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Chapitre IV. Naissance et formation des villes minières

4. Naissance et formation de la ville de Mdhilla

Le nom de Mdhilla est apparu en 1909, après la découverte des gisements de phosphates. Elle a été nommée Sehib au départ qui puise ses racines dans le nom du compagnon du "prophète Souheib Erroumi". La région urbaine de Mdhilla englobe trois entités urbaines ; localité d’El Borj, localité de Djebel Mdhilla et commune de Mdhilla (ou la ville de Mdhilla), chef-lieu de la délégation.

4.1. Localisation de la région urbaine de Mdhilla

La ville de Mdhilla est située à 20 Km au sud de Gafsa, dans un cul-de-sac, accessible par la RR 123. À quatre kilomètres au sud, se trouve une autre localité nommée Borj Mdhilla suivie par une autre localité nommée Djebel Mdhilla. Dans ce contexte, le Groupe Huit et CERES (1976), ont comparé la région urbaine de Mdhilla à trois morceaux dont le schéma général fait penser à une bête difforme. La queue représente le village minier (la ville de Mdhilla actuellement), le long du corps filiforme accroche au passage le groupement du Borj, et la grosse tête faite du village central, désaxée et penchant sur le côté (carte 29).

Sur le plan topographique, la ville de Mdhilla se situe à la limite du piémont disséqué et au glacis d’accumulation sur un vaste plan incliné qui joint l’anticlinal du Djebel Séhib à la plaine de Gafsa. La carapace de gypse, de faible résistance, couvre la région, dénudée de toute végétation, où le minerai de phosphates constitue la seule raison d’être de cette région. Le terrain, coupé d’oueds, dont le plus important est l’oued Mdhilla, affluent d’oued El Maleh, le disloque en plusieurs morceaux.

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Carte 29 : Présentation de la région urbaine de Mdhilla (Source: Google Earth et CPG, 2016)

4.2. Genèse de la ville

La ville de Mdhilla a été la première à avoir fait l’objet d’un plan d’aménagement (en 1934) dans le BMG, en fonction de son rôle minier et de ses liens avec la ville de Gafsa. Ce plan a été succédé par un PAU en 1979 et actualisé en 2009. L’évolution spatiale de la ville de Mdhilla est passée par 4 phases principales :

La première phase correspond à la naissance de la ville, elle s’étend de 1900 jusqu’à 1930.

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qui forme le noyau industriel actuel de la Mdhilla. Les années 1930 étaient marquées par la création des habitats dispersés à l’ouest de la Cité Centrale ainsi que le premier noyau de la Cité Caserne (destinée essentiellement aux gendarmes). L’étalement des habitats est plus ou moins spontané jusqu’à la mine (Borj-Village). Les travaux de préparations des galeries minières entre 1920 et 1923 consistent d’abord à établir sur quinze kilomètres de liaison ferrée avec la ligne Sfax-Gafsa. La voie rejoint la rive gauche de l’Oued Bayech (au niveau de Gafsa ville) qu’elle longe jusqu’à Gafsa-Gare. A cette époque, l’habitat est très rudimentaire ; la mine a construit, à proximité du Borj, quelques logements de service, une petite caserne et un économat pour les ouvriers autochtones. La grande majorité des mineurs s’installent au plus près de l’exploitation dans des habitations troglodytes.

La deuxième phase s’étend jusqu’à l’indépendance : l’installation du village ne commence

qu’après 1923 bien que les plans se soient succédés depuis 1920. Quant aux ouvriers autochtones, leur logement est prévu bien à l’écart, initialement au Borj, où un premier schéma d’implantations importantes, qui date de 1921, connu en 1930, une réalisation partielle. Le problème du manque d’eau demeure pour la mine et les ouvriers, le souci majeur. Les crises sociales vont avoir de grosses répercussions sur l’évolution de l’agglomération particulièrement après 1936. Les problèmes évoqués ressortent des conditions générales de vie, les populations partent chaque année, pour aller chercher dans le nord « de quoi ne pas mourir » (Groupe Huit et CERES, 1976). Reste à signaler que dans les années 1950, la politique coloniale était une politique d’augmentation de la production sans investissements industriel. Ainsi, elle a ignoré complètement toute forme d’extension urbaine planifiée.

Entre l’indépendance et les années 1980 : le début des années 1970, correspond au top du

recrutement des employés (ouvriers et cadres) et coïncide avec l’ouverture des carrières d’exploitation (Mzinda et Jallabiyè), sachant que les travaux d’extraction n’étaient pas encore bien mécanisés. La majorité des extensions urbaines sont réalisées dans les années 1960 jusqu’aux années 1980 (carte 30). Dix ans après, une politique de logements, plus prononcée que dans les autres sièges, tente par ailleurs de créer à Mdhilla un motif supplémentaire de fixation. Cent logements populaires s’implantent ainsi, de l’autre côté de l’oued qui limite le village au nord-est. Ils constituent la première tranche d’un important ensemble, particulièrement monotone et désolant, dont 270 logements constitueront en 1967 et 1968 la seconde tranche. Actuellement, ils sont inoccupés sous l’effet des rejets du GCT.

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Carte 30 : Genèse de la ville de Mdhilla

(Source : PAU 2009, Municipalité de Mdhilla et Google Earth 2016)

Dès les années 1980 : la ville se caractérise par une densification à la périphérie de la cité

Centrale et une négligeable extension urbaine non planifiée par les autorités. Le centre-ville est limité par les affluents d’oued Mdhilla à l’est et au sud-est par la Laverie à l’ouest. La seule extension possible est au nord-ouest, commencée avec l’implantation de 432 logements, mais ces nouveaux terrains sont en réalité séparés eux-mêmes de Mdhilla. « Il s’agirait donc d’une nouvelle agglomération plaquée sur l’ancienne et non pas intégrée » (Chandoul S.,

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2010). Les habitats se développent autour de la Cité Centrale selon les axes sud-ouest, nord- est et sur la route de Gafsa. Ce développement confine de plus en plus le grand centre de Mdhilla dans une position périphérique, ce qui accroit la désarticulation de la ville, présentant ainsi les cités ouvrières.

4.3. Tissu urbain et typologie des habitats de la ville

La ville de Mdhilla présente une structure urbaine éclatée en cités incontestablement distinctes les unes des autres, constituant ainsi, des unités spatiales différentes dans leur contenu social et morphologie. Les constructions la ville de Mdhilla sont "plein pied" de chaussée, mis à part quelques rares constructions en étage éparpillées, situées surtout dans la zone centrale. Entourant la Cité Centrale, le centre secondaire est en décrépitude, due à l’élimination de la ségrégation entre les cités planifiées et les cités anarchiques et au développement de la commune le long de la route de Gafsa dans des habitats en majorité non planifiés. Cette ambigüité du tissu urbain rend onéreuse toute tentative d’organisation et de réhabilitation pour retenir la population. Ainsi, la ville est occupée par deux hiérarchies des habitats. Le premier se caractérise par le tracé géométrique, exclusivement l’œuvre de la CPG et la société d’habitat SPROLS. Le second n’offre pas de tracé régulier de voies, il est créé par les citoyens de Mdhilla y compris les ouvriers de la Compagnie.

4.3.1. Tissu urbain ordonné construit par la CPG et la SPROLS

Similaire aux autres villes minières, l’habitat réalisé par la CPG est réparti en habitat colonial et habitat postcolonial réalisé après l’indépendance. Sa hiérarchie est bien aménagée et se répartit le long de la Cité Centrale, Cités Ouvrières 1 et 2, la Cité Caserne et aux alentours des constructions administratives de la CPG (magasins, locale UGTT…). La superficie des habitats de types coloniaux va en rétrécissant, en passant du pavillon du haut cadre, à celui du cadre de maîtrise et de ce dernier à celui d’agent d’exécution. Ce type d’habitat est surpeuplé jusqu’à nos jours par les cadres de la Compagnie mais uniquement des tribus locales (Ouled Maâmer et Ouled Tlijen). Les cités destinées aux ouvriers qualifiés ou les semi cadres sont formées par des logements n’excédant pas 200m2

et disposés selon une grille orthogonale avec des voies de 35m de largeur lors de sa construction, inférieure à 14m actuellement44. Il y a un autre type d’habitat, construit sous forme de blocs dans les années

1930, destiné aux célibataires qui « offrent des conditions d’habitat médiocres » (PAU Mdhilla, 1967), transformée aujourd’hui, par rassemblement, en habitats collectifs (carte 31).

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Carte 31 : Les acteurs des constructions dans la ville de Mdhilla (Source : PAU 2009, Municipalité de Mdhilla et Google Earth 2016)

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Les habitats postcoloniaux, situés à l’ouest de la Cité Centrale, reproduisent le modèle d’une villa, conçus pour les semi-cadres, agents de maitrise et agents d’exécution. Ils sont implantés dans les Cités Ouvrières 1 et 2 et le long de la route de Gafsa, occupée actuellement par les ouvriers de la GCT. Notons que le GCT n’intervient en aucune forme d’habitation de l’espace urbain de Mdhilla.

4.3.2. Habitat non géométrique

Ces habitats sont construits par les ouvriers de la Compagnie ainsi que les autres habitants liés directement et indirectement aux exploitations minières (magasins, boulangerie….). Les cités anarchiques similaires aux "Douars" (Ouled Maâmer, Ouled Ouhéba, Hnechriyè…). Les habitats spontanés à trame irrégulière sont formés généralement par deux ou trois pièces oblongues. Ils sont répartis en :

- Habitat spontané à trame régulière : il englobe Cité Chergui et Cité El Guibli. Elles

se caractérisent par une trame orthogonale et un tissu organisé bien qu’il soit non planifié par la municipalité. Elles présentent des logements du type groupé ou en bande continue et toujours "plein pied";

- Habitat spontané à trame irrégulière : c’est principalement la Cité Rapide (ou Cité

Sariâ) et la Cité Gharbi. Elles sont bâties dans les années 1980 et occupées par Ouled Bou Yahya et Ouled Slèmè. Ce sont des habitats spontanés à trame irrégulière avec une majorité de constructions édifiées sur des terrains accidentés et à la servitude des oueds (carte 32). Les habitats anarchiques comptent plus de 1000 logements sur une superficie de 85 ha avec une densité moyenne de 11 log./ha. La topographie accidentée entrave la densification de ces cités ; en outre, les travaux d’aménagement et de réhabilitation sont difficiles vu les faibles moyens de la commune et l’entassement des habitats non géométriques. Ces derniers sont répartis en habitats concentrés ou habitats éclatés :

 Les habitats concentrés : implantés sur des terrains escarpés. Ils sont occupés par des Soufis, Tripolitains et des paysans sédentaires (Jouaber). Les logements sont accolés les uns aux autres, formant des lotissements de 15 à 20 logement. Ce type d’habitat couvre principalement la partie sud-ouest de la ville de Mdhilla (Cité rapide) ;

 Les habitats éclatés : les grappes de logements n’excédant pas 4 logements sont occupés par la même origine tribale (généralement de même famille). Ils s’étendent sur des terrains étendus et quasiment plats occupés par des nomades et semi-nomades (Ouled Maâmer, Mgadmia…) au périphérique sud-ouest de la commune de Mdhilla (Cité Est).

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Carte 32 : Typologie des habitats de la ville de Mdhilla (Source : PAU 2009, Municipalité de Mdhilla et Google Earth 2016)

Durant la colonisation, les logements de Mdhilla sont souvent très modestes pour les catégories les plus défavorisées. Le village des mineurs est dans un piteux état puisque environ 70% des logements, qui sont plutôt des gourbis, sont en ruine. Les cités ouvrières sont plus ou moins en bon état et seuls les cadres bénéficient de villas. Actuellement, la municipalité de Mdhilla, avec ses faibles moyens, s’intéresse à l’élimination de la ségrégation entre les cités à typologies européennes et cités à typologies traditionnelles mais aussi au

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développement de la commune le long de la route de Gafsa où le domaine minier limite les extensions urbaines du côté nord-ouest (stocks des laveries). Le centre-ville est limité par la zone industrielle au nord, la voie ferrée et un bras d’oued à l’ouest. Le noyau urbain de la commune est fortement habité par les habitats et une petite zone polyfonctionnelle et il n’y a aucune possibilité d’extension ou de densification selon Salhi B., et Dhieb M., (2014b). Les autres cités sont implantées sans grande logique, auprès des rives des oueds et toujours sur des terrains gypseux. Le sud-est (Malaji) et le sud-ouest de la ville sont implantés sur les lambeaux d’un glacis d’érosion démantelé, particulièrement inaccessibles et évidemment non urbanisable.

En somme, pour les quatre villes minières la disposition des installations industrielles (Laveries, aires de stockage, recettes) la gare et le village européen étaient disposés de façon relationnelle dans l’esprit taylorien en fonction des extensions des mines et des contraintes naturelles de la région (élévation, pente, cours d’eau). Autour de ces composantes minières, se sont agglutinés des logements à trame régulière de type européen, puis des cités d’ouvriers de trames traditionnelles et anarchiques en majorité. En 1939, la direction coloniale des exploitations minières fait élaborer une sorte de plan d’aménagement et un cahier de charge destiné à règlementer les constructions afin de séparer les habitats anarchiques des autres. D’autre part, ces plans empêchent la prolifération des habitats anarchiques construits sur des terrains non urbanisables (zones de servitude) selon le Groupe Huit (1970) et l’Archives Nationales (1949).

La période d’après l’indépendance jusqu’aux années 1980 est la plus prospère, durant toute l’histoire de la CPG, en matière de construction et d’urbanisation de ces villes minières. Les problèmes d’urbanisme ont apparus avec les extensions à bases tribales et non contrôlés par les pouvoirs municipaux, avec un habitat spontané là où la topographie le permettait, menaçant la population de divers risques. L’espace minier et les villes minières en particulier ont connu divers problèmes liées à l’urbanisation et des contestations entre les citoyens et la concession de domaines miniers.

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Chapitre V. Exploitation minière et contraintes