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Pourquoi une nouvelle édition?

Jusqu’à présent, l’Oneirocriticon d’Achmet a vu peu d’éditions modernes. Le texte grec a déjà été édité à deux reprises, d’abord par Franz Drexl en 1925c, puis par Steven R. Oberhelmand en 1991. La traduction latine due à Leo Tuscus n’a jamais été éditéee.

a Il s’agit du visage 78.28.

b Il est clair que ce cas de figure relève de l’impossible, mais comme nous avons comparé toutes les graphies de femme/feme, fame et renommee par rapport à la tradition, nous n’avons remarqué qu’à une occasion, le manuscrit B donnait la leçon renommee là où la tradition donnait ‛femme’, B159.7.

c Achmetis Oneirocriticon, recensuit Franciscus DREXL, Lipsia, Teubner, 1925.

d The Oneirocriticon..., éd. OBERHELMAN.

e En 1991, Oberhelman (The Oneirocriticon..., éd. OBERHELMAN) publie une traduction anglaise du grec. «Several manuscripts of Leo Tuscus’ latin translation are known, but no critical edition has ever been published»

En ce qui concerne les versions françaises du texte, Berriot a publié, en 1989, une éditiona très élégante de l’exposition des songes. Le manuscrit B lui a servi de manuscrit de contrôle, mais il choisit le manuscrit P1 comme manuscrit de base parce que celui-ci rapporterait «de son côté, certains cas absents dans le manuscrit anglo-normand 968 Q.

[notre manuscrit B], et [que] sa clarté et son élégance sont remarquables[, il lui] est apparu plus souhaitable de choisir pour texte de base celui du Fr. 1317, en le complétant très largement avec les variantes de la traduction anglo-normande, Berlin 968 Q.»b.

C’est le choix de Berriot, mais comme l’exprime Gilles Roques, «la clarté et l’élé-gance du ms. fr. 1317 pour remarquables qu’elles soient ne peuvent fournir un argument ultime et une réponse à toutes les questions pendantes»c

et ne sauraient donc être l’unique critère déterminant le choix d’un manuscrit de base. En outre, une collation ex-haustive des trois versions françaises a montré que si P1 continue jusqu’à la fin du texte latin, contrairement à P2 qui s’arrête après le chapitre sur les tremblements de terre (B74), des chapitres entiers sont omis dans P1. Effectivement, il manque, dans P1, les chapitres suivants équivalents aux ms. B: B24 «Des cils et surcils», B25 «De frount», B26 «De nees», B27 «De joues et temples», B51 «De quices», B60 «De piez et chevilles», B112 «De legioun», B129 «De jupe», B136 «De camels», B137 «De camels chargeez», B142 «De buc et cheveril», B143 «De diverses viaundes», tous les chapitres de B148 à B166 jusqu’au début des animaux, puis tous les chapitres à partir de l’aigle jusquà la fin, c’est-à-dire B181 à B200. Le manuscrit choisi par Berriot comme ma-nuscrit de base n’est donc pas le plus exhaustif. En outre, Berriot normalise à outrance (nous y reviendrons plus loin), sans pour autant le faire avec la précision que l’on souhaiterait, et surtout sans l’indiquer ni dans les principes d’édition, ni dans l’édition elle-même, et cela sans avoir fourni aucune introduction linguistique, sans signaler au-cune abréviation. Il déclare néanmoins que le but de son édition est de rendre accessible au public du XXe siècle «ces traités constitu[ant] un document capital pour qui veut connaître la symbolique, la mentalité, l’imaginaire même de l’Occident entre les XIIe et

(MAVROUDI, A Byzantine Book..., p. 116).

a Exposicions..., éd. BERRIOT.

b Exposicions..., éd. BERRIOT, p. 42.

c Gilles ROQUES, Compte-rendu, Revue de linguistique romane, LIV (1990), pp. 640-641.

le XVIIe siècle»a, et cela par un texte repris presque mot à mot de son ancêtre oriental.

Certes, le lecteur qui cherchera un traité d’oniromancie médiévale pourrait y trouver son bonheur, mais le philologue moderne restera certainement sur sa faim, surtout s’il cherche une édition scientifique. Nous regrettons l’absence d’une description matérielle du manuscrit, d’une étude de la langue du traducteurb ainsi que la brièveté des principes d’édition de Berriotc. Quant à l’édition de Glover, exécutée avec tant de minutie, elle comporte le seul désavantage de ne jamais avoir été publiée.

Nous voulons, par cette nouvelle édition, tenter de combler plusieurs lacunes.

D’abord publier un texte en anglo-normand, ce français insulaire trop souvent négligé, pour ne pas dire méprisé. Et pourtant, c’est d’Angleterre que nous parvient la plus an-cienne version vernaculaire de ce texte. En outre, l’édition du texte anglo-normand per-mettra plusieurs recherches qui, auparavant, s’avéraient impossibles au non spécialiste de la paléographie et du français médiéval: que ce soit au niveau linguistique, par exemple pour analyser les différentes méthodes de traductions employées selon le milieu intellectuel et le dialecte vers lequel ces traductions ont été faites ou encore dans d’autres domaines de recherche. L’édition critique annotée, par les explications qu’elle fournit quant aux erreurs de transmission textuelle (qui parfois rendent le texte

a Exposicions..., éd. BERRIOT, p. 9.

b Roques et Hausmann ont exprimé leur déception. Alors que Gilles Roques souhaite plus d’éclaircissement sur le rapport qu’entretiennent les traductions entre elles (ROQUES, Compte-rendu, pp. 640-641), Hausmann regrette l’absence de commentaires sur la qualité de la traduction ainsi que sur l’aspect linguistique (p. 39), qualifiant l’édition de provisoire suite aux lacunes qu’elle présente (Frank-Rutger HAUSMANN, Compte-rendu, Wolfenbütteler Renaissance-Mitteilungen, XIV [1990], p. 37-40, ici p. 39). On se demande par contre comment le texte a pu être qualifié de «careful edition» (William MONTER, Compte-rendu, Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, LII (1990), p. 207, ici p. 207) ou d’une «édition très soignée» (Jacques VERGER, «Compte-rendu», Revue historique, CCLXXXVI (1991), p. 237-238, ici p. 237). Chocheyras parle même de «textes établis avec autant de soin» (Jacques CHOCHEYRAS, Compte-rendu, Renaissance and Reformation, XXVII (1991), p. 332-334, ici p. 334). On saura gré à Gilles Roques et à Frank-Rutger Hausmann pour leur franchise.

c «En règle générale, nous avons conservé l’orthographe et la présentation du ms. Fr. 1317 qui sert de texte de base, et nous nous sommes particulièrement attachée à respecter la graphie anglo-normande, si intéressante, de B.

Cependant, pour faciliter la lecture, nous avons introduit des signes de ponctuation, l’accent sur le -é final et les lettres capitales pour les noms propres; nous avons résolu les nombreuses abréviations (sigles, suspensions, contraction...) utilisées habituellement par les clercs des XIVe et XVe siècles» (Exposicions..., éd. BERRIOT, p. 56). Quant à nous, nous regrettons, dans son édition, l’absence d’accents pour différencier là de la, où de ou, et leur présence sur des mots au féminin, singulier ou pluriel, comme proporcionée 78rb20§74 ou manifestées 86va30§94, ainsi que l’absence de cédilles comme dans facon (P173).

incompréhensible), offre, par les corrections qu’elle suggère et la présentation de la tradition, la possiblité de procéder à des analyses comme par exemple la symbolique des couleurs ou l’utilisation de la symbolique biblique, pour ne citer que ceux-là.