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1 2 I NDICIBLE ET LIMITES DU LANGAGE

Nous venons d’examiner par quels artifices Chamoiseau réussit à contrepeser l’inaccessible de l’histoire sur l’esclavage par son savoir sur le présent et par une idée de la connaissance contraire à la transparence. À présent nous réfléchirons sur les possibilités du langage à dépasser ses propres limites lorsque le réel semble informulable.

Primo Levi avait remarqué, dans Si c’est un homme, que l’impuissance à dire son expérience concentrationnaire relevait, entre autres, d’un manque expressif : « [n]ous disons “faim”, nous disons “fatigue”, “peur” et “douleur”, nous disons “hiver”, et en disant cela nous disons autre chose, des choses que ne peuvent exprimer des mots libres, créés par et pour des hommes libres293 ». Robert Antelme faisait la même observation : « il nous

paraissait impossible de combler la distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience294 ». En effet, quand l’expérience relève plus du cri que

de la parole, sa formulation devient problématique. À ce moment-là, toutes les ruses sont les bienvenues pour combler l’écart entre les faits et leur mise en paroles : stratégies d’évitement, invention de nouveaux mots, essai de reformulation, recours à l’analogie, à l’amplification ou à l’implicite, parmi d’autres. Comme nous le verrons par l’analyse de quelques exemples, le narrateur et les personnages d’Un dimanche au cachot affrontent, à leur tour, cette difficulté. Le « hoquet » en est symptomatique et la désigne clairement. Selon Bernadette Cailler, il prend forme dans la structure du roman par sa division en de nombreux micro-récits qui apparaissent sur la page comme « autant de hoquets295 ». En

effet, le hoquet cristallise l’indicible et Chamoiseau en fait même, dans son roman, le principe d’une poétique à part entière. Mais ce n’est pas la seule manifestation d’une inadéquation du langage face à la réalité décrite. Au contraire, nous montrerons que plusieurs stratégies discursives sont mises en œuvre afin de signifier, par des détours, l’indicible.

On peut signaler, tout d’abord, qu’il existe dans ce roman un certain nombre de mots qui reviennent avec beaucoup d’emphase, soit « mort », « crève », « peur » ou « cachot »,

293 Primo Levi, Si c’est un homme, traduction de Martine Schruoffeneger, Paris, Julliard, 1987 [1958], p. 192. 294 Robert Antelme, L’espèce humaine, édition revue et corrigée, Paris, Gallimard, 2012 [1947], p. 9.

295 Bernadette Cailler, « Le personnage historique en littérature antillaise : la question du genre (Delgrès,

et qui constituent, par leur réitération, des mots obsédants. En tant que procédé rhétorique, le ressassement opère comme « un moyen d’insistance obsessionnelle296 ». La reprise vise à

attirer l’attention sur l’effet que la chose provoque chez l’énonciateur, plutôt que sur le sens de la chose en soi. Autrement dit, motiver la saturation de sens d’un mot, permet au roman de montrer l’obsession ou le trauma du sujet de discours. Cependant, la réitération excessive des mots indique également une limite dans leur fonction représentationnelle. La scène intitulée « Chants » en donne une illustration en parlant de la « faim ». Elle se déroule lors de la réclusion de L’Oubliée, à un moment où l’héroïne parle à l’enfant qu’elle porte en son ventre. Ce monologue est motivé par le goût de nourriture qui revient dans la bouche de L’Oubliée après avoir vomi. Pourtant, une fois prononcée la première phrase, où elle parle de « la canne qui tue et qui fait vivre » (UDC, 162), le discours se focalise sur la faim :

Elle lui raconte la faim. Une mauvaise compagnie. On pouvait avoir faim avec le ventre bourré de terre ou de racines. La faim restait prise dans la tête sans se soucier du corps. Elle tenait les rêves, excitait les cauchemars. Un méchant commandeur. […]

La faim a nommé sa déesse : c’est l’igname. […] Le genre de chaque igname donne une faim spéciale. Il faut trouver le bon rapport entre le genre de ta faim, le genre de l’igname et le genre de la terre. L’igname-guinée, juste pour dire, te procure une faim raide par le seul fait de l’espérer, c’est pourquoi elle peut venir deux fois…

La faim a filé sa douceur : c’est patate douce. […] Et plus tu as faim d’elle, plus la patate sortira douce…

Voici le bon petit jardin des famines, des peurs et des nécessités : gombos, oseille-guinée, giraumon, mil, maïs, patates, pois de toutes qualités, piments, plantes-chance, remèdes-raziè… Jolie bordelle où le Maître n’entend hak. Hi… (UDC, 163-164)

La scène complète est plus longue et se structure selon cette même logique. L’effet qui se détache de ces passages est donc plus intense dans la globalité du monologue, mais le sens en est le même. L’énoncé raconte pourquoi la faim est une « mauvaise compagnie » et par quels aliments on peut y remédier. L’énonciation, elle, montre l’obsession de la faim et l’impossibilité de la rassasier. En effet, la répétition du mot « faim » mime à elle seule la dimension de la souffrance et signifie le manque excessif de nourriture par l’occupation démesurée que prend la répétition du mot dans l’espace de l’énoncé. Le jeu avec les différentes variétés de faim : « faim avec le ventre bourré de terre », « faim spéciale », « le genre de ta faim », « faim raide », renforce la magnitude de l’idée et montre l’existence de nuances que le mot, tel que nous l’entendons, n’exprime pas.

296 C’est une des qualités que Jean-Jacques Robrieux accorde aux figures de reprise. (Jean-Jacques Robrieux, Rhétorique et argumentation, 3e édition revue et augmentée, Paris, Armand Colin, 2010, p. 145.)

De plus, l’effet de la faim sur la patate douce – « plus tu as faim d’elle, plus la patate sortira douce… » – qui normalement est à prendre au sens figuré, a comme but ici d’introduire l’invraisemblable, afin de signifier que la faim dont parle l’esclave n’est pas de ce monde, n’est pas imaginable. Et l’accumulation des produits du « jardin des famines » traduit la teneur de la faim, c’est-à-dire son caractère insatiable. La non-coïncidence entre le signe « faim » et son référent est confirmée par la dernière remarque, où L’Oubliée affirme que le Maître n’entend rien au « jardin des famines des peurs et des nécessités ». Car si l’énoncé suggère à première vue que ce qui reste incompris du Maître est la « science » du jardin, l’énonciation montre que c’est surtout la faim, avec toute la connotation que lui attribue L’Oubliée, que le Maître et le langage des hommes libres ne connaissent pas. Ainsi, la rhétorique du passage témoigne à la fois de la hantise provoquée chez l’esclave par la nécessité désespérée de manger et met en garde le lecteur sur la non- coïncidence du signe et son référent tel que nous pouvons nous le figurer.

Une autre stratégie discursive permet dans le roman de signifier l’indicible : elle relève de l’évitement. On la trouve en acte dans quelques passages, au début du texte, lorsqu’il est question de nommer le cachot. Le procédé consiste à parler de « la chose » (UDC, 34) sans la désigner par son nom. Sur plusieurs pages, le narrateur désigne le cachot par de multiples appellations, différentes les unes des autres, repoussant le moment de confrontation avec ce qui, visiblement, semble indicible. Ainsi, avant de prononcer le mot « cachot », le narrateur parle de « la chose », « le bout de ruine », « la construction », « cette ombre », « cette voûte de pierres », « la voûte sombre », « cette horreur », « cette gueule de pierres », « une ruine affreuse » et « ce cloaque ». On remarque une gradation dans la désignation, qui va d’une description plutôt objective et non connotée de l’objet, le désignant par ses caractéristiques matérielles, vers une subjectivation des dénominateurs mettant en valeur sa monstruosité. L’évitement, dans le récit, entraîne une accumulation d’appellations qui dénote, d’une part, l’inadéquation du langage au réel, qui oblige à chercher une dénomination plus juste et, d’autre part, l’évitement du mot, en tant qu’évitement de l’objet lui-même, par l’horreur qu’il suscite297.

297 C’est ce qui arrive, par exemple, avec ce que Chamoiseau appelle la « bête-longue », dont l’horreur

Le lecteur comprendra par la suite qu’il s’agit d’une stratégie rhétorique, d’un « refus » (UDC, 41) de nommer la chose pour mieux exhiber son atrocité. L’évitement du mot devient une sorte de conjuration de son horreur. Quoi qu’il en soit, le recours du narrateur à cet effet d’indicible signale une incapacité du mot « cachot » à figurer, à lui tout seul, ce que l’objet représente. Comme si, pour approcher sa véritable réalité, il fallait, par accumulation, nommer tout ce qu’il y a de ténébreux en lui, afin qu’il puisse surgir de là une idée plus juste de son indicible atrocité. Le procédé permet ainsi de signifier et d’exhiber la difficulté à exprimer ce qui provoque l’abjection de la chose : sa « ténébreuse mémoire » (Id.).

L’inadéquation du langage amène aussi l’énonciateur à faire appel à des stratégies de reformulation. Celles-ci, comme les mots obsédants, dénoncent par leur seul emploi l’indicible. Elles fonctionnent, en ce sens, comme des mises en scène de la difficulté à dire. L’une des stratégies consiste à remplacer certains mots par d’autres mots existants, ou par des paraphrases. Il est ainsi de certains termes qui, dans ce roman, ne sont jamais, ou rarement, appliqués aux esclaves, tels que « vie », « liberté » et « gens ».

Nous aborderons l’exemple du mot « corps », employé pour référer à la liberté et à la possession de soi298. Le terme est adopté par le maçon-franc, dans l’expression « racheter

son corps » (UDC, 99), pour désigner sa condition de « nègre libre », selon le vocabulaire colonial. La substitution est fortement significative et efficace. D’une part, en refusant de se désigner « nègre libre », l’énonciateur dénonce ce que l’expression présuppose, à savoir que le « nègre », en règle générale, n’est pas libre : qu’il est « naturellement » esclave. La violence du présupposé s’explique, selon Oswald Ducrot, parce qu’il « est présenté comme une évidence, comme un cadre incontestable où la conversation doit nécessairement s’inscrire. En introduisant une idée sous forme de présupposé, je fais comme si mon interlocuteur et moi-même nous ne pouvions faire autrement que de l’accepter299. » La

substitution opérée dans le roman annule donc le présupposé, le met en évidence et le

298 « Corps » est aussi employé dans d’autres passages du roman tels que : « l’après-midi peut être lâché au

bon vouloir du corps » (UDC, 50) ; « la corne du dimanche dit : Préparez-votre-corps » (Id.). Les remarques que nous ferons à propos de ce qu’il sous-entend dans l’expression « racheter son corps » s’appliquent aussi aux occurrences susmentionnées.

relativise, en attribuant la seule responsabilité de l’implicite à son locuteur, soit le colonisateur.

L’expression « racheter son corps » est tout aussi dénonciatrice. Elle signale d’abord de manière explicite, à travers le verbe « racheter », que le corps est une chose monnayable, qu’il a été acheté par le sujet du discours et qu’il avait été acheté auparavant – renvoyant de la sorte à la traite. Mais elle présuppose aussi la réification du corps, le non-droit du sujet à son propre corps, et elle implique même, par le sous-entendu, que le sujet de l’énonciation a une vision de soi dans sa seule dimension corporelle, c’est-à-dire matérielle. L’expression montre ainsi l’aliénation du sujet et le processus de déshumanisation auquel il a été soumis et d’où il ne peut pas sortir.

Nous pourrions apporter une nuance à l’interprétation précédente, compte tenu du statut de sous-entendu sur lequel nous nous fondons. Comme l’affirme Oswald Ducrot, le sous-entendu, contrairement au présupposé, est un « fait de rhétorique300 ». Il se donne

comme surajouté par l’interprétation du récepteur, c’est pourquoi l’énonciateur peut toujours « [s]e retrancher derrière le sens littéral de [s]es paroles et laisser à [s]on interlocuteur la responsabilité de l’interprétation qu’il leur donne301. » Cette différence est

importante parce qu’elle permet à Chamoiseau de ne pas assumer le poids de l’implication que nous avons signalée. « Racheter son corps » peut aussi signifier que le sujet du discours établit une distinction entre son corps et son âme, ce qui laisserait supposer que son âme lui a toujours appartenu. La ruse de l’écrivain consiste donc à nous maintenir dans l’incertitude, à ne pas donner une vision figée de l’esclave et à conserver la force de la dénonciation de la déshumanisation, sans pour autant s’inscrire ouvertement dans une représentation stéréotypée de l’esclave aliéné. Il revient ainsi au lecteur de garder le

leadership du sens, même si tout, dans l’énonciation, renvoie à l’aliénation du personnage.

Il suivrait, en ce sens, le même principe que pour le cachot : « [j]e refuse de décrire ces cachots que les esclavagistes appelaient effrayants […] : ceux qui les ont construits doivent en assumer seuls la damnation » (UDC, 41). On sait que ce n’est qu’une mise en scène, puisque le narrateur reprend immédiatement l’expression « cachots effrayants ». Mais

300 Oswald Ducrot, Le dire et le dit, op. cit., p. 31. 301 Ibid., p. 19.

l’explicitation du refus d’assumer la responsabilité du dit, met en évidence la conscience du narrateur par rapport au poids du discours. Le recours au sous-entendu lui permet ainsi de mettre en scène l’indicible, comme si la psychologie de l’esclave lui était inatteignable et donc inexprimable et, par le même geste, Chamoiseau demeure stratégiquement dans l’opaque.

Un autre procédé de reformulation pratiqué dans Un dimanche au cachot consiste à remplacer un mot qui ne remplit plus sa fonction médiatrice de nomination, par l’invention d’un nouveau terme. Ce procédé est, comme les précédents, très « parlant ». Et même plus que les autres, parce qu’il implique le caractère exceptionnel de la chose à désigner, au point de nécessiter la création d’un néologisme. Il indique le caractère irreprésentable, et partant indicible, du référent. Le meilleur exemple en est celui de la « crève ».

« Crève », comme « mort », sont des mots obsédants dans ce roman, mais « crève » appartient au vocabulaire des esclaves. Cette restriction est significative. La nécessité de créer un nouveau terme pour désigner ce qui rassemble, par excellence, les êtres humains – on se rappellera le proverbe « nous sommes tous égaux face à la mort » – signale avec véhémence l’exclusion des esclaves, et plus généralement des noirs, de la catégorie humaine. Dans l’univers esclavagiste représenté dans Un dimanche au cachot, « vie » et « mort » perdent leur propriété référentielle lorsqu’on les applique aux esclaves. Cette réflexion attribuée à L’Oubliée montre la nuance entre les deux idées de la mort : « le peu qu’elle identifiait d’elle (comme un lieu incertain dans cette faible sensation qu’elle avait de son être) lui avait toujours paru en deçà de la mort, impossible à mourir, juste bon à crever. Donc, ce qui rendait ce peu si éclatant et si précieux, c’est qu’il n’avait même pas droit à la mort : il provenait de nulle part, se tenait dans nulle part, et n’allait vers nulle part… » (UDC, 191)

Le passage montre, avec ironie, ce qui distingue les deux termes, soit une question de droit. Chamoiseau dénonce, avec le jeu terminologique qu’il installe, un état d’injustice qui perdure même dans la mort. Enlever le droit à la mort symbolise le comble de l’existence et rappelle, en retour, qu’on a aussi enlevé à ces personnes le droit à la vie. En effet, la désignation de l’« être » de L’Oubliée, de sa personne, désigne un informulable, puisqu’on s’y réfère de manière vague – « le peu qu’elle identifiait d’elle ». Et c’est « ce peu » qui

sera retenu pour désigner la vie de l’héroïne. Ce qui constitue l’être de L’Oubliée est ainsi signifié par un manque : manque de droits, manque de vie et même manque de mort. Le recours à l’antilogie, dans l’idée d’un impossible à mourir, frappe par le paradoxe qui est développé, plus loin, avec ironie. Chamoiseau s’applique ainsi à souligner l’atrocité du social dans les plantations par l’absurdité et l’injustice qui régissent les rapports sociaux. La réflexion finale sur ce qui rend « si éclatant et si précieux » l’être de l’esclave, conclut le passage avec une ironie amère. En effet, la rhétorique est ici très efficace, puisqu’à partir de l’anéantissement total dans lequel se perçoit L’Oubliée, se sentant juste « bonne à crever », l’énonciateur établit une relation logique, à savoir la conséquence, qui se révèle absurde. Parce qu’il est logiquement incohérent de conclure qu’il est « précieux » de n’avoir « même pas droit à la mort » (nous soulignons). La justification qui en est donnée, « il provenait de nulle part, se tenait dans nulle part, et n’allait vers nulle part », exacerbe l’absurde qu’introduit le début du raisonnement, puisque l’énoncé fait l’éloge (par la répétition de « nulle part ») de l’inexistence de L’Oubliée, alors que l’énonciation, au contraire, la condamne. L’ironie s’explique ici par la dissociation énonciative entre la voix du locuteur302 – le narrateur du roman – et celle de L’Oubliée, énonciatrice des propos. La

dissociation permet au locuteur de faire entendre à travers son propos, le point de vue naïf de l’esclave, duquel il se distancie par sa lucidité.

La problématique de l’inadéquation du langage au réel, symptomatique de l’indicible, fait aussi l’objet d’une mise en scène accentuée. Nous avons déjà mentionné le rôle du hoquet. Mais d’autres façons plus explicites de monstration apparaissent par la voix du narrateur sous forme de commentaires sur son propre discours. L’exemple le plus frappant dans ce roman est peut-être celui où le narrateur commente la difficulté à exprimer « l’inextricable du monde » : « [t]out cela, j’essaie de l’exprimer avec des mots que l’écrivain emporte, que le lecteur inspecte. L’Oubliée éprouve cet indicible bien mieux que

302 Nous établissons ici la distinction entre « locuteur » et « énonciateur » établie par Oswald Ducrot : le

locuteur est « un être qui, dans le sens même de l’énoncé, est présenté comme son responsable », et les énonciateurs sont « ces êtres qui sont censés s’exprimer à travers l’énonciation, sans que pour autant on leur attribue des mots précis; s’ils “parlent”, c’est seulement en ce sens que l’énonciation est vue comme exprimant leur point de vue, leur position, leur attitude, mais non pas, au sens matériel du terme, leurs paroles. […] Je dirai que l’énonciateur est au locuteur ce que le personnage est à l’auteur. » (Oswald Ducrot,

moi car elle ne l’exprime pas en mots. Ce sont ses sensations qui les lui disent, et qui les disent pour elle. » (UDC, 322)

Le narrateur avoue, par son commentaire, la difficulté inhérente à l’écriture de son roman, par les failles du langage et les défauts de son dire. La comparaison qu’il établit avec le langage des sens lui permet de reconnaître l’échec des mots face à l’indicible. Le narrateur souligne la simplification à laquelle on soumet le réel dans toute tentative de traduction verbale. Les manques du dire sont ici source de frustration, étant donné que narrateur « essaye » alors que son personnage réussit « mieux que [lui] » par le silence.

D’autres commentaires, pourtant, contredisent la plainte du narrateur, faisant l’éloge d’un dire qui ne recherche pas l’exactitude et qui tire sa beauté, précisément, de cette confrontation avec l’indicible, de laquelle l’écrivain ne peut sortir « gagnant » que par un échec relatif. Chamoiseau exprime son admiration pour l’œuvre de Faulkner en ces termes : « On dit que le dernier souffle de Faulkner surgit dans un hoquet, un impossible à vivre, un

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