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vont contribuer à l’intérêt actuel et global attribué aux questions climatiques (Zillman,

Top-down approach

années 50 vont contribuer à l’intérêt actuel et global attribué aux questions climatiques (Zillman,

2009) :

• Les progrès de la science atmosphérique fondamentale après la seconde guerre mondiale, qui permettent de mieux comprendre les mécanismes de circulation de l’atmosphère à grande échelle ;

• Le lancement de nouvelles observations géophysiques (en particulier les mesures du dioxyde de carbone atmosphérique) au cours de l'année géophysique internationale de 1957 ;

53 Ceci, bien que son budget augmente rapidement entre 1950 et 1970 : les dépenses annuelles sont comptabilisées à $300 000 dollars américains au début des années 1950 et quadruplent douze ans plus tard, pour atteindre autour de $1.3 million de dollars américains. En 1968, les dépenses annuelles sont d’environ $4 millions.

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• La reconnaissance des capacités d'observation météorologique des satellites en orbite terrestre ;

• L’avènement des ordinateurs numériques ;

• L’enthousiasme envers le nouveau système onusien et la volonté de mettre en place une coopération internationale sur cette base54.

La mise en place de la veille météorologique mondiale et du programme global de recherche atmosphérique en 1961 sont aussi la résultante de cette dynamique : alors que la première vise à soutenir la prévision météorologique et opérer une surveillance du climat, le second doit améliorer les systèmes de prévisions météorologiques et climatiques (Davies et al., 1990).

1.2.2 Deux illustrations du pouvoir normatif de l’OMM : son agenda solidaire dans les pays du Sud et la constitution d’une architecture climat

Le pouvoir normatif de l’OMM s’illustre à différents niveaux et va se refléter dans plusieurs domaines, transcendant la météorologie seule. En particulier, deux domaines où l’OMM exerce un tel pouvoir nous intéressent particulièrement, parce qu’ils sont l’héritage du futur Cadre mondial pour les services climatologiques : la constitution d’un agenda solidaire, s’exprimant à travers la mise en place de projets d’assistance technique dans les pays du Sud d’une part, et l’importance de son réseau pour le

développement de la climatologie d’autre part. Cette sous-section revient sur les fondements de l’une

et l’autre.

L’agenda solidaire de l’OMM

Le processus de décolonisation, qui s’accélère après 1955, implique qu’une série de pays pauvres nouvellement indépendants, dont les dirigeants et les gouvernements sont majoritairement inexpérimentés et fragiles, sont nouvellement formés. Ces pays disposent typiquement de peu de ressources et n’accordent aucune attention à la météorologie. Dans ce contexte, l’OMM va se

construire un pouvoir institutionnel à travers la mise en place d’un agenda solidaire à destination des pays en développement.

L’ONU, premièrement, lance un programme d’assistance technique à destination des PED intitulé « Programme élargi d'assistance technique pour le développement économique des pays sous-développés »55 (EPTA). Ce programme investit entre autres dans une série de projets d’assistance météorologique sous la guidance de l’OMM. L’OMM n’aura jamais une part importante du budget,

54 Sur ce point, Zillman estime que cette coopération se réalise en dépit du contexte de guerre froide. Des auteurs comme Miller et Edwards, que nous citons supra, estiment plutôt que le processus onusien traduit une volonté d’éviter un détournement par le bloc communiste de secteurs d’importance, notamment liés aux sciences et aux technologies.

55 Notre traduction. L’EPTA, établi en 1950, sera ensuite absorbé conjointement avec le Fonds spécial des Nations Unies par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) lors de son établissement en 1966 (UNESCO, archives : https://atom.archives.unesco.org/united-nations-extended-programme-of-technical-assistance;isaar, page consultée le 14 août 2018).

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mais elle n’est pas tout à fait négligeable non plus : elle recevra typiquement entre 1 et 3 % du budget de l’EPTA (Edwards, 2006) contre une quinzaine de pourcent, par comparaison, pour l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) (Keenleyside, 1966)56. Rapidement, l’OMM est déçue de la part reçue par le fonds et elle crée son propre programme d’assistance volontaire (PAV) en 1956. Entre 1956 et 1959, ce programme contribue à hauteur de 430 000 dollars américains afin de fournir de l’aide dans 34 pays, surtout sous la forme d’assistance par expertise sur le terrain et l’organisation de stages de formation en météorologie. Dans la période financière suivante (1960-1963), le budget alloué à l’aide est plus que doublé et entre 1964 et 1967, il grimpe à 1,5 millions de dollars. En 1972, l’OMM et l’EPNA / PNUD ont contribué en tout à une dépense de 55 millions de dollars en assistance météorologique pour les pays en développement, à travers 700 missions d’expertise, 15000 stages, et d’incalculables séminaires et formations organisés dans une centaine de pays (OMM, 1973). Bien que les contributions au PAV varient d’une année à l’autre, ce sont les Etats-Unis qui pour une large part financent le programme. L’Union soviétique en est le second contributeur, pour une part correspondant environ à la moitié de la contribution américaine. Le Royaume-Uni et la France sont ensuite les troisièmes et quatrièmes plus larges contributeurs, pour environ un dixième de la part américaine (Edwards, 2006).

L’OMM perçoit l’ensemble de ces activités comme purement techniques. Le PAV a favorisé la

visibilité d’une expertise météorologique, de manière volontairement apolitique, à travers

l’instauration d’une infrastructure dédiée dans un Etat souverain (les services météorologiques nationaux). Cette forme de représentation a contribué à la diffusion du modèle de l’expertise

technique et scientifique (météorologique) dans les nouveaux Etats. Dans un contexte de pré-guerre

froide, cette pratique a également réduit le risque craint par certains de voir des domaines critiques de la science et la technologie recueillis par des instituts secrètement communistes (Miller, 2001). Clark Miller écrit que l’OMM, comme d’autres institutions technico-scientifiques créées après la seconde guerre mondiale, ont opéré ce même glissement d’une responsabilité de l’Etat vers une responsabilité d’agences gouvernementales où la participation des experts a une place centrale.

De la sorte, l’OMM, par le recours à des mécanismes de puissance douce57, a progressivement réussi à imposer un set de normes standardisées autour de la collecte, la transmission et l’échange de données météorologiques au niveau mondial, ainsi qu’opérer un glissement de pouvoir depuis les instituts

météorologiques nationaux vers une organisation permanente, intergouvernementale et mondialiste (Edwards, 2006). Elle s’est en outre positionnée assez tôt, et de manière indépendante,

56 Le budget de l’EPTA reposait sur les contributions des Etats membres de l’ONU ou des agences spécialisées de l’ONU impliquées. En 1959, le budget total est de $30 000 000 dollars américains – ce qui est considéré par le conseil d’administration comme largement en-deçà du montant nécessaire pour répondre aux « besoins urgents » identifiés par le programme (Owen, 1959).

57 Le concept de puissance douce (soft power en anglais) émane des relations internationales et désigne la capacité d’un acteur à influencer le comportement d’un autre sans recourir à des moyens coercitifs (Nye, 2005).

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comme expert participant aux mécanismes de la coopération au développement. Aujourd’hui, et grâce notamment au développement de l’agenda solidaire, toutes les nations contribuent à la banque de données de l’OMM et reçoivent des produits en retour. La mondialisation du réseau de données est

telle qu’il ne serait tout simplement ni pensable, ni abordable d’établir un autre réseau ou des standards alternatifs.

Importance de l’OMM dans la mise à l’agenda international de la question du changement climatique

Ce réseau titanesque prendra rapidement une importance majeure auprès d’un domaine autre que la météorologie, qui est la deuxième illustration que nous voulons faire du pouvoir normatif de l’OMM : celui du changement climatique. La gigantesque banque de données détenue par l’OMM, à travers les mécanismes que nous venons de décrire, est l’une des composantes essentielles de la recherche

climatologique. Pour John W. Zillman, ancien directeur de l’Organisation météorologique mondiale,

le système de coopération internationale mis en place par l’OMM et sa responsabilité partagée avec les instituts météorologiques nationaux pour l’observation à long terme, la surveillance et la description du système climatique sont bien davantage leur raison d’être que la prévision météorologique (Zillman, 2009). Si le système global d’observation de l’OMM a pour but premier les prévisions météo, la détection du changement climatique à l’échelle globale est en effet réalisée par comparaison entre des données anciennes et récentes sur des temps longs. Ceci explique aussi pourquoi, dans la mesure où ses racines analytiques se situent dans la météorologie, la compréhension dominante du climat s’insère également dans une sphère numérique et statistique (Hulme, 2009). La fiabilité des connaissances sur le changement climatique est en effet perçue comme dépendante de la commensurabilité de données dans le temps et l’espace (Edwards, 2004). Avec l’extraordinaire développement des modèles de simulation du climat, les évidences scientifiques sur le comportement atmosphérique et l’évolution du climat sont devenues cruciales, et les données centralisées au niveau de l’OMM en sont la part essentielle.

C’est ainsi que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé conjointement par l’OMM et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en 1988, est chargé d’établir un état de l’art des connaissances sur le changement climatique dans un contexte où sa réalité est alors fortement contestée. Dès le second rapport d’évaluation en 1995, le GIEC estime que l’ensemble des preuves recensées soutiennent la théorie du changement climatique d’origine anthropique (GIEC, 1995). Les travaux subséquents du panel renforceront chaque fois cette conclusion, pour ne laisser aucun doute quant à l’existence du changement climatique et ses causes humaines. Les contestations qui sévissent, par exemple autour de la pertinence des standards lentement et progressivement imposés par l’OMM et la qualité des données, rappellent surtout les dimensions sociales et politiques nécessairement inhérentes à tout système technologique (Edwards, 2004). Aujourd’hui le problème n’est ainsi pas tant de savoir si le changement climatique est une réalité ou

57

non, mais de comprendre « pourquoi nous sommes en désaccord sur le changement climatique »58 (Hulme, 2009).

1.2.3 Le développement des recherches climatologiques, entre sommets onusiens et instruments multiples et déroutants

La création du GIEC participe au développement de la climatologie en tant que science et à la mise à l’agenda international de la question du changement climatique, qui devient un enjeu crucial

de politique internationale depuis lors. Cette sous-section examine les développements rencontrés conjointement au niveau des recherches climatologiques et dans la mise en place d’une architecture institutionnelle pour le climat, dans les deux dernières décennies du 20ème siècle. Elle nous amène, ensuite, à la création du Cadre mondial pour les services climatologiques qui en est l’une des émanations.

Deux conférences mondiales pour le climat, organisées par l’OMM en 1979 puis en 1990, visent à capitaliser la recherche climatologique et à mettre en place une architecture internationale pour le climat. Ces conférences s’organisent dans un contexte parallèle où les capacités de prévision des événements climatiques s’accroissent continuellement, par exemple pour prédire le phénomène Enso (El Niño–Southern Oscillation) ; fournir de nouveaux formats de prédiction saisonniers et interannuels (Cane et al., 1986 ; Troccoli, 2010) ; ou encore améliorer les modèles de circulation globaux, décrivant les interactions principales entre les différentes composantes du système climatique, et permettant de mieux comprendre les effets des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et des propriétés atmosphériques (Solomon et al., 2007).

Du 12 au 23 février 1979, l’OMM coorganise la première conférence mondiale sur le