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Le cadre national pour les services climatiques du Burkina Faso : arrangements institutionnels et blocages bureaucratiques institutionnels et blocages bureaucratiques

Top-down approach

Chapitre 3. Des cadres nationaux pour les services climatiques dans les PED : perspectives avec le cas du Burkina Faso PED : perspectives avec le cas du Burkina Faso

3.3 Le cadre national pour les services climatiques du Burkina Faso : arrangements institutionnels et blocages bureaucratiques institutionnels et blocages bureaucratiques

Le cadre national pour les services climatiques au Burkina Faso a été développé à travers un processus de consultation et d’implication des parties prenantes qui débute en 2012, et vise tant à s’assurer de la participation des partenaires nationaux qu’à permettre d’aligner le CNSC aux priorités et politiques nationales de l’adaptation préexistantes140. Quatre années constituent la phase d’élaboration du CNSC (2012-2016), qui est financé à travers le Cadre mondial à hauteur d’un milliard de FCFA (environ 1,5 millions d’euros). Lors de cette phase d’élaboration, des ateliers pluridisciplinaires, organisés par le service météorologique national burkinabè, regroupent une série de partenaires invités à discuter de l’élaboration du Cadre national, afin de former une « chaîne nationale

139 Le Sénégal est un pays où le CCAFS a conduit de nombreux projets de services climatiques, et il est souvent cité en exemple pour leur diffusion dans l’ASS. Ceci explique peut-être qu’il se situe à une étape ultérieure dans la consolidation des services climatiques sur leur territoire. Toutefois, ceci est également le cas du Mali, dont les activités reprises reflètent des priorités très différentes (cf. Tableau 9).

140 Puisque nous nous concentrons sur le cas burkinabè à présent, les mentions du CNSC du Burkina Faso sont reprises par l’acronyme plus général de CNSC, ou l’appellation Cadre national.

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des services climatiques » au Burkina Faso et participer à l’identification des besoins sectoriels. Ces ateliers ont chaque fois rassemblé entre 50 et 60 participants, représentant les producteurs et des utilisateurs d’informations climatiques, des communicateurs et les partenaires techniques et financiers potentiels. L’OMM, au niveau du CMSC, supervise le processus et amende le texte en préparation (ITV 40). L’atelier final de validation du CNSC, valable pour 2016-2020, s’est tenu les 14 et 15 avril 2016 (ITV 33). Après validation de son Cadre national, le Burkina Faso a été sélectionné par le Cadre mondial pour les services climatologiques en tant que pays pilote pour l’Afrique francophone pour le développement des cadres nationaux pour les services climatiques (ITV 33, 40).

Comme nous l’avons mentionné supra, le CNSC burkinabè reprend les cinq secteurs prioritaires d’intervention identifiés par le Cadre mondial, pour rappel l’agriculture et la sécurité alimentaire, la santé, la gestion de l’eau, la réduction des risques de catastrophes et l’énergie.

Cette section passe en revue les arrangements institutionnels du CNSC, les acteurs impliqués et actions entreprises par le Cadre, ainsi qu’un premier état des lieux de sa mise en œuvre. Elle s’appuie quasi exclusivement, de même que les sections suivantes de ce chapitre, sur les études de terrain que nous avons menées à ce sujet. A cet égard, nous reprenons pour débuter quelques éléments relatifs à la collecte de données que nous avons opérée.

3.3.1 Eléments méthodologiques

Notre analyse du cadre national pour les services climatiques du Burkina Faso s’appuie sur une série

d’entretiens conduits à ce sujet à Ouagadougou (Burkina Faso) entre 2016 et 2019, ainsi qu’une observation non participante au forum régional de prévisions climatiques de l’année 2016. Pour

rappel, les entretiens effectués, et des détails sur leurs modalités, sont repris en Annexe 1. Les entretiens conduits, 52 au total, sont semi-dirigés, et les guides utilisés pour ce faire sont consultables en Annexes 2 et 3. Les données issues de nos entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique autour des

besoins exprimés, de la perception et de l’utilisation actuelle des informations climatiques.

L’identification de ces thèmes est liée à l’exploration de deux de nos sous-questions de recherche, à savoir la cohérence entre l’offre proposée par le Cadre national et les demandes émanant d’utilisateurs, ainsi que les effets des services climatiques pour les utilisateurs à l’échelle nationale. Cette grille d’analyse a servi de base à l’exercice partiel de retranscription des entretiens auquel nous nous sommes livrée, et une partie des résultats que nous en tirons est proposée sous forme de tableaux schématiques repris dans l’Annexe 5. En grande majorité, les interlocuteurs rencontrés correspondent aux partenaires du CNSC tels qu’identifiés par le service météorologique du Burkina Faso, et ayant donc participé à l’élaboration du Cadre national. Occasionnellement, des acteurs concernés par les thématiques couvertes, mais non partenaires du Cadre national, ont été inclus sur base d’une méthode de boule de neige. Les interlocuteurs rencontrés pour cette analyse sont de quatre types : producteurs et coproducteurs de services climatiques à l’échelle nationale (18 entretiens) ; communicateurs

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d’informations climatiques (2 entretiens) ; utilisateurs de services climatiques à l’échelle nationale (28 entretiens) ; institutions internationales pertinentes, y compris des bailleurs potentiels (5 entretiens)141.

3.3.2 Arrangements institutionnels du Cadre national pour les services climatiques du Burkina Faso : acteurs, rôles et mandats

Le principal producteur de services climatiques au Burkina Faso est l’agence nationale de la météorologie (ANAM), qui est une structure indépendante, c’est-à-dire autonome dans les décisions et

les budgets, depuis le 22 décembre 2016142 (ITV 33). Autrefois structure centrale du Ministère des transports, elle est aujourd’hui placée sous la tutelle technique du Ministère et chargée du suivi et de la mise en œuvre des politiques météorologiques et climatiques sur le territoire burkinabè. D’après le Haut représentant de l’ANAM (ITV 33) que nous avons rencontré, ce statut indépendant vise à ce « que cela

fonctionne mieux. […] Cela permet de donner des « ordres » aux autorités. En Afrique, les services météo sont souvent disparates parce qu’ils n’ont pas l’autonomie ». Le statut d’agence permet aussi de

faciliter la mise en place de partenariats public - privé (Harvey et al., 2019), ce qui correspond à un souhait de l’ANAM (ITV 33, 35, 38). L’ANAM fournit des informations quotidiennes sur les températures minimales et maximales du jour actuel et du lendemain, la quantité de pluie (en millimètres) attendue et l'état de la visibilité dans différentes régions géographiques. En outre, elle contribue à l’élaboration de bulletins de prévision pour le secteur agricole. Enfin, l’ANAM est l’acteur

central d’élaboration, de coordination et de mise en œuvre du CNSC, conformément aux

prescriptions de l’OMM et du Cadre mondial (ANAM, 2016). Elle est ainsi chargée de rassembler, harmoniser et soutenir le développement des services climatiques au Burkina Faso.

Pour la production des informations, l’ANAM travaille en collaboration avec la Direction générale des

ressources en eau (DGRE) du Burkina Faso, qui est chargée de la collecte, du traitement et de la

fourniture des informations hydrologiques. A cet égard, l’ANAM et la DGRE sont les deux principaux producteurs d’informations climatiques au Burkina Faso. La DGRE fournit par email des informations brutes à l’ANAM, à des représentants de Ministères et parfois à des agriculteurs locaux, mais n’opère aucun travail sur ces données (ITV 41). Elle ne dispose d’aucun outil de communication systématique avec les utilisateurs, et les représentants que nous y avons rencontrés affirment d’ailleurs être peu concernés par la question de l’accès aux informations, celle-ci relevant d’après eux d’autres structures (ITV 41, 42).

Une autre source de données climatiques au Burkina Faso émane du programme « SAAGA » (signifiant pluie en langue mooré), attaché à l’armée, dont l’objectif est d’augmenter les précipitations par ensemencement des nuages, en recourant notamment à la voie aérienne. Les gestionnaires du

141 Nous reprenons ici les catégories d’acteurs envisagées par le Cadre national. Comme nous le verrons toutefois, celles-ci ne sont en réalité pas étanches et certains acteurs rencontrés se situaient eux-mêmes dans une, voire deux autres catégories.

142 Elle était précédemment la « Direction générale de la météorologie ». Nos enquêtes ayant été menées avant et après la formation de l’ANAM, nous avons connu les deux appellations. Par facilité, nous nous référons toutefois à l’ANAM chaque fois que nous évoquons le service météorologique burkinabè, conformément à la situation actuelle.

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programme sont d’ailleurs partenaires du CNSC, mais ne collaborent pas avec l’ANAM à ce jour, et ne sont donc pas repris à ce titre en tant que producteurs de services climatiques dans le Cadre national. Les données sont prélevées par les avions du programme, disposant d’un petit laboratoire, chaque vol enregistrant un certain nombre de paramètres (humidité, vent, particules) qui pourraient potentiellement être intéressants pour la prévision à court terme et les bases de données météorologiques du pays (ITV 43). La personne du programme que nous avons rencontrée admet toutefois que, si SAAGA a permis de collecter un nombre impressionnant de données (le programme ayant démarré dans les années 1990), aucun suivi scientifique n’a jamais été opéré ni sur les méthodes de collecte, ni sur la capitalisation des données. Leur qualité n’est donc pas garantie (ITV 43)143.

Par ailleurs, les produits et projets de services climatiques sont régulièrement appuyés par l’existence de collaborations avec des centres régionaux de recherche sur le climat (et réciproquement) ainsi

que des partenaires internationaux de recherche, qui peuvent également être des bailleurs pour ces

derniers. Parmi les centres régionaux de recherche, citons principalement le Centre africain pour les applications de la météorologie au développement (ACMAD) ; le comité permanent inter-Etat de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILLS) ainsi que l’institution spécialisée qui en dépend, le centre régional de recherche AGRHYMET ; et le Centre ouest-africain de service scientifique sur le changement climatique et l'utilisation adaptée des terres (WASCAL).

Enfin, plusieurs acteurs ayant des mandats interdépendants peuvent participer à la production

de services climatiques personnalisés, selon la demande. Leur participation n’est pas systématique

mais leur intégration est l’un des objectifs poursuivis par le Cadre national. Dans une certaine mesure, ce sont ces acteurs qui sont invités aux discussions d’élaboration du Cadre national burkinabè et identifiés comme partenaires de la chaîne nationale des services climatiques au Burkina Faso.

Il s’agit des :

- Partenaires techniques et ministériels, représentants de secteurs et considérés à titre de coproducteurs de services climatiques ;

- Communicateurs à grande échelle des services climatiques, mêlant les médias, les médiateurs entre scientifiques et industriels, les partenaires au niveau rural ;

- Les utilisateurs finaux de services climatiques, surtout les décideurs, les planificateurs et les populations vulnérables.

143Notre passage à la base militaire pour discuter du programme SAAGA a en outre mis en lumière un problème qui est probablement récurrent au Burkina Faso (et ailleurs en ASS) : ayant été invitée à consulter les « données » collectées par le programme en question, nous avons eu la possibilité de visiter la pièce où elles étaient stockées. Celles-ci étaient principalement rassemblées sur la mémoire de deux ordinateurs qui n’avaient pas été remplacés depuis le début du programme, et de plusieurs dizaines de disquettes non triées et éparpillées dans la pièce. En d’autres termes, un grand nombre de données dormantes qui n’ont certainement jamais été consultées.

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L’identification des partenaires invités à l’élaboration du Cadre a été conduite par un ancien climatologue de l’ANAM, qui a eu un rôle déterminant dans la mise en place du CNSC du Burkina Faso (ITV 40). Elle a toutefois été cadrée par le CMSC, dans la mesure où elle repose sur une identification par secteurs d’intervention prioritaires tels que repris dans le Cadre mondial (ITV 33, 40) ainsi que sur la « chaîne de valeur des services climatiques » proposée dans le guide d’élaboration de l’OMM. Si nous émettons une réserve quant à la liste d’acteurs identifiés comme parties prenantes de la chaîne nationale et en comparaison avec les partenaires effectivement invités aux groupes de travail de l’élaboration du CNSC, c’est parce que cette liste est généraliste plutôt qu’exhaustive, et il est évident que tous les acteurs correspondant à ces catégories n’ont pas effectivement été invités ou n’ont participé à chacune des réunions de préparation du CNSC. Par ailleurs, la catégorie des acteurs dits « populations vulnérables », à titre d’utilisateurs, n’ont pas été partie prenante de l’élaboration du Cadre, aucun mécanisme n’ayant été prévu pour les y intégrer (Lugen, Article n°6, 2017).

Tous ces acteurs se retrouvent toutefois dans un ensemble figuratif formant la « chaîne nationale des services climatiques », et conçue dans une optique pyramidale comme suit (voir Figure 17) :

Figure 17 : Chaîne nationale des services climatiques au Burkina Faso