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L'habitude était générale en Afrique d'honorer plusieurs dieux dans le même sanctuaire, soit dans plusieurs temples attribués à chacun des dieux et réunis dans une enceinte sacrée commune, soit dans un même temple, et dans ce cas, des cellae juxtaposées étaient consacrées à chacun individuellement. A Timgad, le temple du Génie de la Colonie, installé hors de l'enceinte primitive dans la deuxième moitié du IIe siècle, était dédié à la fois à la Triade Capitoline (il n'y avait pas encore de Capitole à Timgad à cette époque, il est postérieur de quelques années), à Silvain, et au Génie de la Colonie : c'était en fait pratiquement un panthéon ! Du reste, c'est ce terme qu'emploie Ballu pour le présenter lors de la découverte. aucun de ses attributs. Nous les retrouverons sur un médaillon de terre cuite trouvé à Timgad, voir fig. 4 ; mais aussi sur les monnaies de Rome et de Carthage, sur les monnaies de .Tubd2, enfin sur les monnaies impériales43. C'est le même personnage encore, avec les mêmes attributs, qui figure sur les mosaïques d'0stie4? La figure d9Africa conserve son identité iconographique jusque dans l'art funéraire : Africa apparaît sur un sarcophage du Musée National Romain, qui a été étudié par iigaribeni4'.

39 P. Gros, L 'Architecture romaine, 1. Les monuments publics, Paris, 1996, p.

40 Le Glay M, (( La déesse Africa à Timgad )), Hommage à J. Buyet, Latomus, 70, 1964. provincie e di venti in un mosaico di Ostia », Bollettino Communale, 1912, pp. 103-1 12 et table VII.

45 Paribeni R., Bolletino d'Arte, 1909, pp. 291 sq.

C'est dire que l'iconographie d9Africa est riche, mais très étroitement fixée. Quant à l'éléphant dont la dépouille coiffe la déesse, il figure sur plusieurs monuments ; le plus intéressant pour nous est évidemment l'arc de Il apparaît également sur un sarcophage de la Villa Médicis4'. La convergence de tous ces éléments plaide pour une assimilation de la deapatvio à I'llifrica.

Justement venue confirmer les remarques précédentes, la dédicace d'une base hexagonale, dédiée par un préfet de la VIIIe cohorte à (( deae patriae suae », retrouvée dans le temple de la dea patria nous conforte dans cette analyse.

Toujours dans le temple principal, on a retrouvé une grande base octogonale dédiée à Caracalla et à Julia Domna en 2 14-2 15, par P. Flavius Pudens Pomponianus, clarissime. On ignore la nature de la statue, mais la fin de la dédicace indique : « a (pour ad) deam patriam szra pecunia posuitet cultui publicae religionis et honestamento dignae civitatis ». Ce sénateur, patron de la ville, affirmait dans son geste entretenir le culte officiel de la ville, et avait été honoré d'une statue sur le forum de la cité, dont le texte filait une métaphore plus ou moins obscure sur la source d'éloquence qu'il était, et la statue que lui dédiaient les Thamugadiens, (( voisins d'une source )) !

Nous voyons vraiment intervenir dans le sanctuaire les notables les plus en vue de la cité, pour lesquels la vénération de l'empereur était la première préoccupation.

A ce stade de notoriété du temple,et au vu du nombre impressionnant de dédicaces retrouvées sur place, il est bon de se demander si la Dea Patria ne peut pas être assimilée, à Timgad, au Genius Patriae. Non pas que le Génie de la colonie n'ait pas été honoré sous son nom propre plusieurs fois, et en particulier dans son temple, proche de l'arc de 203. Mais dans le sanctuaire hors la ville, c'est plutôt la dea patria qui reçoit les hommages. Et pourtant, on rencontre le Genius patriae honoré sur une base retrouvée in situ dans le temple de la Dea Patria, commémorant l'offrande d'une défense d'éléphant, dédiée, entre autres notables de Timgad ayant contribué à cet évergétisme, par une Raminique, clarissime, mère du grammairien Flavius Pudens. La confusion entre les deux divinités semble donc avoir été entretenue à Timgad sans difficulté d'interprétation.

On mesure toute l'importance que ce sanctuaire s'est acquise dans l'exaltation du culte lmpériai, au moins au début du IIIe siècle, parallèlement aux cultes traditionnels qui lui étaient propres. L'association des deux sensibilités religieuses, glorification de l'empereur et patronage du plus grand nombre possible de divinités, se trouve admirablement résumée dans l'association des deux termes d9Arcus Pantheus.

46 Lire l'article de Aurigemma S., (( l'elefante di Leptis Magna e il commercio dell'avorio e delle sue »ferae Iibycae )) negli empori tripolitani », Africa fialiana, VII, 1940, pp. 67-86.

47 Voir l'article de Pietrangeli C. in L 'Urbe, XI, 2, 1948.

Figure 6 : La Dea Africa du Musée de Cirta à Constantine, et la Dea Africa dans l'art populaire, terre cuite du Musée de Timgad.

2 était le second dieu honoré dans le sanctuaire. Le culte est attesté par plusieurs fragments de statues trouvés sur place. Parmi eux, une tête en marbre blanc, plus grande que nature, d'un homme barbu et chevelu à l'expression assez douce ; un bras gauche ; une main droite. Ces fragments pourraient avoir appartenu à la statue de culte. Une autre tête, plus petite que la première, évoque peut-être Pluton ou Frugifer.

La publication de L. Leschi 4Sa montré toute l'importance de ce site sacré dans le culte de Sérapis, à cause de la source et de ses vertus thérapeutiques. Aussi, lorsqu'on découvrit également dans le temple un pied droit colossal, L. Leschi l9attribua-t-il à une statue colossale qui aurait trouvé place dans le temple, la statue de culte sans doute. Le pied portait, gravée en lettres de 0,025m au-dessus de la cheville, une dédicace, Pro Salute AUGG. L'inscription n'est pas datée, mais nous pourrions proposer les années allant de 198 à 203, les deux empereurs étant évidemment Septime Sévère et Caracalla, plutôt que de 2 1 1-2 12, période un peu courte, où les deux empereurs seraient Caracalla et son frère. Mais le doute subsiste. Cependant, à la même époque, est représenté sur l'arc de Lepcis un Sévère-Sérapis, et un Sévère-Jupiter !

Pèlerinage et rites propitiatoires :

En fait, M Le ~ 1a montré que le pied n'appartenait pas a ~ ~ ~ à la statue, mais qu'il s'agissait d'un «pied de Sérapis », que les fidèles venaient toucher, tel une relique, pour se protéger. Les vertus apotropaïques de tels ((pieds )) étaient reconnues, et l'auteur en donne quelques exemples. Par ailleurs, ces pieds étaient fréquemment surmontés d'une tête du dieu, et la tête de statue colossale qu'on a également trouvée sur place, pourrait également convenir à ce type d'ex voto. 11 ne fait aucun doute que la

48 L. Leschi, Découvertes Récentes à Timgad: Aqua Septimiana Felix, C. R. A. I., 1947=Etudes Africaines, 240-245.

49 Voir M Le Clay, « Un « pied de Sérapis »...

venue (hypothétique, certes) des empereurs, qui auraient peut-être eux-mêmes approché cet objet miraculeux, devait pousser les fidèles à un zèle accru. D'ailleurs, superstitieux comme ils l'étaient, les empereurs n'avaient pas dû se priver de cette protection. Qu'ils l'aient approché ou non, ce pied de Sérapis donnait certainement un lustre supplémentaire au sanctuaire.

3 Une tête de serpent en marbre blanc, dont L. Leschi n'indique pas le temple d'origine, pouvait accompagner une statue d'Esculape. La présence de ce dieu dans le sanctuaire n'est attestée par aucune inscription, hélas, et mis à part son nom plus

« romain » que celui de Sérapis, on n'arrive pas à discerner son rôle précis à Timgad.

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