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Au cours du polyphénis me de re pro duction des pucerons, e n répo nse à la diminution d e la photop ériod e, sont générées des fe m elles sexupa res capables de p rod uire des feme lles sexuées, de mâles et de fe m elles asexuées. La pro duction de ce s morphes par un même individ u à partir d e cellules germinales initiale me nt ide ntiques sugg ère une re prog ram mation de la transcription de nom bre ux gènes au niveau d es cellules des germa ria, suite à la transduction d u signal photop ériodique par des voies neuro-e ndocrine. Parmi les gènes différe ntielle me nt ex primés e ntre em bryons à rep roductio n sexuée et e m bryo ns à re p roduction as ex uée (d e faç o n antérie ure à cette thèse ) nous pouvons citer Ubiquitin Lik e W ith PHD And Ring Finge r D omains 1 (uhrf1) et S uppressor O f Variegation 4-2 0 H omolog 1 (suv(4)-20H1) [G allot et al., 2012], de ux gènes codant des p rotéines impliquées da ns des mo difications de la structure de la chromatine. Les p rogram m es génétiques à l’origine de l’initiatio n d u polyphénis m e de re pro duction im pliq ue nt donc des réorga nisations chrom atinie nnes que nous avons cherché à caractérise r entre em bryons sex ués et as exués.

Afin d’étudier ces processus, nous avons utilisé un protocole permettant la prod uction d’e mb ryons à dévelop pe m e nt sexué ou a sexué sous les m êm es co nditions de p hotop ériod e à l’aide d ’un traite me nt

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horm o nal par un ana logue de l’hormo ne juvénile sur d es femelles sexupares placées en p hotop ériod e courte. C e p rotocole vise à rétablir un niveau d’horm one juvénile éq uivalent à c elui m esu ré chez des femelles parthénog énétiq ues placées en jours longs qui pro duise nt des em bryons à reproduction asexuée [Is hikawa et al., 2012], s uggéra nt donc une voie de différe nciation d es em bryons vers une rep rod uction asexuée m ainte nue par d es niveaux élevés d’horm o ne juvénile. Nous avons cherché à caractériser les m odifications de l’accessibilité de la chromatine au s ein de ces em bryons par FAI RE-seq, et l’im pact de ces m odifications de l’ouverture de la chromatine sur la transcription de gènes , en caractérisant leurs fonctions, et en tentant d ’analyse r les élém ents régulateurs putatifs pouvant se fixer au nivea u de régio ns chromatinie nnes différe ntielle me nt accessibles entre em bryons sexués et asexués.

En analysant globalem ent par la G O la fonction de gènes au sein d esq uels se trouvent d es régions chrom atinie nnes spécifiq ue m e nt accessibles e n fonctio n d u typ e d ’em bryo n, nous avons identifié chez les emb ryons sexués d e stade 18 un e nrichisse m e nt de gènes as sociés au méta bolisme d es lipid es. L’express ion d e ces gènes étant potentielle me nt régulée par d es éléme nts situés au nivea u des pics FAIRE identifiés , nous avons corrélé l’ouverture spécifique de ces régio ns génomiqu es avec le niveau d’e xpression d e gènes en fonction du m ode d e re production et du stade d e dévelop pem e nt des em bryons. Au s tade 18, nous n’avons ide ntifié qu’un seul gène différe ntiel entre em bryons sexués et asexués : un homologue d e la protéine codée par le gène slimfas t de la D rosophile q ui est sous -exp rim é chez les e m b ryons s exués, ta ndis q u’a u stade 20, le second gène le plus sous -exprim é chez les emb ryons asexués par rappo rt aux em bryo ns sexués est un homolog ue d e brum mer. Ces deux gènes sont im pliqués dans le méta bolism e d es lipid es et chez la D rosophile, une sous-e xpress ion d e slimfas t co nduit à l’a gréga tion de vésicules de stock age d e lipid es, tandis q u’une s urexpression de brum mer co nd uit à une re m obilisation d es lipides stockés dans le corps adipeux. Si la fonction de ces

gènes est conservée chez A . pisum, il est p roba ble q ue ces gènes soient im pliqués dans la s ynthèse e t éventuellem ent le stockag e de lipides a u s ein d es œ ufs non fertilisés e n cours de form atio n au sein des emb ryons sexués. En outre , l’étude des facteurs d e transcription pouva nt potentielle m e nt se fixer au nivea u des pics FAIRE spécifiques des e mb ryons sexués a révélé un e nrichissem ent d e motifs reco nnus putative me nt pa r un homolog ue p rotéiq ue de H NF4, un facteur d e transcription im pliqué dans la rég ulation de gènes im pliqués da ns la mo bilisation des lipid es et la bêta -oxydation des acid es gras pe ndant le dévelo p pem ent larvaire. Il serait cependant intéress ant de vérifie r dans les promote urs de quels gène s ce facteur d e tra nscriptio n pourrait se fixe r afin d’e n rég ule r l’e xp ression. Nos analyses suggère nt donc l’im plication pote ntielle de réorga nisations d e la structure d e la chrom atine dans la régulation de la transcription de gènes, et dans la fixation de facteurs de transcriptio n q ui auraient p our effet d e m odifier le m étabolism e des lipides chez le s em bryo ns sexués, com parative m e nt aux em b ryons as exués. Ceci sugg ère une poss ible mo dification du stockage ou tout du moins d e la re mobilisation des lipides a u nivea u d es lignées ge rminales, dan s le cadre d e la m ise en place d u p hénotype sexué.

En outre, nous avons développé plusieurs hypothèses conduisant à la conclusion que la reproduction asexuée se m ble être la trajectoire dév elopp em enta le par d éfaut pour les em bryons d e fem elles

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sexupares. Il s’avère que la transition entre les emb ryons dont la destinée re prod uctive n’est pas enco re définie (s tade 17/T 0) et les em bryons à de stinée rep rod uctive asexuée (stad e 1 8/T 1Asx) implique moins de reconfiguratio ns de l’accessibilité de la chro matine q ue la transition vers des em bryons à destinée re productive sexuée (stad e 18/T 1Sex). Ces résultats ont été obtenus alors que les femelles sexupares sont placées en jours courts, et produise nt donc naturelle me nt des emb ryons à destinée re prod uctive sexuée , tandis q ue les e m bryons à destinée ase xuée sont obtenus par perturbation de l’éq uilibre horm o nal des fem elles pa r dépôt de q uantité im portante d’un analogue d’horm o ne juvénile sur le ur abdo m e n. Ains i, m algré un potentiel « p riming » des em b ryons vers une rep rod uction sexuée en réponse à la diminution gra duelle d e la photopério de, la transition vers cette rep rod uction nécessite plus de m odifications de la structure de la chromatine, ou tout du m oins une moins gra nd e conservation de la structure d e la chromatine ouverte , q ue pour la transition vers une rep rod uction asexuée. Ceci sugg ère que la tra ns ition v ers l’ase xualité serait le p rogram me par défa ut pour un em bryo n d e stad e 17. Cette hypothès e est renforcée pa r l’a bsenc e d e détection de motifs reco nnus par des facteurs de transcriptions inductibles par l’ho rm o ne juvénile au niveau de la chrom atine des e mbryo ns as exués. Ces résultats sugg ère nt l’abse nce d’une voie spécifique d e différe nciation vers des e m bryons asex ués déclenchée de manière directe par l’ho rmone juvénile.

Concerna nt la tra nsition ve rs un mod e d e re prod uctio n sexué, les e mb ryons e ncore flexibles a u s tade 17 doivent op ére r des cha nge me nts im portants da ns l’organisation d e leur chromatine et ceci es t suppo rté par la surexpre ss ion chez les emb ryons sexués de stade 19 d ’un homologue de l’E 3 ubiquitine ligas e RN F8, im p liquée chez les ma mm ifère s dans des décom pactio ns de la chromatine. D e manière su rp re nante, les motifs d’AD N enrichis a u niveau des pics de ch romatine ouverte ide ntifiés chez les em bryons se xués pourraient co rres pond re à des sites de fixations de facteurs d e transcriptio n ind uctibles par l’ecdysone. Parmi ces FT , nous avons identifié des ho mologues de BLI MP-1, EIP75B et EIP78C. Blim p est impliqué chez la D rosophile da ns le timing d e la p upatio n en régula nt la synthèse d e 20-hydro xyecd ysone (20-E ) à partir d’ec dysone au sein du corps adip eux via la régulatio n transcriptio nnelle de βftz-f1, régulant lui-m êm e l’e xp ress ion de shade [Akagi et al., 2016]. EIP78C et EIP75B sont q uant à e ux impliqués dans l’ovogénèse , avec EIP78C qui favorise la survie des follicules en dévelo ppem ent par son activité au niveau des cellules germinales , et EIP75B qui joue un rôle dans le choix du dévelo ppem e nt ou de la dégénérescence des cham bres à œ ufs par l’inductio n ou la suppress ion de l’a poptose au sein des larves d e stades 8 et 9, chez la D ros ophile [T erashim a et Bownes , 2006 ; Ables et al., 2015]. Ainsi ces 3 facteurs de transcription p erm ettraient de réguler la synthèse d e l’ecdysone, et de perm ettre la m ise en place de l’ovogénèse au sein d es embryo ns sexués. Une voie de répo nse à l’ecdysone serait do nc responsable de l’initiation d e la repro duction se xuée chez d es em bryo ns de fe melles placées e n jours courts. Si a ucune étud e n’atteste d u rôle du l’ecdysone dans la régulation du mode de re pro duction, l’ecdysone a été montrée com m e im pliq uée dans la d éte rmination du polyphénis me de dispe rs ion des puce rons , avec une diminutio n d e la proportio n d’individ us ailés dans la descenda nce d e femelles traités avec de l’ecdysone ou un analogue, et à l’inverse une pro duction accrue d’individus ailés chez d es fem elles traitées avec des inhibiteurs de la voie de l’ecdysone [Vellic hira mm al et al., 2017]. H orm ones juvéniles et ecdysones

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sont co nnues pour interve nir ense m ble sur de nom breux p rocess us physiologiq ues – comm e la mue. Notre étude perm et d’ajo uter l’ecdysone comm e éve ntuel rég ulate ur d u polyp hénism e d u m od e de rep rod uction, e n plus d es hormones juvéniles.

Chez les insectes il est connu que les voies de signalisation de l’ho rmo ne juvénile et de l’ecdysone sont antagonistes pour de no m breux processus et c’est so uvent la résultante de cet antagonisme qui permet le bon d évelop pem ent ou le bon fonctionnem ent de ce processus. Par ex em ple, au niveau d es intestins d’A edes aegypti, d’Heliothis virescens et de T ribolium cas taneum, l’e xp res sion des gènes EcR , usp, E74, E75, HR3, broad, E93, dronc et drice est induite par le 20-hyd roxyec dysone en l’abs ence d’horm o ne juvénile, et pe rm et le d évelop pe m e nt d es intes tins par une p rolifération cellulaire. C e processus est bloq ué en prése nce d ’hormo ne juvénile, montrant ains i la cap acité de l’hormone juvénile à inhiber les voies de sig nalisation de l’ecdyso ne [W u et al., 2006 ; Parthas arathy et al., 200 8 ; Parthas arathy et Palli, 2008 ; Jindra et al., 2013]. Il est donc possible de propo ser l’hypothèse selon laquelle, chez le pucero n du pois et concernant le polyphénism e de re prod uction, l’hormo ne juvénile n’agisse en jours longs que comm e un inhibite ur de la voie de signalisation d e l’ecdysone cond uisant à une rep rod uction sexuée d es emb ryons en l’a bse nce d’horm one juvénile e n jours courts (Figure 38).

En plus d’être suppo rtée au niveau des embryo ns , cette hypothès e est égaleme nt validée par l’analyse prélim inaire de tra nscripto mes d e têtes d e fem elles p arthénog énétiq ues au 4

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stade larvaire placées en jours co urts (sexupares) ou en jours longs, où les hom ologues d es facteurs de transcription e n relation avec l’ecdysone, BL IMP-1 et EIP75B, sont surexprimés au niveau d es têtes de fe melles placées en jours courts (T ableau V), qui sont donc destinées à produire une d escend ance à repro duction sexuée.

Les résultats que nous avons générés suggèrent donc qu’e n p hotopério de lo ngue, l’horm one juvénile est synthétisée e n qua ntité suffisante pour inhibe r la voie de signalisation de l’e cd ysone, conduisant ainsi à la pro duction d’em b ryons asexués p rése nta nt des ovocytes diploïd es, sans interve ntion d’une voie de signalisation particulière e n direction des e m bryons, faisant d e la re pro duction ase xu ée une trajectoire dévelo pp em entale par défaut. En p hotop ériod e courte, la synthèse d’horm one juvénile diminue, levant l’inhibition de la voie de signalisation de l’ecdyso ne, p erm etta nt une augm e ntation de la transcription de blimp -1 et d’EIP75B au nivea u de la tête des fem elles et des em bryons et/ou de le ur lignée ge rm inale , co nduisant à la production d ’em b ryons sexués p rése ntant d es ovocytes haploïdes. Afin de vérifier cette hypothèse , il faudrait réalise r une titration de l’ecdysone au niveau de fe melles placées e n jours courts et en jours longs, ainsi que leur traitem e nt avec de l’ec dysone (ou un a nalogue) ou avec des inhibiteurs d e l’ecdysone, p uis étudier l’impact de ces traite me nt hormonaux sur le phénotyp e de la desce nda nce.

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T ab lea u V | LO C 100161053 et LO C100159482, d es hom olog ues resp ectifs de EIP78C et de Blimp -1 de D . mela nogaster, sont différentiellem ent exprim és entre des têtes de fem elles au 4

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stade larvaire p lacées e n jours long (LD ) ou en jours courts (SD ). Un protocole d ’analyse d’e xpression différe ntielle similaire à celui d écrit par [ Law et al., 2016] a été réalis é.

Aphid ge ne D rosophila L4-LD L4-SD FC p-value

LO C 100161053 Eip78C 48,70 129,6 4 1,42 5,04E-04

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Fig ure 38 | Mod èle proposé concernant l’ind uction d e la p roduction d e morp hes se xués ou ase xués a u sein d’une fe melle da ns le cad re d u polyphénis me de rep rod uction d es puce rons pa r l’hormone juvénile (JH ) et l’ecdysone. Cette hypothèse se base s ur d es do nnées tra nscriptomiq ues d e têtes de femelles au stade L4 p lacées en jours courts (photop ériod e courte) o u en jours longs (p hotopériode longue), ains i q ue sur les données d e transcriptomiq ues et d e chromatine ouve rte acquises sur des em bryons se xués ou asex ués dont l’a nalyse est dévelo ppée dans cette thès e. E n prése nce de niveaux élevés d’hormo ne juvénile (JH ), en jours longs en conditio n naturelle , ou en jours courts avec une application ectopique de kino prène , la JH inhib erait la voie de signalisation de l’ecd ysone, et les em bryons pro duiraie nt alors une lig née g erm inale diploïde cond uisant à une re prod uction as exuée. Ce progra m me est consid éré pa r défa ut, p uisq u’a ucune voie de sig nalisation à la JH ne sem ble impliquée aux niveaux transcriptionnel et chromatinien dans les embryo ns. Lorsque le niveau d’horm o ne juvénile est bas , comm e c’est le cas en jours courts en conditions naturelles , l’inhibitio n de la voie de signalisation d e l’ecdysone s e rait levée , et l’e xpression d e blimp -1 et EIP 78C augm e nterait au niveau de la tête des fe melles parthénogénétiques s exupares , et d es sites de fixation de ces facteurs de transcriptio n, ainsi que d’EIP75C , seraient alors accessibles dans la chromatine des emb ryons. C e processus conduirait à la mise en place du p hénotype repro ductif sexué, basé sur une différe nciation des lignées ge rm inales e m bryonnaires en ovocytes haploïdes.

VIII. Persp e ctive s et conclusion 0.