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Chapitre 5 Apprivoiser la culture religieuse brésilienne Ce chapitre porte sur l’adoption de la tradition religieuse du Santo Daime par les

5.2 Trajectoire religieuse et bricolage

5.2.3 Négocier les frontières du religieu

individuel était légitimé de manière collective en particulier par le discours entourant l’expérience des daimistes expérimentés. Maintenant, il est question des bricolages auxquels ont recours les membres pour intégrer complètement la religion brésilienne à leur quotidien.

5.2.3 Négocier les frontières du religieux

Si le Santo Daime est une religion ancrée fermement dans la culture et l’Histoire du Brésil, il convient de dire que ces deux éléments ont sans aucun doute teinté le culte (Goulart 2004 : 12). Néanmoins, les daimistes québécois ont su s’approprier la religion grâce à la porosité des frontières du Santo Daime, une idée, par ailleurs, discutée par Assis et Labate (2014 : 16). La négociation des frontières s’opère ainsi sous une forme de réconciliation comme c’est le cas pour Léo par exemple. Léo, évoqué au début du chapitre, vivait une dualité entre sa pratique bouddhiste adoptée il y plus de trente ans et sa pratique daimiste. Bien que les enseignements du Santo Daime s’alignaient à quelques égards avec ceux du bouddhisme, celui-ci sentait une gêne au fait de participer aux rituels. Très récemment, Léo reçut un message de l’astral pendant un travail. À l’instar de la réception d’hymnes et bien que cela ne soit pas commun, ce message était si puissant, selon ses dires, qu’il dut l’écrire en quittant la cérémonie. Ce message expliquant que « peu importe le véhicule que l’on prend, l’important est que la destination soit la même », nous dira-t-il résumant le divin message. Ceci représentait alors pour lui une réconciliation entre ses deux pratiques et une paix qu’il recherchait depuis de nombreuses années. Mentionnons également le cas de Ron, mathématicien de formation, athée et cartésien, selon ses propos, mais qui après une expérience mystique profonde se réconcilie avec la spiritualité. Ron est aujourd’hui médium et incorpore des esprits

presque tous les jours au moment de sa prière du matin. Catherine constitue de la même façon un exemple parfait puisqu’elle refusait de croire en la Vierge, qui lui est finalement apparue et l’a réconciliée avec les Saints de la Bible. Les frontières du religieux sont également négociées en matière de fluidité de la circulation d’éléments religieux de diverses traditions. En ce sens, comme nous le disions au chapitre 2, ce phénomène est observable à travers de ce que Meintel et Leblanc définissent comme l’« individualisation des référents religieux » (2003 : 5). En effet, ce processus individuel permettra notamment à Élodie ainsi qu’à Jane d’employer des techniques yogiques de respiration pendant les moments difficiles du rituel. D’autres membres pratiquant le Reiki trouvent des similitudes avec les rituels daimistes dont l’un des objectifs fondamentaux est de retrouver une harmonie énergétique. Par ailleurs, le discours général est teinté d’éléments symboliques originaires du sous-continent indien et en particulier avec la notion de chakra que les daimistes québécois utilisent pour expliquer les flux d’énergies ou encore en quoi les hymnes influent sur certaines parties du corps. En outre, aucun des membres pratiquant une religion antérieurement à leur arrivée à l’église daimiste québécoise n’a évoqué avoir délaissé sa première pratique, au contraire. Léo se dit toujours bouddhiste, Jane quant à elle participe toujours aux rassemblements Quaker et d’autres prennent toujours part à des cérémonies autochtones ou néochamaniques notamment.

Néanmoins et malgré un contexte permissif (Meintel 2003 : 36), l’église daimiste québécoise s’attache à une authenticité qu’elle mesure en comparaison à la pratique d’une église brésilienne de Rio de Janeiro, évoquée au chapitre 2 et à laquelle celle-ci est affiliée. Aussi, la mobilité des membres vers le Brésil et leur participation à des rituels à l’église affiliée ou à d’autres leur permettent de calquer leur pratique sur ce qu’eux-

mêmes considèrent comme authentique. Et en effet, à la lumière des propos de Beyer (1998 : 69) pour les religions transnationales, l’authenticité se trouve « à la maison », au Brésil dans notre cas. Malgré cela, quelques pratiques ont été volontairement abandonnées et nous allons voir pourquoi.

5.2.4 Justifier les éléments « inintégrables »

L’adaptabilité du Santo Daime est presque idyllique si l’on en croit la permissivité du culte que nous venons d’aborder. Il semblerait alors malgré tout que cette religion n’ait pas été si distante que nous le croyions. En vérité, cela s’explique par le simple fait que la mobilité du culte a transité par de grands centres urbains brésiliens avant de se répandre au reste du monde. En cela, plusieurs adaptations ont été nécessaires notamment sur la fréquence des rituels qui a grandement diminué en raison d’éléments de la modernité urbaine : en particulier l’emploi à temps plein des membres par exemple ou encore son ouverture à d’autres religions comme l’Umbanda (Assis et Labate 2014 : 22). Si des changements s’opéraient déjà au sein même du pays, sa transplantation, bien que facilitée par ses adaptations au Brésil urbain, implique nécessairement une adaptation à son environnement. Aussi, le Québec d’aujourd’hui, qui est bien moins patriarcal que le Brésil, si ce n’est plus du tout, ne peut tolérer un déséquilibre basé sur le genre. L’église daimiste québécoise ne pouvait se résoudre à ce que le leadeur soit obligatoirement un homme. Madrinha J. a toujours expliqué aux membres de l’église qu’il est légitime de s’adapter à son temps et à sa culture. Elle avoue s’être renseignée auprès de plusieurs leadeurs brésiliens qui l’ont soutenue dans sa démarche. D’autre part, Mãe Baixinha dirigeait une église depuis quelques années et bien que des critiques d’autres églises aient