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1.3. Autoriser l'analogie

1.3.3. Négocier l'indicialité

Nous avons vu à travers l'évolution du geste auctorial (cf. 1.2.2.3), puis les types de réalisme (cf. 1.3.2.2) que le caractère documentaire a pu évoluer, des propriétés physiques de l'image photographique vers la vraisemblance de la représentation. Cette évolution historique peut être autrement abordée par les liens entretenus entre image et réel. Au-delà d'une impression de réalité, la préoccupation se porte alors sur l'existence de ce qui est montré et sur les éléments qui pourraient l'attester. Avant d'envisager l'indicialité des images du serious game, revenons un temps sur celle du cinéma et l'attente fondamentale qu'elle suscite.

1.3.3.1.Une attente fondamentale

Si le réalisme des films précédemment cités n'est pas remis en question par leurs trucages ou images de synthèse (cf. 1.3.2.1), un nouveau constat soulignera par contre qu'aucun d'eux ne prétend à une portée documentaire sur cette seule base. En effet, nous constatons que ces images truquées sont toujours accompagnées par au moins un élément qui concourt à les légitimer, à les faire exister dirons-nous : utilisation d'archives, jalonnement d'interviews filmées d'experts ou autres témoignages "en chair et en os",

making-of pour dévoiler leur construction, etc. Ainsi, qu'il s'agisse de réalisme direct ou

indirect, le recours à l'image photographique semble incontournable : elle est l'élément irréductible du dispositif filmique pour attester l'enregistrement de faits vécus ou, à défaut, de faits expliqués par un vivant. Lioult (2004, p. 151) corrobore l'importance de l'image photographique en décrivant la manière dont elle articule une bipolarité : celle-ci permet d'un côté une référence au réel et de l'autre sa réinterprétation par "reconstruction symbolique" (p. 151). Cette bipolarité est diversement construite, mais quel que soit l'équilibre entre ces deux pôles, quel que soit les codifications esthétiques de ce qui est

filmé et le niveau d'abstraction des symboles, l'image documentaire n'en perd jamais complètement sa référentialité, soit "son caractère de trace ou de preuve et le lien causal qu'il entretient avec son référent" (2004, p. 151). Cette affirmation est d'autant plus importante qu'elle met en lumière ce qui est trop souvent implicite pour d'autres théoriciens qui se référent de facto à l'image photographique. Nous retrouvons là les trois facettes du signe selon Pierce avec l'icône qui convoie la chose qu'elle représente en l'imitant et qui donne lieu aux divers types de réalisme ; l'indice (ou trace) qui fait référence à cette chose

signification, par convention ou usage (Soderman, 2007). L'indice recouvre les deixis du langage pour désigner ("celui-ci", "là-bas") et les indications matérielles pour rediriger vers l'objet dont le signe émane, reflétant le passage de cet objet (la girouette pour le vent, une empreinte pour un doigt). L'indice permet ainsi par contigüité de remonter du perçu à sa référence dans le réel. Sa prééminence est fonction du type de réalisme convoqué dans le large éventail décrit plus haut : "Documentarisme, naturalisme, vérisme décrivent bien une gradation de l'[indice] à la verisimilitude, de la saisie empirique du réel pris sur le vif à la reconstruction rationnelle totalisante – pouvant asservir la réalité à l'idéologie. La voie médiane du naturalisme correspond à des pratiques fort répandues de production de simulacres, basées sur l'analogie iconique avec le monde perçu" (p. 151). Quand bien même en faible proportion, le rôle de l'indice au sein du texte filmique est donc déterminant : l'attitude spectatorielle "s'établit clairement par rapport à une fonction indicielle du texte filmique en tant qu'il dépeint le réel du premier ordre" 36 (Lioult, 2004, p. 132) ; cette relation constitue "une attente fondamentale du documentaire" (Nichols, 1991, p. 27).

1.3.3.2. Variations autour de l'indice

En regard de cette attente fondamentale, l'image du serious game et son mode de représentation réaliste devraient eux aussi justifier de la mise en indice du réel. Mais pour être opératoire au sens documentaire, il ne suffirait pas que l'image "ressemble à" : le

serious game devrait aussi permettre de "remonter vers" un référent. L'évolution de la prééminence de l'index à travers les époques et les pratiques trouve des échos dans la thèse de Poremba (2011) sur les "jeux vidéo documentaires". Celle-ci traite de "l'élaboration de la réalité" à travers trois niveaux de référentialité que nous détaillerons : l'index à proprement parlé, cherchant dans le docu-game un pendant à l'image photographique ; une extension de l'indicialité d'un "matériau" en empruntant à un autre son caractère indiciel

via un "décalage phénoménologique" ; et un ancrage dans le réel via une performance directement liée à l'action de l'utilisateur. Leurs descriptions ci-dessous seront complétées avec l'apport d'autres auteurs et discussions antérieures issues du champ cinématographique.

36 cf. définition du réel de premier ordre en Introduction Générale.

a. Prétentions indicielles

En tant que "multimédia" tout d'abord, les documentaires interactifs n'auraient a priori aucune peine à intégrer des images photographiques, ce qui leur permettrait de revendiquer un pouvoir indiciel. Néanmoins, la chose ne va pas de soi pour de nombreux auteurs dont Nichols qui ont envisagé a contrario la "mort de l'indice" avec l'arrivée des outils numériques (caméra, montage virtuel, etc.). Deux principaux freins sont recensées par Soderman (2007) : premièrement, la numérisation viendrait rompre le lien physique – c'est-à-dire la contigüité "analogique" – en le transformant par échantillonnage en "données discrètes et symboliques" (p. 159) ; deuxièmement, l'utilisation de ces outils amène l'idée que l'image peut être créée de rien. Pour contourner le premier frein, Poremba se réfère à Godoy et au principe de photosensibilité : pour lui, la pellicule fonctionne sur un principe similaire aux capteurs photoélectriques, impliquant dans tous les cas que la lumière est réduite à des niveaux distincts, que ce soit par l'intermédiaire de réactions chimiques ou de signaux électriques. Si indice il y a pour l'image photographique, il vaut pour les deux technologies de captation et s'étend aussi au principe de numérisation en général. Dans ce cas, la limite la plus flagrante de l'image tient davantage aux caractéristiques de la "photo" : trop peu modulable, extensible ou fractionnable, elle contredit la nature interactive du médium et fait qualifier son utilisation de "stratégie rudimentaire" par Bogost et Poremba (2008, p. 3) ; plus encore selon eux, les contraintes qu'imposent cette dimension référentielle implique une grammaire qui pourrait masquer de nouvelles formes indicielles en germe (idem).

L'enjeu concerne alors davantage le second frein et la nécessité d'identifier le caractère indiciel des images de synthèse. Si l'on admet la capacité de ces images à être suffisamment réalistes, la question reste entière concernant leur capacité référentielle. Lioult (2004, p. 151) renseigne en partie ce point en remarquant qu'elles ne sont pas toujours affranchies d'une relation "matérielle" au réel et d'une empreinte de celui-ci. Il évoque notamment les mouvements d'un acteur de chair et d'os transférés par anthropomorphisme selon le procédé de motion capture (récupération des mouvements articulés d'un squelette) et cite pour exemple certaines scènes de "L'Odyssée de l'Espèce".

Poremba développe cette même idée pour le documentaire interactif en s'appuyant à la fois sur la motion capture et la rotoscopie (récupération des formes et mouvements d'une silhouette). Nous étendrons pour notre part cet outillage technologique préservant un lien

"naturel" à d'autres techniques de captation et d'enregistrement : échantillonnage de couleurs ou des textures par prise de photogrammes pour réaliser certains décors virtuels ou matte painting, récupération de mouvement de caméra dans l'espace, récupération de l'orientation solaire en fonction de l'heure, récupération de cartes satellites ou topographiques, etc. Toutefois, les fortes manipulations qui s'en suivent pour retravailler ou intégrer ces éléments ne font-elles pas perdre leur caractère indiciel ? La question se pose pour le cinéma et la postproduction. Que dire alors d'une manipulation qui recombinera ces éléments temps réel pour le serious game ?

La question de l'interactivité fait alors écho à d'autres sources indicielles. Poremba envisage notamment que les règles organisées par l'auteur sous forme d'algorithme puissent être entendues comme le réel en soi. Cette proposition s'appuie sur Soderman (2007) pour qui l'algorithme peut être davantage qu'un des maillons de la chaine causale : s'il peut être cantonné à échantillonner et traiter l'image numérique d'un objet référent placé volontairement devant une caméra (matériau "profilmique"), il peut aussi être considéré comme un référent en soi. Le caractère indiciel bascule alors de "perceptuel" vers "conceptuel". Il n'est plus dicté par les lois de l'optique ou de la physique, mais par l'"exécution computationnelle" d'un modèle "comportemental" : "Plutôt qu'un matériau profilmique comme objet du signe indiciel, nous devons penser au programme d'ordinateur en tant qu'objet dynamique auquel se réfère l'image numérique" (p. 161). Le caractère indiciel est donc autrement produit, étendant du même coup sa définition. Enfin, dernière source indicielle recensée : l'utilisateur lui-même. Si jouer peut consister à interagir avec un référent par l'intermédiaire des traces qui en découlent, Poremba renverse la chaine physique ou causale de l'indice pour qu'elle ne prenne non plus sa source en amont du dispositif, auprès d'un auteur, mais auprès de l'utilisateur lui-même. À la manière de la motion capture décrite plus haut, ses actions peuvent ainsi être récupérées et utilisées en temps réel, par exemple pour animer une représentation visuelle.

b. Décalage phénoménologique

La seconde manière pour Poremba d'envisager le caractère indiciel revient à le produire par transfert, ce qu'elle appelle décalage phénoménologique. Dans ce cas, il s'agit de juxtaposer un matériau dénué d'indice à un matériau qui en est chargé. Nous retrouvons dans les matériaux sources proposés ceux issus des technologies décrites précédemment, à la croisée du jeu vidéo et du cinéma (motion capture, rotoscopie, etc.). Ce décalage

concerne l'adjonction de médias enregistrés ou d'une voix off, ou encore la fabrication d'animations hybrides en partie créées manuellement et pour l'autre prélevées sur des acteurs ou l'utilisateur. Poremba illustre tout d'abord sa proposition avec le jeu Brothers in Arms, évoquant la juxtaposition d'une documentation extensive d'archives, de sources originales et de making-of qui profite – d'un point de vue indiciel – à un gameplay à la troisième personne. La possibilité d'un tel transfert est également discutée par Fullerton (2005) pour qui les images de synthèse permettent de "reconstituer" des situations historiques extrêmement documentées par le biais d'archive, de souvenirs et témoignages de vétérans, de modélisation et texturisation d'objets ayant existé, de terrain et situations reconstruite, etc. Cette proposition fait retour sur la dimension "intermédiale" vue précédemment (cf. 1.3.2.4), qui articule les réalismes filmiques et le réalisme proprement interactif, autrement dit qui articule la prééminence d'une esthétique sur l'autre. Poremba détaille enfin une autre modalité liée à la rotoscopie, celle-ci pouvant être produite à la conception ou lors de l'interaction. Dans ce dernier cas, la source indicielle est l'utilisateur lui-même (cf. 1.3.3.2.a) et ses mouvements constituent de facto une action documentée, dont il est le premier témoin. Leur caractère indiciel pourra alors être transféré sur les images qu'il anime par ce biais, donnant lieu à une auto documentation. Ainsi, on peut qualifier les stratégies de transfert d'intratextuelles (juxtaposition de média ou adjonction d'une voix-off) ou d'intertextuelles (apport d'éléments extérieurs à l'artefact).

Il est alors intéressant de rapprocher ce qui a été discuté plus haut pour le cinéma (cf. 1.3.3.1) concernant l'utilisation d'archives, de témoignages (intra) et du making-of

(inter). Ces éléments assument en effet bien souvent la passerelle vers le réel via un phénomène qui s'apparente au décalage phénoménologique. Notamment, dans le cas où le film principal ne permet pas de remonter à une référence directe, ne peut pas attester seul de l'existence de l'objet montré, l'image du making-of dévoile les coulisses et ses actants. Il permet alors d'une part d'enregistrer à nouveau des traces du réel – en suivant le réalisateur par exemple –, et d'autre part de transférer le jugement d'existence : alors qu'il se porte normalement sur le représenté du film principal, le jugement se déporte sur l'existence "réelle" des actes de sa création. À ce titre, le making-of du serious game Ultimate Sales

Manager (2011) 37 réalisé par Dæsign assume ce transfert aussi bien au niveau intertextuel qu'intratextuel : en montrant alternativement, le jeu en construction et le cheminement de la réflexion jusque dans la mise en œuvre concrète des outils informatiques, les différents corps de métier engagés, l'immersion anthropologique du concepteur sur le terrain, l'écriture des dialogues, ou encore une documentation abondante et l'enregistrement de voix, il juxtapose autant d'éléments qui corroborent l'existence d'une volonté de transmettre des situations bien "réelles". Dans ce cas, le décalage phénoménologique est donc doublement servi : par la fonction du making-of en tant que support de communication connexe au jeu (inter) et par son arrangement syntagmatique en tant que suite d'image (intra).

Ce que nous enseigne encore le cinéma, c'est qu'au-delà de la nature de ce qui est montré, c'est la manière de le montrer et l'usage que l'on en fait qui autorise le caractère documentaire (Niney, 2009). Niney en donne un exemple que nous rattachons également au décalage phénoménologique : pour lui, une fiction change de facto de statut dès lors qu'elle est commentée dans les bonus d'un DVD, car s'y superpose la source indicielle d'une voix détachée du monde fictionnel. Cette adjonction particulière recoupe alors la démarche assumée traditionnellement par le documentaire, qui consiste à faire "comprendre les circonstances du tournage et comment le film s'adresse au spectateur" (p. 19). Pour finir, nous noterons que le transfert du jugement d'existence est très présent dans la pratique du documentaire contemporain (Lioult, 2004, p. 152), cette fois au sein d'un même texte filmique. Allan Sekula, historien, critique et praticien de la photographie disait : "J'ai rapidement été convaincu que la documentation de l'action était plus importante que l'action elle-même" (Saussier et Chérel, 2006). Ce qui compte dans ce cas est l'existence d'un film en train de se faire, s'affichant en tant que tel à son spectateur : "Le critère déterminant devient alors la mise en actes plus que la mise en scène, l'effectuation de gestes de tournage ou liés au tournage, dans l'espace de la représentation, par l'instance auteur" (Lioult, 2004, p. 112). Nous retrouvons également dans cette description la vision du film ethnographique selon Rouch, où la seule "vérité" possible du film réside dans ce qu'il donne à voir de sa propre mise en scène (Guynn, 2001, p. 45).

37 Serious game à destination de Renault Academy. Making-of intitulé "une traversée des coulisses", vidéo en ligne http://bit.ly/MakingofRenault [consultée le 23 octobre 2012]

c. Ancrage performatif

Le troisième et dernier niveau sur lequel Poremba aborde l'ancrage du docu-game

dans le réel s'écarte par nature des deux premiers pour rejoindre "l'action située" déjà abordée ci-dessus à travers le réalisme (cf. 1.3.2.4). Nous y reviendrons rapidement en rapport à ses racines cinématographiques. Pour le jeu vidéo selon Poremba, il s'agit en somme de reconstituer le cadre d'une expérience passée pour la revivre. L'utilisateur est invité à l'éprouver par le corps et le mouvement. Dans ce cas selon Bogost et Poremba (2008), on s'éloigne d'une "simple tentative de créer un jeu réaliste (au sens de vraisemblance)" (p. 7) – tentative que classent les auteurs au pied de l'échelle de la "qualité documentaire" de Grierson – pour une authentique expérience vécue. Il ne s'agit plus d'une "réinstanciation", soit l'actualisation de matériaux chargés au niveau indiciel, qu'ils soient présumés profilmiques (issu de la mise en image) ou "pro-gamic" (issu de la mise en code du jeu), mais d'une soudaine prise de conscience de la portée documentaire de l'expérience même ("vivication"). Ce faisant, Poremba modère l'importance de l'indicialité des matériaux ou du code au profit de leur capacité à faire évoluer la compréhension du réel au cœur d'une expérience : ce qui compte est de ressentir. En résumé, l'ancrage dans le monde n'est plus dépendant du support interactif ("poids indiciel"), mais directement lié à l'expérience qui en découle et qui s'y substitue ("poids expressif"). Si "vérité" il y a, c'est celle de l'instant. Ces descriptions nous engagent à distinguer le caractère performatif du documentaire interactif vis-à-vis de son aïeul. Pour le professeur Stella Bruzzi, le documentaire moderne (Chronique d'un été de Rouch et Morin, ou encore Roger and Me, The Big One, Bowling for Columbine de Michael Moore) est par lui-même "nécessairement performatif parce qu'il prend son sens dans l'interaction entre performance et réalité" (Lioult, 2004, p. 112). On notera alors comme différence que la performativité des films est entendue comme le fait de montrer "l'effectuation des actes signifiants qui les constituent" (Lioult, 2006, p. 72), alors que l'on considèrera pour le jeu vidéo qu'elle réside dans l'effectuation d'actes qui constituent la réalité d'une expérience. L'acte performatif migre ainsi de la production de l'artefact vers son actualisation. La réalité n'est plus donnée déjà constituée, elle est désormais à expérimenter dans un processus de reconstruction.

d. Une attente reconduite

De ce qui précède, nous retiendrons tout d'abord un premier point afférent au

décalage phénoménologique : qu'il s'agisse de stratégies intratextuelles ou intertextuelles, le décalage produit s'apparente à ce qui est connu pour le cinéma sous l'idée d'un déplacement du jugement d'existence, qu'il soit consenti à l'échelle culturelle ou individuelle, du film dans son entier ou d'une de ses parties. Si la notion a pu évoluer culturellement, elle n'a pas fait disparaitre pour autant la nécessité d'incorporer des traces à un niveau ou un autre : si "transfert" il y a via le film ou via le support interactif, il ne peut avoir lieu par définition que si l'on admet qu'un minimum d'indices est présent. Les éléments du point 1.3.3.2.a seraient donc requis de facto. Concernant maintenant ce que nous avons renommé ancrage performatif, nous avons noté la continuité avec le mode performatif décrit pour le cinéma, celui-ci incluant implicitement par nature la présence d'indices – quand bien même restreinte. Cet héritage du cinéma peut s'entendre autrement dans la remarque de Bogost et Poremba (2008) qui réhabilite les éléments enregistrés ou les objets historiques reproduits : "Bien que l'inclusion de tels médias artefacts ne doit pas être l'unique critère pour qualifier un jeu de documentaire, il est raisonnable de dire que la présence de ce matériau sert certainement à soutenir la qualité documentaire de ces jeux" (p. 12). Cette conclusion rejoint aussi celle de Poremba (2011) qui, si elle distingue pour l'analyse les trois niveaux d'ancrage, insiste sur "la relation entre indice et expression" (p. 155). En d'autres termes, l'artefact jeu vidéo reconduit l'attente de son utilisateur en préservant une certaine dimension référentielle (cf. 1.3.3.1).

1.3.3.3. De l'indicialité au contexte

En prenant comme support les propositions théoriques de Poremba, nous avons pu mettre en évidence la filiation culturelle du cinéma. Contrairement à Bogost et Poremba (2008), nous ne pensons pas qu'un changement radical de paradigme soit nécessaire ni même souhaitable pour entériner le caractère documentaire de ces nouveaux supports, car bon nombre des théories du documentaire traditionnel est nécessaire pour appréhender et décrire le phénomène actuel. Plutôt qu'une rupture, nous proposons à la manière du

réalisme hybride (cf. 1.3.2.4) de considérer la dimension indicielle à la croisée des trois ancrages référentiels identifiés. Pour illustrer cette hybridation, nous reprendrons l'exemple de la rotoscopie : en tant que détourage d'une silhouette humaine, elle peut être considérée comme une source indicielle ; en tant que source indicielle appliquée à une forme à l'écran,

elle est aussi l'occasion d'un décalage phénoménologique transférant le caractère indiciel sur cette forme ; considérant que les capteurs type Kinect 38 permettent non seulement la motion capture, mais aussi la rotoscopie, elle peut être pilotée par la performance de l'utilisateur qui devient l'origine de la chaine causale et du caractère indiciel. La coexistence de ces ancrages est donc à considérer.

Si cette proposition est en ligne avec les théories du cinéma, il ne faut cependant pas