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Chapitre 3 : La prise de décision

2. Procédures d’études de la prise de décision

2.1 Etude de la prise de décision chez l‘Homme

Les travaux précurseurs de Bechara et Damasio ont fournis les premières pistes concernant les mécanismes neurobiologiques de la prise de décision en condition d’incertitude chez l’Homme (Bechara et al., 1994). Depuis, l’intérêt des scientifiques pour les processus neuropsychologiques de la prise de décision ne cesse de croître. L’élaboration de procédures permettant de simuler les décisions de la vie quotidienne, notamment en termes de récompenses, punitions et incertitudes a donc participé à l’essor des connaissances dans ce domaine et sont utilisées en clinique pour évaluer la prise de décision chez l’Homme. Dans la suite de ce paragraphe, nous développerons très brièvement trois catégories de procédures très largement utilisées dans la littérature, permettant d’évaluer différents aspects de la prise de décision : la prise de décision en condition d’incertitude (Iowa Gambling Task), en condition de risque (probability-discounting task), et en présence de délai (delay-discounting).

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2.1.1 « Iowa Gambling Task » et prise de décision en conditions d’incertitudes

La procédure initialement développée par Bechara et Damasio, connue sous le nom de « Iowa Gambling Task » est utilisée de nos jours comme référence en clinique pour étudier la prise de décision car elle permet de simuler des situations de choix de la vie réelle. Anciennement, cette procédure fut utilisée pour évaluer les altérations de prise de décision chez des patients suite à une atteinte du cortex préfrontal (Bechara et al., 1994). La procédure de l’Iowa Gambling Task offre la possibilité aux individus de choisir entre deux catégories de cartes qui diffèrent de par leur rentabilité à long terme, c’est-à-dire par la magnitude des gains et des pertes fictives qui leurs sont associés. Certains lots de cartes leur permettent d’acquérir des gains monétaires élevés mais néanmoins désavantageux à long terme et ce dû à la présence de larges pénalités imprévisibles, tandis que les autres lots de cartes permettent d’acquérir des gains plus avantageux à long terme du fait de la présence de plus faibles pénalités associées à des gains de moins grande ampleur (Figure 15).

Les auteurs ont révélé la mise en place d’une stratégie optimale chez les sujets sains se traduisant par le choix de cartes issues des lots conférant des gains instantanément de plus petite quantité et associés à des pertes moindres à plus long terme puisque cette stratégie implique l’obtention de gains plus importants à long (Bechara et al., 1994, 1999). Ainsi, une incapacité à choisir les options conférant des gains à long terme plutôt qu’une gratification plus grande et immédiate reflèterait une altération de la prise de décision.

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Depuis sa création, la procédure de l’Iowa Gambling Task a été largement utilisée en psychiatrie pour étudier la prise de décision au sein d’un large panel de patients. Ainsi, une altération des performances lors de cette procédure a pu être mise en évidence dans de nombreux troubles neuropsychiatriques, tels que la maladie de Huntington (Stout et al., 2001)), les troubles obsessionnels compulsifs (Cavedini et al., 2002; Kodaira et al., 2012; Nielen et al., 2002; da Rocha et al., 2011), la schizophrénie (Wilder et al., 1998), ou bien l’addiction (Bechara and Damasio, 2002; Bechara et al., 2001; Grant et al., 2000; Petry et al., 1998; van der Plas et al., 2009; Verdejo-García et al., 2006). De la même façon, les études ont révélé une altération des performances lors de cette procédure chez des patients souffrant d’atteintes de certaines régions cérébrales telles que l’amygdale (Bechara et al., 1999; Brand et al., 2007) et le cortex préfrontal ventromédian (Bechara et al., 1994; Fellows and Farah, 2005).

2.1.2 Prise de décision en condition de risque

Comme mentionné précédemment, la plupart des décisions impliquent un certain degré de risque. Des procédures ont été mise en place en vue d’évaluer spécifiquement la prise de décision risquée. Ainsi la procédure de « probability discounting » développée par Rachlin et collaborateurs, (Rachlin et al., 1991b) permet de faire un choix entre une petite récompense monétaire (fictive) garantie (autrement dit certaine) et une plus grande récompense monétaire (fictive) dont l’obtention est imprévisible. Au cours de cette procédure, la valeur de la récompense certaine, obligatoirement délivrée évolue progressivement mais reste inférieure à la plus grande récompense. A l’inverse, la valeur de la plus grande récompense reste fixe, bien que la probabilité de sa livraison évolue (variation croissante ou décroissante) au cours de la procédure. Dans ce type de procédure il s’agit donc de savoir si l’on préfère obtenir 60 € garantis, ou avoir 50% de chance d’obtenir 100 € ? (Lindbergh et al., 2014). L’utilisation de ce type de paradigme permet de déterminer un index de prise de risque reflétant le degré auquel chaque individu dévalue et discrimine une récompense en fonction de la probabilité de sa réception (Rachlin et al., 1991b)

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2.1.3 Prise de décision en présence de délai

La tolérance au délai est également l’un des paramètres étudié sen clinique dans la prise de décision. Ce type de procédure connue sous le nom de « delay-discounting » sera développé dans le chapitre suivant. Cependant nous pouvons brièvement la présenter : cette procédure permet d’évaluer la préférence entre une petite récompense monétaire immédiate et une plus grande délivrée de manière différée, autrement dit après un délai prédéfini (Jones and Rachlin, 2009; Kirby et al., 1999; Rachlin et al., 1991b). Au même titre que la procédure décrite précédemment, la valeur subjective de la grande récompense décroît à mesure que le délai lui étant associé augmente (Odum, 2011b). En effet, une préférence pour les petites récompenses immédiates devient à terme moins avantageuse que les grandes récompenses différées. Ce type de procédure est sans conteste la plus utilisée à l’heure actuelle pour modéliser une incapacité à prioriser les récompenses futures par rapport aux gratifications plus immédiates (Ainslie, 1975).