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Chapitre 6. La première phase de la gestion adaptative du lac Wégnia

6.1. Analyse des données et de la situation globale du bassin du lac Wégnia

6.1.3. Des aspects socio-économiques

6.1.3.1. Analyse participative de la vulnérabilité des populations riveraines du lac Wégnia et de leur adaptation aux changements climatiques

L’analyse de la vulnérabilité des populations riveraines du lac Wégnia face aux changements climatiques portera sur la vulnérabilité des ressources naturelles de ces populations et celle de leurs moyens de subsistance vis-à-vis des changements environnementaux en général et des changements climatiques en particulier.

6.1.3.2. Analyse de la vulnérabilité des ressources naturelles des villages de Wégnia et de Kononi-Sirakoro

La vulnérabilité des ressources villageoises face aux menaces a été analysée grâce à un processus participatif basé sur la cartographie participative (cf. méthodologie générale). D’abord, la situation actuelle des ressources naturelles à Wégnia et Sirakoro se présente de la manière suivante (tableau 11): une dégradation poussée des forêts et des pâturages, une insuffisance des pluies, le comblement des lacs, une diminution de la production halieutique et une détérioration de l’état des routes.

Tableau 11. La situation actuelle des ressources à Wégnia et Sirakoro et ses causes d’après les enquêtés

Source : nos enquêtes, avril-mai 2018 Ressources

du village Situation actuelle

Causes naturelles

Causes humaines

Forêts Dégradation poussée x x

Pâturages Non satisfaisants x x

Pluies Insuffisance

Irrégularité du régime des saisons

x

Sols Sols pauvres x x

Lac Wégnia et lac Kononi

Envasement (comblement de boues) x x

Dégradation de la végétation riveraine Insuffisance de poissons

La démarche consistait, dans un premier temps, à demander aux participants d’énumérer les principales ressources de leur village, ensuite identifier les menaces auxquelles chaque ressource est soumise. Ensuite, ils étaient invités à évaluer le degré d’affectation de chaque ressource face aux menaces. L’ampleur d’une menace est évaluée par rapport à une ressource donnée de la façon suivante :

0 = non sévère. 1 = sévérité faible. 2 = sévérité moyenne. 3 = sévérité forte. L’évaluation du degré de sévérité des menaces a pour avantage de catégoriser ces menaces dans la perspective d’une intervention. Le plan d’intervention, d’actions ou d’adaptation, qui sera élaboré à cet effet, portera prioritairement sur les menaces dont la sévérité est élevée (soient les menaces de niveau 3 ou 2). Quand le degré de sévérité de la menace est faible, soit 1 ou 0, cela signifie qu’il n’est pas urgent d’intervenir ou de chercher des stratégies d’adaptation. Rappelons que nous nous sommes inspirés des travaux de Boureima et ses collaborateurs (2012) pour l’application de cette démarche.

Après l’analyse de la situation par village, il a été constaté que les ressources naturelles sont de mêmes types dans les deux villages, Wégnia et Kononi-Sirakoro. Cela s’explique par le fait que les deux villages sont situés sur le même espace géographique et ne sont distants l’un de l’autre que de 8 km. Les principales ressources villageoises portent sur les eaux de surface (surtout les deux lacs), les eaux souterraines (les puits), les cultures, des terres agricoles, les forêts, les pâturages, la faune sauvage, les zones de chasse" (figure 40). Les zones de chasse ne représentent pas des zones matériellement délimitées et consacrées à la seule chasse; elles concernent plutôt l’ensemble du paysage non habité.

Figure 40. Les ressources naturelles des villages de Wégnia et Kononi-Sirakoro (source: SRI, 2017; adaptation cartographique: Magassa).

Aussi, les principales menaces qui influencent ces différentes ressources sont identiques dans les deux villages. Quant au degré de sévérité des menaces, il est relativement différent d’un village à l’autre (selon l’appréciation des deux communautés). La matrice de vulnérabilité des ressources (tableau 12) présente à l’horizontale (lignes) les ressources naturelles et à la verticale (colonnes) les menaces.

Il ressort de l’analyse de cette matrice que les menaces les plus sévères, en tenant compte de leur indicateur d’impact sur lesressources naturelles des villages riverains du lac Wégnia, sont la sécheresse, la déforestation, les feux de brousse et le surpâturage.

Tableau 12. Matrice de vulnérabilité des ressources des villages Wégnia (W) et Kononi- Sirakoro (K) face aux menaces

Ressources naturelles Menaces Fo rt e ch ale u r In on d at io n Sè ch er esse D éf o re st at io n V en ts viole n ts Fe u x d e b ro u sse Su rp ât u rag e W K W K W K W S W K W K W K

Les lacs (Wégnia et

Kononi) 2 3 0 0 3 3 3 2 2 1 3 3 2 3

Les eaux souterraines

(les puits) 1 2 0 0 3 3 0 0 0 0 0 0 0 0

Les forêts 2 3 0 0 3 3 3 3 2 2 2 3 3 2

Les pâturages 2 2 0 0 3 3 2 3 0 0 3 3 3 3

La faune sauvage 0 1 3 2 3 3 3 3 2 1 2 3 2 2

Les terres de culture 1 2 2 3 2 3 2 3 1 2 2 0 0 0 Les zones de chasse 0 3 1 1 2 2 3 3 1 0 3 2 2 3 Indicateur d’impact 8 16 6 6 19 20 16 17 8 6 15 14 12 13

Source : nos enquêtes, avril-mai 2018).

6.1.3.3. Analyse de la vulnérabilité des moyens de subsistance face aux menaces

Les moyens de subsistance désignent ici les activités nécessaires à la production de biens et services pour assurer les conditions de vie à une communauté donnée (Boureima

et al., 2012). Pour analyser la vulnérabilité des moyens de subsistance des populations de

la zone d’étude face aux menaces, nous avons utilisé comme dispositif de collecte de données le focus group. En vue de colliger des informations riches et diversifiées, quatre groupes spécifiques de discussion ont été constitués (cf. Méthodologie à la section 5.3.2, et 5.3.3). Chaque groupe était invité à énumérer ses moyens de subsistance et les principales menaces qui y pèsent. Ensuite, il était invité à estimer le degré de sévérité de chaque menace identifiée vis-à-vis du moyen de subsistance auquel elle correspond.

En choisissant ce dispositif, nous pensions que les moyens de subsistance seraient différents d’un groupe à l’autre, compte tenu des caractéristiques spécifiques (l’âge et le genre) de chaque groupe. Cependant, l’analyse des données a démontré qu’un bon nombre d’activités (moyens de subsistance) sont exercées autant par les hommes que par les femmes, indépendamment de leur âge. Il s’agit de l’agriculture pluviale (toutes spéculations confondues), du maraichage pratiqué en saison sèche, de l’élevage y compris l’aviculture, et même de la pêche. Les activités propres aux hommes se réduisent à l’artisanat, la chasse, et la plantation dans une moindre mesure. Quant aux femmes, elles s’occupent de façon particulière de la cueillette (ramassage des noix de karité par exemple) et relativement de la riziculture irriguée et de bas-fonds. Néanmoins, la constitution de quatre groupes de discussion nous a permis d’élaborer un tableau complet de moyens de subsistance et les menaces correspondantes, que nous n’aurions probablement pas eus si nous nous étions limités à un ou deux groupes.

Les menaces qui affectent les moyens de subsistance sont entre autres (tableau 13) : la dégradation des lacs Wégnia et Kononi, les fortes températures, les vents forts/violents, le tarissement précoce des puits, l’insuffisance des pluies (sécheresse), l’insuffisance de pâturages, le mauvais état des routes. Une analyse du tableau 13, qui présente la matrice de vulnérabilité des moyens de subsistance des populations des deux villages, montre que la dégradation des lacs Wégnia et Kononi, et l’insuffisance de pluie (sécheresse) sont des menaces qui influent directement ou indirectement sur presque tous les moyens de subsistance.

Tableau 13. Matrice de vulnérabilité des moyens de subsistance des populations riveraines du lac Wégnia et du lac Kononi face aux menaces

Moyens de subsistance Menaces Dégr ad ation d es lac s W égn ia et Ko n o n i Fo rte s tem p ér atu res Tar is se m ent p réc o ce d es p u its In su ff is an ce d es p lu ies (s éc h er es se) Mau vais état des ro u tes In su ff is an ce d e p âtu rages Coup e ab u siv e d e b o is V ent s fo rt s/v io len ts W K W K W K W K W K W K W K W K Riziculture irriguée 2 3 0 1 2 3 3 2 0 0 0 0 0 0 0 0 Maraichage 3 2 3 3 3 3 2 2 3 3 0 0 1 0 0 0 Agriculture pluviale 0 0 1 0 0 0 3 3 1 2 0 1 1 0 2 3 Plantation 3 2 1 2 3 2 3 2 2 1 0 0 3 0 2 3 Élevage 3 2 0 1 3 2 3 3 1 0 3 3 1 0 0 0 Pêche 3 3 1 1 0 0 3 3 0 0 0 0 1 0 1 1 Chasse 3 2 0 1 0 0 2 3 0 0 1 0 3 2 0 0 Aviculture 0 0 0 0 1 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 Cueillette 1 2 2 1 0 0 3 3 1 0 0 0 3 3 2 3 Petit commerce 2 3 0 0 2 2 2 2 3 2 0 2 0 1 1 1 Artisanat 0 0 0 0 0 0 2 1 1 0 0 0 3 3 0 0 Indicateur d’impact 20 19 8 10 14 12 27 24 12 8 4 6 16 9 9 11

W = Wégnia ; K = Kononi-Sirakoro (source : nos enquêtes, avril-mai 2018)

2.1.3.4. Dégradation des ressources du bassin du lac Wégnia : analyse des facteurs sous- jacents

Le complexe lacustre Wégnia-Kononi est important dans la vie des riverains. 98% des

enquêtés, soient 98 personnes sur les 100 personnes qui ont répondu à notre questionnaire, disent l’avoir utilisé pour diverses activités ou besoins parmi lesquels le maraichage, l’élevage, la pêche, la riziculture, l’arboriculture, les besoins thérapeutiques, culturels et cultuels. Malgré cette importance, la structure biophysique de cet écosystème aquatique se détériore au fil du temps : envasement du lit constituant un bourbier pour les

des zones alentours, baisse du niveau d’eau (figure 41). La biodiversité est sévèrement entamée : disparition de certaines espèces fauniques (faune ailée, terrestre et aquatique)

et végétales. Pour témoigner de l’envasement du lac Wégnia, un habitant de Wégnia, âgé

de 66 ans, dit ceci :

« De nos jours, on peut circuler en voiture, même pendant la saison des pluies, là où on

pêchait du poisson en 1991, l’année de la chute du président Moussa Traoré ».

En vue de comprendre les facteurs qui ont entrainé la dégradation du lac Wégnia, nous avons retracé leur évolution historique avec les populations riveraines. Pour ce faire, la cartographie participative a été utilisée comme outil de collecte des données (cf. Méthodologie générale). Il ressort de l’analyse des données collectées que la situation actuelle du lac Wégnia résulte de l’enchevêtrement de certains facteurs que l’on peut regrouper en deux ensembles indissociables : un contexte naturel défavorable et une utilisation anthropique non durable des ressources naturelles.

Figure 42. Le lac Wégnia en saison sèche avec peu d’eau au milieu de l’argile boueuse : un danger potentiel pour les animaux qui peuvent s’embourber en voulant s’abreuver (source : nos clichés, mai 2018).

6.1.3.4.1. Les facteurs naturels

L’analyse de la pluviométrie de la zone d’étude montre que le bassin du lac Wégnia

est situé dans une zone climatique caractéristique d’un climat tropical avec une alternance d’années sèches et humides. L’année est rythmée par la succession de deux saisons bien distinctes : une courte saison pluvieuse, de 3 à 4 mois avec une moyenne pluviométrique d’environ 697,93 mm, et une longue saison sèche, de 8 à 9 mois. À cela s’ajoutent des températures moyennes annuelles élevées variant entre 16°C et 42°C. Ces conditions climatiques déjà sévères pourraient être un facteur déterminant dans l’appauvrissement et la dégradation des ressources du bassin du lac Wégnia. Un habitant de Wégnia, agriculteur et âgé de 49 ans, donne sa version :

« Je pense que la dégradation du lac Wégnia est liée à la sécheresse. Avant, il y avait une espèce végétale appelée "krôtô" qui entourait et protégeait naturellement le lac. Elle filtrait l’eau de ruissellement de ses éléments solides avant que celle-ci ne se dépose dans le lac. Mais cette espèce, du fait de la sécheresse, s’est desséchée et a disparu. »

Le témoignage de cet habitant corrobore, à certains égards, celui du chef de production agricole du service d’agriculture de Kolokani, M. Cissé :

« La première raison de la dégradation du lac Wégnia, ce sont les changements climatiques ; la deuxième est l’occupation des terres situées dans le lit du lac par certains producteurs. Les deux sont liés parce que ce sont les changements climatiques qui ont fait que les producteurs, qui occupaient les zones hautes, sont descendus vers le lac à la recherche des conditions favorables à leurs activités. »

Les chefs de ménage que nous avons enquêtés abondent dans le même sens. Ils sont 90% (90 personnes sur 100) à penser que la sécheresse est l’une des principales causes de la dégradation du lac Wégnia.

Intéressons-nous à la zone soudano-sahélienne (espace géographique où se situe la zone d’intérêt) et explorons la littérature scientifique quant aux effets des sécheresses sur les ressources en eau et la biodiversité. Selon Cissé 2016, la faiblesse et l’irrégularité des précipitations annuelles ainsi que leur mauvaise répartition spatio-temporelle contribuent à fragiliser l’environnement et les écosystèmes en Afrique de l’Ouest sahélienne. Ozer et Ozer (2005) confirment cette idée en postulant que les crises de sécheresse qu’a connues le Sahel dans les années 1970 et 1980 ont engendré une dégradation du couvert végétal du sol, une forte réduction de la biodiversité et une baisse des rendements culturaux. Nombreux sont les chercheurs qui ont démontré les conséquences négatives de ces sécheresses sur les ressources en eau souterraine et de surface (Mahé et al., 2002; Idrissi

et al., 2018; Ozer et Ozer, 2005). D’autres, comme Niasse et ses collaborateurs (2004), ont

établi une relation entre la sécheresse et la désertification. Ils rappellent que la sécheresse endémique au Sahel, qui découle de la variabilité et des changements climatiques, agit comme phénomène « accélérateur » de la désertification qui, elle-même, contribue à la persistance de la sécheresse.

À la lumière de ce qui précède, il est évident que les facteurs naturels sont importants dans l’explication et la compréhension de la dégradation des ressources du lac Wégnia. Cela ressort clairement dans les résultats de nos enquêtes auprès des populations concernées,

dans les données climatiques, et même dans la littérature. Mais, quelle est la part de l’être humain dans cette dégradation ?

6.1.3.4.2. Les activités humaines et leurs impacts sur le lac Wégnia

Un certain nombre d’activités pratiquées par les populations riveraines du lac Wégnia affectent ce lac et les ressources qui lui sont associées. Parmi ces activités, les principales sont l’agriculture, l’élevage, et l’exploitation forestière.

a. L’agriculture

D’après les communautés locales (80% des enquêtées), l’activité agricole a contribué au comblement du lac Wégnia. Elles estiment que les mauvaises techniques agricoles (agriculture extensive) et l’expansion des champs céréaliers et maraichers jusqu’aux abords immédiats du lac (figure 43) ont occasionné des pertes de terres qui se sont finalement déversées dans le lac. Vachon (2003) disait que parmi toutes les activités humaines qui accélèrent l’envasement et augmentent la turbidité des cours d’eau, l’agriculture est de loin la plus importante.

Le maraichage, activité secondaire après l’agriculture pluviale et pratiqué par 65% des chefs de ménage (65 sur 100 personnes enquêtées), est important dans la zone d’étude. Mais, pour clôturer les jardins maraichers, les paysans utilisent généralement des branches d’arbres et d’arbustes ou de tiges de céréales (sorgho ou mil), faute de grillage métallique. Ces matériaux sont fragiles et rongés très souvent par des termites, et leur installation et entretien se renouvellent chaque année. En plus d’une certaine coupe de bois, les nombreux jardins maraichers, localisés dans le bassin, voire dans le lit du lac, sont abandonnés à la fin de la saison sèche. Ceci qui génère des détritus qui sont charriés et déposés dans le lac ou parfois envahis directement en période des hautes eaux quand le jardin est très proche du lac (figure 43), contribuant ainsi à son envasement.

Figure 43. Présence des champs agricoles dans le lit du lac Wégnia (source : Landsat 8, projection WGS 1984 UTM, Zone 29N)

b. L’exploitation forestière

Dans la zone du lac Wégnia, les forêts sont exploitées de manière non durable en égard à certaines pratiques comme la coupe abusive de bois, l’écorçage des arbres ou les feux de brousse. Les populations locales coupent le bois pour répondre aux besoins domestiques en énergie et en services. Elles disent ne pas être impliquées dans la production du charbon de bois à but lucratif. Cette version est confirmée par Coulibaly (2013). En revanche, d’autres intervenants qualifiés « d’étrangers » se livrent à l’exploitation de la forêt à des fins purement commerciales. À la question de savoir si la

coupe incontrôlée et excessive de bois en cours dans la zone du lac Wégnia peut avoir une conséquence sur ce lac, 72% des enquêtés (72 sur 100 personnes interviewées) ont donné une réponse positive.

Cependant, malgré quelques initiatives de reboisement sur instigation des ONG comme l’AMPEF (l’Association Malienne pour la Protection de l’Environnement et de la Faune), la pratique du reboisement visant à compenser les bois coupés n’est pas une pratique très courante. Certes, certains efforts ont été fournis par les acteurs locaux, avec l’accompagnement des services techniques responsables de la gestion des forêts, pour minimiser la coupe abusive de bois et les feux de brousse. Par exemple, la mise en place en 2008 de la convention locale de gestion durable des ressources agro-sylvo-pastorales dans trois communes riveraines du lac Wégnia, que sont Guihoyo, Ouolodo et Tioribougou (Coulibaly, 2013). Il s’agit d’une convention intercommunale visant à rationaliser l’exploitation forestière, pastorale et faunique ; les défrichements et les feux de brousse. Sa mise en œuvre au niveau local est assurée par les brigades villageoises de gestion environnementale et par des comités communaux au niveau des communes. Une convention locale est un ensemble de règles définies et acceptées de façon consensuelle par les acteurs locaux afin de gérer une ou des ressources naturelles communes sur un espace partagé (Lavigne-Delville, 2009). Mais, ces initiatives, notamment celles portant sur la gestion forestière, sont parfois mises à rude épreuve par les exploitants « étrangers », qui bénéficient, selon certains acteurs locaux, de la complicité des agents des eaux et forêts pour exploiter illégalement les forêts. Un habitant de Wégnia, âgé de 46 ans, donne son avis en ces termes :

« J’ai l’impression que le comportement des autorités est contraire à l’esprit de la brigade; car nous avons l’habitude de traduire certains exploitants de bois devant les autorités, mais ces mêmes personnes reviennent quelques jours plus tard pour continuer à couper le bois dans le même massif forestier ».

En fait, si le principe de la convention locale est pertinent, son effectivité n’est pas garantie parce qu’un accord a été négocié et signé par les acteurs locaux, mais dépend de nombreux autres facteurs (Lavigne-Delville, 2009) : (1) la volonté de l’État de mettre en

œuvre une véritable gestion décentralisée ; (2) la clarification des responsabilités communales ; (3) la perception par les acteurs de la nécessité réelle d’une régulation des ressources; (4) l’autonomie du processus d’élaboration de la convention, c’est-à-dire que le processus doit être mené du début à la fin par les acteurs locaux eux-mêmes; (5) le dépassement des contingences socio-ethniques dans l’accès aux ressources et la non- exclusion des "allochtones dans la gestion de l’espace local, etc. En un mot, les conventions locales doivent construire le « vivre-ensemble » et transcender tout clivage social.

Concernant l’écorçage des arbres, il s’agit d’une pratique ancienne, mais, qui prend de l’ampleur ces derniers temps. Il consiste à enlever l’écorce de certains arbres, reconnus pour leur vertu médicale, pour l’utiliser dans la médecine traditionnelle. Selon 72% des chefs de ménage (72 personnes interviewées sur la centaine), cette pratique forestière, dont l’ampleur est probablement en lien avec l’augmentation de la population et de ses besoins, contribue à la déforestation.

Enfin, les feux de brousse (figure 44), phénomène récurrent dans cette zone, participent également de la destruction du couvert végétal et donc de la dégradation du lac Wégnia, selon 11% des enquêtés (soient 11 personnes sur la centaine interrogée). On remarque dès lors qu’autant les riverains reconnaissent les effets de la sécheresse dans la destruction de la végétation riveraine du lac, autant ils y reconnaissent leur propre responsabilité. Un habitant de Kononi-Sirakoro, qui n’a pas souhaité donner son âge, fait ce témoignage :

« Dans le temps, on mettait du feu au "Krôtô lors des chasses collectives pour débusquer certains animaux sauvages. Au fil du temps, le krôtô a finalement disparu et avec lui les animaux qu’on chassait pour ne pas dire le lac lui-même ».

Rappelons que le Krôtô est une espèce végétale qui entourait et protégeait naturellement le lac. L’image suivante, prise dans le lit du lac Kononi, est une illustration de ce phénomène de feux de brousse.

Figure 44. Des traces de feux de brousse dans le lit du lac Kononi (source : nos clichés, mai 2018) c. L’élevage

Selon le rapport 2011 du service d’élevage de Kolokani, cité par Coulibaly (2013), la taille du cheptel de la commune de Guihoyo est estimée à 26 480 têtes parmi lesquelles celles des villages riverains du lac Wégnia sont importantes. Ce cheptel se compose de bovins, ovins, caprins et asins.

En plus de ce cheptel local dont une partie s’abreuve dans le lac Wégnia, d’autres troupeaux transhumants (des dizaines) en provenance du nord et du nord-est (Nara, Dilly et Banamba) séjournent au bord de ce lac pendant une bonne partie de la saison sèche, créant ainsi une situation de surcharge des pâturages (Coulibaly, 2011; Coulibaly, 2013). Le surpâturage, découlant d’une forte densité de bétail broutant sur un même espace (surtout