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Chapitre V. Exploitation minière et contraintes d’urbanisation dans le BMG

2. Contraintes liées à l’aménagement des villes minières

Bien que les villes du BMG trouvent leur genèse dans l'exploitation minière, aucune conception d'ensemble n'a été respectée pour leur évolution future. Celle-ci s'est faite au gré de l'exploitation minière. Il existe une grande similarité entre les contraintes d’urbanisation bien que le cadre de dégradation du cadre de vie diffère d’une ville à l’autre.

2.1. Des villes "désorganisées"

Nous pouvons définir les villes minières comme des habitats plus ou moins structurés autour d’un centre industriel représenté par les Laveries. Ces habitats se développent dans les zones de servitudes autour d’un noyau industriel bloqué. Ce problème existe dès le départ de l’implantation de chaque ville. Le manque de vue d’ensemble apparaît d’ailleurs à tous les niveaux surtout en l’absence d’une zone polyfonctionnelle clairement définie. La seule exception qui existe est celle de la ville de Rdeyef où la zone polyfonctionnelle est centrale, séparant les habitats à trame régulière de ceux à trame anarchique.

Pour Mdhilla, le mauvais choix du site de l’implantation de la ville est couplé avec une mauvaise organisation de l’espace. Un premier schéma d’intention, en 1920, propose d’implanter la zone industrielle au sud, du côté de la mine, et la Cité des Européens (ou village) au nord. Ce plan non exécuté, abonde le problème bien plus largement en utilisant deux parties du terrain. Le premier, à l’ouest, est réservé à la zone industrielle, alors que le centre-ville est situé à l’est, et s’inscrit entre deux oueds. La gare vient s’inscrire en son cœur, opérant ainsi la liaison. Fonctionnement sans failles, industrie d’un côté, ville de l’autre, possibilités d’extension de part et d’autre, ceci apparait comme une solution convenable permettant l’extension de la ville.

Néanmoins, ce plan est abandonné sous prétexte qu’il nécessite des investissements nettement plus importants lors des travaux d’aménagement et de réhabilitation de la plateforme urbaine. La carte 37 montre le schéma proposé avec d’un côté la laverie et de l’autre les habitations,

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séparés par la ligne ferroviaire et oued Mdhilla. Mais, la réalité est autre puisque le schéma réalisé rassemble à la fois les laveries et les habitations où tout est concentré. Depuis la gare au centre-ville, la voie ferrée dessert Gafsa vers le nord et mine Sehib vers le sud.

Carte 37 : Différence entre schéma proposé et schéma réalisé lors de l’implantation de la ville de Mdhilla (Source : Groupe Huit, 1970 et Archives Nationales, 1949)

2.2. La pollution dans la ville de Métlaoui

La CPG a implanté en 1950 la première Laverie dans la ville de Métlaoui. Dix ans plus tard, la deuxième Laverie se construit à 2 km de la première, au nord de la ville, près de l’aire de stockage (carte 38). Les deux Laveries sont reliées par un tapis transport de phosphate, en plein centre-ville. Les terrains à proximité immédiate, situés surtout à l’ouest des Laveries, sont conquis par des déchets urbains et des stocks de stériles (photos 10.1 et 10.2.).

Les affluents de l’oued Métlaoui isolent les cités Loussayef, Ouled Larta et Mziraâ. Le noyau impénétrable de la zone des Laveries interdit-quasiment les communications entre les cités Ennasr, El Amal, Souafa,… et la voie ferrée souligne encore ce dispositif en « isola » les cités Magroun de la Kayéna ou Souafa d’Ibn Khaldoun (photo 10.3.). Cet éclatement correspondait à une ségrégation voulue des cités-ethniques, dès l’implantation de la ville jusqu’à nos jours, favorisant ainsi la division des différentes tribus.

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Le cœur de l’agglomération est paradoxalement occupé par la zone industrielle (photo 10.4.) et la position aberrante de ce noyau s’est logiquement traduite par l’absence d’un centre-ville véritable et par la situation des micro-centres des cités d’El Amal, Ennasser et Ibn Khaldoun.

Carte 38 : Infrastructures minières de la ville de Métlaoui (Source : CPG, 2016 et Google Earth 2016)

10.1. Rail transporteur de phosphates 10.2. Laveries L3 (nord Métlaoui) Rail transporteur

Déchets de phosphates

Stocks stériles

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10.3. Servitude de ligne ferroviaire, on isolement des cités 10.4. Laveries L1 (centre-ville)

Photo 10: Infrastructure minière de Métlaoui et problème d'urbanisation (Source : Salhi B., 2015)

2.3. La pollution dans la ville de Rdeyef

Même avant les années 1960, des constructions illégales, anarchiques s’agglutinent dans des espaces très restreints. La partie nord-est et la partie sud-ouest de la ville sont urbanisées bien que les stocks de stériles soient classés comme des zones de servitude minière (photo 11.1.). L’extraction minière a laissé des mines souterraines abandonnées carte 39, au nord- ouest de la ville en forme de fer à cheval dont le règlement d’urbanisme y interdit toute construction, par crainte d’affaissement du terrain.

Des dangers sur la vie des habitants sont présents comme l’effondrement du logement dans le tunnel de la CPG (photo 11.2.). Les habitats anarchiques envahissent ces espaces qui peuvent s’effondrer à tout moment. Les cités de Nesla, Houmet Soug et Tripolitains souffrent de l’isolation par la voie ferrée (photo 11.3.), une exigüité des ruelles et le manque d’espace verts.

10.1. Construction dans les servitudes minières 10.2. Effondrement des habitats Atelier

Stériles

Habitats anarchiques Déchets urbains Stocks stériles

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10.3. Servitude de ligne ferroviaire

Photo 11 : Infrastructure minière de Rdeyef et problème d'urbanisation (Source : Salhi B., 2015)

Carte 39 : Infrastructures minières de la ville de Rdeyef (Source : CPG, 2016 et Google Earth, 2016)

Habitats anarchiques Stocks stériles

Déchets de construction urbains Habitats anarchiques

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2.4. La pollution dans la ville de Moularès

La zone de nuisance atmosphérique, soumise à des vents dominants nord-est et par des vents moins importants venant du nord-ouest, s’étale au sud de la ligne des stocks, de l’aire de stockage et des stériles (carte 40). En effet, les cités au nord de la Laverie sont confrontées à la pollution des rejets de Laverie en période hivernale. Alors qu’en période estivale, c’est la partie sud de la ville qui est touchée par les pollutions atmosphériques. La Cité Kouceîla (au nord-ouest de la ville est légèrement mieux située par rapport à la direction des matières en suspension dans l’air. Par contre, les cités Nesla Souafa et Loussayef sont en pleine zone de nuisance (photo 12.1.). L’ouest de la ville est bloqué par les exploitations minières.

Carte 40 : Infrastructures minières de la ville de Moularès (Source : CPG, 2016 et Google Earth, 2016)

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Le nord de la ville, où s’étendent les habitats anarchiques de Kouceîla, est menacé par les tremblements de terre issus des travaux d’explosion dans le gisement table nord à une distance de moins de 2 Km au nord de la ville. Ajoutons que l’est de la Cité Loussayef est en risque de glissement et d’effondrement de terrain vu son emplacement près de l’ancienne mine souterraine. Moularès est bloquée, ligotée de tous côtés, et les cités Bou Yahya et Mabrouk Brahmi, doivent pour s’étaler (photo 12.2.), passer de l’autre côté des obstacles de zone industrielle (stocks de stérile) pour le premier, et la voie ferrée pour le second.

12.1. Ville de Moularès, vue globale

12.2. Prolifération des habitats vers les stocks de phosphates

Photo 12 : Infrastructure minière de Moularès et problème d'urbanisation (Source : Salhi B., 2015)

Laverie Cité Nesla Souafa Aire de stockage (stériles)

Habitats anarchiques

Stocks stériles

Stocks stériles Habitats anarchiques

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2.5. La pollution dans la ville de Mdhilla

Les rejets gazeux de l’unité de fabrication de TSP à GCT, constituent une source de pollution pour toute la région de Mdhilla surtout quand les vents sont favorables (direction nord-est). La ville est continuellement affectée par l’air chargé de polluants olfactifs, caractérisés par des odeurs nauséabondes surtout en période d’été. Les zones de stériles se prolongent vers le nord-ouest de la ville issus de la Laverie (carte 41).

Le tapis rail transporteur de phosphate s’étend de la Laverie jusqu’à le GCT, et est protégé en partie par une cage en tôle ondulée. Toutefois les infiltrations de poussière envahissent l’environnement immédiat dans la Cité Echebeb et la Cité SPROLS.

Carte 41 : Infrastructures minières de la ville de Mdhilla (Source : CPG, 2016 et Google Earth, 2016)

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Le cadre de vie est dégradé (photo 13.1.), « la Cité SPROLS désertée en raison de l’exigüité des logements d’une part, et du passage du rail aérien47

pour le transport du phosphate de la Laverie, vers le GCT » (PAU Mdhilla, 2009). Les entrepôts et les dépôts de stérile sont situés au nord de la Cité Centrale (photo 13.2.) et à l’ouest de la ville engendrant une grande pollution pour la ville (Salhi B., et Dhieb M., 2014b). La politique de protection de l’environnement devrait s’appliquer par la transformation des friches industrielles en Périmètre d’Intervention Foncière (PIF) ainsi que du transport de la Laverie afin d’améliorer les activités urbaines (MEHAT/DGAT, 2012), mais ce projet est loin d’être réalisé.

13.1. Exemple d’état d’aménagement de réseau 13.2. Rail transporteur de phosphate

Photo 13 : Infrastructure minière de Mdhilla et problème d'urbanisation (Source : Salhi B., 2015)

Le fonctionnement quotidien des villes minières, défini par le fonctionnement industriel, avait peu a peu perdu sa simplicité et sa cohérence dès les années 1940 et ce qui explique l’actuel mauvais état de ces villes. A partir des entretiens avec les acteurs locaux de gouvernorat de Gafsa et les municipalités minières, nous sommes en mesure de penser que l’urbanisme constitue une des conditions nécessaires pour aller vers une démarche de développement durable du BMG. Les municipalités qui devraient jouer un rôle moteur dans la coordination entre la population et les compagnies minières (surtout la CPG), souffrent d’une surcharge de missions aggravées par un manque de moyens matériels et financiers et parfois la faiblesse des compétences des élus, qui se trouvent submergés par les problèmes quotidiens concernant les villes (assainissement, déchets urbaines,…).

47 Le tapis rail transporteur de phosphate s’étend de la Laverie jusqu’à le GCT, est protégé en partie par une cage en tôle ondulée. Toutefois les infiltrations de poussière envahissent l’environnement immédiat dans la Cité Echebeb et la Cité SPROLS.

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