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Dans cette section nous allons décrire quelques champs de l’utilisation des modèles de choix discrets et les applications possibles en énergie.

1.6.1 Consentement à payer et prix de réservation

Le consentement à payer (CAP) (ou Willingness to Pay en anglais) – mesure le montant maximum qu’un individu consent à payer pour une amélioration d’un bien ou d’un ser- vice (Rotillon,2010). On peut distinguer deux mesures. Le CAP marginal est le montant maximal que le décideur est prêt à payer pour améliorer d’un niveau une caractéristique quantitative d’un bien ou d’un service. Par exemple dans le cas du choix de l’équipement de chauffage, nous pourrons être intéressés à connaitre combien le ménage est prêt à payer pour avoir une réduction supplémentaire d’1 % sur ses dépenses annuelles d’énergie. Sinon, le CAP est équivalent à la notion du prix de réservation. Dans les cas extrêmes quand le CAP est négatif, on parle plutôt du Consentement A Recevoir (CAR).

Notons E(Unj) l’espérance d’utilité de l’individu n pour l’alternative j où pnj est le prix

ou le montant d’investissement de l’offre j proposé à l’individu n et Xnjk l’attribut k de l’offre pour lequel on aimerait obtenir le CAP. Alors le décideur maximise son espérance d’utilité (Ben-Akiva et Lerman,1985) :

max E (Unj(Vn1, ..., Vnj(pnj, ..., Xnjk, ...), ..., VnJ)) (1.43)

Si l’état de l’attribut Xnjk s’améliore d’un niveau δx pour un coût supplémentaire δp, alors

on peut retrouver cette valeur en utilisant le théorème des fonctions implicites :

CAPXjnk = − ∂ max E(pnj,Xnjk) ∂Xnjk ∂ max E(pnj,Xnjk) ∂pnj (1.44)

Sachant que (Ben-Akiva et Lerman,1985) :

∂ (maxi∈JUni)

∂Vnj

= Pn(i), ∀i ∈ J (1.45)

CAP (Xnjk) = − ∂Vnj ∂Xnjk ∂Vnj ∂pnj (1.46)

Si la partie observable Vnj de l’utilité aléatoire est linéaire en paramètres, alors le CAP est le rapport entre le paramètre βk associé à l’attribut k pour lequel on évolue le CAP et le

paramètre γ associé au prix :

CAP (Xnjk) = −

βk

γ (1.47)

Nous avons vu plus haut que le CAP est équivalent au prix de réservation pour les attributs Xnjk qualitatifs. Le modélisateur pourrait chercher les prix de réservation pour le bien lui-

même, dans la situation de choix labélisé ou non. Prenons d’abord le choix labélisé : afin d’améliorer la performance énergétique du logement, le ménage pourrait choisir entre les différents types de travaux à faire (changer le chauffage, améliorer l’isolation des murs, remplacer les fenêtres, etc.). Dans ce cas, le modèle de choix discrets est estimé avec les constantes spécifiques aux alternatives de choix qu’on appellera βjAC dont l’une est fixée à 0. Le CAP pour l’alternative j est égale à :

CAPj = −

βjAC

γ (1.48)

Comme l’une des constantes βjAC est fixée à 0, l’alternative de référence, le modélisateur est amené à comparer les autres constantes par rapport à 0. Ainsi, le CAPj est le mon-

tant maximal que le décideur est prêt à payer en plus pour avoir plutôt l’alternative j que l’alternative de référence. Par contre le modélisateur ne connait pas le consentement à payer pour l’alternative de référence. L’une des solutions est, par exemple, de considérer que l’utilité aléatoire est équivalente à la demande stochastique12si on ajoute l’alternative

supplémentaire de choix « ne rien choisir » (Jedidi et Zhang, 2002). Ou encore Kohli et Mahajan(1991) qui proposent de considérer que le prix de réservation est le prix maximal que le consommateur est prêt à payer pour acheter le bien j au lieu d’acheter le bien qu’il préfère le plus. Anderson et De Palma (2005) considèrent que les prix de réservations ne varient pas en fonction des consommateurs, mais sont propres aux biens sur le marché. Si le prix est plus grand ou égal au prix de réservation d’un individu donné, cet individu n’achètera pas ce bien. Si le prix est strictement inférieur au prix de réservation, le consom- mateur choisira de façon équiprobable un bien parmi les biens dont les prix sont inférieurs au prix de réservation.Aksoy-Pierson et al.(2013) ne parlent pas des prix de réservations, mais ils proposent de borner la valeur du prix qui est utilisé dans la fonction de l’utilité

stochastique. Parce que le prix peut être plafonné par le régulateur du marché ou parce que le prix excède le prix de réservation du consommateur.

Dans le cas du modèle à paramètres aléatoires1.3.3.1le calcul du CAP dépend de la nature des paramètres. Les paramètres associés au prix et à l’attribut pour lequel on cherche le CAP pourront être tous les deux aléatoires. Dans ce cas l’équation (1.47) devient le rapport entre deux densités. La loi de ce rapport n’est pas connue et on ne peut donc pas en déduire la distribution du CAP. La solution la plus simple est de poser γ – une constante. Dans ce cas le rapport (1.47) devient la densité multipliée par 1/γ . La deuxième solution est d’estimer le modèle dans ce qu’on appelle « l’espace de consentement à payer » (WTP space en anglais). Rappelons que l’utilité aléatoire, dont la partie observable est linéaire en paramètres, s’écrit comme :

Unj= γ × prix + K

X

k=2

(βk× Xnjk) + ξnj (1.49)

En remplaçant les paramètres βkpar γ × βk/γ nous obtenons γ × CAPk et nous pourrons

obtenir l’estimation directe des CAP pour chaque attribut k (Scarpa et al.,2008) :

UnjCAP = γ × prix +

K

X

k=2

(γ × CAPk× Xnjk) + ξnj (1.50)

1.6.2 Taux d’actualisation implicite

Au début de ce chapitre nous avons évoqué le paradoxe de l’efficacité énergétique (Jaffe et Stavins,1994) : les ménages n’investissent pas ou peu en gros équipements énergétiques très performants et intéressants du point de vu de l’investissement. L’une des explications de ce paradoxe est que les ménages utilisent des taux d’actualisation très élevés (20 % - 200 %, voire plus) pour lesquels l’investissement n’est alors plus rentable (Min et al.,2014).

Les montants associés aux travaux énergétiques peuvent être très élevés et excéder faci- lement le revenu mensuel du ménage. De ce fait on considère le plus souvent que de tels achats sont des investissements comme par exemple l’achat d’une voiture ou du logement. Les entreprises utilisent comme un des critères de décision d’investir – la Valeur Actuelle Nette (V AN ). La V AN est la différence entre les gains actualisés sur une période du temps donnée moins l’investissement :

V AN = T X t=1  (Ft− Ft0) (1 + τ )t  − IN V (1.51)

Avec t ∈ T le nombre de périodes considérées, Ft – les dépenses d’énergie qu’engendre le nouveau équipement à la période t, Ft0 – les dépenses d’énergie à la période t avec l’ancien équipement, τ est le taux d’actualisation et IN V – le montant investi. On décide d’investir si la V AN est positive. Le signe de la V AN dépend fortement du nombre des périodes considérées et du taux d’actualisation τ . Comme le ménage n’est pas un habitué des taux d’actualisation et ne les utilisera pas explicitement, on parle souvent du taux d’actualisation implicite τim correspondant au choix effectué.

Hausman(1979) propose pour la première fois d’estimer le taux d’actualisation implicite en utilisant les modèles de choix discrets et plus tardTrain (1985) donne une revue de la littérature sur les méthodes d’estimation de ce taux. Reprenons l’utilité aléatoire Unj pour le choix de l’équipement j ∈ J :

Unj= βinvIN Vnj+ βfFnj+ βx|Xnj+ ξnj (1.52)

Où IN Vnj est le montant d’investissement, βinv – le paramètre associé à l’investissement,

Fnj la facture annuelle d’énergie pour l’équipement j et ménage n avec βf le paramètre

associé, Xnj – les autres attributs qui expliquent le choix avec βx les paramètres associés et ξnj – la part non observable de l’utilité. Les deux coefficients, βinv et βf sont utilisés

pour calculer le taux d’actualisation implicite τim:

βinv

βf

= τ

im

1 − (1 + τim)−T (1.53)

En prenant pour hypothèse que la durée de vie de l’équipement est infinie, l’équation (1.53) se simplifie et le taux d’actualisation est égal simplement au rapport entre le paramètre associé au coût et le paramètre associé au gain sur la facture. En fonction des modèles et des conditions considérées, les modélisateurs jouent sur l’équation (1.53) pour en déduire le taux d’actualisation implicite.

1.6.3 Demande indirecte, identité de Roy et modèle discret-continu

Les modèles de choix discrets ne permettent d’obtenir que les probabilités de choix pour les alternatives considérées, par exemple le choix du chauffage. Cependant il pourrait être utile d’obtenir une estimation de la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire la demande qu’engendre l’utilisation de ces équipements de chauffage. C’est ce que proposent de faire

Dubin et McFadden (1984) avec leur modèle discret-continu en s’appuyant sur la notion de la demande Marshallienne et l’identité deRoy (1947). La demande Marshallienne est définie comme le programme de maximisation de l’utilité sous contrainte budgétaire.

La fonction d’utilité indirecte reflète le maximum d’utilité du consommateur en fonction du prix du bien et du revenu du consommateur. La fonction est dite indirecte parce que de façon générale l’individu fait les choix en fonction de la quantité du bien à consommer et non directement en fonction du prix. L’utilité indirecte est trouvée en maximisant l’utilité directe. A partir de l’utilité indirecte on peut trouver la demande Marshallienne. Il existe un lien entre l’utilité indirecte et la demande Marshallienne, qui est donné par l’identité de Roy. Soit Vj l’utilité indirecte pour le bien j avec pj le prix du bien et Y le revenu du

consommateur, la demande Marshallienne dj pour ce bien est :

dj = −

∂Vj/∂pj

∂Vj/∂Y

(1.54)

Le modèle deDubin et McFadden(1984) propose une estimation simultanée des probabili- tés de choix et de la quantité d’énergie demandée pour satisfaire ces choix. La particularité du modèle est qu’il apporte une correction à la corrélation qui existe entre les résidus du modèle linéaire et l’utilité non observable du modèle de choix discrets. Le modèle discret-continu est utilisé dans plusieurs articles pour la demande d’énergie dans le secteur résidentiel. Dans cette thèse nous ne nous intéressons pas à la consommation d’énergie des équipements, toutefois il nous semble important de citer ces travaux. Tout particulièrement parce qu’ils utilisent les données de préférences révélées. Nous pourrons utiliser une partie de leurs résultats liés à la partie probabiliste du modèle.

Couture et al.(2012) s’intéressent à la consommation du bois pour le besoin de chauffage en France (Midi Pyrénées) en distinguant la principale source d’énergie et la secondaire. Les auteurs considèrent que les ménages français font face à 5 alternatives de choix : ne pas consommer le bois, consommer le bois comme la source principale d’énergie ou utiliser le bois comme source secondaire (avec l’électricité, le gaz ou le fioul). D’autres alternatives de choix ont été écartées comme non existantes ou très minoritaires. Leur modèle indique que pour chaque source d’énergie on a une combinaison des usages possibles qui est propre au type d’énergie. En utilisant l’identité de Roy ils estiment la demande de bois par les moindres carrés ordinaires.

Mansur et al.(2008) étudient à la fois la consommation d’énergie dans le secteur résidentiel et dans le secteur tertiaire aux Etats-Unis. Ils estiment la demande d’énergie afin de présen- ter les scénarios prospectifs et analyser l’impact sur le changement climatique. Ils portent un intérêt particulier aux effets marginaux des modèles de choix discrets (changement de la probabilité si une variable change, autrement dit – les élasticités). Les alternatives de choix pour les ménages et le tertiaire sont l’électricité, le gaz et le fuel. Pour le résidentiel, ils estiment deux modèles de choix en distinguant les ménages qui ont accès au réseau du gaz naturel et ceux qui n’en ont pas.

Nesbakken(1999) analyse la relation entre le choix du système de chauffage et son utilisa- tion en Norvège. La Norvège présente une particularité au niveau des sources d’énergie de chauffage présentes dans le même logement : plus des deux tiers de logements ont plusieurs systèmes de chauffage qui leur permettent de changer facilement le type d’énergie suite aux variations du prix des énergies. L’analyse se fait sur les années 1993–1995 : un modèle par année d’étude et le modèle global mais qui divise les ménages en deux catégories selon leur niveau de revenu.

Braun (2010) s’intéresse aux déterminants de chauffage résidentiel en Allemagne tout en tenant compte de deux particularités : la différence entre l’Allemagne de l’est et de l’ouest, et aussi le statut d’occupation (propriétaire ou locataire).