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Le respect des principes de spécialité et de territorialité de la marque

Section 1. Le principe de spécialité de la marque

B. La notion de reproduction depuis l’arrêt LTJ Diffusion

źnfin, il existait la reproduction avec adjonction qui était considérée comme une contrefaçon sauf les cas où la marque complexe constituait un tout indivisible dans lequel la marque simple authentique a perdu son individualité501.

243. Par contre, en droit polonais la définition du «signe identique à la marque enregistrée» était toujours très étroite. Le signe identique doit être interprété comme « tel que la marque» sans aucunes modifications. La seule modification autorisée dans ce cas est celle qui n’est pas visible pour le consommateur502.

B. La notion de reproduction depuis l’arrêt LTJ Diffusion

244. Toutes les formes de reproduction mentionnées ci–dessus ont été considérées comme une contrefaçon au sens de l’article L.712-2 du CPI. Suite à l’arrêt LTJ Diffusion, qui va être décrit ci–après, révolutionnaire du point de vue de l’appréciation de la contrefaçon à l’identique, la jurisprudence française a dû adopter l’approche communautaire présentée dans la Directive et soutenue par la CJUE.

498

J.-C. Galloux, op. cit.àL auteu ài di ueàlesàe e plesàsui a tsàdeàlaà ep odu tio à uasiàide ti ue : Guccio –Gu ià CáàPa is,à àd .à ;àHel sà–He sà CáàPa is,à àf .àáut esàe e ples : Mariage –Ma iageà CáàPa isà àf ; Galaxie et Galaxie 3004 (Ca Paris 10 juill. 1986) ; Ozone –

Ozo aà CáàPa is,à àf ; Kenzo – Kendo (CA Paris 21 avr. 1988).

499

Cass. Com, 16 mai 1984.

500

TGIàPa is,à àd .à

501

J.à áz a,à J.-C. Galloux, op. cit. Les auteurs indiquent les exemples qui suivent : Carrefour du timent – Carrefour (CA Lyon 28 janv. 1975)l Afer du Rond Point – Rond Point (Com. 24 janv. 1983) ; France Routiers – les Routiers (CA Paris 3 mars 1988).

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Comme l’énonce J. Passa Ś «le raisonnement de la Cour de justice a obligé le juge français à abandonner, pour l’application de l’article L.713-2, des

critères d’identité des signes auxquels, approuvé par la doctrine, il faisait référence depuis longtemps et notamment les critères de « contrefaçon

partielle », d’«adjonction inopérante» et de « reproduction quasi–servile ». Ainsi, le juge ne peut plus considérer que le signe litigieux est identique,

lorsqu’il ne reproduit à l’identique qu’un élément – par hypothèse un élément

distinctif essentiel – d’une marque comprenant d’autres éléments; ce qu’on appelait la contrefaçon partielle»503

.

245. C’est l’arrêt LTJ Diffusion504 qui a établi les règles concernant la constatation de l’identité entre les signes qui n’ont pas perdu leur actualité. On verra aussi que cet arrêt, résultant du litige devant les juridictions françaises, avec son interprétation stricte de l’identité entre les signes, a particulièrement changé l’approche française du sujet505.

Les faits du litige en l’espèce se présentent comme suit : LTJ Diffusion est titulaire de la marque « Arthur » enregistrée pour les produits dans la classe 25 (y compris les bottes, les souliers et les pantoufles). Sadas est titulaire de la marque «Arthur et Żélice » enregistrée sur les produits de la classe 25. LTJ Diffusion a introduit contre Sadas une action devant le tribunal de grande instance de Paris et elle a invoqué principalement les articles L. 713-2 et L.713-3 du code.

Le demandeur a soutenu que la jurisprudence et la doctrine française interprètent l’interdiction figurant à l’article L.713-2 du code comme visant les cas dans lesquels un élément distinctif d’une marque complexe est reproduit, à savoir la «contrefaçon partielle », ainsi que ceux dans lesquels soit un tel élément, soit l’intégralité de la marque est reproduite avec des éléments considérés comme ne portant pas atteinte à l’identité de la marque, circonstance qualifiée d’« adjonction inopérante».

503J.àPassa,àD oitàdeàlaàp op i t ài dust ielle,àop. cit.

504 CJUE, 20 mars 2003, C-291/00 (LTJ Diffusion SA c. Sadas Vertbaudet SA).

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Le tribunal a constaté que l’interprétation de la notion de reproduction d’une marque au sens de l’article L.713-2 du code doit s’accorder avec celle de la notion de «signe identique à la marque», qui figure à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la Directive, et le tribunal de grande instance de Paris a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

«L’interdiction édictée par l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, concerne-t-elle la seule

reproduction à l’identique sans retrait ni ajout du ou des signes composant

une marque, ou peut-elle s’étendre à la reproduction de l’élément distinctif d’une marque composée de plusieurs signes ;

la reproduction intégrale des signes constituant la marque lorsque leur sont adjoints d’autres signes ? ».

La Cour s’est prononcée sur l’interprétation stricte de la reproduction à l’identique décrite dans l’article 5 par. 1 sous a) de la Directive. źlle a indiqué très clairement que «Le critère d’identité du signe et de la marque doit faire l’objet d’une interprétation restrictive. En effet, la définition même de la notion

d’identité implique que les deux éléments comparés soient en tous points les mêmes»506. Par conséquent, la protection offerte par l’article 5 par. 1 sous a) de la Directive ne peut pas être étendue aux situations protégées par l’article 5 par. 1 sous b). La Cour a énoncé donc très clairement qu’« il existe une

identité entre le signe et la marque lorsque le premier reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la seconde »507

.

246. Certes, l’article 5 par. 1 sous a) de la Directive est applicable dans la situation d’identité absolue entres les signes (sans aucune modification, suppression, addition, etc.). Il est quand même possible que les signes diffèrent d’une manière minimale. L’avocat général Ż. Jacobs, et ensuite la Cour, ont dû établir la frontière entre les différences significatives entre les

506Poi tà àdeàl a t.à

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signes qui font appliquer l’article 5 par. 1 sous b) de la Directive et les différences qui permettent d’appliquer toujours l’article 5 par. 1 sous a) de la Directive508.

Suite à l’avis de l’avocat général, la CJUź a admis par analogie les règles concernant l’appréciation de la similitude entre des signes (surtout dans les affaires Sabel509 et Lloyd510). Il faut se rappeler que la perception de l’identité entre le signe et la marque doit être appréciée globalement du point de vue d’un consommateur moyen qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. La perception de l’identité entre le signe et la marque n’étant pas le résultat d’une comparaison directe de toutes les caractéristiques des éléments comparés, des différences insignifiantes entre le signe et la marque peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen511.

źn résumant cet arrêt de la manière la plus succincte possible - seul l’article L.713-3 du CPI est désormais applicable, lorsque le signe du tiers n’est pas identique à la marque enregistrée au sens indiquée par la CJUź.

ż. Bonet fait une observation intéressante sur la décision rendue par la CJUE en doutant si cette décision est tellement révolutionnaire dans le cas d’une contrefaçon quasi servile qui consiste en la reproduction d’un élément distinctif de la marque. Selon lui : «la démonstration du caractère distinctif de l'élément reproduit impliquait incontestablement en pratique l'existence d'un risque de confusion entre la marque et le signe en cause, quand bien

même la preuve d'un tel risque n'était pas exigée en principe. Les choses ne devraient pas être sensiblement différentes désormais. La reproduction quasi

servile constitue en effet aujourd'hui un cas d'imitation, en sorte que, pour

obtenir la condamnation du défendeur, le titulaire de la marque doit prouver

l'existence d'un risque de confusion entre la marque et le signe, ce qui le

conduit inévitablement à démontrer que l'élément emprunté à sa marque est

508

M.àMazu ek,àNa usze ieàp a aàzà ejest a jiàz akuàto a o egoàp zezàuż ieàide t z egoàz akuà

dlaàide t z hàto a à àś ietleàp a aà sp l oto ego ,àop. cit.

509 CJUE, 11 nov. 1997, C-251/97.

510 CJUE, 22 juin 1999, C-342/97.

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l'élément distinctif»512.

247. Bien que l’arrêt en question ait établi les règles primordiales en matière d’appréciation de l’identité entre les signes, la pratique juridique montre que les doutes apparaissent toujours. Il est utile d’indiquer que l’OHMI a publié les directives relatives à la procédure de l’opposition513

pour interpréter l’identité entre les signes sur la base de sa jurisprudence. À la lumière de ces directives, en relation aux marques verbales, les marques sont identiques lorsqu’elles sont toutes les deux verbales et que l’enchaînement de lettres ou de chiffres coïncide exactement. źn d’autres termes, pour ce qui concerne ces marques, aucun élément figuratif spécifique ni apparence particulière ne sont revendiqués. Les différences entre des lettres minuscules ou majuscules ne sont pas prises en considération. La différence d’une seule lettre suffit pour conclure à l’absence de l’identité514.

248. Après l’arrêt de la CJUź dans l’affaire LTJ Diffusion, la doctrine française est d’accord pour dire que la contrefaçon par reproduction c’est la reproduction à l’identique de la marque d’autrui515. La jurisprudence a adopté en principe cette approche en interprétant les dispositions de l’article L.712-2 du CPI à la lumière de la Directive.

Néanmoins, on trouve encore des décisions de la jurisprudence nationale qui sont surprenantes du point de vue de l’approche adoptée et présentée tout à l’heure. À titre d’exemple, on peut indiquer le jugement de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a décidé de la violation de l’article L.712-2 du CPI en relation avec le litige entre les marques Ś «dermo esthétique Reine» et « centre Laser Dermo źsthétique ». D’après la Cour : «la contrefaçon ne

512

G. Bonet, Co t efaço à d'u eà a ueà o ple eà pa à ep odu tio à se ileà ouà uasià se ileà d'u à

sig eàdisti tifàa e àouàsa sàajoutàd'aut esà l e ts,à‘TDEà ,àp. .

513OHMI,àDi e ti eà elati eà àlaàp o du eàdeàl oppositio ,à o .à

514 Ibid.

196 peut être examinée que pour l’expression commune «dermo esthétique»,

qui correspond à une activité non médicale mais esthétique similaire aux

deux marques litigieuses »516. źn cassant cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé que la contrefaçon par reproduction, dont le régime dispense le demandeur d’administrer la preuve de l’existence d’un risque de confusion, «suppose l’usage d’un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée »517.

C. L’identité des produits ou services

249. Il est vrai que l’identité des produits ou services ne pose pas tellement de doutes. D’où la question de l’identité entre les produits ou services n’a pas été très élaborée dans la doctrine. C’est la jurisprudence communautaire qui encore une fois livre les modalités appropriées.

250. Afin d’apprécier l’identité entre les produits ou services, il faut tout d’abord analyser les produits ou les services couverts par l’enregistrement. Plus particulièrement, il est nécessaire de prendre en considération les termes comme Ś «particulièrement», «à l’exclusion», «c’est-à-dire», etc. L’absence d’une interprétation correcte de ces termes peut résulter d’une analyse fautive de l’étendue de la protection conférée par la marque518. Ensuite, il faut comparer entre eux les produits ou services couverts par les signes du litige. La qualification de leur identité est possible, lorsque les

516

J.-P.à Cla ie ,à ‘appelà desà o ditio sà l galesà deà laà o t efaço à deà a ueà pa à ep odu tio ,à

L esse tielàd oitàdeàlaàp op.àI dust.à àd .à àN°à .

517

Cass.àCo .,à ào t.àà ,àN°à -15334.

518 ‘.à “ku iszà d ,à Włas ośćà p ze sło a,à o ze z i t oà T u ałuà “p a iedli oś ià Wsp l otà

Eu opejski h,à“ąduàPie szejàI sta jiàiàU zęduàHa o iza jià‘ kuàWe ęt z egoàzàko e ta za i,à

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produits ou services du signe postérieur sont exactement les mêmes que les produits ou services de la marque antérieure519.

Cette qualification sera possible aussi dans le cas où la liste des produits ou services couverts par l’enregistrement de la marque antérieure est plus large que la celle d’un signe postérieur. Par exemple, le terme d’« administration

de l’entreprise » couvre le terme de «consultations du business ». Comme les services d’administration de l’entreprise contiennent toute la variété de services liés à l’entreprise, les consultations peuvent aussi faire partie de ces services520.

La Cour de justice a constaté l’identité entre les produits et services dans une situation renversée. Dans le cas où le terme utilisé par le signe postérieur a une signification plus large que le terme utilisé par la marque antérieure, il est aussi possible d’apprécier l’identité entre les produits ou services en question. La Cour a constaté l’identité dans la situation où le signe postérieur couvrait les services comme « services d’éducation, et notamment cours d’anglais » et la marque antérieure portait sur «les

services d’organiser les cours par la voie de correspondance». La Cour a admis que les services de la marque postérieure constituent une catégorie générale, d’où l’appréciation de l’identité était possible521.

§ 2. La similitude des signes

251. Il y trois situations où l’article L.712-3 du CPI ou son équivalent en droit polonais - l’article 296 par. 2 point 2) de la LPI - peuvent être appliqués : (1) le signe est identique à la marque enregistrée et les produits ou services sont similaires, (2) le signe est similaire à la marque enregistrée et les produits ou services sont identiques ou (3) le signe est similaire à la marque

519

OHMIà àja .à ,àDiputa i àP o i ialàdeàVale iaà .àBo ete ieàD a a à“á.à

520 OHMI 19 maià ,à átlasà Ve tu eà ád iso sà INCà .à áge iaà deà Tele isi à Lati oa e i a aà deà “e i iosà àNoti iasàEspañaà“á.à

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enregistrée et les produits ou services sont similaires. Dans tous ces trois cas, afin de constater la contrefaçon, il faut prouver le risque de confusion. Dans cette section, et dans la section suivante, on va se concentrer sur les critères de la similitude entre les signes et entre les produits ou services. La question de risque de confusion va être envisagée séparément dans la section postérieure.

252. Aucune législation ne livre pas de règles d’appréciation de la similitude entre les signes. Ce sont le domaine de la doctrine et de la jurisprudence qui élaborent les directives applicables à l’évaluation de la similitude entre les signes. Il faut aussi noter que ces modalités instaurées au niveau national sont en accord avec les règles établies par la CJUź. Conformément à la pratique appliquée par la doctrine et la jurisprudence, surtout communautaire, la similitude entre les marques (signes) doit être appréciée globalement522.

La doctrine française indique que la similitude entre les signes doit concerner des ressemblances visuelles, auditives ou intellectuelles523. La ressemblance intellectuelle ou, autrement dit, conceptuelle porte sur l’association d’idées ou sur l’analogie.

Dans la littérature polonaise du sujet prévaut l’idée que les signes verbaux doivent être analysés considération faite de leurs associations visuelle, auditive et sémantique524. L’association visuelle, c’est l’association des lettres utilisées dans les signes, leurs nombre, couleur, forme, etc. L’association auditive, c’est la façon dont le signe est entendu et rappelé par le consommateur. On souligne que le signe verbal reste dans la mémoire du consommateur dans sa forme phonétique525. Quant aux signes figuratifs,

522

CAV de Varsovie, 18 janv. 2012, VI Sa/Wa 1850/11.

523

J. Passa,àD oitàdeàlaàp op i t ài dust ielle, op. cit.

524U.àP o ińskaà d. ,àop. cit.àCetteàopi io àestà o fi eàaussiàpa àlaàju isp ude e : CSA 9 janv. 2013, II GSK 1877/11 ; CAV de Varsovie, 22 nov. 2012, VI Sa/Wa 1440/12.