L'arc du Nord

Situation :

A Séressi, nous connaissons deux arcs pratiquement identiques, l'arc de l'entrée Nord de la ville, qui comporte une inscription à l'intérieur de la baie, et l'arc de l'entrée Sud, sans inscription. L'arc Sud est extrêmement voisin du premier dans ses proportions et sa typologie, il pourrait raisoilnablement être daté de la même époque; toutefois, en l'absence de toute trace d'inscription, nous ne nous occuperons que de I'arc du Nord.

Figure 5: L'arc du Sud vu depuis l'arc du Nord.

Etat de conservation :

Comme l'indiquent les photos, l'arc a nécessité un remplissage de sauvegarde de la baie, les claveaux n'étant plus solidaires. Tout le couronnement du monurnent a disparu depuis plus d'un siècle. Mais l'inscription, à l'intérieur du piédroit Est, est très bien conservée.

Dimensions :

Largeur totale : 10,29m Epaisseur : 3,03m

Largeur de la baie : 5,25m4 Description :

Cet arc propose des solutions originales, et constitue même dans notre Corpus un unicum. En effet, tous les autres arcs d'une profondeur égale ou supérieure à trois mètres présentent pour les piédroits un décor architectural d'avant-corps, constitués d'une ou deux colonnes détachées du piédroit pour répondre à des pilastres engagés dans les assises du piédroit, et constituer avec eux un élément avancé sur la façade. Ici, la façade est décorée de pilastres cannelés et rudentés, disposés aux deux extrémités du piédroit. L'élégance consiste à présenter ces pilastres sur un piédestal très haut, leurs bases débordant légèrement sur les moulures du stylobate. Par ailleurs, l'équilibre de la composition s'élabore grâce à la double ligne horizontale que dessinent sur l'ensemble du monument la mouluration du piédestal, et celle de l'imposte (qui, bien qu'elle n'existe pas au sens propre du mot, comme soutien de la baie, fait le tour du piédroit, en s'interrompant au niveau des pilastres, pour le découper en deux niveaux).

Les piédroits :

La plinthe, au-dessus du socle, se développe sur deux assises. Elle est la même pour le piédroit et pour le piédestal du décor, intégré au piédroit, et comporte les moulures suivantes : bandeau, baguette, cavet, quart de rond, doucine renversée, cavet.

Le dé du piédestal ainsi intégré comporte trois assises parfaitement appareillées de blocs mesurant régulièrement 0,50m

Guérin donnait 10,18m pour la longueur du monument et 5,l l m pour la largeur de la baie ; Curtis propose 5,l l m pour la largeur de la baie.

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Le stylobate présente des moulures de couronnement assez effacées, mais on distingue un cavet et un quart de rond encadrés par des listels, et une doucine droite.

Les claveaux, sans archivolte, sont extradossés en plate-bande. A partir du sommier, les claveaux sont en partie recouverts par les pilastres, qui apparaissent en relief sur leur aplomb.

L'imposte, ou ce qui en tient lieu, qui fait le tour des piédroits, entre les pilastres par lesquels elle est interrompue, et sur les faces latérales, est assez délitée. On y voit les moulures suivantes : doucine droite et cavet, séparés par des listels.

Figure 7 : Le tambour de pilastre remplace l'imposte.

L a face interne du piédroit Est est ornée d'une inscription. Il ne s'agit pas de la dédicace, l'emplacement ne convenant pas, mais d'un rappel des faits, d'une sorte de résumé des diverses évergésies du donateur. Nous sommes en face du même type de texte qu'à Cirta, et qu'à Théveste. Comine à Théveste, le texte est gravé ici directement sur le piédroit, alors qu'à Cirta nous avions des « plaques commémoratives >> de faible épaisseur, destinées à un accrochage opportun.

L'ordre :

Les pilastres de décor sont supportés par le piédestal intégré aux piédroits, comme nous l'avons vu.

- -Les bases sont de type attique, les différentes moulures sont un peu écrasées, mais la base ressort avec élégance sur la façade. Ce profil est un élément de datation, nous y reviendrons infia dans la propositioii de datation de l'arc.

Contrairement à l'arc de Séressi, sur l'arc Sévère d'Alexandre (Bab er Roumia) à Thugga, la base du pilastre est encore pl~ts recherchée dans ses effets ; elle est

posée sur un dé, dont la face est décorée d'un cadre rectangulaire de 0,36m sur 0'70, ce qui donne au pilastre un double support très élégant, et produit des jeux de lumière subtils.

- Les fûts, intégrés à l'appareil du piédroit, sont en légère saillie sur le droit des assises. Ils sont cannelés et rudentés sur toute leur hauteur. Toutefois, ce décor n'apparaît qu'à partir du deuxième tambour, le premier tambour comportant la base, et le départ du fût qui demeure lisse.

- Les chapiteaux ont disparu.

Les pilastres intérieurs se poursuivent sans solution de continuité par les claveaux, et servent en quelque sorte d'imposte, ce qui au demeurant est assez maladroit, et surtout hors normes. Une fausse moulure (c d'imposte » prend le relais et fait le tour du monument.

Figure 8: La plinthe.

Figure 9: L'inscription a l'intérieur du piédroit Est.

Le couronnement :

Il a totalement disparu, mais il faut évidemment le restituer, et imaginer un léger retour vraisemblable au-dessus des pilastres extérieurs. Le soin apporté à la

construction, et le fait que l'arc était orné d'un quadrige, ainsi que l'indique l'inscription, plaide fortement en faveur d'un attique complet.

Figure 10: L'assise réunissant la base et le départ de fût, sur lequel les cannelures ne sont pas rudentées, d'un des pilastres.

Les faces latérales :

Elles ne comportent pas de décor de pilastres, mais sont divisées en registres par les deux systèmes de moulurations horizontales qui découpent les piédroits en registres. En hauteur, comme à Assuras, ou sur l'arc de Trajan à Mactar, a subsisté une ouverture, peut-être un accès de contrôle ?

Datation :

Depuis Frotingham, qui avait proposé de dater l'arc de l'époque de Caracalla, sans toutefois justifier son hypothèse, les choses n'ont guère changé, à notre grande satisfaction ! Le Guide Bleu propose la même époque. Les arguments en faveur de cette datation nous semblent être de deux ordres: on peut se fonder sur l'architecture et le décor, révélateurs d'une époque ; et sur le texte épigraphique, si incomplet soit-il.

Architecture et décor :

Les pilastres ont été utilisés très tôt dans le décor des façades, mais généralement eii association avec des colonnes de rappel. On les voit jouer un rôle plus important dans le décor sur les arcs de Téboursouk et de Dougga, donc à l'époque de Caracalla. Ici, ils sont utilisés seuls, et leur étude appelle quelques remarques. La base présente un profil étalé qui, de l'avis de N. Ferchiou, correspond à l'époque qui nous intéresse. Le tore de ces bases, compris cinq fois dans la hauteur totale, confirme également ce début de troisième siècle, toujours selon N. ~erchiou'. La rudenture de bonne facture, venant exactement remplir les cannelures, est également un élément de datation concordant.

Ferchiou N., Architecture romaine dzi Haut Tell, pp. 44 et 50

Figure 11: L'arc en 1905, in Gurtis.

Le décor de quadrige est peu habituel dans les provinces. Nous connaissons un seul décor semblable, c'est celui de l'arc de Oualili (Volubilis), qui présentait un char à six chevaux. Or, cet arc est précisément dédié à Caracalla, ce q ~ t i donne une concordance de date rassurante.

Enfin, la présence d'un texte figurant sur la face Intérieure du piédroit n'est pas signalée avant l'époque de Caracalla.

Le texte épigraphique :

Le personnage qui a laissé par testament la mission de construire cet arc avait été admis dans l'ordre équestre, promotion qui est évidemment un peu plus généreusement accordée à l'époque des Antonins o ~ i des Sévères. L'argument peut paraître léger. La formulation du texte lui-inêine, avec la mention d'un « arc », est plus révélatrice de l'époque. La longueur du texte et les détails sur lesquels il s'attarde ne contredisent pas la datation, au contraire.

Enfin, l'inscription CIL VI11 11214 pourrait appartenir à la dédicace de l'arc, et figurer sur l'attique, selon l'éditeur du CIL. Or, elle mentionne formellement Caracalla, et vient heureusement nous co~iforter dans notre attribution.

24.3. Annexe

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