• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Impulsivité de choix

2. Etude de l’impulsivité de choix

2.2 Mesure objective de l’impulsivité de choix

Les procédures de delay discounting représentent sans conteste les procédures les plus utilisées à l’heure actuelle pour modéliser une incapacité à prioriser les récompenses futures par rapport aux gratifications plus immédiates (Ainslie, 1974). Comme nous l’avons déjà mentionné dans le chapitre précédent, les procédures de delay discounting permettent de choisir entre une petite récompense immédiate et une grande récompense délivrée après un certain retard (cf. chapitre 3).

2.2.1 Le paradigme du « delay discounting »

Le delay discounitng suggère une diminution de la préférence et de la valeur subjective attribuée aux récompenses retardées à mesure que le délai leur étant associé augmente (Ainslie, 1974; Fineberg et al., 2010, 2014; Mazur and Coe, 1987). En effet, toute récompense perd de sa valeur subjective dès lors que le délai associé à son obtention augmente (Mazur and Coe, 1987; Odum, 2011b). L’augmentation du délai associé à la grande récompense retardée conduit à une dévaluation de la grande récompense. Autrement dit, l’attribution d’un délai court à une récompense a un plus grand impact sur la valeur subjective attribuée à cette récompense comparée à un délai plus long (Odum, 2011a). L’impulsivité de choix permet donc de cette façon, de discriminer plus rapidement une grande récompense quand le coût lui étant associé augmente. Il existe donc une relation directe entre le délai associé à une grande récompense et la valeur subjective lui étant attribuée (Figure 18).

79

Toutefois, l’impact de ce délai sur la valeur de la récompense n’est pas le même en fonction de la durée de ce délai. Ce concept peut être modélisé par la formule suivante :

V = A / (1+kD)

Dans cette équation, V représente la valeur subjective attribuée à la récompense, la variable A représente la magnitude de la récompense, D représente le délai et k représente la variable faisant référence à la manière dont le délai dévalue et discrimine la valeur de la récompense. Cette variable décrit donc la façon dont la valeur est affectée par le délai. Ainsi, si la valeur numérique de k est importante, l’impact du délai sur la dégradation de la valeur sera plus important que si k était petit. Le chiffre 1 au dénominateur permet d’éviter que V soit équivalent à une valeur infinie lorsque le délai est proche de 0 (Odum, 2011a).

Figure 18: Schématisation du paradigme de delay discounting.

Les individus plus impulsifs dévaluent plus rapidement la grande récompense en fonction du délai lui étant associé que les individus moins impulsifs. (de Wit, 2009).

80

Le paradigme de delay discounting permet donc de refléter le caractère impulsif des individus et des animaux. En effet, plus la vitesse de la dévaluation de la grande récompense est rapide plus les sujets peuvent être considérés comme étant impulsifs. Autrement dit, on peut considérer que le coût associé au délai a un plus grand impact sur la valeur de cette récompense chez les individus impulsifs induisant de ce fait une discrimination plus rapide de cette grande récompense retardée au profit de la petite récompense immédiate. Ainsi, une personne très impulsive aura tendance à être plus rapidement affectée par la durée du délai et détournera plus rapidement sa préférence de la grande récompense retardée vers la plus petite récompense immédiate. Si l’on se base sur la figure 18, on peut considérer que plus la courbe de discrimination de la grande récompense se déplace vers la gauche et plus la pente de celle-ci est importante, plus le sujet est impulsif.

2.2.2 Procédures d’étude du « delay discounting » chez l’Homme

Les procédures de delay discounting utilisées chez l’Homme se basent sur une série de questions permettant d’évaluer la préférence des participants entre une petite récompense monétaire (fictive) immédiate et une plus grande délivrée après un délai (Jones and Rachlin, 2009; Kirby et al., 1999; Rachlin et al., 1991b). Ainsi, les participants doivent répondre à des questions de ce type : « Préféreriez-vous obtenir 30$ immédiatement ou 50$ dans 30 jours ? ». Tout au long de la série de questions posées aux participants, les modalités, à savoir la magnitude des récompenses proposées et le délai associé à la grande récompense varient. Le comportement de choix des sujets lors de cette procédure permet donc de définir un index d’impulsivité de choix reflétant le degré selon lequel le sujet dévalue une récompense en fonction du temps nécessaire à son obtention. Une préférence excessive pour la petite récompense immédiate reflète donc une impulsivité de choix.

2.2.3 Procédures d’étude du « delay discounting » chez l’animal

L’étude de l’impulsivité de choix chez l’animal se fait par le biais de paradigmes de «delay discounting différents. La principale différence entre ces paradigmes concerne la manière dont le délai associé à la grande récompense varie.

81

2.2.3.1 Variation automatique du délai associé à la récompense retardée

Parmi les nombreux modèles de « delay discounting » mis en place chez le rat, le plus communément utilisé fut développé par Evenden et Ryan au cours des années 1990 (Evenden and Ryan, 1996). Lors de cette procédure, le délai associé à la grande récompense varie de façon arbitraire selon des paramètres définis par l’expérimentateur. Ceci constitue l’élément essentiel de ce type de procédure pouvant donc être qualifiée d’« automatique ». Ainsi, les auteurs prennent le parti d’augmenter progressivement le délai tout du long de la session expérimentale, indépendamment des choix et du comportement des animaux. S’inspirant de cette procédure, des variations de ce modèle ont vu le jour. En effet, à défaut d’imposer une augmentation progressive du délai associé à la grande récompense, il est par exemple possible d’imposer une diminution progressive de ce délai (Mobini et al., 2002; Slezak and Anderson, 2009). De même, en fonction des choix de l’expérimentateur, la variation du délai peut soit se dérouler au cours d’une même session (Evenden et Ryan, 1996) soit d’une session à une autre (Adriani and Laviola, 2006). Il est toutefois important de mentionner que la modification de ces paramètres peut influencer les choix des animaux (Craig et al., 2014).

2.2.3.2 Variation du délai associé à la récompense retardée et ajustée en

fonction de l’animal

Hormis les procédures de « delay discounting » de type « automatique », des procédures qualifiées de « self-adjusting » sont également utilisées dans les modèles animaux.

La première étude ayant mis en place une telle procédure fut réalisée chez le pigeon à la fin des années 80 (Mazur and Coe, 1987). Depuis, les études se sont étendues à des modèles de rongeurs, permettant l’utilisation de récompenses liquides(Richards et al., 1997, 1999) ou solides (pastilles de nourriture) (Cardinal et al., 2002; Perry et al., 2005). À la différence des procédures de « delay-discounting » de type « automatique » dans lesquelles les animaux sont exposés à des délais définis de manière arbitraire par l’expérimentateur, le principe fondamental de ces procédures de « self-adjusting » (ou ajustable) repose sur l’influence du comportement des animaux sur le déroulement de la procédure. Autrement

82

dit, les animaux ont la capacité de varier le délai associé à la grande récompense en fonction de leurs choix (Cardinal et al., 2002; Mazur and Coe, 1987; Perry et al., 2005; Richards et al., 1997). Par conséquent, dans ce type de paradigme un choix répété de la grande récompense retardée entraîne une augmentation de la durée du délai avant la réception de cette récompense retardée, tandis que le choix répété de la petite récompense immédiate entraîne une diminution de la durée de ce délai.

Au même titre que les procédures « automatiques », les procédures « self-adjusting » sont nombreuses et variées. Ainsi, la modulation du délai par les animaux peut avoir lieu soit d’une session à une autre (Richards et al., 1997, 1999) soit au cours d’une même session (Cardinal et al., 2002; Perry et al., 2005). Le nombre d’essais nécessaires pour moduler la durée du délai peut également varier en fonction de la procédure employée. En général deux choix consécutifs permettent de moduler ce paramètre (Perry et al., 2005 ; Cardinal et al., 2002). De la même façon, le niveau de variation du délai associé à la grande récompense dépend de la procédure utilisée, et peut, par exemple, être modulé seconde par seconde (Perry et al., 2005).

La modulation du délai par les animaux permet de déterminer une valeur d’équilibre (point d’indifférence) qui correspond au délai pour lequel les animaux ne développent aucune préférence entre la petite récompense immédiate et la grande récompense retardée (Cardinal et al., 2002). C’est à dire que le point d’équilibre correspond au délai permettant d’attribuer la même valeur subjective à la petite récompense immédiate qu’à la plus grande récompense retardée. Les procédures de delay discounting de type « self-adjusting » utilisées actuellement ne permettent cependant pas de mettre en évidence un comportement de choix très stable (Cardinal et al. 2002). Les limites de ce type de procédure seront plus amplement traitées dans le premier projet de cette thèse visant à mettre en place une version améliorée de la procédure de « self-adjusting » du delay discounting.

83