• Aucun résultat trouvé

Nathalie Sarraute ou les profondeurs insoupçonnées

N. Sarraute s’impose comme l’un des grands écrivains du siècle. Ecrivain Français, née en1900 dans une ville près de Moscou, Nathalie Tcherniak connaît une enfance partagée entre la Russie et la France. Après une licence d’Anglais, des études d’histoire et de sociologie, elle fait une licence de Droit. Fervente lectrice depuis son enfance, elle découvre dans les années 25, Proust, Joyce et Woolf qui bouleversent sa conception du roman. En 1932, elle écrit les premiers textes de « Tropismes » publié en 1939, et dés lors se consacre entièrement à l’écriture, loin de tout milieu littéraire, dans un isolement et une incompréhension presque totale pendant près de vingt cinq ans.

« L’Ere du Soupçon » publié en 1956, dans cet essai, N. Sarraute développe ses théories à travers un certain nombre d’articles, en précisant dans la préface que l’intérêt de ce texte vient du fait que certains de ses articles parus en 1950, ont « marqué le moment à partir duquel une nouvelle manière de concevoir le roman devait enfin s’imposer. » Ces articles ont donc constitué, selon l’auteur : « certaines bases essentielles de ce qu’on nomme aujourd’hui le Nouveau Roman. »

L’occident des années cinquante est donc le théâtre d’un bouleversement des formes littéraires et cinématographiques. Pour Jacques Leenhardt : « le Nouveau Roman met en lumière la crise du pouvoir de l’individu. Le sujet en tant que tel, n’existe plus. Il devient une fraction de la globalité et cesse d’être l’un de ses éléments constitutifs. »1

Le Nouveau Roman va donc se caractériser par l’absence d’intrigue, de personnages, de psychologie ; c’est un regard froid et distant sur les choses, qui cherche à détruire les structures du roman réaliste. C’est dans ce contexte que N. Sarraute publie « Portrait d’un inconnu »1948, ce texte comme le reste de son œuvre, est un exemple de ce qu’a produit le Nouveau Roman, il exploite la source vive de toute œuvre, des sensations neuves encore intactes.

1– LEENHARDT, Jacques. « Mais que lisent les Français ? ». L’express international n° 1958, 20 janvier 1989, p. 52.

Ce roman rapporte la vie d’un couple formé par un vieil homme et sa fille ; ces deux êtres évoluent parmi les bassesses et la médiocrité dont est empreint le quotidien, sous le regard scrutateur d’un narrateur. Suit « Martereau »1953, autre « création romanesque » conçue suivant les mêmes procédés.

Pour N. Sarraute, le succès arrive avec la parution du « Planétarium »1959, roman pour lequel, elle reçoit le prix international de la littérature. Dans cette œuvre : « l’action traditionnelle éclate et disparaît. Une quantité de drames infimes la remplacent, dont le déroulement dans la conscience de quelques individus donnera au livre l’aspect oscillant, infini et pourtant ordonné de ce ciel qu’observent les astronomes. »

L’audience de N. Sarraute ne cesse de croître au fil de ses œuvres : « Les fruits d’or »1963, « Vous les entendez ? »1972, « Disent les imbéciles »1976. Ces romans dénonçaient le « totalitarisme » de l’énonciation. « L’usage de la Parole » publié en 1980, reviendra sur le fossé qui sépare la sensation de sa représentation verbale laquelle n’est, au fond, qu’une simple convention. Tout le théâtre de N. Sarraute repose sur cette thèse : le langage n’est qu’artifice et accentue l’authenticité de la vie sociale.

Paru en 1983, le récit autobiographique « Enfance » fait davantage appel à la métaphore poétique qu’à la chronologie. Avec cette œuvre, le public de N. Sarraute s’élargit. L’exploration de « l’avant-verbe » se poursuit avec « Ici »1995 et « Ouvrez »1997 alors que la romancière avait plus de quatre vingt dix ans.

D’abord réticente devant les média modernes, N. Sarraute est aussi attirée par le théâtre. Elle écrit plusieurs pièces radiophoniques comme « Le Silence »1964, « le mensonge »1966, « Isma ou ce qui s’appelle rien »1970, « C’est beau »1975, « Elle est là »1978, « Pour un oui ou pour un non »1982, qui sont ensuite portées à la scène.

Itinéraire singulier que celui de N. Sarraute, son parcours littéraire comme son destin personnel, ses origines russes ou la place immense qu’elle occupe en France dans le monde des Lettres, sont autant de sujets d’étonnement et même d’émerveillement. Ecrivain majeur de son temps, son œuvre réputée difficile en ce qu’elle est née du souci d’exprimer ce qui ne l’avait jamais été, de mettre à jour, par et contre le langage, ce qui ne semblait pas en relever – ces infimes mouvements de l’intériorité qu’elle nomma tropismes - et de définir pour cela une forme nouvelle qui dépasse les limites traditionnelles du roman.

Ainsi, Nathalie Sarraute, par ses incessantes expérimentations dans la construction – ou la déconstruction ? – du roman, est devenue une des grandes figures de la littérature mondiale. Elle fut sollicitée dans le monde entier pour des conférences, et son œuvre révélatrice dont le succès et la diffusion en plus de trente langues disent assez combien de lecteurs, la romancière a su toucher.

2.1- La conscience comme univers intime :

Une œuvre est toujours un monument : mais il en est de dressées vers le ciel, érigées victorieusement, et d’autres plus discrètes, ouvertes sur les profondeurs insoupçonnées ; pour Nathalie Sarraute, l’écriture semble moins consister à construire qu’à creuser.1

Longtemps, N. Sarraute est demeurée plus qu’incomprise, une inconnue. Son premier livre « Tropismes » attendra une quinzaine d’années avant d’être reconnu par les critiques et les gens de Lettres. Son dessein, c’est peindre l’invisible. Il s’agit, expliquera-t-elle bien plus tard, de capter et de communiquer des sensations, des impressions vagues et fugitives en se plaçant d’un point de vue aussi objectif et neutre que possible, qui ne soit celui ni du narrateur, ni du lecteur, encore moins le monologue intérieur d’un quelconque héros. Elle décrit des drames microscopiques, des états à la limite de la conscience, multiplie des évocations furtives, estompe ses personnages par un flou qui est le mouvement que tente de saisir le regard.

Lorsqu’on demandait à N. Sarraute ce qu’était pour elle le Nouveau Roman, elle regardait sans bouger puis elle disait :

Le Nouveau Roman….on nous a aussi dit que nous formions l’école du regard. Notre seul point commun était le refus du personnage et de l’intrigue que nous trouvions dépassés. Pour le reste ... rien à voir entre l’extériorité de Robbe-Grillet et ma démarche qui reste intérieure […]2

Sarraute était une solitaire qui préférait aller à la rencontre de livres, de lecteurs, de metteurs en scène et de spectateurs. Dans le fond, elle se sentait plus de la famille de Dostoïevski, de Proust et de Woolf que de celle de ces jeunes « nouveaux romanciers ».

1– Citation soulignée par Camille AUBAUD dans « Lire les femmes ». Dunod, 1991. p. 168. 2– SERREAU, Geneviève. « Où en est l’avant-garde ? ». La Quinzaine Littéraire, 16 sept 1970

Dés l’origine, la volonté de l’auteur est de déceler, de décrire, de comprendre les phénomènes psychologiques et même chimiques qui précèdent le langage en tant que structuration réductrice de la pensée et de la richesse de la vie elle-même. La portée et la signification des petits gestes qui, à peine perceptibles, sont l’expression du vivant, est l’objet de toutes les intentions de l’auteur. Elle le précise dans un entretien avec G. Serreau :

Il me semble qu’au départ de tout il y a ce qu’on sent, le « ressenti », cette vibration, ce tremblement, cette chose qui ne porte aucun nom, qu’il s’agit de transformer en langage. Elle se manifeste de bien des façons…..Parfois d’emblée, par des mots, parfois par des paroles prononcées, des intonations, très souvent par des images, des rythmes, des sortes de signes, comme des lueurs brèves qui laissent entrevoir de vastes domaines… là est la source vive.1

Elle s’attache à exprimer les mouvements aux limites de la conscience, qui sont sous le langage, ou ce qui est sous le monologue intérieur. Elle cherche à déceler les ébauches, les élans, les replis imperceptibles de la conscience qui ne parviennent pas à la connaissance claire. Elle ne peint pas la réalité mais ce qui l’accompagne, ces infimes mouvements indéfinissables de l’intériorité qui constituent la source secrète de notre existence, ces mouvements furtifs et instinctifs qui se cachent derrière les apparences ou le langage. Son écriture creuse toujours plus profond, comme aspirée par ces entrailles qui se découvrent à elles-mêmes dans leur obscénité première.

Son originalité réside aussi dans le statut qu’elle accorde aux mots et plus exactement aux paroles prononcées qui apparaissent comme l’annonce ou le prolongement des sous-conversations. Ces paroles sont souvent par rapport à l’immensité du non-dit porteur de sens, car celles-ci ne font que résumer les longs échanges souterrains. Elles possèdent les qualités nécessaires pour capter, protéger et porter au dehors ces mouvements sous-jacents de la conscience à la fois impatients et craintifs qu’on appelle « tropismes ». L’œuvre s’offre de la sorte comme une plongée au cœur de l’humain, « une sorte d’anthropologie par les gouffres où l’homme laisse voir les failles par lesquelles le lecteur peut enfin accéder à ce qu’il sait être, intimement, son ultime vérité. »2

1– SERREAU, G. Op.cit.

Ainsi, on comprend le principe qui préside à l’élaboration de l’œuvre sarrautienne selon un système duel opposant dessus/dessous, extérieur/intérieur, être/paraître, conversation/sous-conversation, surface/profondeur.

Tout l’univers de Sarraute est là, à la limite du silence et de la parole intérieure où s’installe un combat entre mots figés et vibration du discours, dans ce périmètre riche et circonscrit qui se définit dans ce célèbre passage de Pascal : « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. »1 Des mots qui résonnent sans bruit, venus de nulle part,

adressés à personne, d’où l’impersonnalité de l’énonciation qui est redoublée par l’absence de toute adresse.

2.2- « Le Planétarium » ou l’expression de l’indicible :

C’est le premier des romans de N. Sarraute sous la bannière du Nouveau Roman. « Le Planétarium » est le troisième roman après « Portrait d’un inconnu »1949 et « Martereau »1953, édité chez Gallimard en 1959 dans la collection - Folio -. Il comprend 250 pages dont les textes sont subdivisés en chapitres non-titrés.

Dans un entretien avec Lucette Finas, N. Sarraute déclare :

De tout mes romans, le Planétarium est celui qui a obtenu le plus de succès…..on y trouve une intrigue, les personnages portent des noms et des prénoms. Le public n’a pas manqué de s’en réjouir. Il n’a pas vu le trompe-l’œil, ou plutôt il a aimé ce qui n’était qu’un trompe-l’œil. Il est tombé dans le piège que le livre lui tendait sans le vouloir.2

Poursuivant l’entreprise commencée avec « Tropismes »1939, N. Sarraute s’attache dans cet ouvrage à la description minutieuse d’états de conscience, en délivrant une interrogation radicale, souvent angoissée, parfois plaisante lorsqu’elle donne libre cours à la satire sociale, sur l’efficacité de la parole et la réalité humaine.

Nous observons dans ce roman un jeune ménage : Alain et Gisèle Guimier, victimes de leur attirance pour les biens matériels, seules gages selon eux de la réussite sociale. Alain Guimier, un intellectuel issu d’un milieu bourgeois, prépare une thèse de

1– SARRAUTE, Nathalie. « Ici ». Folio, Gallimard, 1995, p. 197.

Lettres et veut devenir un écrivain, ce qui l’amène à fréquenter le salon littéraire de Germaine Lemaire qui aime recevoir de jeunes auteurs.

Marié à Gisèle, une femme douce et effacée, Alain est pourvu d’une belle-mère tyrannique et envahissante qui n’aime pas son gendre et trouve le couple trop petitement logé. Elle va s’ingénier à obtenir de la tante Berthes ( la tante d’Alain), qui occupe seule un appartement, qu’elle abandonne celui-ci au jeune ménage.

Cette vieille femme maniaque, obsédée par la décoration de son appartement, joue le rôle d’une " bête malfaisante " dans la vie de son neveu. Elle l’a trop " gâté " nous dit le père d’Alain. Il semble bien aussi qu’elle ait " gâté " son sens esthétique, non seulement en l’ayant initié à « l’idolâtrie » qui confond réalité et art, mais en lui donnant le goût ou l’obsession de la perfection. Or, Alain découvre à la fin que Germaine Lemaire est un être humain aussi vulnérable, aussi faillible que les autres, et qui a perdu sous ses yeux le pouvoir de lui définir le vrai et le beau.

C’est au moment où tout « se défait autour de lui », où son univers bascule dans le vide, qu’Alain subit la dernière épreuve initiatique, celle qui lui ouvre les portes du temple de la création. Enfin seul et libre, il saura peut-être affronter une page blanche.

Dans cet univers de faux-semblant, tout est tropismes. Le Planétarium sert de toile de fond à une suite d’observation au microscope restituant par bribes des monologues inachevés, entremêlant des voix qui coexistent sans se rencontrer jamais, des lieux communs qui s’échangent sans suite et sans cohérence. Le monde semble se dissoudre dans l’intersubjectivité, au point de n’avoir plus d’existence réelle, l’auteur disparaît, n’intervenant jamais pour cautionner une vérité quelle qu’elle soit. Pour restituer les mouvements à leur affleurement, l’écrivain revient aux "ils" ou "elles", ou se substitue à ses personnages au point de ne pouvoir les nommer : « les noms ne peuvent être employés par l’auteur s’adressant au lecteur, mais par les personnages entre eux. »

La réalité est réduite au planétarium, à cet ensemble de paroles en mouvement, de « sous-conversation » en style indirect libre, successivement investies par l’écriture, qui mettent au jour autant de mondes intérieurs.

Dans une conférence prononcée à Milan en 1959, N. Sarraute dit :

Dans le Planétarium, ces mouvements agitent tout le monde, tous les personnages sont agités de tropismes. Ils se meuvent à l’intérieur d’un univers factice, le Planétarium qui est un petit univers construit par eux à leur mesure, un univers de lieux communs, une imitation d’un univers vrai qui serait quelque part au dehors et c’est vers ces imitations de vrais astres qu’ils se tendent, c’est parmi eux qu’ils se sentent à l’abri et aussi, parfois, à l’étroit.1

L’un des thèmes du Planétarium, « la création à l’état naissant », l’effort créateur qui, sans cesse s’ébauche, tâtonne, cherche son objet, s’enlise, se dégrade, va devenir le sujet essentiel de sa recherche. Il apparaît dans ce texte, aussi bien chez la vieille tante Berthe obsédée par la décoration de son appartement que chez le romancier Alain en puissance que l’on devine chez son neveu, face à la caricature de grand écrivain académique incarné par Germaine Lemaire. « Le Planétarium » marque la consécration de l’écrivain dans le monde entier.

2.3- « Enfance » ou les souvenirs à l’état naissant :

Trois ans après « L’usage de la Parole »1980, N. Sarraute publie « Enfance »1983, un récit autobiographique qui fait davantage appel à la métaphore poétique qu’à la chronologie et joue subtilement avec la mémoire. Faisant éclore les souvenirs en les reliant aux images et sensations affectives qu’ils suscitent, c’est leur vibration qui persiste dans le présent, qui intéresse l’écrivain, plutôt que la résurrection d’un passé aboli.

L’auteur déclare dans un entretien avec Pierre Boncenne :

Aujourd’hui comme hier à l’école communale, je n’aime pas ces étalages de soi-même et je n’ai pas l’impression qu’avec « Enfance » je me suis laissée aller. Comme dans « Tropismes », ce sont plutôt des moments, des formes de sensibilité. Je n’ai pas essayé d’écrire l’histoire de ma vie parce qu’elle n’avait pas d’intérêt d’un point de vue littéraire, et qu’un tel récit ne m’aurait pas permis de conserver un certain rythme dans la forme qui m’est nécessaire.2

Par la magie du langage en évoquant son passé, la romancière enchantera le plus grand nombre de lecteurs. Un nouveau public aborde ainsi l’œuvre réputée difficile de l’écrivain mais, aussi bouleversants que soient ces « souvenirs » d’une enfance entre la

1– LICARI, Carmen. « Qu’est-ce qu’il ya, qu’est-ce qui s’est passé ? Mais rien ». Entretien avec N. Sarraute. Francofonia, Florence, n°9, 1985.

France et la Russie, ils s’inscrivent dans l’unité organique de l’œuvre, saisis à la naissance du ressenti, hors des mots, en un dialogue entre l’écrivain et son double, entre la voix narratrice et la voix d’un moi refoulé qui, par ses mises en garde, ses scrupules, ses interrogations, son insistance, l’aide à faire surgir « quelques moments, quelques mouvements encore intacts, assez forts pour se dégager de cette couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs ouatées qui se défont et disparaissent avec l’enfance. » (Enf, p. 277).

La romancière élabore très consciemment un récit d’enfance sans revenir du côté du sujet, en faisant une gageure : c’est de retrouver dans sa propre enfance, les « tropismes », ou ces minuscules lames de fond, ces grouillements imperceptibles au fond de soi qui constituent notre existence. L’auteur rencontre à sa manière les figures obligées du récit d’enfance, d’abord celles de la mère et du père, celles des maisons, des saisons qui rythment toute enfance, mais aussi les divers instituteurs en comptant parmi eux les livres et les " bonnes ". Ainsi on voit surgir au gré des lignes les jeux et les peurs de l’enfant, les rues et les pays, les chambres et les images livresques. On frôle dans ce récit la fiction et même les contes de fées avec la délicieuse " Babouchka " qui n’est pas justement la vraie grand-mère (de la narratrice), et Véra la marâtre.

En évoquant le passé, N. Sarraute fait appel au souvenir qui, selon elle, est « quelque chose d’encore informe qui se propose. » (Enf, p. 9) « Ce sont des petits bouts de quelque chose d’encore vivant » (Ibid., p. 9). Le souvenir est comme une sensation qui monte des profondeurs et qui appelle à l’existence. L’auteur cherche dans les fluctuations de la mémoire, le souvenir ou comme elle l’appelle dans le récit : « ce qui tremblote quelque part dans les limbes. » (Ibid., p. 9).

N. Sarraute qui s’intéresse à saisir les actes et les pensées à l’état naissant, trouve dans ses souvenirs personnels un terrain inexploré : « aucun mot écrit, aucune parole ne l’ont encore touché. » (Ibid., p. 9).

Dans ce texte autobiographique, l’auteur est à la quête d’une autonomie. Dans cette enfant sensible et solitaire, lucide et volontaire que livre le récit, nous identifions la romancière du malaise et de l’écoute, celle qui se défie des mots pour ne pas s’en laisser conter par eux. C’est la conquête d’une liberté, peut-être du bonheur, plus sûrement d’une

certaine sérénité. Ce traditionnel récit de vocation est métamorphosé en une méditation figurée, imagée sur la " langue maternelle " et la " maison paternelle " et sur la place des mots dans la genèse de soi.