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Naissance d’un nouveau groupe professionnel : les aides-soignantes . 64

2.1 Hiérarchisation et segmentation

2.1.1 Naissance d’un nouveau groupe professionnel : les aides-soignantes . 64

A partir de 1946, la division du travail entre personnel soignant et personnel servant se durcit. Les infirmières diplômées d’État sont identifiées comme occupant le sommet de la hiérarchie des professionnels du soin. Les non diplômées sont renvoyées à un exercice servant. Certaines infirmières non diplômées vont alors reprendre des études, bien souvent à côté de leur exercice professionnel, et passent le diplôme d’État (Knibiehler 1984, pp. 227-232). Pour faciliter la transition, certains établissements hospitaliers, parmi les plus importants en nombre de lits, sont autorisés à ouvrir des écoles pour y faire diplômer leurs personnels. Ils doivent toutefois respecter les programmes d’enseignement définis nationale-ment. L’exclusivité du diplôme est parfois encore contournée, avec l’appui des médecins. Ils fournissent à « leurs » infirmières des certificats qui leur permettent de devenir des infirmières autorisées. Ces dispositions dérogatoires auront cours jusqu’en 1951. Toutefois, de nombreuses femmes ne sont ni diplômées, ni autorisées à titre dérogatoire. Alors qu’elles exerçaient les activités dorénavant réservées aux infirmières, elles se retrouvent reléguées dans la catégorie des personnels servant. Aussi parfois dénommée Agent de Service Hos-pitaliers (ASH), cette catégorie est censée s’en tenir aux tâches qui relèvent des fonctions d’hébergement de l’hôpital comme le nettoyage des sols. Cette catégorie est peu définie, si ce n’est par son absence de qualification reconnue. Elle est pourtant très hétérogène.

Les anciennes soignantes expérimentées qui continuent bien souvent à réaliser des tâches d’infirmières, y côtoient de jeunes gens inexpérimentés, fraîchement recrutés pour faire face aux demandes de soins croissantes.

Les déclassements de celles qui n’ont pu ni passer les diplômes, ni obtenir une autori-sation dérogatoire vont alimenter les mécontentements de cette catégorie de personnel. Au manque de reconnaissance statutaire, viennent en effet s’ajouter des revendications en ter-mes de salaires. Il faut dire que les salaires de servants et de servantes hospitaliers sont moins élevés que ceux d’autres emplois non qualifiés de manœuvre. Un mouvement social est lancé à l’Assistance Publique de Paris en janvier 1949, pour réclamer une hausse des salaires des personnels servants (Chevandier 2011). Le ministère des Finances et des Af-faires Économiques est catégorique : dans cette période de reconstruction et de restrictions budgétaires, il n’est pas envisageable d’accéder aux revendications des personnels mobilisés. Le ministre de la Santé Publique – qui affirmait, dès 1945, son attachement à l’amélioration de la condition de cette catégorie de ces personnels hospitaliers, en reconnaissance des ser-vices et de l’engagement dont ils avaient fait preuve durant le conflit et l’occupation – prend les choses en main. Il crée, par l’arrêté du 10 janvier 1946, le grade d’aide-soignante3. Dans ses travaux consacrés aux aides-soignantes, Anne-Marie Arborio souligne qu’il ne s’agit pas de la reconnaissance d’une qualification. Ce grade est une catégorie administrative pour laquelle il n’existe ni contenu précis des tâches, ni formation. Le rôle des aides-soignantes est précisé de façon sommaire. Elles doivent « seconder les infirmiers et les infirmières, notamment en ce qui concerne les soins à donner aux hospitalisés »4. Outre l’amélioration des salaires, ce grade constitue une valorisation symbolique (Arborio 2012a, pp. 38-40). Il place les aides-soignantes du côté des personnels soignants, tandis que les servantes sont identifiées dans la catégorie des personnels de service5. Il permet ainsi au personnel non autorisé et non diplômé d’obtenir une petite reconnaissance symbolique et salariale. Il per-met dans le même temps à certains membres du personnel servant, n’ayant jamais exercé les fonctions d’infirmière, d’évoluer vers de meilleurs salaires. Pourtant le flou persiste dans les faits, les aides-soignantes pouvant être affectées au travail en salle, auprès des malades, comme aux services généraux, hors de la présence des malades.

Le grade d’aide-soignante n’est, au départ, conçu que comme une mesure

transi-3. ↑Cet arrêté, applicable à l’ensemble du territoire, aura par la suite des conséquences sur la struc-turation des groupes professionnels du monde du soin

4. ↑Arrêté Préfectoral du 14 avril 1949 cité par Anne-Marie Arborio ( Arborio 2012a , p. 40) 5. ↑Tableau annexe à l’arrêté du 10 janvier 1949, Journal Officiel du 13 janvier 1949, p. 586.

toire, voué à disparaître. Son utilisation n’est d’ailleurs pas stabilisée. Le terme « d’aide-infirmière » lui est parfois substitué dans la dénomination des postes. Ou bien, des person-nels servants sont affectés à des postes qui relèveraient plutôt de l’aide-soignante, comme la distribution des repas en collaboration avec l’infirmière (Arborio 2012a, p. 40). Il de-vient assez rapidement évident que ce grade renforce les ambiguïtés existantes quant au rôle des personnels non titulaires de diplôme. Ces personnels, définis comme non qualifiés en comparaison des infirmières diplômées d’État, sont souvent reconnus comme indispens-ables pour compléter les équipes soignantes. Les débats autour de la pérennisation de la catégorie sont longs et complexes. Plusieurs rapports émanant tantôt de l’inspection générale de l’Assistance Publique, tantôt de l’inspection générale ministérielle regrettent qu’un véritable corps d’aide-soignante ne soit pas créé (Chevandier 2011). Le travail d’argumentation des infirmières pionnières - à la suite de Léonie Chaptal - et la reven-dication de la nécessité d’une formation, morale autant que technique, des catégories de personnels en contact direct avec les malades vont avoir une certaine influence dans les dé-bats sur la catégorie d’aide-soignante. Une recherche serait ici nécessaire pour connaître le positionnement des associations d’infirmières quant à la création de ce grade et à sa péren-nisation. L’idée d’un corps intermédiaire, entre infirmières et personnel servant, n’est pas nouvelle. Déjà en 1926, aux Hospices Civils de Lyon, un corps d’assistantes hospitalières est créé. Des servantes en postes y seront promues après une formation d’un an correspondant à la première année de la formation des infirmières (Arborio 2012a, p. 32). Au vu du déroulement des événements, la généralisation de ce corps a nécessité que soit sécurisée en amont la juridiction des infirmières (Abbott 1988). On peut supposer qu’elles ont joué un rôle dans la pérennisation de la catégorie, à travers le Conseil supérieur des Infirmières. Créé en 1951, il est composé pour moitié d’infirmières diplômées d’État6; l’autre moitié du Conseil est composée de représentants de différentes institutions étatiques, de directeurs d’hôpitaux et de médecins. Le Conseil supérieur des infirmières a été consulté et a émis un avis favorable concernant la création d’un diplôme spécifique aux aides-soignantes7. Ainsi, sept ans après la création du grade, les ambiguïtés sont levées par l’arrêté du 23 jan-vier 19568. Il instaure un Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Aide-Soignante (CAFAS), obtenu après dix mois d’études et la réussite aux examens pratiques et théorique terminaux. Dans l’examen théorique écrit, le fond compte autant que la forme, et il n’y a pas de note

6. ↑Décret n°51-243 du 21 février 1951, paru au Journal Officiel du 1er mars 1951 7. ↑Nous n’avons pas pu consulter le détail de cet avis.

éliminatoire, contrairement à la pratique. De plus, il compte pour un tiers seulement de la note finale, ce qui laisse penser que la formation théorique n’est pas centrale. Le jury de ces examens comprend un médecin hospitalier, deux infirmières diplômées d’État, dont une est chargée d’enseignement dans la formation aide-soignante et une infirmière supérieure chargée d’enseignement dans une formation d’infirmière ou bien une directrice d’école. Les aides-soignantes sont donc formées et évaluées en grande partie par des infirmières diplômées d’État, toujours sous la supervision des médecins. L’arrêté précise également les contours de l’activité des aides-soignantes : « Le certificat d’aptitude aux fonctions d’aide-soignant permet à son titulaire de donner, sous l’autorité du personnel infirmier diplômé ou autorisé, uniquement des soins d’hygiène générale à l’exclusion de tout soin médical. » (Article 15). Avec cet arrêté, les aides-soignantes acquièrent une place plus claire dans la division du travail hospitalier. Elles sont chargées des tâches qui s’apparentent le plus à la sphère « domestique » parmi les tâches de soins. Elles s’occupent en effet des soins d’hygiène du malade et de son environnement à travers les activités d’aide à la toilette et à l’habillement, le nettoyage de la chambre, etc. ; du service des repas et du nettoyage de la vaisselle ; et de la préparation et du nettoyage du matériel des infirmières9. Il s’agit en quelque sorte de décharger les infirmières d’une partie des tâches qu’elles n’auraient pas toujours le temps de réaliser. Cette structuration s’effectue dans la continuité d’une organ-isation scientifique du travail à l’hôpital, qui prévoit l’optimorgan-isation du temps de chaque catégorie de personnel en fonction de qualifications précédemment obtenues.

Pour les infirmières, la pérennisation de la catégorie d’aide-soignante vient concrétiser la fermeture de leur marché du travail. La création de ce nouveau groupe professionnel per-met de per-mettre fin à la concurrence interne au sein du groupe infirmier. L’interdiction faite aux aides-soignantes d’exercer des soins médicaux permet aux infirmières de revendiquer le monopole de ces activités déléguées. La frontière qui sépare les infirmières du personnel servant est dorénavant médiatisé par un nouveau groupe professionnel, les aides-soignantes. Ce groupe absorbe également les infirmières qui interrompent leurs études au bout de la première année. L’article 16 du décret de 1956 prévoit en effet que les élèves infirmières qui sont reçues en deuxième année mais qui ne terminent pas leurs études obtiennent le CAFAS par équivalence. Le rôle des aides-soignantes est donc pensé comme un rôle d’assistance ou d’aide aux infirmières, avec lesquelles elles entretiennent des rapports de subordination. Cette nouvelle organisation du monde du soin hospitalier – dont la mise en œuvre est

gressive – s’apparente donc à une « mise en ordre hiérarchique » entre différents groupes professionnels (Arborio 2012a, p. 31). Au bas de l’échelle, le groupe des servantes reste un groupe sans qualification reconnue. Ses membres ne sont pas censés avoir de contacts directs avec les patients. Ils constituent le principal vivier de recrutement du groupe des aides-soignantes. Ces dernières occupent une position intermédiaire dans la hiérarchie : en termes de rôle, elles sont le premier groupe dans la hiérarchie des professionnels qui dis-pensent des soins auprès des malades ; mais en ce qui concerne les carrières professionnelles elles constituent plutôt, aujourd’hui, le dernier échelon de la promotion professionnelle des personnels non soignants (Arborio 2012a, p. 294). Ce faisant, ce groupe permet aux in-firmières d’éliminer celles qui, en interne, revendiquaient le nom et le rôle associé, sans en avoir les diplômes. Les infirmières sont désormais officiellement les seules professionnelles à pouvoir réaliser des actes médicaux, sur délégation des médecins. Il faut se garder de durcir artificiellement les frontières entre les groupes professionnels. Ces frontières sont le résultat, contingent et évolutif, des luttes entre les différents groupes professionnels pour le contrôle d’une juridiction (Abbott 2003). Toutefois, on pourra remarquer que plus la hiérarchie se précise et plus les frontières des groupes qui en occupent le sommet tendent à se cristalliser. Les médecins formant le groupe qui est, à ce moment, le mieux équipé pour défendre sa juridiction. Il dispose d’un solide argumentaire basé sur des savoirs théoriques et scientifiques et dispose de puissants organes de diffusion. Il organise la diffusion de cet argumentaire auprès des autres professionnels de soins – via les revues médicales et in-firmières – mais aussi auprès des pouvoirs publics, grâce à l’Ordre des médecins, dont la forme actuelle est instituée en 194510. Les infirmières, quant à elles, sont organisées autour de différentes associations, confessionnelles ou non, et disposent également de revues. Elles ne vont toutefois pas se satisfaire de la position dominée réaffirmée par la loi de 1946. D’au-tant que sur ce point, la structuration du groupe professionnel des aides-soignantes n’est pas sans danger. Certaines aides-soignantes vont en effet progressivement revendiquer, au nom de leur plus grande proximité avec les patients, une expertise sociale nécessaire au bon déroulement des soins (Arborio 1995). Ainsi, en délégant les tâches de soins auprès des patients à une autre catégorie, les infirmières voient-elles la définition de leur rôle se cen-trer, plus encore, sur l’exécution technique des prescriptions médicales. Cela leur permet de gagner en prestige, mais les maintient également dans une position de techniciennes, exé-cutantes des directives données par les médecins. La hiérarchisation verticale de l’ensemble

10. ↑Ordonnance n °45-2184 du 24 septembre 1945, parue au journal officiel du 28 septembre 1945, p. 6083.

des personnels soignants, dominé par le corps médical est prégnante dans les décennies 1950-1960. Toutefois, un segment du groupe professionnel des infirmières va s’organiser et défendre une position plus autonome vis-à-vis des médecins.

2.1.2 Des segments au groupe professionnel : les cadres infirmières.

Le processus de segmentation du groupe professionnel infirmier a débuté avant la Sec-onde Guerre mondiale, puisque depuis 1938, un corps d’infirmières supérieures, officielle-ment reconnu, recrute ses membres exclusiveofficielle-ment parmi les infirmières diplômées d’État11. Ces infirmières supérieures assurent aussi bien des missions de gestion administrative dans les hôpitaux que de formation des futures infirmières dans les écoles. Leurs missions et ce qu’elles définissent comme le coeur de leur activité s’éloigne donc des activités de la ma-jorité des infirmières. Leur reconnaissance se poursuit sous le Régime de Vichy : un diplôme d’infirmière monitrice et un diplôme d’infirmière surveillante sont respectivement créés en 1942 et 1943. Cependant, à la fin du conflit, ni les infirmières monitrices, ni les infirmières surveillantes n’ont de véritable formation, si ce n’est celle qu’elles acquièrent directement sur le terrain. Les décrets d’application dont il était question en 1938, puis en 1942 et 1943, n’ont jamais vu le jour. Le processus de reconnaissance de ces segments va être long et compliqué. Il sera soutenu par la mobilisation de nouvelles associations professionnelles créées après la Libération. Ainsi naît, en 1949, le Comité d’Entente des Écoles d’Infirmières (CEEI)12. Il est issu de la commission pédagogique de l’ANIDEF (Poisson 2012, p. 77). Cette association rassemble des directrices d’écoles, autour de temps d’échanges ayant pour but de perfectionner les méthodes pédagogiques, tout en respectant l’autonomie de chaque école. Sa particularité – contrairement au Conseil de Perfectionnement13 ou au Conseil Supérieur des Infirmières – est de ne compter aucun médecin parmi ses membres. A ce titre, il peut être considéré comme un indice des velléités d’indépendance d’une

par-11. ↑cf. infra 1.2.2, p.55

12. ↑A la suite de la création du CNFDH par Anna Hamilton, en 1908, une première réunion avait tenté de jeter les bases du Conseil National des Directrices d’Écoles d’Infirmière. Étaient présentes : Léonie Chaptal, Anna Hamilton, mais aussi Gabrielle Alphen-Salvador (directrice de l’Association pour le Développement de l’Assistance aux Malades (ADAM) aussi connue sous le nom d’École de la rue Amyot) et de la Mère Supérieure Catherine Ornellas (Religieuse consacrée et directrice de l’hôpital Pasteur). Au vu des diver-gences irréconciliables entre leurs conceptions de la formation des infirmières, cette réunion n’a abouti à aucun résultat concret.

13. ↑Ce dernier subit des restructurations après la Seconde Guerre Mondiale et s’ouvre progressivement aux autres professions dites « paramédicales » (masseurs-kinésithérapeutes, radiologues, ergothérapeutes, etc.). Au début des années 1970, la proportion d’infirmières en son sein est réduite à un tiers ; cela malgré les tentatives de membres éminents de la profession infirmière pour faire augmenter cette proportion En 1975, le CPEI deviendra le Conseil Supérieur des Professions Paramédicales, qui comportera une commission spécifique aux infirmières.

tie de la profession infirmière14. Lors de leurs échanges, les directrices d’écoles vont non seulement réfléchir à la formation des infirmières, mais également à celle des infirmières « supérieures »15. Les membres du CEEI souhaitent que ces infirmières « supérieures » puissent obtenir la reconnaissance de leurs qualifications spécifiques. Elles sont issues du groupe professionnel infirmier, ce qui est conçu comme indispensable. Cependant, elles ont d’autres missions que les seuls soins aux malades, ce qui demande une nouvelle forma-tion. Dans les années 1950, on assiste ainsi à la multiplication d’écoles à destination des infirmières « supérieures ». En 1951, la Croix-Rouge crée une spécialité administrative, parmi ses formations de spécialisation. En 1954, l’UCSS soutient la création de « l’école catholique de cadres d’infirmières et de monitrices » à destination des religieuses. Enfin, en 1956, l’Assistance Publique de Paris crée sa propre école de formation. Cinq autres écoles seront créées dans le reste de la France (Knibiehler 1984, p. 251). Très souvent à destination des infirmières encadrantes des services de soin, le contenu de ces formations concerne à la fois les nouvelles techniques de soin mais aussi la gestion et l’administra-tion des services. Du côté des infirmières enseignantes, à partir de 1954, le CEEI organise, chaque année, une semaine de formation rassemblant des directrices d’établissement et des infirmières chargées d’enseignements. Le programme de ces semaines de formation touche aux différents aspects du rôle de ces infirmières particulières. Les conférences magistrales réalisées par les médecins portent sur les découvertes scientifiques relatives aux patholo-gies et aux traitements afférents. Ainsi, les enseignantes restent à la pointe des nouvelles découvertes médicales et pourront mieux transmettre ce savoir en pleine expansion aux futures infirmières. De nombreux temps d’échanges, formels et informels, sont également prévus pour que les directrices et monitrices puissent discuter des méthodes pédagogiques qu’elles utilisent. Ces discussions sont prolongées par des groupes de travail régionaux qui cherchent notamment à améliorer l’encadrement des élèves dans les services de soin (Knibiehler 1984, p. 253). A travers toutes ces initiatives, deux segments du groupe professionnel infirmier se structurent progressivement : les enseignantes et les encadrantes. Ces formations nourrissent chez les participantes la conscience de la particularité de leurs

14. ↑A partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les directrices d’écoles ont elles-mêmes, très souvent, passé des diplômes d’infirmières avant d’accéder à ce type de poste.

15. ↑Les appellations ne sont pas stabilisées à cette période. Les infirmières de ces segments sont dénom-mées tantôt « cadres » de manière indifférenciée ; tantôt « surveillantes » pour celles qui exercent un rôle de gestion et d’administration dans les services, ou « monitrices » pour celles qui sont chargées des en-seignements dans les écoles. Nous choisissons de nommer ces infirmières « supérieures » pour éviter toute confusion avec les titres qui seront créés ultérieurement. Ce terme permet aussi de rendre compte du fait que les infirmières qui font partie de ces segments sont, en général, les plus diplômées.

activités par rapport à celles des infirmières qui exercent auprès des malades et la nécessité de revendiquer un statut particulier. Les infirmières « supérieures » en charge de l’en-cadrement dans les services, ainsi que celles qui organisent et dispensent la formation des élèves, ont en effet des missions spécifiques qui les éloignent progressivement de l’activité de soin directement auprès du malade (Bucher, Strauss 1961, p. 327). Ces infirmières « supérieures » vont faire pression auprès des pouvoirs publics, par l’intermédiaire de leurs associations professionnelles – l’ANIDEF et le CEEI notamment – pour qu’ils réglementent la formation. Elles obtiennent en partie gain de cause en 1958. Le décret du 14 novem-bre 1958 institue deux certificats d’aptitudes : l’un aux fonctions d’infirmière surveillante (CAFIS) et l’autre aux fonctions d’infirmière monitrice (CAFIM)16. Ils sont délivrés aux infirmières diplômées d’État après un enseignement, d’une durée de huit mois, dispensé dans une école agréée par le ministère et sanctionné par un examen terminal17. La forma-tion et l’obtenforma-tion de ces certificats ne sont toutefois pas obligatoires pour exercer. Il n’y a donc pas de monopole des infirmières sur ce segment du marché du travail. Ces deux certificats ne changent pas non plus la nature du travail réalisé. Ils permettent néanmoins une reconnaissance officielle des fonctions d’encadrement interne au groupe professionnel infirmier, à la fois dans les services et dans la formation. Ils actent le fait que les infirmières