deux saisines sont souvent présentées de concert

240

.

La loi y invite d’ailleurs, puisqu’elles sont abordées au sein de la même section et, à l’origine,

dans le cadre de deux articles successifs

241

. Il faut pourtant se garder de toute assimilation car,

par delà le partage de la technique préjudicielle, ces deux mécanismes sont animés d’un esprit

dissemblable.

La saisine ouverte par l’article 34 du décret de 1848

242

n’est guère différente de la résolution

d’un conflit négatif habituel. La seule modification tient à ce que le Tribunal des conflits peut

intervenir avant que le juge saisi en second lieu ne décline sa compétence. L’esprit est

identique à celui qui prévaut lors du traitement historique du conflit négatif. La saisine du

Tribunal des conflits est inspirée par la contestation de l’interprétation des règles de

compétence donnée par le juge saisi en premier lieu. L’unification de l’interprétation

s’effectue a posteriori et présente un caractère répressif. Le mécanisme « implique que le

conflit négatif, à défaut d’être consommé, soit tout de même engagé par une première

décision définitive d’incompétence dans le premier ordre juridictionnel saisi, ce qui conduit

nécessairement à un allongement du délai de règlement de la question de compétence qu’une

intervention plus en amont du juge des conflits aurait pu éviter »

243

. Bien que fondée sur la

technique préjudicielle, la voie ouverte par l’article 34 ne modifie pas le traitement du conflit

négatif, elle se contente de l’accélérer… timidement.

100. La saisine de l’article 35

244

. La saisine de l’article 35 constitue en revanche un

profond bouleversement. Le juge suprême peut déclencher le renvoi au Tribunal alors

pourtant qu’il n’existe encore aucun conflit sur la question de la compétence. Seule compte

l’existence d’un doute sur l’interprétation des règles applicables. Dès lors que le juge suprême

s’interroge sur la compétence de son ordre juridictionnel, il peut renvoyer sa question au juge

239 Cet article 34 du décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du tribunal des conflits a été repris au mot près à l’occasion de la réforme du Tribunal des conflits et se trouve dorénavant à l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

240 J.-M. AUBY, « Le décret du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d’attribution », AJDA 1961.1 ; B. SEILLER, « La saisine du Tribunal des conflits », in Le Tribunal des conflits, Bilan et perspectives, P. Gonod, L. Cadiet (dir.), Dalloz, 2009, p. 70.

241 Aujourd’hui, les deux articles sont encore fondus dans une même section, aux articles 32 et 35 du décret n° 2015-233 du 27 févier 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles

242 Signalons que, depuis la réforme du Tribunal des conflits opérée par la loi du 16 février 2015, cette compétence se trouve inscrite à l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 févier 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

243 J.-M. SAUVE, « Rapport introductif à la seconde partie », in Le Tribunal des conflits, Bilan et perspectives, P. Gonod, L. Cadiet (dir.), Dalloz, 2009, p. 55.

244 Signalons que, depuis la réforme du Tribunal des conflits opérée par la loi du 16 février 2015, cette compétence se trouve inscrite à l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 févier 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

chargé de l’interprétation authentique des règles qui la régissent. Ce nouveau mode de saisine

est plus qu’une simple modification procédurale. Il ne se borne pas à procurer un gain de

temps précieux, il bouleverse le cadre d’élaboration de la jurisprudence et retentit sur la

nature même du Tribunal des conflits.

101. La célérité du renvoi. L’avantage pratique du renvoi des juridictions suprêmes est

qu’il rapproche au plus près le point d’émergence

245

de la difficulté d’interprétation de celui

de son règlement. Sitôt le problème identifié, le Tribunal des conflits est saisi sans qu’il soit

nécessaire « au plaideur d'épuiser les voies de recours devant le premier ordre et de saisir

ensuite une juridiction du second ordre »

246

. Ce gain de temps est appréciable pour lui. Il est

aussi une victoire pour l’intérêt public qui bénéficie d’une unification rapide des règles de

compétence. « Le Tribunal des conflits sera mis à même de dégager une interprétation des

règles de compétence presque aussitôt après qu’une difficulté sera apparue et sans attendre

que de trop graves divergences se soient établies dans la jurisprudence »

247

. Le premier atout

de cet article 35 est certainement sa célérité.

102. Modification du cadre d’élaboration de la jurisprudence. Du point de vue de son

essence, le nouveau mode de saisine s’oppose radicalement à tous ceux qui existent ou ont pu

exister. Les conflits positif et négatif, le renvoi préventif par les juges du fond et la saisine

pour contradiction de jugements présentent un caractère conflictuel plus ou moins marqué. La

saisine de l’article 35 en est, quant à elle, totalement dépourvue. L’unification de

l’interprétation se fait dans un cadre dialogique qui se traduit par la simple faculté dont

disposent les juges de procéder au renvoi. Le décret de 1960

248

dispose que « la juridiction

saisie peut (…) renvoyer au tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de

245 « Il appartient aux juridictions souveraines, sitôt que la question de compétence se pose devant elles, de renoncer à la trancher elle-même et de susciter l’intervention de la juridiction des conflits. Celle-ci peut donc être en mesure de régler une difficulté de compétence dès qu’elle se manifeste sans attendre l’apparition, à plus ou moins long terme, d’une situation de conflit » (J.-M. AUBY, « Le décret du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d’attribution », AJDA 1961. 5) ; « ce mécanisme permet de faire régler une difficulté sérieuse de compétence à l'initiative d'une juridiction suprême, sans que le plaideur doive en prendre l'initiative. Dans certains cas, une seule juridiction peut même être saisie et renvoyer au Tribunal de conflits la question de compétence. C'est le cas lorsque le Conseil d'État est saisi en premier et dernier ressort. L’inutilité d’une décision d’incompétence préalable permet l’économie d’un temps précieux » (M.-C. ROUAULT, « Le Tribunal des conflits pouvait-il se prononcer sur la question renvoyée par le Conseil d'État, dans la mesure où la juridiction judiciaire s'était déclarée compétente par une décision définitive ? », JCP A 2011, n° 16, p. 34).

246 M.-C. ROUAULT, art. cit., p. 34.

247 J.-M. AUBY, art. cit., p. 5

248 Signalons que, depuis la réforme du Tribunal des conflits opérée par la loi du 16 février 2015, cette compétence (élargie à l’occasion de la réforme) se trouve inscrite à l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 févier 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

compétence »

249

, ce dont il faut déduire qu’elle peut tout autant s’abstenir et statuer

elle-même sur la difficulté. Ce caractère coopératif se traduit également par une anticipation de

l’intervention du Tribunal des conflits. Le caractère a priori de sa saisine fait obstacle à

l’émergence du conflit. « On voit l’originalité de la procédure : elle n’implique pas

nécessairement désaccord entre les parties (…) mais simplement hésitation et doute »

250

. Il ne

s’agit plus tant de départager deux interprétations qui s’opposent que de faire œuvre

consultative. La réforme de 1960 ne doit donc pas être considérée comme un tout uniforme.

Elle doit être disséquée, avec comme point de scission ses articles 34 et 35. Le premier est

une évolution dans le traitement des conflits négatifs, le second est une révolution qui touche

jusqu’à la nature même du Tribunal des conflits.

103. Le bouleversement de la nature du Tribunal des conflits.L’évolution de la nature du

Tribunal des conflits est incontestable. Bras séculier de la séparation des autorités

administratives et judicaires, il symbolisait « historiquement le combat dirigé contre l’excès

de puissance des tribunaux judiciaires »

251

. La réforme de 1960 a renversé la vapeur. Le

Tribunal des conflits n’est plus cette machine broyeuse autrefois redoutée, « cet “interdit

lancé sur l’ordre judiciaire” comme l’avait dénoncé Dupin à la Chambre des députés, le 10

avril 1828 »

252

. L’article 35 « prend le contrepied de l’attitude traditionnelle : il est conduit

tout naturellement à prévenir, non à corriger »

253

. « À la forme en quelque sorte répressive

que revêtait jusqu’alors le contentieux des conflits se substitue ici une forme nouvelle dans

laquelle le Tribunal aide les juridictions souveraines à résoudre les difficultés de compétence

qui se posent devant elles »

254

. Plutôt que « censurer les erreurs de compétence commises par

les juridictions administratives ou judicaires, il collabore avec elles »

255

et « fait plutôt penser

249 Article 35 du décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du tribunal des conflits tel que modifié par le décret n° 60-728 du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d’attribution. La possibilité offerte à la juridiction de renvoi transparaît également de la rédaction de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

250 J. RIVERO, « Sur la réforme du contentieux administratif », D. 1951, chron., p. 163 et s, spéc. p. 167.

251 P. GONOD, « Rapport introductif », in Le Tribunal des conflits, Bilan et perspectives, P. Gonod, L. Cadiet (dir.), Dalloz, 2009, p. 3.

252 B. PACTEAU, « Contributions », in Rapport annuel du Tribunal des conflits pour 2005, non publié, en ligne sur http://www.tribunal-conflits.fr/documents/rapports-annuels/rapport_tc_2005.pdf, p. 34.

253 J. RIVERO, art. cit., p. 166.

254 J.-M. AUBY, « Le décret du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d’attribution », AJDA 1961. 5.

à un système de conciliation entre nos deux justices après avoir servi leur réconciliation

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