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La modélisation microéconomique et l’estimation des modèles de choix discrets nécessitent des données détaillées au niveau du décideur qui fait le choix : les caractéristiques des consommateurs (données démographiques et socio-économiques), la description de la si- tuation du choix, ainsi que les attributs des alternatives de choix des consommateurs y compris les alternatives non choisies. Par exemple, prenons le choix d’une machine à la- ver le linge. La base de données « idéale » devrait contenir tous les produits qui ont été présentés aux décideurs avec les prix correspondants, les caractéristiques techniques, etc. L’entreprise qui commercialise ces produits pourrait partager ces données. Toutefois on sera limité uniquement aux produits déjà commercialisés, aux prix et aux caractéristiques techniques données. Les choses se compliquent pour les gros équipements énergétiques pour le logement tels que le chauffage et le chauffe-eau. Une partie des ménages ira directement les acheter dans une Grande Surface de Bricolage. D’autres s’adresseront aux artisans pour l’installation et l’achat. Les troisièmes choisiront leur nouveau logement en fonction des

équipements installés ou demanderont de les installer lors de la construction du logement. Les derniers ne choisiront rien et ces équipements leur seront « imposés ». Ces choix ne sont pas comparables et pourtant on aimerait avoir les préférences de n’importe quel ménage.

On distingue deux types de données. Les données dePréférences Révélées qui sont ré- coltées directement lors des choix ou auprès des décideurs sur leurs choix passés. Elles ont l’avantage de refléter le choix réel, mais ne tiennent compte que des biens et services qui existent déjà. Par ailleurs dans la plupart des cas ces données ne donnent aucune informa- tion sur les choix non retenus, ni sur la situation du choix. C’est particulièrement le cas des données concernant le chauffage et les travaux de rénovation. L’INSEE mène réguliè- rement des enquêtes qui s’intéressent entre autre à la situation énergétique des ménages. L’Enquête Nationale Logement (ENL) étudie les conditions et les caractéristiques phy- siques de logements, les difficultés d’accès, la qualité de l’habitat et les dépenses associées (INSEE,2006). C’est une enquête quinquénaire qui propose des données complémentaires socio-économiques : informations sur les ressources, opinions des ménages, etc. L’enquête Statistiques sur les Ressources et les Conditions de Vie (SRCV) est une enquête annuelle qui se fait dans le cadre du projet européen EU-SILC10. Pour une partie des ménages enquêtés il est possible de retrouver l’historique dans les enquêtes antérieures. En 2013 le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a mené une enquête ponctuelle Performance de l’Habitat, Équipements, Besoins et Usages de l’énergie (PHE- BUS) pour connaître les performances énergétiques du secteur résidentiel11. De son côté EDF R&D mène ses propres enquêtes afin de mieux connaître le marché énergétique. Ces enquêtes sont très détaillées avec un très grand échantillon allant jusqu’à 40 000 ménages pour l’ENL, mais sont inadaptés aux modèles de choix discrets parce qu’elles ne donnent aucune information sur les alternatives de choix.

Afin de combler le manque d’information des enquêtes des préférences révélées, les enquêtes de Préférences Déclarées sont une technique qui a pour but de mettre les répondants dans une situation de choix hypothétique et d’enregistrer les choix faits. Les situations de choix doivent être modélisées avant d’être présentées aux répondants. Ainsi le modélisateur contrôle entièrement l’étude et peut introduire des biens et des technologies non présents sur le marché, ou par exemple changer les conditions d’achat pour voir les impacts de futures politiques publiques sur les comportements des gens. Cette technique est très utilisée en marketing pour introduire sur le marché un nouveau bien ou service, en ingénierie et gestion des transports ou encore pour l’évaluation des comportements ayant un impact sur l’environnement. Il existe très peu de travaux en France utilisant cette méthode pour analyser les choix énergétiques dans le secteur résidentiel tandis qu’on trouve un large panel d’études au niveau international. Les travaux qui existent sont soit très généraux soit ils ne

10. EU-SILC

Tableau 1.2: Comparaison entre les données des préférences révélées et préférences déclarées

Préférence révélées Préférences déclarées Préférences

des répondants • Choix réel• Consistant avec le marché réel • Choix hypothétique• Biais possible entre ce qui est dé- claré et ce qui aurait été choisi dans la situation réelle

Alternatives

des choix • Uniquement les alternatives exis-tantes • Manque d’information sur les al-

ternatives non choisies

• Information complète sur l’en- semble des alternatives

• Possibilité d’intégrer les biens ou services qui n’existent pas encore Attributs

des choix • Erreurs de mesures• Faible variation entre les attri- buts

• Plusieurs attributs pourront être corrélés

• Pas d’erreur de mesure

• Possibilité d’ajouter des valeurs non observées sur le marché • Modélisateur contrôle les liens

entre les attributs Environnement

de choix • Non clair • Détaillé et connu Nombre

d’observations • Un seul choix par répondant • Possibilité de faire des choix ré-pétés Source :Louviere et al.(2010)

concernent pas directement l’énergie. Citons par exemple le travail de Bonnet (2013) qui étudie les choix des logements en France et utilise le système de chauffage installé dans le logement comme l’une des caractéristiques de l’offre du logement. Soit l’enquête répond à une question très pointue soit elle est restreinte géographiquement, comme c’est le cas de l’enquête sur l’acceptabilité sociale des éoliennes menée auprès des riverains de deux sites éoliens (Terra et Fleuret,2009).

Le Tableau 1.2 compare les deux types de données. Outre les différences que nous avons citées plus haut, les données des préférences déclarées pourront avoir un biais lié au choix hypothétique. Il se peut que si on met le répondant dans la situation réelle, il se comportera différemment. Dans les données de préférences révélées le modélisateur est amené parfois à reconstituer la valeur de certains attributs qui n’ont pas été mesurés lors de l’enquête ou bien n’a pas une information claire, ce qui peut amener à des erreurs de mesures. Tandis que dans le cas des préférences déclarées le modélisateur contrôle la valeur des variables et les liens entre elles. Et finalement les enquêtes expérimentales sont moins coûteuses à mettre en place. Tout d’abord les réponses sont généralement récoltées à partir d’Internet avec en supplément la possibilité d’adaptation de l’enquête à chaque répondant. Puis, à l’opposé de l’enquête des préférences révélées, il est possible de répéter plusieurs fois le choix expérimental fait par l’individu. Ainsi si on demande de choisir 4 fois à chacun des 500 répondants, on aura 4 × 500 = 2000 observations. Etant donné que chaque type d’en- quêtes présente des points faibles et forts, nous avons décidé d’utiliser les deux dans cette thèse. Les données de préférences révélées seront utilisées pour comprendre la situation des ménages et cerner les contraintes possibles (Chapitre 2). Les données de préférences dé- clarées, quant à elles, nous permettront de comprendre les préférences réelles des ménages français (Chapitre3et Chapitre 4).