• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Notion de vulnérabilité, notion de risque

2.1. Notion de vulnérabilité

Le concept de vulnérabilité a évolué au fil du temps et ses définitions sont aussi nombreuses que variées. Birkmann (2006) cité par Becerra (2012) recensait quelque 25 définitions différentes de la vulnérabilité, six écoles théoriques, une vingtaine de manuels et plusieurs guides pour son évaluation. De simple degré d’exposition au risque, comme elle avait été définie au départ, la vulnérabilité est devenue, aujourd’hui, un concept scientifique à part entière (Adger, 2006). Elle peut être définie comme « la propension ou la prédisposition à être affectée négativement », et « englobe divers concepts ou éléments, notamment les notions de sensibilité ou de fragilité et l’incapacité de faire face et de s’adapter » (IPCC, 2018a, p. 560). La vulnérabilité comporte deux aspects bien distincts (Chambers, 1989): un aspect externe, c’est-à-dire l’exposition à des risques, des chocs et stress auxquels un individu, un ménage ou une société est soumis, et un aspect interne, c’est-à-dire le fait d’être dans une disposition sans défense, sans avoir les moyens de faire face (aux évènements, aléas ou stress).

2.1.1. Évolution du concept de vulnérabilité et cadre conceptuel de cette recherche

L’évolution historique du concept de vulnérabilité peut être retracée à travers trois paradigmes, que nous analysons en nous appuyant sur les travaux de Hilhorst (2004) et de Magnan (2014) :

Le paradigme physique : apparu dans les années 1950, il se basait sur les

caractéristiques physiques de la perturbation (aléa) et du processus d’impact pour déterminer les causes d’une catastrophe donnée. La responsabilité de la société dans la survenance de la catastrophe était presque ignorée ;

Le paradigme structurel : il mettait l’accent sur les dimensions socioculturelles de la

vulnérabilité. C’est dans les années 1980 et à la suite des travaux des chercheurs en sciences sociales (anthropologues, géographes et sociologues) que l’on a compris que les catastrophes ne sont pas uniquement la résultante des aspects physiques (aléas). Des aspects sociaux tels que les paramètres socio-économiques (pauvreté) et culturels étaient abordés. Ce qui permet de faire, désormais, une distinction entre aléa issu du processus physique et vulnérabilité du processus social. C’est à cette époque qu’a vu le jour la formule désormais révolue : « Risque = Aléa x Vulnérabilité ». L’aléa exprimait la probabilité de survenance d’un processus (physique s’il s’agit d’un risque naturel) et la vulnérabilité représentait le degré de dommages que les « enjeux » (éléments menacés) pouvaient subir, exprimé en valeur absolue ou en pourcentage du total (Reghezza, 2006). Cependant, ne permettant pas de comprendre pourquoi les différents groupes au sein d’une même population ne subissaient pas les impacts d’une même perturbation de la même façon, l’approche du paradigme structurel a montré ses limites (Magnan, 2014);

Le paradigme complexe ou paradigme de la réciprocité : apparu dans les années

1990, il met en exergue la réciprocité des deux processus (physique et humain). C’est-à- dire, autant l’aléa peut influencer le fonctionnement normal d’une société, autant les êtres humains par leurs activités peuvent jouer un rôle dans le déclenchement d’un aléa ou d’une catastrophe. L’exemple des changements climatiques qu’a pris Magnan (2014) est très illustratif de la réciprocité (influence mutuelle) des deux processus : le dérèglement du système climatique est imputable aux activités humaines (rejets de gaz à effet de serre), mais, en retour, les êtres humains en subissent les conséquences. En effet, le paradigme de la réciprocité permet de comprendre le caractère dynamique de la relation être humain/milieu, mais aussi du risque, de la vulnérabilité et de l’aléa (Magnan, 2009a).

De cette brève évolution historique du concept de vulnérabilité, il apparait que la notion de vulnérabilité est une notion complexe, et un phénomène dynamique puisque les processus biophysiques et sociaux sont eux-mêmes dynamiques (O’Brien et al., 2004a).

Nous nous inspirons de l’approche du paradigme de la réciprocité (figure 4) dans l’analyse des interactions entre le bassin du lac Wégnia et les populations qui vivent dans ses limites. En effet, si la dégradation actuelle du lac Wégnia était liée en partie à des facteurs d’origine humaine, il est très probable (en retour) qu’elle ait des répercussions sur les conditions socio-économiques des riverains.

Figure 4. Le paradigme de réciprocité de la vulnérabilité. L’aléa exerce une influence directe sur le fonctionnement de la société, les activités humaines ont en retour un impact sur la probabilité qu’un aléa se déclenche (source : Magnan, 2014).

2.1.2. Les composantes de la vulnérabilité aux changements climatiques

La vulnérabilité d’un système est fonction de l’exposition et de la sensibilité de celui- ci à des conditions dangereuses ou susceptible de le changer et de sa capacité à faire face, à s’adapter ou à surmonter les effets de ces conditions (GIEC, 2014). De ce point de vue, la vulnérabilité comporte 4 principales composantes, à savoir l’exposition, la sensibilité,

l’impact potentiel et la capacité d’adaptation (Figure 5). L’exposition désigne « la présence de personnes ; moyens de subsistance ; espèces ou écosystèmes ; ressources

Processus humains Réciprocité

Processus physiques

Aléa

environnementales ; infrastructures ; ou biens économiques, sociaux ou culturels dans des lieux et des environnements susceptibles d’être affectés » (GIEC, 2018, p. 549). Parmi les composantes de la vulnérabilité aux changements climatiques, l’exposition est la seule à être directement liée aux paramètres climatiques tels que les températures, les précipitations, le bilan hydrique…, ainsi que les évènements extrêmes, tels que les inondations ou encore les sécheresses météorologiques (GIZ, 2015). À cet effet, elle est fonction de la nature et de l’ampleur des variations climatiques, mais aussi du degré de probabilité qu’un système soit affecté par ces variations (OCDE, 2009).

La sensibilité, quant à elle, est une condition faisant partie intégrante d’un système (collectivité, organisation, etc.) qui le rend singulièrement vulnérable. Elle fait allusion à la prédisposition d’un système à être affecté par un aléa (GIZ, 2015 ; OCDE, 2009). Pour un territoire donné, la sensibilité peut porter sur les activités anthropiques ayant des incidences sur la structure physique d’un système, tels que l’exploitation des ressources, la gestion de l’eau, etc. La sensibilité d’un territoire aux changements climatiques peut être mitigée par l’adoption des stratégies d’adaptation (OCDE, 2009). C’est pourquoi nous pensons que pour réduire la sensibilité de la zone humide du lac Wégnia, il faut identifier avec les communautés locales les processus physiques et sociaux qui conduisent à sa dégradation et les options d’adaptation correspondantes, puis mettre en œuvre, suivre et évaluer ces options d’adaptation.

Concernant l’impact potentiel des changements climatiques, il résulte de la combinaison de l’exposition et de la sensibilité (GIZ, 2015). En prenant le cas du bassin du lac Wégnia, les activités humaines qui s’y déroulent et celles ayant lieu dans et autour du lac peuvent être considérées comme des facteurs internes de fragilisation (sensibilité) de cet écosystème, en plus des facteurs externes liés aux conditions climatiques, comme les sécheresses météorologiques (exposition). Ainsi, la fragilité intrinsèque de l’écosystème, couplée avec les effets des changements climatiques pourrait produire un impact potentiel beaucoup plus important si aucune mesure de gestion n’est mise en œuvre.

Enfin, la capacité d’adaptation se réfère à la capacité ou au potentiel d’un système à réagir avec résilience ou à résister aux changements climatiques (Adger et al., 2007). Plus de détails sur cette dernière composante de la vulnérabilité seront fournis dans la section suivante où nous tenterons de définir d’abord les termes « adaptation » et « capacité d’adaptation » avant d’examiner le lien qui existe entre ces deux concepts et la vulnérabilité.

Figure 5. Les composantes de la vulnérabilité (source : GIZ, 2015)

2.2. Réduction de la vulnérabilité par l’adaptation et problématique de la mise