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Espaces réels / espaces mentaux

Chapitre III : La dialectique de l’espace : ni dehors ni dedans

1- Espaces réels / espaces mentaux

Nous constatons, en parcourant les textes de notre corpus, que le jeu des espaces représentés est de nature binaire : le dehors qui s’oppose au dedans, ou l’espace clos par rapport à l’espace ouvert qui est susceptible à toute une gamme d’attributs affectifs. Un « ici » qui s’oppose systématiquement à un « ailleurs » comme chez A. Djebar dans « Femme sans sépulture » et chez N. Sarraute dans « Enfance », le point noir du présent aux paysages du souvenir. Une autre polarité de base qui est celle de l’espace extérieur et de l’espace intérieur où le moi se réfugie pour fuir la réalité ou pour évoquer un passé enterré. Parler des espaces représentés, c’est le plus souvent aussi parler du jeu de la mémoire, puisque la signification des lieux pour le personnage tend à surgir d’une prise de conscience du passé.

La conscience comme entité stable, dépend de la re-figuration au niveau imaginaire des espaces vécus dans le passé d’où l’importance chez A. Djebar de la mémoire se rappelant dans le présent afin d’offrir les preuves les plus sûres d’une réalité révolue.

L’écriture dans ces textes est une matérialisation d’un espace imaginaire, elle donne ses traits lisibles et sensibles à une « terra incognita », un lieu dont la définition est représentée par l’œuvre entière. Ce qui nous amène à dire que l’espace essentiel par rapport au personnage est, selon nos deux auteurs, celui qu’on porte à l’intérieur de nous-mêmes, l’image idéale d’un espace possible, créé par la relation entre le moi et le réel auquel on se confronte. La question qu’on se pose est : quel est ou comment définir cet espace?

Pour explorer le monde intérieur, Julien Gracq (auteur des « Eaux étroites »), dit à ce propos :

Quand j’ai commencé à écrire, il me semble que ce que je cherchais, c’était à matérialiser l’espace, la profondeur d’une certaine effervescence débordante, un peu comme on crie dans l’obscurité d’une caverne pour en mesurer les dimensions d’après l’écho.1

1– GASCOIGNE, David (dir.). « Le moi et ses espaces ». PUF, 1997, p. 17. (la citation est signalée dans l’œuvre « En lisant, en écrivant ». de J. Gracq, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, 1989-1995 II, p. 656.)

Ce lieu, selon le mode métaphorique est comparé à « l’obscurité d’une caverne », il est défini aussi comme une « certaine effervescence imaginative débordante ». Cette définition suggère la consistance de ce lieu, non une « terre étrangère », mais une source ou une fontaine jaillissante qui pourrait se tarir ou menacer d’envahir ses bords.

L’écriture, pour ces deux auteurs, est souvent investigation de l’espace intérieur. Cette volonté de comprendre, d’aller plus avant dans la connaissance, trouve dans la métaphore spatiale un moyen privilégié pour tenter d’exprimer la démarche intérieure. Et s’il est vrai que chaque âme est un paysage, l’espace intérieur, par le caractère de ses métamorphoses, est peut-être le seul à imager les mouvements brusques et contradictoires qui bousculent l’esprit de tout homme. Il suffit de plonger en eux pour pouvoir identifier les personnages et les reconnaître aussitôt. Un peu à la manière de Dostoïevski qui, en parlant de ses personnages, faisait allusion à ce « fond », « mon éternel fond » d’où il tirait disait-il « la matière de chacun de ses ouvrages»1

Ce lieu de rencontre, ce « fond » qu’il n’arrive pas à définir, n’est autre chose que ce besoin continuel de contact qui incite à tout moment à essayer par n’importe quel moyen de se frayer un chemin jusqu’à autrui, de pénétrer en lui le plus loin possible, de lui faire perdre son opacité. Peut-être, c’est ce besoin qui les pousse à s’ouvrir à eux et à révéler leurs plus secrets replis.

Ainsi, le personnage est souvent porté à analyser les réactions de son esprit, en particulier dans les textes de Sarraute. Et l’insistance sur la maîtrise ou les pertes de contrôle du comportement mental se formule en des termes qui donnent l’allusion que le monologue de ces personnages communique directement avec les flux effervescents transmis par les organes du cerveau : « il s’attarde, un centième de seconde, près du poteau-frontière de la chair et de l’esprit, là où les impressions nouvelles entrent et se font place, comme elles peuvent, parmi la multitude des souvenirs.»2

1– SARRAUTE, Nathalie. « L’ère du soupçon ». Gallimard, 1956, p. 36.

Cette esquisse imaginaire de la vie psychique marque en quelque sorte le point central de cette dimension intimiste sous l’angle de l’aventure mentale. Mais il ne s’agit là que d’un aspect du monde intérieur, l’autre aspect focalise les domaines cachés de la vie privée des personnages que notre corpus d’étude va tenter de dévoiler : la vie intime, les angoisses, les images obsédantes du passé, le corps, l’épreuve de l’identité. C’est pourquoi ces descriptions de l’espace mental sous forme de monologue intime finissent par rendre compte de l’essentiel.

Ce qui compte réellement dans ces romans, c’est cet espace du dedans, c’est aussi la densité analytique consacrée aux crises, à l’enfermement, aux pulsions qui assaillent le personnage. Celui-ci retenu ou reclus, sombre métonymie de son intériorité, se présente à nous sous l’angle fascinant de cette part inconnue. Il appartient à ces deux auteurs de pénétrer justement cet inconnu de l’être pour atteindre l’expression des pensées les plus intimes. De ce fait, nous passons à une forme spatiale qui est dite intérieure et qui se définit dans la conscience.

1.1- La conscience : univers de l’intime :

Etant donné que les textes de notre corpus constituent un champ d’étude relativement proche les uns les autres, nous pouvons nous aventurer dans l’univers intérieur des personnages, en y examinant les caractéristiques de cette notion nommée « conscience ».

A première vue, il semble nécessaire que cette notion soit définie et clarifiée avant de savoir comment elle se reflète dans ces romans.

La conscience : « (mot latin : conscius / conscientia, de scire, savoir) est l’organisation dynamique et personnelle de la vie psychique. Elle est cette modalité de l’être par quoi il s’institue comme sujet de sa connaissance et auteur de son propre monde (…) Celle-ci, en tant qu’elle est l’organisation même de l’être psychique constitue le « lieu », c’est à dire le « milieu » où se médiatisent, dans la représentation idéoverbale du temps et de l’espace dont il dispose, les expériences et les projets du sujet.»1

1– Encyclopédie Universalis. 2002, p. 319.

Aussi on a affaire, avec la conscience, à une expérience tout à la fois de soi et du monde, de soi par le monde et du monde via soi-même. Ces dimensions en tant que sujets s’y trouvent d’emblée inscrites : perception, affect, temporalité, mouvement, imagination, langage, rencontre d’autrui…Telle est l’ample palette des différentes couleurs de la conscience. Chacune de ces dimensions en reflète à la fois la structure et la dynamique.

Cette notion a été exploitée depuis l’antiquité (les grecs), mais sans arriver à nommer cette réalité que nous appelons « conscience » et qui se définit comme un dialogue de soi à soi. On la trouve dans les épopées, les tragédies grecques, les héros et les personnages ne cessent de converser intérieurement avec eux-mêmes, dans des termes imprégnés de la physiologie du cœur et des entrailles. Platon formalise un tel entretien interne dans les termes du « dialogue intérieur et muet de l’âme avec elle-même », par lequel on apprend à mieux se connaître soi-même. Aristote et les stoïciens commencent à utiliser des termes forgés sur le préfixe «sun» suivi d’une action verbale « sunaisthanesthai », ou « suneidesis », et qui seront traduits par les latins par « conscientia ».

Ainsi, les stoïciens cherchent à créer leur propre terminologie morale à partir du cadre tracé par l’Ecole Grecque. « Suneidesis alias conscientia »1, y devient courant pour désigner la façon dont l’individu, seul à seul avec lui-même, évalue ses actions et ses mérites, selon une forme anticipée d’ « examen de conscience » où s’inaugure la conscience morale et du témoignage juridique que l’on se rend à soi-même en termes de culpabilité et de remords, mais aussi de récapitulation par la mémoire. Locke, dans son « Essai sur l’entendement humain en 1694 », en donne alors une définition qui deviendra célèbre, il dit : « la conscience est la façon dont un homme perçoit ce qui se passe dans son esprit.»2

Par-delà ce mouvement spontané d’intériorisation qui nous révèle à nous-mêmes comme soi, il y a un mouvement second, de type réflexif, qui nous re-donne accès à nous-mêmes. Ce type de mouvement correspond à un retour sur soi et que les psychologues nomment « introspection », qui veut dire littéralement : regarder (spectare) à l’intérieur de

1– BALIBAR, Etienne. « Dictionnaire des intraduisibles ». Seuil, 2001, p. 7. 2– DEPRAZ, Nathalie. « La Conscience ». Armand Colin, 2001, p. 8.

soi (intro) et qui offre la possibilité d’observer ses états psychiques, cognitifs (pensées) ou émotionnels (affects).

La question est : qui est l’observateur ? Kant est le premier à poser le problème du dédoublement re-présentationnel de la conscience. Qui observe l’observateur ? Le « je » qui pense se saisit alors lui-même dans sa propre forme, sous la forme d’une auto-affection qui est l’expérience pure du sens interne. En produisant un savoir de soi à la source de la représentation possible des objets, qui constitue le « je » lui-même en phénomène. Derrida dira dans « La voix et le phénomène », qu’ « aucune conscience n’est possible sans la voix.»1 Il ressource la conscience à ses vibrations sensorielles (ici, auditives).

En précurseur de la phénoménologie, plus porche de Merleau-Ponty, il faisait de la conscience de soi le « fait primitif du sens intime », lequel n’est rien d’autre que l’aperception vécue de son propre corps. Se dessine alors l’irréductibilité du corps et de l’âme que la phénoménologie se donnera pour tâche de penser dans les termes de la conscience corporelle. S’ajoute à cela l’inconscient qui est le terreau originaire d’enracinement de la conscience ou son autre intime. Aussi à l’inconscient psychique fait place l’inconscient corporel mis au centre par la phénoménologie, principalement par Merleau-Ponty. Corporel plutôt que psychique,

L’inconscient n’est pas caractérisé comme un noyau irréductible d’obscurité inhérent au psychisme de l’individu, et à jamais inaccessible à sa conscience claire, mais comme l’existence de capacités corporelles d’action sédimentées en lui, et qui forment une zone pré-consciente d’habitus susceptibles d’advenir à la conscience.2

Il s’avère donc évident que l’inconscient forme une composante essentielle de la conscience.

En revenant à la conscience, celle-ci se présente donc comme la métaphore spatiale de l’intériorité. Elle est définie comme le lieu et le témoin de la vie intérieure. Ce milieu intérieur que le sujet creuse en lui-même pour être aussi le lieu où se déroulent les « événements » de ses relations avec le monde et de la représentation qu’il s’en fait.

En apparence, les textes de notre corpus, en particulier ceux de N. Sarraute, présentent un profil ressemblant à ce qui est dit dans les définitions su-citées. Ceci dit,

1– DERRIDA, Jacques. « La voix et le phénomène ». PUF, 1967, p. 89. 2– DEPRAZ, N. Op.cit., p. 13.

notre démarche ne sera pas inutile dans la mesure où Merleau-Ponty voit en la : « conscience une opacité qui est constitutive de son immersion dans la corporéité. »1

Ce sont précisément les limites de cette affirmation que nous chercherons à démontrer et qui constituent la base essentielle de notre étude. Mais avant d’aborder cette dichotomie corps / conscience, essayons d’abord de connaître, du moins dans ce début de notre projet, la définition que la littérature attribue à la conscience.

Littéralement, parler de conscience, c’est aussi parler d’une technique essentiellement romanesque qu’on appelle « courant de conscience » ou « stream of consciousness », inaugurée par Edouard Dujardin, James Joyce et Virginia Woolf. Le roman du « courant de conscience » tente de restituer la coexistence de tous les éléments de la conscience : perception, pensées, fantasmes, désirs, sentiments.

Nous démontrerons dans cette partie le rôle de la conscience, en tant qu’espace intérieur, et son rapport avec l’intime et le monologue intérieur. Nous nous appliquerons, par contre, dans la suite de cette partie à l’étude de la mémoire qui est une partie de la conscience, en s’arrêtant sur les souvenirs et les images accompagnées de sensations qu’ils laissent à l’intérieur du personnage, enfermant ce dernier non seulement dans une situation de dépendance mais aussi de passivité.

Cependant, nous ne connaissons les personnages de ces textes que par leurs actes essentiels, leurs mouvements, leurs pensées. Il est évident que l’intérêt de ces romans ne se trouve pas dans l’intrigue mais plutôt dans l’évolution des personnages vue de l’intérieur, comme le précise Dorrit Cohn dans La « Transparence intérieure » :

Et si la littérature se mettait à s’occuper davantage de mouvements psychiques que de fiançailles, de bals, d’excursions à la campagne et d’accidents toujours considérés pour eux-mêmes ? […] Nous pourrions par là parvenir à en savoir un peu plus sur les ébranlements secrets qui passent inaperçus dans les profondeurs de l’esprit, sur l’insondable chaos des impressions, sur la vie délicate de l’imagination soumise au microscope ; sur les errances imprévisibles des pensées et des sentiments, sur les paysages vierges et dépourvus de sentiers que parcourent l’esprit et le cœur […]2

1– DEPRAZ, N. Op.cit., p. 86.

La conscience, cette terre meuble appartient à l’aventure de ce qu’on appelle l’esprit parallèle. Découvrir l’inconnu dans ces territoires psychiques ; ce monde microscopique est le sujet de tous les soins de nos deux écrivains. Des aspirations contradictoires dissimulées qui agitent dans les plis de ce monde. Chaque personnage fait l’expérience de sa solitude et du poids de la réalité. Mettre à nu ce monde intérieur, tel est le but de N. Sarraute et de A. Djebar. Par souci esthétique ou par devoir, ces auteurs vont à la recherche de ce qui ne peut se dire. Ce sont des drames intérieurs et pourtant déterminants de la vie psychique que ces auteurs étudient d’un œil attentif.

La quête de nos deux romancières est en effet, celle d’un ordre caché, d’une réalité autre. Et si, comme le souligne J. Kristéva : « Et si la littérature s’intériorise et se retire du monde dans le sillage de la crise de la pensée »1, c’est parce qu’elle a besoin d’une régénération, c’est parce qu’elle est : « cette vacance intérieure où se redispose le monde. »2

Cet univers imaginaire apparaît alors comme la scène où se joue le drame d’une intimité abandonnée aux pensées morbides et torturantes, nourris d’obsessions personnelles. Le personnage trouve dans cet espace une demeure inhabitée, un refuge où se recueillir, il est le seul qui comprend son langage. Il tente de créer dans la chaude atmosphère de ce territoire intime un interlocuteur qui n’est personne d’autre que lui-même. La conscience devient ainsi, un lieu où donner corps à l’autre en soi, un miroir où l’on espère voir surgir la figure de l’autre.

Nous démontrerons ainsi dans cette première partie le rôle de la conscience, en tant qu’espace intérieur, et son rapport avec l’intime et le monologue intérieur. Nous nous appliquerons, par contre, dans la suite de ce travail à l’étude de la mémoire qui est une partie de la conscience, en s’arrêtant, bien sûr, sur les souvenirs et les images accompagnées de sensations qu’ils laissent à l’intérieur du personnage, enfermant ce dernier non seulement dans une situation de dépendance mais aussi de passivité.

1– KRISTEVA, Julia. «Soleil noir : Dépression et Mélancolie ». Gallimard, 1987, p. 232.

2– POULET, Georges. « Etude sur le temps humain : La distance intérieure ». Tome II, éditions Plon, 1952, p. 1.

1.2- La mémoire : foyer des souvenirs :

Dans les textes de A. Djebar ou de N. Sarraute, l’espace fonctionne de façon métaphorique ou symbolique. Les personnages sont presque toujours situés dans un lieu intime. Certains lieux réels conduisent ceux-ci vers un passé qui est aussi vidé de sa substance concrète pour mieux devenir, avec le paysage qui l’entoure, l’emblème d’un voyage spirituel. L’espace d’une consolation possible est réduit aux dimensions d’un regard intérieur perdu. Seule la mémoire, si présente dans les textes de nos deux auteurs, peut alors à travers le souvenir redonner vie aux être et aux choses.

Le travail de la mémoire implique un certain retour en arrière, un retour au passé qui reste ancré dans une zone fermée de l’esprit et qui constitue à la fois la matière essentielle de l’écriture de ces œuvres, notamment dans celles de A. Djebar.

Selon une approche psychologique,

La mémoire est de conserver et de rappeler des informations passées. La mémoire nécessite des opérations mentales qui permettent de se représenter les objets et les événements en leur absence et dont les principaux modes sont le langage et l’image mentale visuelle.1

La conception d’une mémoire envisagée comme réserve d’images s’imposera pratiquement jusqu’à Descartes et à partir du XVIIème siècle, on voit en celle-ci un réseau associatif de souvenirs.

Le corps, avec ses facultés sensitives et sensorielles, est l’intermédiaire indispensable à la perception, donc à l’acquisition des souvenirs et à la formation de la mémoire.

La notion de « mémoire » a été exploitée pour la première fois par Henri Bergson. Il dit à ce propos : « La mémoire enregistrerait sous forme d’images souvenirs, tous les événements de notre vie quotidienne à mesure qu’ils se déroulent ; elle ne négligerait aucun détail, elle laisserait à chaque fait, à chaque geste, sa place et sa date […] »2

1– L’étude de la mémoire semble remonter à l’antiquité, (264 av.J.C), Simonide de Céos, poète grec du Vème siècle av J.C, aurait découvert la méthode des lieux, qui consiste à transformer en images mentales ce qu’on doit apprendre et à situer ces images par rapport à un itinéraire connu. Encyclopédie Universalis XIV, 2002, p. 787.

Cette faculté humaine est vue comme un « filet » dont les mailles sont les souvenirs. Pour Diderot, la mémoire est : « la propriété du centre, le sens spécifique de l’origine du réseau, comme la vue est la propriété de l’œil.»1

Chaque brin du système nerveux périphérique mène au système nerveux central, au centre commun de toutes les sensations, là où est la mémoire, là où se font les comparaisons.

Descartes avait mis, lui aussi, l’accent sur le réveil des associations anciennes de sensations l’une par l’autre, il dit à ce propos :

Il y a une telle liaison entre notre âme et notre corps, que les pensées qui ont accompagné quelques mouvements du corps, dès le commencement de notre vie, les accompagnent encore à présent, de sorte que, si les mêmes mouvements du corps sont excités dans le corps par quelque cause extérieure, ils excitent aussi en l’âme les mêmes pensées, et réciproquement, si nous avons les mêmes pensées,

elles produisent les mêmes mouvements.2

En effet, le corps est considéré comme l’intermédiaire indispensable entre le monde extérieur et l’esprit, il sert à enregistrer des sensations et à articuler des volontés. La question qui se pose d’elle-même est : comment la sensation se transforme en perception et qui devient par la suite un souvenir ? Autrement dit comment un paysage, par exemple, arrive-t-il au travers des voies optiques pour être perçu en tant que paysage par le cerveau ; ou comment une musique, transmise par les voies auditives, est-elle interprétée comme un air harmonieux, ou comment un foulard en soie parvient-il à l’aire cérébrale sensitive avec toute sa finesse, sa souplesse et sa douceur ?

Comment ce paysage, cette musique ou ce foulard vont-ils demeurer dans la