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Nouvelle-Calédonie, Professeur des universités (1 ère cl.) en anthropologie culturelle

Réalité passées

Quand ils parlent des échanges interinsulaires dans le Pacifique précolonial, certains auteurs comme S. Dunis (D'île en île Pacifique) en soulignent l'importance, quand d'autres les considèrent comme mineurs et parlent des îles comme d'endroits évoluant en total isolat du reste du monde. Où se situe d'après vous la réalité?

L‟archéologie nous apprend que des kanak se rendaient à Fidji dès le 13è siècle de notre ère puisque l‟on a retrouvé des casse-tête kanaks dans des tombes de chefs à Fidji. La linguistique nous enseigne de même puisque le maori de Nouvelle-Zélande est compris à Tahiti et à Hawaï. Ce sont les cadres coloniaux occidentaux qui ont figé les hommes dans leurs archipels qui, pour en sortir, ils ont besoin de passeports ou autres pièces administratives...

Qu'est ce qui explique que les Polynésiens soient un peuple de marins présentant de

nombreuses migrations, alors que les Mélanésiens (arrivés pourtant eux aussi par la mer sur leurs îles) se soient plutôt attachés à leur terre, à leur vallée et se soient plus

'sédentarisés'?

Les Polynésiens d‟origine asiatique (détroit de Formose) ont démarré leur parcours migratoire vers 3500 ans av JC. Leur technique de navigation étaient “modernes”. Les Mélanésiens, d‟origine beaucoup plus ancienne, ont traversé les mers sur des embarcations plus

rudimentaires (avant la glaciation de Würm, l‟Océan Pacifique était 100 m plus bas qu‟aujourd‟hui). De surcroît culturellement, les Mélanésiens sont des horticulteurs et les Polynésiens des pêcheurs.

Colonialisme

P.Y Toullelan considère, dans son ouvrage encyclopédique sur la Polynésie, que l'arrivée des Grands Explorateurs et a certainement été ressentie comme une rupture au niveau

psychologique par les Océaniens, et que le objets troqués ont 'rapidement' eu un impact sur les modes de production traditionnels. A partir de quand (combien de générations par exemple) la verroterie, les outils, clous, tissus... troqués par les explorateurs puis les navires marchands sont, d'après vous, passés de curiosités réservées aux chefs, à des objets dont la population s'est vue dépendre de l'importation?

Avant l‟arrivée des Occidentaux, il fallait un tronc d‟arbre pour faire une planche. Avec la scie, on pouvait dans le même tronc d‟arbre, en faire une dizaine. Voilà l‟avantage

technologique qui créa automatiquement une dépendance vis-à-vis de l‟extérieur.

Toujours d'après P.Y Toullelan, les rois Polynésiens louèrent la population sur laquelle ils avaient autorité aux navires santaliers, afin d'en tirer un profit personnel et de mieux asseoir leur autorité face aux autres chefs. Existait il en Polynésie ancienne les prémices d'une économique de type capitaliste (avec notamment une recherche de profit et une accumulation de capital)? Existe t'il à votre connaissance des évènements semblables dans les peuples Mélanésiens?

Ces sociétés sont à espace mental collectif. Il n‟y a donc pas d‟accumulation de capital, alimentaire ou autre, pour des bénéfices personnels et individuels. Tout est redistribué. La différence entre Mélanésiens et Polynésiens réside dans la formation du pouvoir de type politique: en Mélanésie, on devient chef (phénomène des big men), en Polynésie, on naît chef.

Donc, dans le premier cas, la chefferie est à acquérir, dans le second, elle est héritée.

Peut on en partie expliquer les différences observables entre la Polynésie et la Mélanésie au moment de la colonisation (rapide adaptation et mise en place de réseaux commerciaux pour l'une, résistance et apparition de mouvements de révolte comme le culte du Cargo pour l'autre), par les différences de hiérarchisation de ces deux sociétés (structure sociale verticale fortement hiérarchisée pour la première, horizontale et peu hiérarchisée pour la seconde)?

La Mélanésie a toujours été incomprise par les Occidentaux et faisait donc peur: cannibale, anthropophage, système de pouvoir pas clair, etc. Donc, les Occidentaux ont préféré traiter avec les Polynésiens dont le système de pouvoir politique, hiérarchisé, était proche du leur.

Au moment des contacts aussi étaient recherchés le santal, le coprah, la bêche de mer, les

jolies femmes, etc.

Recul de l’isolement et de l’autonomie

Ainsi qu'exposé dans Le Pacifique, un monde épars (dir. A. Bensa et J.C Rivierre) la mise en place de réseaux d'échanges avec les îles du Pacifique Sud représente, en même temps qu'un recul de l'isolement, une dépendance unilatérale des sociétés locales envers les produits importés, et la nécessité de produire un fret de retour. Le recul de l'isolement n'est il donc pas compatible avec une certaine autonomie des îles (notamment des îles

Polynésiennes n'ayant pas les ressources minières de la Mélanésie)?

Attention aux anachronismes de ces auteurs...

Pensez vous qu'il soit juste de dire que les îles du Pacifique Sud ont été, selon une citation trouvée dans Transpacifiques de J. Chesneaux, 'happées dans le grand concasseur de la mondialisation' majoritairement par l'intermédiaire du fret maritime (via la mise en service de lignes régulières et avant les médias), qui en a changé les modes de vie et les modes de production en y introduisant de nouveau biens de consommation?

Il faut apprécier la situation par les jeunes insulaires qui n‟ont qu‟une envie, c‟est d‟être happé par la mondialisation et la modernité et quitter leurs archipels. Considérons le nombre de Polynésiens en Nouvelle Zélande, en Australie, en Californie, etc. pour bien s‟en rendre compte. La mondialisation n‟est pas évitable! N‟en déplaise aux esprits chagrins qui

considèrent qu‟elle est nauséabonde, etc. Pensez que ma grand-mère est née sans l‟électricité, le téléphone, la radio, le frigo…

Insularité et mondialisation

Est ce que la particularité de l'espace géographique insulaire (isolement, ressources naturelles limitées) en fait un lieu inadapté à la mondialisation -au sens où elle y instaure une trop grande dépendance au monde extérieur- ou considérez vous finalement que cette situation reste vraie pour de nombreux autres territoires?

Regardez ce que vous manger aujourd‟hui de manière précise : vos légumes congelés viennent de Chine, votre viande congelée n‟est sans doute que reconstitution de produits auxquels on a rajouté des liquides odorants vous donnant l‟impression que c‟est de la viande.

Considérez les médicaments, etc. Aujourd‟hui la planète est un village et les îles en font partie

avec un statut spécial, je vous l‟accorde.

Le recul relatif de la desserte des îles du Pacifique Sud, aujourd'hui délaissées au profit des échanges qui se réalisent à plus grande échelle dans la zone Pacifique (entre l'Asie et les USA notamment), est il selon vous une perte pour les îles Polynésiennes et

Mélanésiennes ou leur avenir réside t'il dans une intégration encore plus poussée au reste du monde?

Prenez appui sur l‟exemple de Kiribati, peu desservi et la Polynésie Française ou la Calédonie, très desservies. Savez-vous que l‟Australie et la Nouvelle Zélande font autant d‟export vers la Nouvelle Calédonie et la Polynésie Française qu‟avec le reste du Pacifique insulaire. Pourquoi ? Dépendance, argent, consommation ici ; pauvreté, indépendance, là.

'Le Fret et le Transport Maritime dans les îles du Pacifique Sud'