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La notion de flexibilité

Le management stratégique dans l’environnement des PME

Section 1 La notion de flexibilité

Tout d‟abord, il est nécessaire de délimiter le cadre de définition de ce concept. La flexibilité n‟est pas une notion absolue, mais elle résulte de la naissance de deux ou plusieurs « objets ».

1 - L’approche de la notion : Deux études ont contribué à mettre en évidence les

hypothèses à l‟intérieur desquelles le terme de flexibilité ait un sens : - celle de G.Stigler1 qui va axer sur la flexibilité des équipements ;

- et celle de J.Marschak et R.Nelson2 qui va porter sur la flexibilité de la décision.

1 - La flexibilité des équipements (ou encore la flexibilité des ateliers). Les travaux de Stigler se sont intéressés à la flexibilité des équipements dans lesquels l‟entreprise investit pour faire face éventuellement aux variations subites de la demande. La flexibilité dans ce cas s‟exprime par la capacité de l‟entreprise à absorber cette forte demande qui était imprévue. C‟est grâce à deux qualités distinctes du bien d‟équipement qui détermineront sa flexibilité :

- son adaptabilité : On peut dire que le capital est plus adaptable si la variation de volumes de production n‟entraîne pas une forte variation du coût unitaire moyen par produit ;

- sa divisibilité : Elle permet ainsi de s‟ajuster continuellement aux variations de la demande en modifiant le potentiel productif.

L‟auteur Stigler définit un équipement comme étant flexible si la variation de la production n‟a pas d‟effet sur le coût moyen.

2 - La flexibilité de la décision : Marschak et Nelson vont étudier la flexibilité dans le cadre d‟un problème de décision, et dont les caractéristiques sont : - le décideur ne perçoit de revenu qu‟en fonction de ses décisions prises, à chaque moment, et aux différents états du monde qui sont hors maîtrises du décideur ;

- le décideur, lors de la prise de décision, ne détient malheureusement pas d‟information parfaite sur les états futurs. Le décideur, avant l‟instant ti, ne connaît pas le futur état du monde qui se présentera à l‟instant ti. Le degré d‟ignorance baissera au fur et à mesure que l‟on s‟approche de l‟instant ti, grâce à l‟obtention progressive de renseignements ;

1 - G. Stigler, « Production and Distribution in the Short Run », Journal of Political Economy - June 1939 ;

2 - J. Marschak et R. Nelson, «Flexibility, Uncertainty and Economic Theory », Metroeconomica, volume 14 – 1962.

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- l‟irréversibilité de certains effets : La décision, que va prendre le décideur, est conditionnée par une décision prise antérieurement.

A partir de ces caractéristiques, Marschak et Nelson donnent la définition de la flexibilité comme étant la propriété d‟une décision initiale (ai) qui permettra à la décision suivante (ai+1) d‟être une bonne réponse à l‟observation réalisée pendant la période. On peut dire qu‟une décision possède la propriété de flexibilité si elle offre des possibilités très larges d‟exploitation de l‟information acquise après cette décision.

3 - Le cadre de définition de la flexibilité : Les études menées antérieurement tiennent compte de certaines hypothèses nécessaires pour que la notion de flexibilité ait un sens. - l‟entreprise visera des objectifs stables dans le temps. Il est inconcevable qu‟une entreprise vise plusieurs objectifs en un temps très réduit ;

- l‟entreprise est un système partiellement commandable. L‟état futur et les résultats obtenus ne dépendent pas uniquement des décisions prises, mais il y a aussi l‟intervention des facteurs exogènes non maîtrisables ;

- la gestion de l‟entreprise s‟exerce dans le cadre d‟incertitude. Quand le décideur prend une décision, il se basera sur une information incomplète. Au fur et à mesure qu‟il avance dans le temps, le décideur va porter des modifications en fonction des informations qu‟il va recevoir et va faire des adaptations appropriées. Il faut souligner que la flexibilité n‟a pas de sens dans un système d‟information parfaite, et n‟a pas lieu d‟exister dans un système stationnaire.

2 - Propositions de définitions : Il faut mettre en évidence que l‟idée centrale de

la définition de la flexibilité va tourner autour de l‟interdépendance des décisions qui revêtiront des effets d‟irréversibilité. Entre les différentes décisions qui peuvent être prises, il existe un grand nombre de contraintes aussi, on peut citer :

- des contraintes d‟ordre chronologique, dans la mesure où une décision ai ne peut être prise que si une décision ai-1 a été prise auparavant ;

- des contraintes de complémentarité et de cohérence: Les décisions qui seront prises doivent respecter les conditions de compatibilité, c‟est à dire que le décideur ne peut pas prendre de décisions contradictoires mais compatibles entre elles ;

- des contraintes de complémentarité inter-temporelle: Lorsqu‟une décision est prise au temps ti cela signifie qu‟il y aura des décisions qui seront prises aux temps ti+1, ti+2…

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En se basant sur ces hypothèses, il est proposé plusieurs définitions distinctes et complémentaires :

1 - La flexibilité ou l‟étendue du champ décisionnel futur: Dans ce cas, il s‟agit bien d‟une flexibilité décisionnelle. La flexibilité est définie comme une propriété de décision qui, sous certaines contraintes et coûts d‟ajustement futurs, va permettre d‟exploiter au mieux l‟accroissement attendu de l‟information. Marschak et Nelson considèrent qu‟une décision ai est plus flexible qu‟une décision ai+1 si l‟ensemble des décisions ultérieures possibles à ai (appelé Ai) est plus grand que celui des décisions possibles liées à ai+1 (Ai+1).

2 - La flexibilité ou la facilité d‟ajustement d‟un état: Il est plus commode de parler de flexibilité d‟un état que la flexibilité d‟une décision. L‟exemple qui sera donné va être simplifié en se limitant à deux périodes pour permettre de comprendre la définition de la flexibilité. Une décision a1 est prise à l‟instant t1,découle d‟un calcul d‟optimisation dynamique sur la base d‟une certaine disponibilité d‟informations. Connaissant un certain signal, zt1, on fera des hypothèses qui porteront sur les probabilités d‟apparition des états futurs successifs : P[xt1 zt1], P[xt2 zt1]…En appliquant donc ces méthodes de la commande dynamique sur l‟horizon de calcul, on arrive à déterminer une certaine valeur à la décision a1. L‟application de cette décision va aboutir à l‟instant t1, à un état X1. Chaque fois qu‟il y a enrichissement de l‟information, on peut refaire le calcul d‟optimisation qui a été déjà fait à l‟instant t1. Ce calcul de trajectoire optimale va définir un nouvel état X*1 qui représentera l‟état qu‟il aurait fallu atteindre si l‟on disposait en temps t1, une information parfaite à l‟horizon t2.

3 – La flexibilité est définie comme " l‟aptitude d‟un système à se rapprocher d‟une trajectoire dont la valeur varie dans le temps en fonction de l‟information disponible"1

4 - La flexibilité d‟une organisation se définit comme "l‟aptitude à permettre, à son cadre de référence de pouvoir coévoluer avec son environnement et cela en rapport avec les informations qu‟il pourra échanger avec lui, d‟un côté, et aux actions comme aux différentes perceptions qui l‟habitent de coévoluer avec le cadre de référence en rapport avec lequel elles s‟expriment, de l‟autre côté.

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Elle se caractérise par l‟existence d‟une certaine variété de cadre d‟actions potentielles.»1

5 - La flexibilité d‟un système est son aptitude à se transformer pour améliorer son insertion dans l‟environnement et accroître ainsi sa probabilité de sa survie.2

6 - La flexibilité est définie comme "une capacité d‟adaptation sous la double contrainte de l‟incertitude et de l‟urgence"1. Les entreprises sont appelées à faire face, en même temps, à l‟incertitude ou à l‟imprévisibilité, et à l‟urgence. Il est donc impossible de prévoir tout de manière précise, cela peut ne pas exposer l‟entreprise au danger. Ce que doit faire toute entreprise, ce n‟est pas de bien prévoir, mais c‟est surtout d‟agir en urgence et vite pour faire face aux évènements nouveaux de l‟environnement aussi bien interne (pannes, défauts, incidents techniques ou sociaux…), qu‟externe à l‟entreprise (clients, concurrents, partenaires, fournisseurs ou sous traitants, règlements et lois en vigueur…). Donc, une organisation est considérée comme flexible si elle permettre au système de se déplacer et d‟évoluer par rapport aux autres. Comme la décision ne peut être flexible qu‟en situation imparfaite de l‟information, un système ne peut être qualifié de flexible et ne peut évoluer ou s‟enrichir qu‟en suscitant des appréhensions de nouveautés qui n‟étaient pas prévues par les lignes directrices en vigueur. En termes d‟apprentissage organisationnel, la flexibilité est définie comme la confrontation continue des théories adoptées d‟une part, et vécues d‟autre part. et aussi leur aptitude à coévoluer. La flexibilité insinue donc une coévolution entre deux cadres de référence, ou entre cadre et action. Elle peut opérer à travers les différents niveaux :

- macroscopique, par l‟élaboration de conventions collectives qui donneront une grande ouverture aux multiples relations qui peuvent exister entre le patronat et les syndicats ; - mésoscopique en établissant des centres de profits indépendants, et aux larges compétences décisionnelles ;

- microscopique, en instaurant des horaires libres aux employés, par exemple.

Si la flexibilité définit une coévolution, il ne faut pas découpler le cadre de référence de l‟action, ou bien encore les différents systèmes de valeurs des sous-systèmes de l‟entreprise et celui de la compagnie dans son ensemble. Il existe donc une ambivalence entre la stabilité de l‟ensemble et la flexibilité du fonctionnement.

1

- J.B. Probst, O. Bruggimann ; J.Y. Mercier et A. Rakotobarison, « Organisation et management » Tome 3 – Guider le développement de l‟entreprise – Les Editions d‟organisations - 1992 ;

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La flexibilité, qui représente une notion relative et un certain couplage, doit continuer de lier les différents comportements entre eux. Quant au degré de flexibilité, il doit être constamment adaptatif et modifiable. La flexibilité fonctionnera selon un système de couplage plus ou moins souple, avec l‟existence des sous-systèmes au système, et des actions du système à son cadre de référence. On peut citer trois types de couplage :

- une configuration de comportements selon laquelle tous les sous-systèmes pensent et agissent (les structures organisationnelles et opérationnelles) ;

- une configuration d‟objectifs donnée par les buts du système, ainsi que les stratégies et les objectifs que chacun vise afin d‟orienter l‟ensemble dans une seule direction ;

- une configuration de sens capable de donner à chacun les grandes lignes du cadre de référence commun.2

L‟équilibre entre la stabilité et la flexibilité peut être aménagé de plusieurs manières. Le développement du tout va dépendre alors d‟un aménagement de ces trois types de couplage qui doivent être souples afin d‟assurer une flexibilité. La flexibilité d‟un système, qui se situe dans un environnement incertain, se définit par le nombre des états qu‟il est susceptible de prendre afin d‟atteindre les finalités qui lui sont prescrites. Par contre, la flexibilité se mesure par le coût et le temps consommés lors de changements d‟états.

3 - Valeur de la flexibilité et valeur d’option : Dans le cadre de la dynamique de

la flexibilité, l‟optimalité de la décision dépendra de plusieurs facteurs : la nature de l‟information que détient le décideur, le degré introduit d‟irréversibilité, les coûts et les délais d‟adaptation nécessaires pour rectifier la trajectoire.

La valeur de la flexibilité c‟est aussi sa mesure. Il y a une complexité dans le calcul de l‟optimalité auquel se livre le décideur. Il est nécessaire d‟attribuer une valeur (explicite ou implicite) à l‟information additionnelle. Cependant, le problème de la mesure de la flexibilité se pose de manière cruciale. Pour trouver de solutions à ce problème, les auteurs Cohendet et Llerena vont se baser sur la théorie de la valeur d‟option qui est une théorie de la décision en avenir incertain avec des effets d‟irréversibilité. Cette valeur d‟option représente donc un prix que peut payer un agent afin de garder des possibilités

1

- C. Everaere, « Management de la flexibilité » Editions Economica - 1997.

2 - P. Cohendet et P. Llenera, « Flexibilité et mode d‟organisation », Revue Française de Gestion, n° 123 – mars avril mai 1999.

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pour le futur. Le décideur, pour appréhender l‟avenir, va être prêt à payer une valeur, à priori, pour se doter d‟une information supplémentaire susceptible de lui permettre de trancher à l‟avenir. Cette valeur d‟option, qui est assimilée à la valeur de la flexibilité indique, qu‟il y a une relation étroite entre la flexibilité et l‟information additionnelle.1

A travers ce bref examen de la notion de flexibilité, il est mis en évidence certains éléments, qui sont :

- la flexibilité va servir de moyen pour faire face à l‟avenir incertain ;

- elle exprime la capacité d‟une entreprise à réagir face aux nouvelles variables de l‟environnement, et à renforcer aussi une capacité d‟apprentissage grâce à l‟utilisation de l‟information additionnelle ;

- elle peut être définie, en termes d‟étendue du champ potentiel, des décisions possibles ou, en terme de facilité de changement d‟un état ;

- la valeur de la flexibilité peut être confondue avec la valeur d‟option.

L‟ensemble de ces éléments va déterminer les composantes d‟une politique au sein d‟une entreprise.