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Chapitre 4 : Impulsivité de choix

3. Neurobiologie de l’impulsivité de choix

3.1 Réseaux neuronaux impliqués dans l’impulsivité de choix

Les récentes avancées de la recherche concernant l’impulsivité de choix ont permis une dissection plus approfondie des substrats neurobiologiques sous-jacents aux comportements impulsifs, notamment grâce à des études en neuro-imagerie chez l’Homme et des études comportementales chez l’animal. Au vue de la complexité des mécanismes de l’impulsivité de choix, les substrats neuronaux impliqués dans l’impulsivité se doivent d’intégrer à la fois les informations concernant la magnitude des récompenses et le délai associé à leur obtention.

Parmi les nombreux candidats, les études convergent principalement vers le striatum ventral comme potentiel médiateur des comportements impulsifs (Dalley and Robbins, 2017). Grâce à ses interactions avec les structures limbiques, incluant notamment le CPF (principalement la région orbitofrontale et le cortex préfrontal latéral), le NAc permet d’exercer un contrôle « top-down » sur l’impulsivité de choix (Ballard and Knutson, 2009; Bickel et al., 2009; Cardinal et al., 2001; Hariri et al., 2006; Kable and Glimcher, 2007; Weber and Huettel, 2008; Wittmann et al., 2007).

Les études en imagerie chez l’Homme ont ainsi permis de révéler l’implication du striatum ventral (notamment le NAc) ainsi que du CPF médian dans la préférence pour les récompenses immédiates (Dalley and Robbins, 2017; McClure et al., 2004; Tanaka et al., 2004). Ces régions semblent, de plus, être impliquées dans le codage de la magnitude des récompenses (Ballard and Knutson, 2009). Ainsi, il semblerait que les individus impulsifs présentent une réduction de l’activation du striatum ventral (Ballard and Knutson, 2009). A l’inverse les régions dorsolatérales et ventrolatérales du CPF, de même que le cortex pariétal, semblent être recrutés lors de décisions impliquant des gratifications retardées (Dalley and Robbins, 2017; McClure et al., 2004) et pourraient participer au codage du délai (Ballard and Knutson, 2009). Bien que le codage de ces différentes informations dépende de structures distinctes, il semblerait que l‘intégration de l’ensemble de ces composantes permettant la prise de décision finale ait lieu au sein du CPF latéral et notamment au sein de sa région inférieure droite (Ballard and Knutson, 2009; Rangel et al., 2008).

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L’utilisation de modèles animaux a également permis de mettre en évidence le rôle central du NAc dans l’impulsivité de choix. En effet, de la même façon qu’une réduction de l’activité du striatum ventral chez l’Homme soit associée à un comportement impulsif (Ballard and Knutson, 2009), il semblerait qu’une lésion de la sous-région core du NAc dans les modèles animaux augmente la préférence pour les petites récompenses immédiates, suggérant également une augmentation de l’impulsivité (Basar et al., 2010; Cardinal et al., 2001; Diergaarde et al., 2008).

Outre le striatum ventral, le COF semble également jouer un rôle important dans l’impulsivité de choix aussi bien chez l’Homme que chez l’animal. En effet de nombreuses études rapportent une augmentation de l’impulsivité de choix suite à une atteinte du cortex orbitofrontal (Bechara et al., 1999; Berlin et al., 2005; Fellows and Farah, 2005; Mobini et al., 2002). Le COF participerait ainsi à l’attribution d’une valeur subjective à chacune des options en fonction de la durée du délai (Roesch et al., 2006; Rolls, 2013).

3.2 La dopamine comme médiateur de l’impulsivité de choix

L’utilisation de psychostimulants à visée thérapeutique a permis une avancée majeure dans la compréhension des bases neurochimiques de l’impulsivité de choix. De par son étendue, le réseau neuronal sous-jacent au processus d’impulsivité de choix se trouve être très largement modulé par des projections monoaminergiques (bottom-up signals). Parmi l’ensemble des neurotransmetteurs pouvant être impliqués dans l’impulsivité de choix (dopamine, sérotonine, noradrénaline), la dopamine semble jouer un rôle essentiel dans ce processus notamment grâce à ses interactions avec le NAc (Dalley and Robbins, 2017).

L’utilisation de molécules interagissant avec le système monoaminergique, telles que le méthylphénidate (ou Ritaline® (Novartis)), inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline) ou encore l’amphétamine (agoniste dopaminergique indirect) s’est révélée avoir de profonds effets sur l’impulsivité, autant chez l’Homme que dans des modèles animaux (Pattij and Vanderschuren, 2008; Shiels et al., 2009). Chez des patients sains, l’administration aigüe d’amphétamine et de méthylphénidate est connue pour réduire l’impulsivité de choix dans une procédure de delay discounting (Shiels et al., 2009; de Wit et al., 2002). Bien que certaines études cliniques présentent des résultats quelque peu

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différents avec soit une absence d’effet de ces molécules soit un effet opposé (Hamidovic et al., 2008; Pine et al., 2010; Winstanley, 2011) il semblerait que ces variations soient dues à l’administration de doses insuffisantes ou à des variations du comportement basal des participants.

Les données issues d’études chez le rongeur semblent être plus controversées. En effet, si on s’intéresse aux effets de l’amphétamine qui ont été très largement étudiés, il s’avère que la littérature présente des résultats très différents. En fonction du paradigme de

delay discounting utilisé, les effets de l’amphétamine semblent être diamétralement

opposés. Ainsi, alors que les études menées par Winstanley et Van Gaalen (van Gaalen et al., 2006; Winstanley et al., 2003, 2005) révèlent une diminution de l’impulsivité de choix sous l’influence d’amphétamines, les travaux réalisés au sein d’autres laboratoires mettent à l’inverse en évidence une augmentation de l’impulsivité de choix (Cardinal et al., 2000; Evenden and Ryan, 1996; Stanis et al., 2008). Ces résultats opposés semblent être la conséquence de différences méthodologiques, notamment dans la structure du paradigme de delay discounting utilisé (Winstanley et al., 2003, 2010b). De plus, il semblerait que les amphétamines soient à l’origine d’un effet dose-dépendant sur le comportement lors d’une procédure de delay discounting avec notamment une plus forte dévaluation de la grande récompense retardée induite de faibles doses d’amphétamine et une moins bonne dévaluation de cette récompense induite par des plus fortes doses (D’Amour-Horvat and Leyton, 2014).

D’un point de vue purement pharmacologique un certain nombre d’agents dopaminergiques (agonistes et antagonistes des récepteurs) ont été testés dans ces paradigmes afin de mieux identifier les mécanismes d’action de ce type de psychostimulants sur l’impulsivité de choix. Il a ainsi été démontré que l’administration de GBR 12909, un inhibiteur sélectif du transporteur de la dopamine, aurait les mêmes effets que l’administration aigüe d’amphétamines et induirait une diminution de l’impulsivité de choix dans une procédure de delay discounting (van Gaalen et al., 2006). De plus, alors que l’administration d’antagonistes D1 (SCH23390) (van Gaalen et al., 2006)et D1/2 (flupenthixol) (Cardinal et al., 2000)augmentent l’impulsivité de choix, l’administration d’antagonistes D2 ne semble pas influencer le comportement d’impulsivité de choix (Evenden and Ryan, 1996; van Gaalen et al., 2006).

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Bien que les données concernant les effets de la modulation du système dopaminergique dans l’impulsivité de choix soient variées, l’ensemble de ces études démontre néanmoins une implication du système dopaminergique. Cependant, il est encore à ce jour difficile de définir les mécanismes d’action précis par lesquelles la dopamine module l’impulsivité de choix. Au vu de l’implication du système dopaminergique dans ce type d’impulsivité de choix, nous nous sommes intéressés aux effets de la modulation du système dopaminergique dans notre premier projet visant à mettre en place une procédure d’étude de l’impulsivité de choix, afin de mieux caractériser notre modèle.