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Chapitre 4 : Impulsivité de choix

4. Addiction et impulsivité de choix

L’impulsivité peut être considérée comme un trait de caractère universel, cependant, comme mentionné précédemment, un déséquilibre du niveau d’impulsivité peut devenir délétère et être associé à des comportements risqués et inadaptés, comme c’est le cas dans un certain nombre de pathologies cérébrales, telle que l’addiction aux drogues (Leeman and Potenza, 2012; MacKillop et al., 2011; Madden et al., 1997; Monterosso et al., 2001; de Wit and Richards, 2004). L’addiction aux drogues est donc une pathologie étroitement liée au comportement impulsif et notamment à l’impulsivité de choix. En effet il est possible de faire un parallèle entre l’addiction et l’impulsivité de choix puisque l’addiction aux drogues peut être conceptualisée comme une préférence pour une récompense immédiate (à savoir les effets euphorisants immédiats de la drogue) au détriment d’une récompense de plus grande ampleur à long terme liée à une abstinence (à savoir une meilleure qualité de vie et une meilleure vie socio-professionnelle) (Madden et al., 1997; de Wit and Richards, 2004). Ainsi, on peut considérer qu’un individu addict a tendance à dévaluer les conséquences de l’abstinence en faveur des effets immédiats que lui procurent la consommation de drogues (de Wit and Richards, 2004).

Comme c’est le cas pour la plupart des processus cognitifs (cf. chapitre1), l’interaction existante entre l’addiction et l’impulsivité peut être considérée comme étant d’ordre bidirectionnelle. En effet, il a d’une part été démontré qu’un fort degré d’impulsivité de choix pouvait être considéré comme facteur de risque pour le développement de

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l’addiction aux drogues et d’autre part que l’usage de drogues pouvait, à l’inverse, induire une augmentation de l’impulsivité de choix (Petry, 2001; Sweitzer et al., 2008; Winstanley et al., 2010b; de Wit, 2009).

4.1 L’influence de l’impulsivité de choix sur l’addiction

De nombreuse études ont permis de mettre en évidence une augmentation de l’impulsivité choix chez des consommateurs d’héroïne (Kirby and Petry, 2004), de cocaïne (Coffey et al., 2003; Heil et al., 2006; Kirby and Petry, 2004), de méthamphétamines (Hoffman et al., 2006), d’alcool (Lejuez et al., 2010; Vuchinich and Simpson, 1998) et de tabac (Mitchell, 1999; Sweitzer et al., 2008) en comparaison à des non-consommateurs. Il semblerait par exemple que l’on puisse mesurer une augmentation plus importante de l’impulsivité de choix chez des consommateurs de crack en comparaison à des consommateurs d’héroïne (Bornovalova et al., 2005) qui eux-mêmes présenteraient une impulsivité plus élevée que des individus sains (Kirby et al., 1999). Ces variations de degrés d’impulsivité pourraient être induites par les mécanismes pharmacologiques de chacune de ces drogues, mais également par l’existence d’un niveau basal d’impulsivité de choix plus élevé chez ces individus (Winstanley et al., 2010b)). Autrement dit, il semblerait qu’un degré élevé d’impulsivité de choix soit un facteur de prédisposition au développement et au maintien de l’addiction (de Wit, 2009).

Bien que l’étude de facteurs de prédisposions à l’addiction chez l’Homme semble être contrainte à des limites techniques, les travaux de Ersche ont permis une avancée considérable dans ce domaine. En effet, en se basant sur des fratries composées d’un individu diagnostiqué comme étant addict et d’un individu naïf n’ayant jamais consommé de drogue, les auteurs démontrent dans un premier temps que les individus addicts présentent un niveau d’impulsivité plus élevé que leurs frères et sœurs ainsi que celui des volontaires sains. Dans un second temps les auteurs mettent en évidence l’existence d’un niveau d’impulsivité plus élevé chez les frères et sœurs des individus addicts comparé aux volontaires sains ((Ersche et al., 2010, 2012). Ainsi les auteurs suggèrent que l’impulsivité peut être considérée comme un endophénotype ou comme un trait de vulnérabilité à l’addiction.

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Le caractère prédictif de l’impulsivité de choix a également été démontré de nombreuses fois dans des modèles précliniques (Anker et al., 2009a; Dalley et al., 2007, 2011; Diergaarde et al., 2008; Perry and Carroll, 2008). En effet, il a par exemple été montré que l’acquisition du comportement d’auto-administration de cocaïne était plus rapide chez des animaux considérés comme très impulsifs comparés à des animaux moins impulsifs ((Perry et al., 2005, 2008a)). L’impulsivité de choix semble également être associée à une consommation plus importante d’alcool chez le rat (Poulos et al., 1995)), une augmentation de l’auto-administration de nicotine (Diergaarde et al., 2008) ainsi qu’à un risque plus élevé de rechute (Diergaarde et al., 2008).

L’ensemble de ces données cliniques et précliniques suggère donc un rôle clé du degré d’impulsivité dans la prédiction du risque de vulnérabilité à l’addiction ((Dalley et al., 2007; Economidou et al., 2009).

4.2 L’influence de l’addiction sur l’impulsivité de choix

Il est connu que la consommation de drogue peut affecter l’impulsivité de choix (cf. chapitre 1). En effet, il semblerait que la consommation de cocaïne (Heil et al., 2006 ; Petry, 2003), d’alcool (Petry, 2001), ou d’héroïne (Petry, 2003) induise une dévaluation plus rapide de la perception du délai et donc une augmentation de l’impulsivité de choix comparé à des individus contrôles. En effet les études révèlent l’existence d’une corrélation entre le taux d’exposition à la nicotine chez des fumeurs chroniques et le degrés d’impulsivité de choix mesuré par une procédure de delay discounting (Ohmura et al., 2005; Reynolds et al., 2004). Ces effets sont également retrouvés chez des adolescents fumeurs qui sont donc plus impulsifs que des adolescents contrôles non-fumeurs (Giordano et al., 2002)(Reynolds et al., 2008). Tout comme la consommation de drogues influence l’impulsivité de choix, il semblerait que l’absence de drogue affecte également ce type de comportement. En effet, des études rapportent que la privation légère d’opioïde chez des individus dépendants augmente l’impulsivité de choix (Giordano et al., 2002). De la même façon, on note une augmentation de l’impulsivité de choix chez les fumeurs abstinents ((Field et al., 2006).

Les études précliniques ont également permis de confirmer l’influence de la consommation de drogues sur l’impulsivité de choix. Ainsi l’administration chronique de

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nombreuses drogues d’abus telles que la méthamphétamine (Richards et al., 1999)) ou la cocaïne (al; Koffarnus and Woods, 2013; Logue et al., 1992) induirait une augmentation de l’impulsivité de choix chez le rat.

Au vue de ces interactions entre addiction et impulsivité, l’utilisation de traitements visant à réduire l’impulsivité chez les individus addicts semble être d’un intérêt certain pour les avancées cliniques.

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Chapitre 5: « Self-Control Strength Model »