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Tableau 1 : Typologie de Michael Burawoy sur les approches en sciences sociales... 20 Tableau 2 : Démarche méthodologique de la thèse, en lien avec l’approche « multiniveau » ... 34 Tableau 3 : Echelles de temps dans la prévision atmosphérique ... 46 Tableau 4 : Principes de direction et de mise en œuvre du Cadre mondial pour les services

climatologiques ... 64

Tableau 5 : Cadrages autour des services climatiques dans la littérature ... 104 Tableau 6 : Corrélations entre cadres dans la littérature sur les services climatiques (n = 161)... 113 Tableau 7 : Eléments d’un nouveau professionnalisme pour mettre en œuvre un paradigme

d’apprentissage ... 121

Tableau 8 : Programmes phares du Programme de recherche sur le changement climatique,

l’agriculture et la sécurité alimentaire ... 127

Tableau 9 : Composantes de cadres nationaux pour les services climatiques en Afrique de l’Ouest 171 Tableau 10 : Besoins en informations et services climatiques identifiés par le Cadre national pour les

services climatiques du Burkina Faso ... 179

Tableau 11 : Composantes et activités prévues par le Cadre national pour les services climatiques du

Burkina Faso ... 182

Tableau 12 : Décisions agricoles influencées par les informations climatiques ... 239 Tableau 13 : Contenu des prévisions du pack AgInfo ... 257 Tableau 14 : Profil des agriculteurs interrogés sur le site Dano (n=120) ... 259 Tableau 15 : Besoins en informations climatiques exprimés par les agriculteurs modèles du projet

APTE-21, site de Dano ... 261

Tableau 16 : Stratégies d’adaptation, types d’informations climatiques correspondants et ressources

nécessaires pour mettre en place ces stratégies (site de Dano) ... 269

Tableau 17 : Typologie de la participation de Pretty (1995) ... 285 Tableau 18 : Facteurs influençant les capacités d’adaptation locales ... 288 Tableau 19 : Nos pistes de réflexion et principales recommandations ... 314

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Introduction

Cette entrevue initiale avec notre thèse vise à la fois à proposer une première mise en contexte du concept qui y est central : les services climatiques conçus pour l’adaptation au changement

climatique ; et à décrire notre approche de travail, en reprenant les registres théoriques et

méthodologiques nous ayant orientés.

A cet effet, l’introduction est décomposée en plusieurs sections, respectivement : une mise en contexte générale des services climatiques ; une description des fondements de la thèse et une exposition des questions de recherche poursuivies par la thèse ; un passage en revue des champs théoriques et notions centrales constituant la thèse ; une revue de notre démarche méthodologique ; et, finalement, la présentation brève de la structure du document de thèse et des limites de notre approche.

Contexte général

Lors de la troisième Conférence mondiale sur le climat (CMC-3) qui s’est tenue du 31 août au 4

septembre 2009 à Genève, les chefs d’Etats et de gouvernements, Ministres et chefs de délégations

décident à travers la déclaration de Conférence d’établir un Cadre mondial pour les services

climatologiques (CMSC), sous l’égide des Nations Unies, et coordonné par l’Organisation

météorologique mondiale (OMM) (OMM, 2009a). Il s’agit de la « première grande initiative de l’unité

d’action des Nations Unies pour ce qui est de la connaissance du climat »1 (Zillman, 2009). Le manque d'informations utiles sur le climat ayant été régulièrement pointé comme constituant un obstacle à l'adaptation au changement climatique (CC) (e.g. Birkmann et von Teichman, 2010 ; Begum et Pereira, 2013 ; Pasquini et al., 2013 ; PNUE, 2014), de nombreux auteurs mais aussi des organisations internationales (OI) comme l'OMM et la Banque mondiale (BM) identifient un besoin de disposer

d'informations climatiques permettant de faciliter la planification au niveau national, ainsi que les

politiques et la prise de décision dans un ensemble de secteurs sensibles au climat (e.g. BM, 2008 ; Hanger et al., 2013 ; Bokoye et al., 2014 ; Vaughan et al., 2014). Cette reconnaissance grandissante s'est cristallisée autour du concept de services climatiques, rencontrant une apogée avec la création en 2009, et la consolidation par son établissement formel en 2012, du Cadre mondial pour les services climatologiques2.

Le Cadre mondial pour les services climatologiques est ainsi conçu pour répondre aux besoins d’informations liés à la variabilité et au changement climatique, ainsi qu’aux réponses qu’il s’agit de leur apporter, particulièrement en termes d’adaptation au changement climatique. Les services

climatiques (SC), concept au centre de cette nouvelle structure mondiale et de notre thèse,

1 Notre traduction.

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s’entendent comme l’ensemble des informations issues de la climatologie et fournies de telle manière qu’elles facilitent la prise de décision à différents niveaux de la société (Tall, 2013).

L’émergence du concept de services climatiques résulte de trois facteurs contingents.

Premièrement, le développement remarquable des sciences du climat à la fin du 20ème siècle, grâce à l’introduction de nouvelles technologies (telles que les satellites, les radars, les superordinateurs3, la numérisation et une série de technologies de l’information et de la communication) a conduit à une compréhension accrue et affinée du système climatique, ainsi que la production successive de nouveaux produits climatiques, tels que des prévisions saisonnières et projections sur base de scénarios multiples (Vaughan et Dessai, 2014). Par conséquent, la question de savoir comment utiliser ces nouvelles connaissances s’est naturellement posée (Ibid.).

Deuxièmement, le débat sur le changement climatique et les risques associés, depuis la fin du 20ème siècle, devient un enjeu majeur sur la scène internationale. Ce débat s’organise à travers un processus multilatéral dont le niveau d’institutionnalisation est le plus complexe de toutes les structures de coopération internationales confondues (Aykut et Dahan, 2015). La signature de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992 (CCNUCC, 1992) et l’organe de décision politique qui en découle (les Conférences des parties (COP)) constituent deux des outils phares de ce processus. Les délégations d’Etats y discutent entre autres des « solutions » pour faire face au changement climatique. Les services d’informations climatiques, ou services climatiques, sont conçus dans le cadre de ces discussions.

Troisièmement, enfin, les services climatiques s’inscrivent à la marge de débats plus vastes sur le rôle de la science pour la société. De nombreux auteurs s’interrogent sur les moyens de rendre la science

plus « utile » aux besoins de la société, et proposent dans cette optique des moyens alternatifs de production, de diffusion et de communication des savoirs, tels que la coproduction des connaissances (voir par exemple Tribbia et Moser, 2008 ; Moser, 2010 ; Reinecke, 2015) ou encore le recours à de nouveaux outils agissant sur les capacités cognitives, comme des images, des métaphores ou des histoires (ITV 6, 24). Dans ce cadre, les services climatiques se conçoivent comme une forme de communication scientifique impliquant la présence de deux ou plusieurs groupes d’acteurs : producteurs d’informations, utilisateurs, et parfois intermédiaires entre eux (par exemple des communicants, médiateurs, traducteurs, courtiers).

3 Un superordinateur est un ordinateur dont les performances atteignent ou avoisinent la vitesse de fonctionnement la plus élevée qui existe au moment de sa conception. Les superordinateurs sont généralement utilisés pour des applications scientifiques et techniques devant gérer des bases de données de très grande taille, effectuer un grand nombre de calculs ou les deux (définition du dictionnaire technologie de l’information en ligne WhatIs.com :

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D’après nous, la logique justificatrice derrière la mise en place des services climatiques s’inspire du

modèle du déficit des connaissances, dominant depuis les années 1980 le champ de la communication

scientifique (Hulme, 2009 ; Simis et al., 2016). Ce modèle repose sur l’hypothèse que l’ignorance est la base du manque de soutien sociétal, y compris au niveau des décideurs, à une variété de questions scientifiques et techniques. La science est ainsi perçue comme ayant une place prépondérante dans la formation des opinions individuelles et collectives (Hulme, 2009). Cette approche présuppose que les connaissances scientifiques communiquées au « grand public » seront comprises et interprétées par l’ensemble des récepteurs de manière identique, en vertu de leur rationalité (Miller, 1983).

Cette hypothèse n’est pas nécessairement validée. En effet, de nombreuses recherches empiriques, émanant notamment du champ des sciences, technologies et sociétés, des études de l’information et de la communication ou encore des sciences politiques, la remettent en question en démontrant que la communication scientifique est en réalité plus complexe et qu’une série de facteurs contextuels comme les croyances religieuses, les valeurs ou les idéologies, influencent de manière déterminante le comportement de recherche d’informations ainsi que la prise de décision qui en découle (e.g. Sturgis et Allum, 2004 ; Davies, 2008 ; Brossard et al., 2009 ; Hulme, 2009 ; Nisbet et Scheufele, 2009 ; Yeo et al. 2015). Toutefois, le modèle du déficit persiste dans les milieux scientifiques et la production de

nouveaux savoirs reste largement promue comme solution pour répondre à une série de problèmes sociétaux, dont le changement climatique (Simis et al., 2016).

Bien que le terme ‘service climatique’ désigne un champ de réalités relativement vaste – et sans doute moins nouvelles qu’il n’y parait (nous y reviendrons), son succès depuis l’établissement du CMSC est indéniable. Durant la dernière décennie, une communauté des services climatiques (Adams et al., 2015 ; Jones et al., 2016 ; Street, 2016) prend place et s’institutionnalise. Des initiatives de services climatiques sont établies à des niveaux régional, national et local, dans toutes les régions du globe (Vaughan et Dessai, 2014 ; Jones et al., 2016 ; Lourenço et al., 2016 ; Lugen, Article n°1, 2019). Les promesses de financement ou fournitures effectives de fonds vont également croissant. Au niveau académique, la recherche sur les services climatiques augmente considérablement, singulièrement depuis 2014 (Lugen, Article n°1, 2019). Entre autres accomplissements, les services climatiques voient florir, sur cette même décennie, une conférence internationale dédiée, la création d’une revue à comité de lecture, l’établissement de plusieurs plateformes internationales et régionales, ainsi qu’une série de

webinars lancés notamment par ces dernières. Par ailleurs, les services climatiques s’établissent, en

vertu d’une tendance récente qui semble s’accroître, dans un modèle « business » qui favorise la mise en place d’un marché des services climatiques, ainsi que leur commercialisation (Webber, 2017 ; Keele, 2019). Cette orientation résulte notamment de l’impulsion opérée en sa faveur par un certain nombre d’organisations internationales qui promeuvent le développement des services climatiques, en tant que nouveau marché pour les producteurs d’informations et à titre de réduction des risques pour les secteurs concernés. C’est le cas, notamment, de l’Union européenne (UE), de l’agence américaine de

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coopération au développement (USAID) ou encore de la Banque mondiale. Au final, pour certains auteurs, les services climatiques représentent rien moins qu’un nouveau paradigme (McNie, 2013 ; Harjanne, 2017), c’est-à-dire « les structures théoriques générales (explicites et implicites) ou les

courants de pensée au sein desquels prennent place des recherches, des enquêtes ou des analyses des phénomènes sociaux » (Martin, 2010). Autrement dit, les services climatiques s’affirment comme un

nouvel objet d’étude à la fois dans ses contenus (les idées, les théories et les connaissances) ainsi que son support (la communauté scientifique qui les porte) (Ibid.).

Fondements de la thèse

Il est probable que l’attention que concentrent aujourd’hui les services climatiques perdure dans les prochaines années, parallèlement à la prise de conscience des impacts du changement climatique déjà existants et à venir. C’est du moins la position prise par les épistémologues du risque4 : la survenue et la projection d’impacts influencent la nécessité et l’urgence perçues de mettre en place des stratégies face au changement climatique, comme l’adaptation ou l’augmentation de la résilience. Les services climatiques sont présentés comme un moyen de renforcer l’une et l’autre, pour faire face aux risques liés au climat.

A cet égard, et avant de présenter les fondements de notre thèse, nous opérons un bref détour sur la manière dont la communauté internationale traite la question du changement climatique, en montrant comment les services climatiques en émanent et présentent une figure de « réponse » face à cet enjeu. Ensuite, nous répondons plus distinctement à la question simple qui nous anime dans cette section : à savoir, pourquoi avons-nous mené une thèse sur les services climatiques conçus pour l’adaptation dans les pays en développement ?

Les services climatiques : une réponse institutionnelle face au changement climatique

« Aucun défi ne représente une telle menace sur les générations futures que le changement climatique » (Barack Obama, ancien président des Etats-Unis, en 2015).

« Il s’agit probablement de la tâche la plus difficile que nous nous soyons donnés, qui est celle de transformer intentionnellement le modèle de développement économique, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité » (Christina Figueres, ancienne secrétaire

exécutive de la CCNUCC, en 2015).

« Nous devons garder les combustibles fossiles dans le sol et nous devons nous concentrer sur l’équité. Et si les solutions au sein du système sont à ce point impossibles à trouver, peut-être faut-il changer le système lui-même »5 (Greta Thunberg, militante pour la cause

climatique, en 2018).

4 Ülrich Beck en est la figure maîtresse. Son hypothèse est celle d’une rupture à l’intérieur de la modernité, qui n’aurait pas tenu ses promesses : les inégalités, la misère, la pollution, l’insécurité alimentaire etc… n’ont pu être résorbées par les sociétés industrielles. Il présente sous la forme du « risque » un ensemble de menaces pesant sur nos sociétés post-industrielles, parmi lesquelles les crises environnementales, dont le changement climatique (Beck, 2001).

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Le changement climatique est l’un des plus grands défis du 21ème siècle, tant pour l’environnement que le développement. Tel est du moins l’avis de nombreux auteurs, acteurs de la société civile et

personnalités politiques. Les citations reprises à la page précédente, à titre de témoignage, illustrent surtout l’extrême difficulté à laquelle sont confrontés les dirigeants pour résoudre ce problème : loin

d’être le récit de paramètres atmosphériques, le changement climatique est une histoire politique, sociétale, économique, d’êtres humains et d’inégalités.

Les impacts actuels et potentiels du changement climatique sont synthétisés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) depuis 1990, à travers la publication de rapports successifs reprenant l’état des connaissances scientifiques sur le sujet. Le cinquième et dernier rapport d’évaluation6, datant de 2014, affirme entre autres qu’en conséquence du changement climatique, la température moyenne du globe augmente, le niveau des mers et océans s’élève, les régimes pluviométriques sont perturbés et les quantités de neige et de glace ont diminué. La fréquence et l’intensité des événements extrêmes, comme les vagues de chaleur, les cyclones, les sécheresses ou les inondations, sont également en augmentation. Ces impacts, agissant sur la biosphère, ont des conséquences à leur tour sur la qualité des écosystèmes, la biodiversité et les différentes composantes des systèmes humains. Ainsi, la disponibilité et la qualité de l’eau, les systèmes agricoles, les infrastructures, les hébergements, la distribution des vecteurs de maladies sont autant d’aspects susceptibles de subir des modifications importantes, majoritairement négatives, en l’occurrence du changement climatique (GIEC, 2014).

Face aux projections du GIEC, l’approche dominante promue par la communauté internationale de gouvernance du climat, principalement représentée par l’organe de négociation émanant de la CCNUCC, c’est-à-dire les COPs, est de mettre en place des mesures de réduction des gaz à effet de

serre (GES), ce qu’on appelle communément l’atténuation du changement climatique. En 2009,

lors du Sommet de Copenhague (COP-15), les Parties à la CCNUCC se sont fixées comme objectif de contenir l’augmentation des températures en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, c’est-à-dire autour de 1750. Le Sommet de Paris (COP-21), en 2015, réitère cet objectif et le rend même davantage ambitieux, en proposant de poursuivre « l'action menée pour limiter l'élévation de la

température à 1,5 °C » (CCNUCC, 2015 : Accord de Paris, article 2.1), compte tenu des implications

significatives sur les risques et les effets du changement climatique d’un tel seuil7.

6 Outre les rapports d’évaluation, le GIEC produit certains rapports spéciaux épisodiques.

7 Nous n’allons pas nous attarder sur la signification de cet objectif, qui a toute son importance mais pas tout à fait sa place dans notre thèse. Brièvement, notons simplement que l’objectif de 2°C est souvent présenté comme ‘scientifique’, dans la mesure où il traduirait le seuil au-delà duquel les impacts du changement climatique seraient considérés comme ingérables. Il n’est toutefois ni formellement scientifique, ni tout à fait politique. L’introduction de l’objectif 1.5°C résulte d’ailleurs du constat selon lequel un tel niveau de réchauffement est déjà intolérable pour des communautés d’êtres humains, et particulièrement les petits Etats insulaires en développement. Cet objectif doit plutôt se comprendre comme le résultat de négociations complexes au sein de la CCNUCC, partiellement basé sur les connaissances scientifiques et cherchant à intégrer des intérêts politiques et économiques extrêmement divergents.

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Respecter cet objectif requiert de réduire drastiquement et rapidement les niveaux d’émissions de GES. D’après le Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C (2018), limiter l’augmentation des températures de la Terre à 1,5°C (par rapport aux températures préindustrielles), implique que les émissions nettes de dioxyde de carbone (CO2) d’origine anthropique devraient être réduites, d’ici 2030, d’environ 45% par rapport aux niveaux de 2010 (GIEC, 2018). Etant donné l’augmentation connue depuis 2010, ceci représente une diminution au moins de moitié en dix ans (Zaccai, 2019).

En 2014, le GIEC avait traduit l’objectif de limitation de réchauffement des températures de 2°C en termes d’émissions maximales cumulées dans l’atmosphère : c’est ce qu’on appelle le « budget

carbone ». Il avait été calculé à 790 gigatonnes de carbone (GtC) pour une probabilité de 66%, la

quantité déjà émise étant alors estimée à 515 GtC pour l’année 2011 (GIEC, 2014) soit, environ les deux tiers du budget. Depuis lors, d’autres études ont repris ce concept de budget carbone et d’autres chiffres ont été avancés, la méthodologie employée pouvant influencer les résultats finaux. Par exemple, une étude conduite en 2017 prévoit un budget de l’ordre de 880 GtC et conséquemment ‘plus de temps’ pour l’écouler (Millar et al., 2017). En 2018, le GIEC propose un nouveau calcul du budget carbone fondé sur base des modèles dits « de système Terre » et avec un objectif de limitation du réchauffement fixé à 1,5°C. Pour 66% de chances de respecter cet objectif, le GIEC augmente le budget à environ dix ans au rythme d’émissions actuel (contre trois ans lors du précédent rapport, en 2014) (GIEC, 2018). Cette différence entre les deux rapports est expliquée par une compréhension actualisée et des progrès dans les méthodes de calcul du budget (Ibid.), mais rappelle également la haute sensibilité de ce calcul aux méthodes employées et les incertitudes qui lui incombent.

Sur base du budget proposé dans le rapport 1,5°C du GIEC, une équipe de chercheurs a élaboré deux graphiques qui le relie à des tracé de courbes d’atténuation décrivant des trajectoires de déclin exponentielles telles que le quota n’est jamais dépassé, à l’horizon du 21ème siècle (Andrew, 2019). Le premier graphique concerne l’objectif 1,5°C et le second l’objectif 2°C (cf. Figures 1 et 2 ci-après). Ces deux figures montrent clairement que, outre les incertitudes et le choix des cibles, les courbes d’atténuation nécessaires pour respecter les objectifs fixés par la communauté internationale impliquent des taux de réduction d’émissions très importants, particulièrement dans le scénario 1,5°C. Respecter ce budget suppose aussi de limiter considérablement les émissions de carbone dans les prochaines années, pour atteindre une neutralité carbone dans un horizon proche8. Par ailleurs, ceci requiert de « laisser dans le sol »9 80% des réserves connues de charbon, 50% des réserves connues de gaz, et 30% des réserves connues de pétrole (Jakob et Hilaire, 2015 ; McGlade et Ekins, 2015).

8 Selon le rapport 1,5°C du GIEC(2018), la neutralité carbone devrait être atteinte d’ici 20 à 30 ans si l’on veut conserver de bonnes chances de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

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Figure 1 : Courbes d’atténuation correspondant au budget carbone restant dans un scénario de limitation du réchauffement à 1,5°C par rapport aux températures préindustrielles

Source : Andrew, 2019 (sur base des données du Global Carbon Project et du calcul du budget carbone repris dans le rapport dit « 1,5°C » du GIEC, publié en 2018)

Figure 2 : Courbes d’atténuation correspondant au budget carbone restant dans un scénario de limitation du réchauffement à 2°C par rapport aux températures préindustrielles

Source : Andrew, 2019 (sur base des données du Global Carbon Project et du calcul du budget carbone repris dans le rapport dit « 1,5°C » du GIEC, publié en 2018)

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Or, aucune tendance actuelle n’indique qu’une telle réduction d’émissions sera respectée. Les promesses d’atténuation formulées par les Etats membres de la CCNUCC en marge de la COP-21, à travers les Contributions déterminées au niveau national (CDN), ne permettent pas de respecter l’objectif de 2°C. Cumulées, les CDN devraient nous mener à des émissions de CO2 de l’ordre de 400