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Méthodes d’étude de la flexibilité comportementale

Chapitre 2 : Les Fonctions Exécutives

3. Composantes des fonctions exécutives

3.3. La Flexibilité comportementale

3.3.2 Méthodes d’étude de la flexibilité comportementale

La flexibilité comportementale constitue un vaste domaine que l’on peut simplifier en deux paradigmes spécifiques, à savoir, le « reversal learning » et le « set-shifting (ou task

switching) ». Le reversal learning constitue l’un des paradigmes de la flexibilité

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d’adaptation du comportement à la modification d’une simple association contingente entre un stimulus et une récompense (Clark et al., 2004). Le set shifting est un paradigme plus complexe sollicitant l’attention des sujets sur des stimuli de dimensions différentes, les forçant à jongler entre des stratégies et des règles différentes.

Bien que quelque peu similaire, ces deux types de paradigmes mesurent néanmoins des aspects bien distincts de la flexibilité comportementale, telle que la capacité à s’adapter à l’inversion d’une association (reversal learning), ou l’attention envers des signaux de dimensions différentes (attentional set-shifting) (Audet and Lefebvre, 2017).

3.3.2.1 Modèle d’étude de la flexibilité comportementale chez l’Homme

« Reversal-learning »

Lors de ce type de procédure, le sujet est mis en présence de deux stimuli différents, A et B. Dans les conditions initiales le stimulus A est associé à une récompense (Stimulus Conditionnant Positif, SC+), alors que le stimulus B n’est associé à aucune récompense (Stimulus Conditionnant Négatif, SC-). Les conditions initiales sont conservées sur une période suffisamment conséquente de sorte à encourager la formation d’une réponse dominante avec le stimulus A. Sans en informer le sujet, les contingences stimulus- récompense sont inversées, la réponse dominante n’est plus renforcée, autrement dit le stimulus A, auparavant associé à la récompense ne l’est plus, et le stimulus B est alors associé à la récompense. Ceci constitue la phase de reversal learning. Le sujet doit dès lors adapter ses réponses et utiliser le précédent SC- en guise de SC+. Le reversal learning engendre donc une modification soudaine de l’association entre 2 stimuli et une récompense, de sorte à inverser le stimulus prédictif de la récompense et le stimulus non prédictif. Ainsi le reversal learning permet d’étudier les capacités de flexibilité cognitives, et plus précisément la persévérance, dès lors que les associations sont inversées (pour revue: Audet and Lefebvre, 2017).

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« Attentional Set-Shifting »

Lors des procédures d’attentional set shifting, les sujets sont amenés à alterner entre différentes stratégies de réponses en fonction de la présence de stimuli de dimensions différentes. En fonction de la procédure utilisée, le stimulus peut être visuel, tactile ou spatial. Les sujets doivent en premier lieu se consacrer à un seul type de stimulus pour obtenir une récompense avant d’alterner et se consacrer à un stimulus de dimension différente. Ils doivent, par exemple, commencer par être attentif à la couleur du stimulus afin d’être récompensé (couleur A, SC+ / couleur B, SC -) et orienter par la suite leur attention vers une position spatiale (droite, SC+ / gauche, SC -) en ignorant la couleur A associée précédemment à la récompense (Dias et al., 1996; Floresco et al., 2009; McAlonan and Brown, 2003). L’utilisation d’une telle procédure permet donc de mesurer la capacité des sujets à alterner entre différentes stratégies plutôt que de simplement apprendre une nouvelle association et d’inverser les contingences de l’association initiale, comme dans le cadre du reversal learning. L’une des principales procédures d’attentionnal set-shifting utilisée chez l’Homme est le Winsconsin Card Sorting Task.

«Wisconsin Card Sorting Task (WCST) »

Le WCST développé par Gant et Berg à la fin des années 40 (Grant and Berg, 1948) est de nos jours utilisé pour étudier la fonctionnalité des lobes frontaux. Lors de cette procédure, les participants sont invités à classer une série de cartes en fonction de leur couleur, de leur valeur ou bien de leur symbole. La difficulté de cette tâche réside, d’une part dans le fait que les règles d’association des cartes ne sont pas explicitement indiquées aux participants, et d’autre part du changement et de l’alternance des règles d’association au cours de la procédure. Les participants doivent donc déduire quelle stratégie d’association adopter en fonction des indications données par les expérimentateurs (association correcte ou incorrecte). La réussite à cette épreuve exige donc que les individus soient 1) attentifs aux signaux extérieurs et aux conséquences de leur action, 2) capable d’inhiber les stratégies précédemment acquises et les signaux interférents afin de les aider à mettre en place une stratégie optimale. Cette procédure est donc l’une des plus complexes puisqu’elle nécessite le recrutement de différents types de fonctions cognitives (Jurado and Rosselli, 2007).

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Outre cette procédure complexe, de nombreuses autres tâches sont utilisées afin de mesurer les capacités de flexibilité comportementale chez l’Homme. La plupart de ces procédures impliquent une alternance entre deux règles différentes. En fonction de la procédure, les participants doivent par exemple indiquer: 1) soit si la lettre leur étant présentée est une consonne ou une voyelle, soit si le nombre présenté est pair ou impair, 2) la position d’un stimulus sur un écran en mentionnant si celui-ci se trouve soit à droite ou à gauche, soit en haut ou en bas), et 3) soit la couleur soit la forme d’un stimulus (Monsell, 2003; Wylie and Allport, 2000). Les participants sont alors munis d’un clavier comprenant deux flèches de réponses (droite et gauche), chacune associée à un élément de ces différentes règles. La flèche gauche permettant, par exemple, d’indiquer à la fois une consonne, et un nombre pair, et la flèche droite permettant d’indiquer une voyelle et un nombre impair. La difficulté vient du fait que les stimuli présentés sont bivalents. Autrement dit, ils correspondent à chacune des deux règles de la procédure. Toutefois une réponse correcte lors de la première règle correspond à une réponse incorrecte lors de la seconde règle. Prenons l’exemple du stimulus « A2 », lors de la règle « Lettre », il faudrait actionner la flèche droite car le stimulus correspond à une voyelle, cependant lors de la règle « Nombre », il faudrait actionner la flèche gauche car le stimulus correspond à un chiffre pair.

3.3.2.2 Modèles animaux d’étude de la flexibilité comportementale

« Attentional Set-Shifting »

La procédure la plus communément utilisée dans les modèles animaux correspond à la procédure d’Attentionnal Set Shifting utilisé dans des cages opérantes (Figure 13). Lors de cette procédure, les animaux doivent discriminer deux stimuli visuels et deux localisations spatiales. De façon plus spécifique, les animaux sont mis en présence de deux leviers, l’un à droite, l’autre à gauche, surmontés chacun d’un stimulus visuel. Ces derniers s’allument de manière aléatoire au-dessus donc de l’un ou de l’autre des leviers. Afin d’obtenir une récompense, les animaux doivent sélectionner l’un des deux leviers en fonction de deux stratégies de réponses différentes ; une stratégie de dimension spatiale ou une stratégie de dimension visuelle. Lors de la règle de dimension visuelle, les animaux doivent sélectionner le levier associé au stimulus visuel pour obtenir une récompense. En d’autres termes, les

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animaux doivent appuyer sur le levier situé au-dessous de la lumière. A l’inverse, lors de la stratégie de dimension spatiale, ils doivent ignorer la position du stimulus visuel et sélectionner uniquement l’un des deux leviers, soit à droite, soit à gauche, indépendamment de la lumière, pour être récompensés. En fonction de la procédure utilisée, les deux stratégies peuvent s’alterner soit au cours d’une même session soit lors de sessions différentes. La difficulté de cette tâche réside donc dans le fait que les animaux doivent adapter leur stratégie de réponse en fonction des conséquences de leur choix précédent.

« Reversal learning »

Tout comme dans la procédure d’Attentional Set-Shifting, les animaux sont entraînés à discriminer soit deux stimuli visuels soit deux localisations spatiales en percevant une récompense. De façon similaire aux procédures employées chez l'Homme lors de la phase de

reversal learning, l’association précédemment établie entre le stimulus et la récompense est

inversée et les animaux doivent adapter leur stratégie de réponse afin de pouvoir être à nouveau récompensés (Schoenbaum et al., 2000).

Figure 13: Attentional set Shifting.

Les animaux doivent répondre sur les leviers en fonctions de 2 stratégies de réponse. (A) Lors de la stratégie de dimension visuelles, ils doivent appuyer sur le levier associé au stimulus visuel pour être récompensé. (B) Lors de la stratégie de dimension spatiale, ils doivent ignorer la position du stimulus visuel et continuer à répondre sur un seul des deux leviers. D’après Brady and Floresco, 2015.

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