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Les cadres formatrices à l’IFSI garantes de la formation d’infirmières

5.4.1 Des « lignes de stage » diversifiées

L’un des objectifs des cadres formatrices est d’assurer le caractère « généraliste » du diplôme d’État. Le référentiel de formation précise qu’il existe quatre types de stages obligatoires qui « sont représentatifs de « familles de situations, c’est-à-dire des lieux où l’étudiant rencontre des spécificités dans la prise en soins ». Cette façon de découper les stages en « familles de situations » s’appuie sur des travaux réalisés au niveau européen, dans un objectif d’harmonisation des formations en soins infirmiers41. Le premier type est intitulé « soins de courte durée »42. Il correspond à des stages dans des services de chirurgie, de médecine ou d’obstétrique, à l’hôpital ou en clinique. Le second type, les « soins de longue durée et soins de suite et de réadaptation », correspond à la fois à des services de rééducation, en hôpital ou en clinique, mais aussi à des EHPAD et des maisons de retraite. Les « soins en santé mentale et en psychiatrie » constituent le troisième type. La psychiatrie est donc identifiée comme un type spécifique, bien que certaines unités spécialisées dans des maladies mentales liées à l’âge, de type Alzheimer, puissent également faire partie de cette catégorie. Enfin, le quatrième type de soins concerne les « soins individuels ou collectifs sur des lieux de vie ». Il regroupe des stages correspondant au domaine de la santé publique, dans les infirmeries de collèges ou de lycées, dans des services de médecine du travail ou de médecine préventive, dans des dispensaires ou encore en crèche. C’est également dans cette catégorie que sont intégrés les stages qui se déroulent au domicile des patients, à savoir ceux réalisés dans des cabinets d’infirmières libérales, dans des Services de Soins

41. ↑Projet Leonardo – CRESI (Création d’un Référentiel Européen de compétences en Soins Infirmiers). En France, ce projet a mobilisé : une conseillère pédagogique nationale de la DHOS, qui est elle-même une ancienne infirmière devenue cadre de santé, puis directrice des soins et directrice d’institut de formation des cadres ; mais aussi des cadres de santé formatrices dont une est responsable du projet en France, et de cadres de santé d’unités. La composition des membres semble en aller de même dans les autres pays. Ainsi ce sont toujours les cadres de santé qui organisent la formation des infirmières.

42. ↑Référentiel de formation, « 6. Formation clinique en stage », paragraphe « Parcours de l’étudiant en stage ». Annexe n °3 de l’arrêté du 31 juillet 2009.

Infirmiers A Domicile (SSIAD) ou dans le cadre d’hospitalisations à domicile assurés par des structures hospitalières (HAD).

Depuis 2009, si le temps consacré aux stages représente toujours la moitié de la forma-tion, le nombre de stages réalisés par chaque étudiante est passé d’une quinzaine à sept43. La nouvelle organisation prévoit en effet des stages plus longs : entre cinq et dix semaines, quand l’ancien programme comprenaient plus souvent des stages de quatre semaines. Seul un stage, dit de « projet professionnel », en troisième année comptait entre huit et douze semaines. L’organisation de la formation ne prévoit pas que les étudiantes puissent choisir leurs stages, même si une préférence peut leur être demandée à partir de la deuxième année44. D’après les témoignages que nous avons recueillis sur des sites internet spécial-isés45, chaque IFSI a son propre mode de fonctionnement. Toutefois, dans aucun des IFSI, les résultats – ceux du concours ou ceux des examens à l’IFSI – ne sont pris en compte pour l’attribution des stages. Cette façon de procéder est aux antipodes de ce qui peut être pratiqué en médecine et qui aboutit à la mise en concurrence des étudiants (Hardy 2003). La répartition des étudiantes dans les terrains de stage est, à l’IFSI de Voulin, organisée par l’une des directrices adjointes. Elle nous explique ce qui est important pour elle :

J’essaye, autant que faire se peut, de construire des lignes de stage pour les étudiant[e]s sur leurs trois ans. Lignes qui répondent déjà aux typologies de stage et puis une certaine cohérence et graduation comme j’expliquais à la réunion [avec les partenaires de stage]46, c’est-à-dire que ben si l’étudiant, il est allé en longue durée, donc on va dire pour les personnes âgées pour faire court, dans une maison de retraite, et qu’il doit refaire et bien j’essaye qu’il aille à ce moment-là, sur le site [spécialisé en gériatrie] au CHU, parce que ce n’est pas la même prise en charge que la maison de retraite. S’il a fait un service de chirurgie, et puis que je veux qu’il fasse un service de médecine, et bien soit je l’ai mis dans une structure privée pour l’un ben je mets en structure publique pour l’autre. Parce que c’est, il n’y a pas les mêmes moyens, c’est pas les mêmes données. Voilà. Ça c’est l’idéal.

(Ophélie, cadre supérieure de santé, IFSI de Voulin)

43. ↑Le précédent programme de formation prévoyait des stages obligatoires répartis selon les types de publics et/ou de pathologies : médecine ; chirurgie ; psychiatrie ; pédiatrie ou pédo-psychiatrie ; santé publique ; gériatrie ou géronto-psychiatrie ; réanimation, urgences, soins intensifs ou bloc opératoires. Vingt autres semaines étaient organisées librement par les IFSI, à la condition qu’elles comprennent des stages dans au moins trois disciplines différentes. La diversité était donc également de mise.

44. ↑Sur ce point le référentiel de 2009 n’a pas apporté de modification.

45. ↑Parmi les sources d’informations, nous avons consulté le forum , et les sites internet de différents IFSI.

Ophélie fait en sorte que les étudiantes aient rencontré un maximum de types d’exerci-ces, de structures et d’unités, durant leurs trois années d’études. Elle précise qu’au terme de leur formation, les étudiantes :

ont un diplôme d’État d’infirmier finalement novice et... polyvalent. Le but c’est pas qu’ils aient... Bon tant mieux s’ils ont développé des compétences un peu pointues, mais moi je dis toujours aux collègues des unités de soins là du CHU « attention là le niveau il est exigeant et tous les étudiants ne travailleront peut-être pas en CHU et n’auront pas forcément besoin de compétences si pointues ». Reprocher à un étudiant de ne pas savoir faire marcher la machine lambda qui, de toute façon, dans deux ans elle sera... obsolète. Et il travaillera peut-être jamais dessus, c’est pas bien grave quoi. C’est... quels sont les, les, vraiment les invariants et les... les soins prévalents, qu’une infirmière doit maîtriser quoi. C’est ça qui nous importe.

(Ophélie, cadre supérieure de santé, IFSI de Voulin) Le souci premier des cadres de l’IFSI n’est pas de former les étudiants à l’ensemble des soins techniques, mais bien de les préparer à pouvoir exercer dans différents services de soins à partir d’une formation généraliste.

5.4.2 Évaluer l’appropriation du cadre de référence

Si une partie importante de l’évaluation est réalisée par les équipes dans les services de soin, les cadres formatrices ont un rôle dans la validation des stages des étudiantes.

Lors de chacun de leurs stages, les étudiantes sont évaluées par des cadres formatrices de l’IFSI, qui sont référentes des terrains de stage. Elles viennent directement dans le service pour évaluer les étudiantes sur des « démarches de soins ». Il s’agit de faire présenter aux étudiantes les éléments importants qui permettent de prendre en charge les patients. Cet exercice se décline, bien entendu, selon les spécificités du service. Toutefois, un certain nombre d’éléments sont communs. Les étudiantes doivent présenter les patients qu’elles ont en charge dans le service : leur pathologie, mais aussi leur histoire de vie plus généralement et expliquer l’organisation de leur prise en charge. Dans le service de rééducation, lors de l’évaluation de Gaston, un étudiant de deuxième année, la cadre formatrice le reprend sur cette présentation :

« Je t’interromps, je ne comprends pas trop la situation de ce monsieur parce que je n’ai pas le motif d’hospitalisation. Il doit arriver plus tôt dans la présentation. Il faut que tu racontes une histoire, l’histoire du patient mais en agençant les éléments de façon logique. Demande-toi : Qu’est-ce que ma collègue a besoin pour prendre en charge le patient ? »

Ce patient a été admis dans le service après un accident de moto dans lequel il s’est fracturé les deux jambes. Il a été opéré dans un ser-vice de chirurgie et transféré en rééducation le temps de la cicatrisation.

Dans un second temps, Gaston présente ensuite les différents problèmes de santé du patient : il explique qu’il a fait une embolie pulmonaire d’une part et d’autre part il a une diminution de la mobilité du fait de ses fractures. Là encore, il est arrêté par la cadre formatrice, le problème à mettre en avant n’est pas la diminution de la mobilité. Cette dernière est une conséquence du problème « fracture ». L’étudiant semble perdu. La cadre formatrice lui dessine un schéma sur lequel elle place un bonhomme (qu’elle nomme « gugusse ») au centre. Puis, l’étudiant et la cadre formatrice listent les problèmes de santé de ce patient. Certains relèvent du domaine médical : l’embolie pulmonaire et la fracture. La première doit être traitée en priorité. De la fracture découlent un ensemble d’autres problèmes : une anémie ; de la douleur ; ainsi qu’un déficit sensorimoteur qui peut lui-même amener de l’anxiété. Ces problèmes sont identifiés comme traités « en collaboration », entre le médecin et l’infirmière. Enfin, une dernière série de problème est identifiée comme relevant des diagnostics infirmiers : le « déficit en soins personnels » [le fait que le patient ne puisse pas réaliser seul les soins d’hygiène notamment] ; la motivation et le risque de constipation. Gaston explique que ce qui est le plus important c’est le déficit en soins personnels. La cadre formatrice le reprend : « en général, vous [les étudiants] vous priorisez les problèmes en fonction de votre charge de travail et non par rapport au ressenti du patient. Ce qui prime ici c’est quoi ? »

Gaston : « c’est la motivation ».

La cadre formatrice : « oui parce que le fait de rester motivé est très important, le reste découle de ça. Et moi le déficit en soins personnels je le mettrai en dernier [c’est une conséquence des autres problèmes et non un problème en lui-même].

(Carnet de terrain, 6 mars)

Lors de cette évaluation, la cadre formatrice insiste sur deux choses : l’identification des problèmes de santé en fonction des professionnelles qui les évaluent et la hiérarchisation dans chaque catégorie de l’importance des problèmes. Les cadres formatrices attendent que les étudiantes identifient le rôle de l’infirmière dans le service en particulier. Les étudiantes doivent faire fonctionner le cadre de référence, fourni à l’IFSI, à partir des patients qu’elles ont à prendre en charge dans le service. Soulignons que ce type d’évaluation peut être renouvelé plusieurs fois dans le stage, permettant aux étudiantes de réaliser les ajustements. Les étudiantes sont également évaluées lors de temps de suivi pédagogique. Les cadres formatrices les reçoivent en entretien, après la fin du stage en général. Les étudiantes doivent